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CHAPITRE 4 : ESSAI DE THÉORISATION

I. Critiques de la théorie de la marque

I.1 Des critères définitoires trop vagues

La critique la plus fréquente faite à la théorie de la marque (voir, par exemple, Gurevich 2001 ; Hume 2004 ; Haspelmath 2006) concerne la diversité des sens que peuvent prendre les termes « non marqué » et « marqué » d’un linguiste à un autre. Haspelmath (2006) recense douze critères différents qui ont été utilisés en linguistique au cours du XXe siècle pour définir une unité ou structure « marquée ».

Il souligne que ces critères, bien qu’ils partagent des points communs dus à leur origine historique commune (les travaux de Troubetzkoy et Jakobson), ne cessent, encore aujourd’hui, d’être nuancés. Cela est dû à la multiplication des applications de la théorie de la marque à plusieurs composantes de la linguistique et à plusieurs domaines d’étude. Le problème réside alors, selon Haspelmath, dans le fait que les linguistes qui utilisent les termes « marqué » et « non marqué » ne sélectionnent et n’utilisent bien souvent qu’un seul de ces critères à la fois : « Il y a très peu de travaux qui essaient de travailler avec un concept de la théorie de la marque qui inclut tous ou au moins une grande partie des divers sens de ‘la marque’ » (Haspelmath 2006 : 27 ; ma traduction204). Ces douze critères qui, selon lui, illustrent le fait que le terme « marque » soit polysémique, peuvent être regroupés en quatre catégories : le terme « marqué » peut correspondre soit à une complexité, soit à une difficulté, soit à une anomalie, ou soit à une corrélation multidimensionnelle.

Les douze critères différents qui, selon Haspelmath, permettent d’identifier une unité ou une structure marquée sont résumés dans le Tableau 8 qui répertorie aussi les éléments linguistiques concernés par chacun de ces critères, les principaux linguistes qui ont défendu ces critères, et des exemples de leurs applications. Dans la seconde partie de son article, Haspelmath conclut donc que la théorie de la marque est superflue dans la mesure où ses concepts centraux sont trop vagues et peuvent tous

204 There are very few works that try to work with a concept of markedness that subsumes all or at least a large part of the diverse senses of ‘markedness.’

être remplacés par des termes (et/ou analyses) plus précis et révélateurs (voir la dernière colonne du tableau).

La première catégorie de critères permettant de déterminer quelles unités et quelles structures linguistiques sont marquées concerne la complexité. Cette notion de complexité a d’abord été postulée dans des analyses phonémiques dans lesquelles elle est associée à (et plus précisément, engendrée par) une caractéristique additionnelle que présente un phonème par rapport au phonème auquel il s’oppose (critère 1). Selon Haspelmath, une analyse phonétique détaillée et une description distributionnelle pourraient rendre compte des différences, en termes de complexité, qui existent, par exemple, entre les phonèmes /t/ et /d/ en allemand. Cependant, de simples analyses intersystémiques de ce genre ne pourraient rendre compte de la nature complexe inhérente du phonème /d/ qui est en fait due au voisement et qui peut expliquer pourquoi, dans certaines langues comme l’allemand, ce phonème est généralement défavorisé en faveur de /t/ (autrement dit, sa contrepartie non voisée).

Cette notion a ensuite été appliquée au lexique et à la grammaire (critère 2) et décrit le fait qu’un élément non marqué connaît une plus grande distribution qu’un élément marqué (qui est quant à lui, plus spécifique). Par exemple, dans l’opposition masculin ∼ féminin, le genre masculin est utilisé pour la catégorie en général, mais aussi pour le sexe masculin alors que le genre féminin n’est utilisé que pour le sexe féminin. Pour cette définition, Haspelmath estime que le recours à la théorie de la marque n’est pas nécessaire et propose d’utiliser des concepts comme

« hyponymie » ou « polysémie » pour décrire les processus de ce type.

