• Aucun résultat trouvé

2.CADRE THEORIQUE

PARTICIPATION Source : De la motivation à la formation (2005)

5. PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

5.1. SITUATION DU PUBLIC

5.1.2. Analyse qualitative

5.1.2.1 Démarches individuelles et désillusions

Nous avons interrogé notre échantillon d’enquête sur ce que faisait selon lui, obstacle à leur embauche.

D’après Alix, toutes les démarches qu’il a effectuées jusqu’ici pour retrouver un emploi se sont soldées par des refus. « Trouver un emploi quand on est handicapé c’est mission impossible ». Pour lui, les réactions de blocage se voient dès qu’on prononce le mot handicap. Le sentiment de rejet qu’il éprouve le désarme complètement, il se sent inutile. « Je suis complètement découragé, je ne cherche même plus de travail». Il en est de même pour Tristan dont les échecs en matière de recherche d’emploi ont renforcé son pessimisme, «dans mon état et à mon âge je ne retrouverais probablement plus un emploi. Je connais d’avance la réponse à quoi bon insister. Je ne fais plus de projet, je vis au jour le jour.». Dans ses réponses Lucien déclare, « on vous laisse entendre que les travailleurs handicapés sont moins compétents, et moins productifs. L’emploi d’un senior handicapé porterait préjudice au rendement de l’entreprise. Il y a de quoi être démotivé ».

Ces réponses laissent clairement apparaître que les personnes interviewées ont une représentation négative d’elles mêmes qui se traduit par une situation de blocage. Elles évoquent leur faiblesse, leur manque de compétitivité, un doute sur leur compétence mais aussi leur manque de motivation. Ce contexte dénote un certain défaitisme et une perte d’estime de soi qui compromettent grandement leur possibilité d’insertion. Il s’agit là d’un des nombreux obstacles à l’insertion de ce public.

Pour Katy, ce qui bloque, selon elle, son intégration dans l’entreprise c’est, « la peur de voir une personne fragile, malade, s’absentant régulièrement à qui on doit aménager le poste de travail et avec qui on doit être aux petits soins ». C’est selon elle, des images négatives qui sont véhiculées dans les entreprises et qui portent préjudice à l’emploi des personnes porteuses de handicap. « C’est pas très réjouissant, ça casse le moral ». Robert est beaucoup plus radical dans ses propos « les entreprises refusent de donner une chance aux seniors atteints d’un handicap. On est des débris ». Ignace insiste sur le fait que « on a une longue expérience et un savoir faire indiscutable. Malgré ça on ne veut pas de nous. Je ne cherche plus, je bricole au noir ». Pour Olive « toutes les portes se ferment en raison de l’âge et du handicap. C’est vraiment décourageant. On finit par croire qu’on est vraiment devenu des épaves ».

Ces témoignages mettent en lumière la notion de « peur du handicap», de « fragilité » de « maladie », mais aussi l’inconvénient de l’âge. Ces préjugés injustifiés, selon les intéressés, se traduisent par un manque de considération de la part des chefs d’entreprises. Ils auraient pour impact une démobilisation, une dévalorisation de soi, une tendance au découragement et à l’abandon de toute recherche d’emploi. Cette tendance semble se confirmer dans le discours d’Ulrich qui déclare, «voilà plus de 3 ans que je ne travaille pas. Je ne sais plus comment m’y prendre. On me dit vous avez de l’expérience, mais on ne vous prend pas car vous n’avez pas de diplôme et vous êtes trop vieux en plus du handicap. Vous ne serez pas assez rentable pour l’entreprise. Je ne cherche plus rien depuis ». Céline rejoint Noël dans ses affirmations et nous indique que, «j’ai contacté plusieurs entreprises, et obtenu des réponses diverses, mais à chaque fois c’était un refus. Je n’ai plus envie de m’engager dans des recherches stériles ». Bernard, quant à lui, nous fait part de son dissentiment, « la mauvaise image qu’ont les entreprises à l’égard des seniors handicapés est impensable de nos jours. Cela dénote leurs préjugés et leur désintérêt total pour la population de travailleurs handicapés ». Pour Jean, « c’est triste d’être dans une telle situation en raison de l’âge et d’un problème de santé, face à des gens mal informés en complète méconnaissance du handicap ». Françoise nous apprend

