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Chapitre 8. Défauts dans les cristaux

8.1. Défauts ponctuels

On désigne par défaut ponctuel une perturbation de la périodicité cristalline dont le volume est de l’ordre de grandeur du volume atomique. Les principaux défauts ponctuels sont décrits dans la figure 8.1 :

– Les lacunes correspondent à l’absence d’un atome dans un site normalement occupé.

– Les interstitiels sont des atomes en excès occupant un site du cristal normalement vide. Ce peut être un atome étranger (le carbone en insertion dans le fer se place au centre des arêtes ou au centre des faces de la maille cubique centrée du fer, voir chapitre 5) ou un atome du cristal de base (on parle alors d’auto-interstitiel).

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Figure 8.1. Différents types de défauts ponctuels, d’après [B´ 84]

– les atomes en substitution remplacent certains sites atomiques du cristal de départ. Ce sont donc nécessairement des atomes étrangers. Des atomes étrangers en substitution sont par exemple utilisées pour doper un cristal semi-conducteur ( voir le chapitre 13).

L’introduction d’un défaut ponctuel dans un cristal supposé parfait augmente son énergie d’une quantité∆Eappelée énergie de formation du défaut. Mais il augmente aussi l’entropie de configu-ration puisque l’objet peut être placé en différents lieux, et parfois de différentes manières.

Dans le cas le plus simple et le plus courant où cet objet (atome étranger ou lacune) occupe un site atomique (en substitution) et possède la symétrie de l’atome qu’il remplace, cette variation d’entropie calculée pournobjets identiques disposés surNsites atomiques vaut en notantc=n/N:

∆S=−N kB[clnc+ (1−c) ln (1−c)]

La variation d’énergie libre du cristal∆F = ∆E −T∆Ss’écrira donc de la façon suivante :

∆F =N c∆E+N kBT[clnc+ (1−c) ln (1−c)]

Cette variation d’énergie libre sera minimum lorsque la concentration atomique en défauts sera telle que :

c

1−c =e−∆E/kBT

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Lorsque cette concentration en défauts est faible devant1, alors cette expression permet d’estimer la concentration en défauts lorsque leur énergie de formation∆Eest faible devantkBT:

c=e−∆E/kBT (8.1)

Cette relation montre que, à l’équilibre thermodynamique, il existe à toute température une concentration en défauts dans le cristal. De plus, on voit que cette concentration est très fortement influencée par l’énergie de formation∆E du défaut. Les lacunes sont les défauts les plus courants dans les cristaux, car leur énergie de formation est relativement faible.

Figure 8.2. concentration d’équilibre de lacunes dans l’aluminium en fonction de la température, d’après [B´ 84]

Par exemple, pour une énergie de formation de lacune∆E = 1eV, on obtientc ≈ 10−17 à température ambiante, et c ≈ 10−4 à1300K. La concentration en lacunes ne dépasse que très rarement10−4au point de fusion de solides purs. La figure 8.2 donne l’évolution de la concentration atomique de lacunes dans l’aluminium pur, en fonction de la température.

Il est intéressant d’analyser le cas des lacunes dans les cristaux ioniques. Comme le montre la figure 8.3, on peut distinguer les lacunes cationiques des lacunes anioniques. Une lacune cationique est obtenue en extrayant un cation du volume et en le plaçant en surface. Une lacune anionique est obtenue en extrayant un anion du volume pour le placer en surface. Ces deux types de lacunes sont dans le volume en nombre quasiment égaux, ce qui permet de garder la neutralité électrique du cristal. L’ensemble d’une lacune cationique et d’une lacune anionique est appelé paire de Schottky.

Autour de chaque type de lacune dans un cristal ionique, les ions sont légèrement déplacés du fait de la modification des attractions coulombiennes en jeu. Il en résulte que, si a est le paramètre de maille du réseau du cristal, alors la lacune peut être schématisée par une boîte de côtéαaavec

Figure 8.3. Lacunes cationiques et anioniques dans un cristal ionique

α ≈ 1,13. Dans cette boîte, les lacunes anioniques peuvent piéger un électron qui les neutralise électriquement. Cette absorption sélective, si elle a lieu dans le visible, donne une couleur au cristal normalement transparent, d’où le nom de centre F (Farbezentrum en allemand) donné à l’ensemble lacune anionique + électron.

Le centre F peut donc être schématisé comme une cage cubique d’arêteαaoù se trouve localisé l’électron. Si le potentiel est pris nul dans la boîte et infini ailleurs, les valeurs propres de l’énergie de l’électron sont (voir chapitre 2) :

E = ¯h2 2m

π2

α2a2(n2x+n2y+n2z)avecnx, ny, nzentiers non nuls

Il en résulte que la transition d’état d’un électron (changement d’un des entiersnx, ny, nz) pro-duit un saut d’énergie ena−2. Cette loi est connue sous le nom de loi de Mollwo-Ivey. Elle est confirmée par la figure 8.4, qui illustre l’absorption lumineuse par les halogénures alcalins. Un cris-tal regardé en lumière blanche et contenant des centres F absorbe une certaine longueur d’onde, et donc une certaine couleur du spectre. Il a alors la couleur complémentaire de la couleur absorbée.

Par exemple,N aClabsorbeλ= 0,47µm(soit la couleur violette). Le cristal coloré est donc jaune.

D’une façon plus générale, les écarts à la stoechiométrie ou la présence d’impuretés tendent à colorer les cristaux ioniques, et en particulier les minéraux.

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Figure 8.4. Absorption lumineuse par les halogénures alcalins, d’après [QUÉ 88]

Figure 8.5. Principaux mécanismes de diffusion, d’après [B´ 84]

8.1.2. Diffusion

Nous nous intéressons ici aux mécanismes de diffusion atomique, dont les principaux sont repré-sentés dans la figure 8.5. Les deux premiers ne font pas appel aux défauts ponctuels dans les cristaux,

et apparaissent par conséquent peu probables car énergétiquement peu favorables. Les deux derniers mettent en jeu les défauts ponctuels décrits dans la figure 8.1, et sont les plus fréquemment observés : – L’échange direct semble le mécanisme le plus simple. C’est celui qui avait été imaginé en premier. En fait, il est très improbable à cause de la forte répulsion à courte distance entre les atomes.

– L’échange cyclique est un mécanisme où les forces de répulsion jouent un rôle actif. Chaque atome pousse son voisin et, pour faire sauter un atome donné, il faut faire appel au saut coordonné de plusieurs atomes. Ce mécanisme est énergétiquement possible, mais il ne rend pas compte du transport global de matière dans une direction.

– Le mécanisme lacunaire est le plus simple. Si un site du réseau n’est pas occupé (lacune), un des atomes proches voisins peut venir en ce site en créant une nouvelle lacune au site qu’il vient de quitter. Il y a donc conservation du nombre de lacunes. Ce mécanisme est le plus courant pour l’auto-diffusion (diffusion d’un atome dans son réseau) et pour l’hétéro-diffusion (diffusion d’un atome étranger dans un réseau) lorsque les atomes étrangers sont en substitution.

– Le mécanisme interstitiel est le mécanisme de diffusion des atomes étrangers dans un réseau, lorsqu’ils sont eux-mêmes en solution solide d’insertion. C’est par exemple le cas de la diffusion du carbone et de l’azote dans le fer. Les atomes vont de site interstitiel en site interstitiel proche voisin.

Ce mécanisme est peu probable en auto-diffusion car il faudrait créer des auto-interstitiels.

8.2. Dislocations