En ce qui concerne le critère 2 présenté par Haspelmath et les conclusions qu’il en tire, nous pensons tout d’abord que le concept de polysémie n’est pas approprié parce qu’il ne met pas en avant les différents niveaux auxquels se situent les éléments de l’opposition. L’un des éléments, le masculin, peut prendre deux significations qui ne se situent pas aux mêmes niveaux : celle qui renvoie à l’espèce en général se trouve sur un niveau supérieur. Or il ne nous paraît pas possible de parler de polysémie pour un terme qui se situe à deux niveaux sémantiques différents. En ce qui concerne le terme « hyponymie », nous pensons que même s’il reflète bien les relations hiérarchiques qu’ont les termes de l’opposition, il ne souligne cependant pas la particularité de cette opposition, à savoir qu’un des deux termes joue deux rôles : celui d’hyponyme et celui d’hyperonyme.

Tableau 8 : Les douze définitions du terme "marqué" d’aps Haspelmath (2006 : 3, 33)

« déviation par rapport au cadre du paramètre par défaut »

Rareté/fréquence dans les textes et Exemples

« En allemand, l’opposition phonologique t d est neutralisée à la fin d’une syllabe en faveur de t, ce qui

montre que d est le membre marqué de cette opposition. »

« En anglais, dans l’opposition dog/bitch, dog est le membre non marqué car il peut renvoyer aux mâles ou

à l’espèce canine en général. »

« En anglais, le temps passé est marqué (par –ed) et le temps présent est non marqué. »

« Sur l’échelle b>d> >G, les consonnes sont de plus en plus marquées vers la droite. »

« Une paire singulier/pluriel comme book/books est moins marquée que sheep/sheep parce que cette

dernière n’est pas iconique. »

« La catégorie du pluriel est marquée parce qu’elle requiert plus d’effort mental et de temps de traitement

que le singulier. »

« Pour des objets directs, la coréférence avec le sujet est marquée et une référence séparée est non

marquée. »

« Pour des situations marquées, les langues utilisent typiquement des expressions complexes. »

« La position coda d’une syllabe est marquée en comparaison avec la position d’attaque. »

« L’ordre des mots objet-verbe est marqué : il n’apparaît qu’avec la négation. »

« L’absence d’incorporation de nom dans le cas non marqué, et la présence de l’incorporation de nom doivent être provoquées par une propriété paramétrique

spécifique. »

« Le singulier est plus marqué que le pluriel, le pluriel Linguistes

Le dernier critère se rapportant à la notion de complexité concerne le marqueur que Haspelmath nomme le « codage manifeste » (critère 3). La forme marquée est dérivée de la forme non marquée par l’adjonction d’un affixe ou d’un auxiliaire qui la rend morphologiquement plus complexe. Le problème soulevé ici par Haspelmath est que les linguistes ont décidé de créer la notion de « marqueur zéro » pour le terme non marqué. Selon lui, cela invalide le critère 3 et rend la théorie confuse dans la mesure où les éléments marqués et non marqués sont tous deux porteurs d’une marque (bien que la marque du terme non marqué soit non visible). Par conséquent, il défend qu’il est préférable, pour ce critère, d’utiliser les expressions « codé par une forme » et « non codé par une forme » à la place, respectivement, des termes « marqué/non marqué ». Il nous semble que cet argument ne se base que sur une question de terminologie et n’est donc pas vraiment pertinent. Dans le critère 3, Haspelmath ne remet pas vraiment en cause la théorie de la marque, mais simplement la notion de « marqueur zéro ». Autrement dit, ce critère ne remet rien de fondamental en cause, d’autant plus que les partisans de la théorie de la marque n’adhèrent pas tous au marqueur zéro.

La notion de complexité dans la théorie de la marque a le plus souvent été utilisée dans des analyses intrasystémiques. La deuxième « grande » catégorie de critères définitoires pour les éléments marqués a trait à la notion de difficulté et s’inscrit plutôt dans des analyses comparatives. Cette catégorie de critères est apparue, selon Haspelmath, lorsque Jakobson a souligné le fait que les éléments marqués sont acquis plus tardivement par les enfants et se retrouvent dans moins de langues. Ainsi, ce premier critère définissant les unités et structures marquées (critère 4) renvoie, par exemple, à la difficulté ressentie par les locuteurs lors de l’acquisition ou de la prononciation de certains phonèmes, difficulté due à des facteurs physiologiques. Selon Haspelmath, il n’est pas évident de savoir si ces difficultés sont liées aux traits intrinsèques de ces sons marqués (comme les partisans de la théorie de la marque le défendent) ou à des facteurs perceptuels et/ou acoustiques qui empêcheraient un être humain de maîtriser ces sons aisément. C’est pourquoi, il préfère l’expression « difficulté phonétique » à l’expression « marqué phonétiquement ». Il ajoute aussi qu’il est souvent admis que les locuteurs de langues différentes rencontrent les mêmes difficultés articulatoires et perceptuelles mais il donne un contre-exemple à cet argument : les enfants de langue anglaise acquièrent le phonème /k/ après le phonème /t/ alors que les enfants japonais ont plus de difficultés avec le phonème /t/ qu’avec le phonème /k/. Selon Haspelmath, ce contre-exemple (aux théories jakobsonniennes sur l’acquisition du langage) démontre que la fréquence d’emploi des sons dans les langues spécifiques pourrait