qu’on lui aurait répondu, « qu’une personne handicapée qui plus est senior ne correspondait pas au profil et à l’image de l’entreprise. Elle ralentirait la production. Cela serait une charge et non pas un avantage pour l’entreprise ». Elle se demande comment se motiver face à de tels discours qui, visiblement selon elle, ne sont pas réellement fondés.

Nous ne pouvons que nous rendre à l’évidence devant de tels propos de la complexité des situations. Il est à noter que certains individus font abstraction de leur propre défaillance en incriminant les employeurs. Nous devons néanmoins souligner que, compte tenu du contexte économique particulier de La Réunion, un senior en situation de handicap sera défavorisé face à un candidat valide, motivé et plus jeune. « L’âge est devenu un facteur d’exclusion très puissant et paradoxal à une époque où l’on a repoussé ses effets comme jamais dans l’Histoire de l’humanité. Cela est apparent dès la quarantaine et s’affirme à 50 ans car il est difficile dès cet âge de trouver un emploi et d’entrer en formation. La ségrégation par l’âge constitue un obstacle. Les personnes en situation de handicap sont victimes de discrimination ou même de sélection », comme le souligne HAMONET (2007, p.51).

Nous constatons à travers leurs propos que ces personnes sont vraiment dans un état profond de découragement dans leur quête d’insertion. Le manque de clarté des discours laisse imaginer des projets qui ne sont pas réellement identifiés. Le but recherché n’est pas clairement indiqué et aucun ne semble être porteur d’un projet bien défini. Si on en croit leurs discours, leur motivation est pour le moins bien émoussée ou a complètement disparue. Nous faisons ici le lien avec le phénomène d’amotivation. Il s’agirait du niveau zéro de la motivation c’est à dire que l’individu ne perçoit plus l’utilité d’agir et qu’il se résigne, (DECI et RYAN in FENOUILLET, 2003). Les personnes concernées semblent cependant être bien conscientes que le fait de renouer avec le monde du travail après plusieurs années d’inactivité pour la quasi totalité d’entre elles, représente un enjeu véritablement important mais que les conditions d’accès à un emploi ne sont, dans l’état actuel, pas réunies.

En effet nous percevons dans les discours qu’ils vivent mal l’impact des échecs répétés. Le fait de se heurter régulièrement à des refus entraîne un certain désarroi qui les amène à interpréter ces refus par des mots tels que « blocage au mot handicap », « peur d’une personne fragile, malade » «moins compétent », «faible production », « débris », « âge », « épave », « pas qualifié », « pas rentable », « désintérêt ». Ces termes renvoient aux images et aux préjugés qu’ont les entreprises à leur égard. Ces représentations plutôt négatives se traduisent par une sorte de culpabilité qui pousse l’individu concerné à l’isolement et à la

marginalisation. Cette représentation qui semble affecter si profondément les personnes concernées est ainsi reconnue par JODELET qui soutient que, « Cette vision morale fait de la maladie un stigmate social qui peut entraîner ostracisme et rejet. Et de la part de ceux qui sont ainsi stigmatisés ou exclus, soumission ou révolte », (2007, p. 49). Ces préjugés, avérés ou pas, contribuent à la dévalorisation de soi, à la perte de repères, à l’isolement.

Pour ces personnes, il est inutile de s’acharner, mieux vaut faire juste ce qu’on doit et ne pas s’y épuiser, avec la nostalgie d’un avant où tout était encore envisageable. Les conditions ne sont plus réunies; malgré le courage et l’envie, les gestes se paralysent et le projet échoue. Pour eux, le sentiment de défaite est maintenant programmé. Dans une situation qui bloque toute initiative, il est impossible de se confronter à soi-même et d’aller au-delà de ce que l’on croyait être en mesure de réaliser.