mieux rendre compte des phénomènes d’acquisition du langage que le critère de difficulté physiologique universelle.

L’adjectif « marqué » a aussi été utilisé en morphologie en relation avec les notions de difficulté morphologique ou de non naturalité. Ce critère 5 concerne le fait que tous les locuteurs, en général, affichent une préférence pour des structures morphologiques qui présentent (1) une iconicité (c’est-à-dire une correspondance entre forme et sens), ou (2) un caractère uniforme (régularité des formes) ou (3) une transparence sémantique (la forme révèle un sens précis et non ambigu). Ce critère mène aux conjectures suivantes : les structures morphologiques non marquées sont (1) retrouvées plus souvent dans les langues du monde, (2) acquises plus tôt, (3) traitées plus facilement, (4) moins affectées dans des troubles du langage, (5) utilisées plus fréquemment, et (6) plus résistantes aux processus linguistiques qui s’inscrivent dans la diachronie.

Enfin, le dernier critère (critère 6) qui est en rapport avec la notion de difficulté implique la conceptualisation : la conceptualisation mentale des unités ou des structures linguistiques marquées est plus difficile (par exemple, les tournures passives sont plus difficiles à traiter cognitivement que les tournures actives).

Haspelmath rejette ce critère parce que selon lui, il est difficile de savoir si c’est la fréquence d’emploi qui explique la facilité conceptuelle ou cognitive ou au contraire, si c’est la facilité conceptuelle ou cognitive qui explique la fréquence d’emploi.

Haspelmath suggère que les trois critères (4, 5 et 6) qui associent l’adjectif

« marqué » à la notion de difficulté sont tous en rapport avec la fréquence d’emploi (des sons, catégories, termes et structures). Selon lui, le recours à la théorie de la marque est accessoire, voire contre-indiqué dans la mesure où cette théorie complique et rend confus les phénomènes linguistiques qu’elle décrit.

La troisième catégorie de critères définitoires répertoriés par Haspelmath concerne le caractère « anormal » des éléments marqués. Le critère 7 se base sur le fait que les éléments marqués soient moins souvent présents dans les textes. Ce critère a été mis en exergue dans les travaux de Greenberg (1966, par exemple) dans lesquels une importance primordiale est accordée à la notion de fréquence.

Cette fréquence dans les textes a été associée à une fréquence dans le monde extralinguistique (critère 8). On peut ici dresser un parallèle avec la théorie des prototypes puisque Haspelmath estime que ce critère relie le non marqué au

« typique » et le marqué à l’« atypique ». Il estime qu’il ne faut pas amalgamer fréquence dans le monde extralinguistique et fréquence dans la langue, et il affirme que s’il y a correspondance entre les deux, il ne s’agit que d’un fait du hasard.

Certains hasards peuvent s’expliquer (par exemple, le temps présent est plus utilisé que le futur parce qu’il est plus difficile de parler d’événements qui n’ont pas encore eu lieu que d’événements qui sont en train d’avoir lieu) et d’autres ne peuvent l’être (le verbe manger apparaît plus souvent dans les textes que l’expression aller à la salle de bain).

Le critère 9 rapproche l’adjectif « marqué » de la notion d’implication typologique et postule que l’existence d’un élément marqué implique l’existence de son équivalent non marqué, alors que le contraire n’a pas été vérifié. Ce critère a été utilisé par, entre autres, Jakobson ([1941] 1968, 1963) et Greenberg (1966).

Haspelmath estime que ce critère n’est pas fondé et que l’implication typologique n’est qu’une résultante de la difficulté provoquée par certains processus articulatoires ou cognitifs :

De la même façon, l’implication typologique peut être expliquée par la difficulté phonétique si l’on adopte l’argument généralement accepté que la capacité de produire une tâche plus difficile implique la capacité de produire des tâches plus faciles. Les locuteurs qui maîtrisent une occlusive uvulaire voisée [G] peuvent aussi prononcer le [ ] vélaire. Et si, pour une raison quelconque, / / disparaissait de la langue, /G/ serait probablement vite prononcé [ ] pour éliminer l’effort articulatoire supplémentaire requis pour prononcer [G]. (Haspelmath 2006 : 52 ; ma traduction205)

Cela revient à dire pourquoi l’uvulaire [G] est marquée par rapport à la vélaire [ ].

Or on conviendra que dire pourquoi un élément est marqué n’invalide pas la théorie de la marque.

Le critère 10 décrit l’élément marqué comme ayant une distribution restreinte. Par exemple, dans l’opposition old ~ young, old est le terme sémantiquement non marqué car il peut être utilisé avec une valeur spécifique (le contraire de young) ou en référence aux propriétés générales de l’âge (par exemple, dans la question How old are you ?). Haspelmath préfère, dans ce cas, l’expression

« non restreint dans la distribution » à l’expression « non marqué ».

Le critère 11 a été introduit et préconisé par Chomsky dans son approche des principes et paramètres. La valeur non marquée est choisie par défaut, alors que la

205 Likewise, typological implication can be explained by phonetic difficulty if one assumes the generally accepted regularity that the ability to perform a more difficult task implies the ability to perform easier tasks. Speakers who master a voiced uvular stop [G] should also be able to pronounce the velar [ ]. And if for some reason / / disappeared from the language, /G/ would probably soon be pronounced [ ] because there would be no need for the extra articulatory effort required to pronounce [G].

valeur marquée n’est utilisée que sous une contrainte imposée par des contextes précis. Le marqué est donc une déviation du non marqué. Haspelmath inclut dans cette définition le bioprogramme de Bickerton (1984) qui postule l’émergence de valeurs non marquées dans le processus de créolisation. Il ajoute que la valeur des éléments marqués et non marqués est définie de manière indirecte et relève plus d’« états cognitifs » que de catégories linguistiques.

Selon Haspelmath, les onze premières définitions de l’adjectif « marqué » se basent sur des critères définitoires distincts et indépendants les uns des autres. Mais il ajoute que toutes ces définitions ne sont pas incompatibles. Le dernier critère (12) décrit l’élément marqué d’une opposition dyadique comme une corrélation multidimensionnelle, c’est-à-dire qu’il est identifié, dans ce critère, à l’aide d’une conjonction de plusieurs des critères cités auparavant :

Dans la perspective multidimensionnelle de la marque, il existe une observation remarquable selon laquelle des structures linguistiques comparables manifestent les mêmes valeurs de la marque pour des dimensions (ou ‘critères’) de la marque différentes. Ainsi, certaines catégories (comme le pluriel ou le temps futur) sont sémantiquement complexes, marquées manifestement, rares dans les textes, présentes dans seulement quelques langues, et restreintes en termes de distribution (en d’autres termes, marquées à tous ces égards), alors que d’autres catégories (par exemple, le singulier et le temps présent) sont simples sémantiquement, non marquées manifestement, fréquentes dans les textes, présentes dans toutes ou la plupart des langues, et non restreintes dans leur distribution. (Haspelmath 2006 : 37 ; ma traduction206)

Si cette définition du « marqué » fait appel à plusieurs critères à la fois, le critère qui joue le rôle le plus important, selon Haspelmath, est l’iconicité, en d’autres termes la correspondance entre la complexité (ou la simplicité) sémantique et la complexité (ou la simplicité) morphologique. Haspelmath estime que les notions d’iconicité et de marque ne sont pas nécessaires207 et que toutes les corrélations décrites dans cette définition sont dues, encore une fois, à la question de la fréquence.

206 According to the multidimensional view of markedness, it is a remarkable observation that universally, comparable linguistic structures exhibit the same markedness values for the different markedness dimensions (or ‘criteria’). Thus, some categories (such as the plural or the future tense) are semantically complex, overtly coded, rare in texts, found only in some languages, and restricted in their distribution (i.e. marked in all of these respects), whereas other categories (e.g.

the singular or the present tense) are semantically simple, not overtly coded, frequent in texts, found in all or most languages, and unrestricted in their distribution.

207 Voir aussi à ce sujet, Haspelmath (2003, 2008).

Pour résumer, Haspelmath tente de prouver dans son article que la théorie de la marque complique l’analyse linguistique plus qu’elle ne la simplifie. Les termes

« marqué » et « non marqué » sont définis à l’aide de nombreux critères, parfois décrits comme fonctionnant seuls, parfois décrits comme fonctionnant à l’unisson.

Ce caractère bien trop protéiforme des adjectifs « marqué » et « non marqué » rend la théorie de la marque confuse, et son utilisation injustifiée d’après l’auteur. Il serait plus intéressant et donc plus utile, selon lui, d’utiliser des termes plus transparents, moins abstraits, pour décrire tous ces phénomènes linguistiques208. Ainsi, la théorie de la marque, parce qu’elle peut être remplacée par des notions plus concrètes, s’avère être superflue :

Mais nous n’avons pas besoin de terme linguistique technique pour anomalie / rareté / inhabitude / imprévu. Des concepts simples quotidiens devraient être exprimés par des mots simples quotidiens. (Haspelmath 2006 : 59 ; ma traduction209)

Nous souhaiterions adresser une critique générale aux arguments et aux propositions de Haspelmath (2006). Nous pensons que Haspelmath fait preuve d’un comportement peu scientifique. Tout d’abord, il reprend des critères définitoires qui présentent une cohérence générale (notons qu’il les regroupe lui-même en quatre grandes catégories) et il les disperse en tentant de démontrer qu’ils n’ont aucun rapport les uns avec les autres. Nous doutons que cela soit fondé dans la mesure où, selon nous, une démonstration scientifique doit être la plus unifiante possible.

Ensuite, il propose d’autres termes à la place de « marqué ~ non marqué ». Cela nous laisse à penser que sa critique se base surtout sur des questions de terminologie. Notons d’ailleurs que Haspelmath a utilisé tous les critères définitoires de la notion de marque qu’il recense dans son article critique afin de mesurer la complexité de plus de 150 langues (voir Haspelmath et al. 2005). Il adhère donc, apparemment, aux analyses menées dans le cadre de la théorie de la marque et son article critique a pour unique but d’exprimer son rejet de la terminologie habituellement employée. Nous ne contestons pas le fait que certains de ces termes soient pertinents, voire primordiaux, dans une analyse qui porte sur la complexité des unités et des structures linguistiques (d’ailleurs, nous utilisons, nous aussi dans notre analyse, les termes « fréquence », « marqueurs », « difficulté », « rareté »,

208 Cet argument est aussi défendu par d’autres linguistes comme Gurevich (2001), par exemple.

209 But we do not need a technical linguistic term for abnormality / uncommonness / unusualness / unexpectedness. Simple everyday concepts should be expressed by simple everyday words.

« distribution restreinte », etc.). Cependant, il nous semble qu’il est important de distinguer trois niveaux d’analyse linguistique : tous les termes proposés par Haspelmath sont des manifestations (ou des paramètres) linguistiques révélées par des indices linguistiques qui se trouvent à un niveau d’analyse inférieur (par exemple, la neutralisation est un indice du paramètre de fréquence). Mais la notion de marque (et la théorie qui lui est associée) ne se situe pas au même niveau que les manifestations que décrit Haspelmath et ne peut donc être remplacée par les termes qu’il propose. La marque est en fait une interprétation métalinguistique des données linguistiques ; elle se situe à un niveau d’analyse supérieur à tous les phénomènes

« distribution restreinte », etc.). Cependant, il nous semble qu’il est important de distinguer trois niveaux d’analyse linguistique : tous les termes proposés par Haspelmath sont des manifestations (ou des paramètres) linguistiques révélées par des indices linguistiques qui se trouvent à un niveau d’analyse inférieur (par exemple, la neutralisation est un indice du paramètre de fréquence). Mais la notion de marque (et la théorie qui lui est associée) ne se situe pas au même niveau que les manifestations que décrit Haspelmath et ne peut donc être remplacée par les termes qu’il propose. La marque est en fait une interprétation métalinguistique des données linguistiques ; elle se situe à un niveau d’analyse supérieur à tous les phénomènes