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Les composants unaires dans la représentation des structures intrasegmentales structures intrasegmentales

CHAPITRE 3 : THÉORIES PARALLÈLES

III. La théorie de la dépendance

III.3 Les composants unaires dans la représentation des structures intrasegmentales structures intrasegmentales

Un des objectifs de la phonologie de dépendance est de décrire les structures intrasegmentales de façon économique. Dans ce cadre, les arborescences sont jugées trop encombrantes et un système de traits paraît beaucoup plus adapté. Nous avons précédemment vu que dans les théories pré-génératives et génératives standards, les représentations des unités phonologiques se faisaient soit à l’aide de traits non binaires (voir, par exemple, Martinet [1960] 1980 et Troubetzkoy [1939] 1976) soit à l’aide de traits binaires (voir, par exemple, Jakobson 1976 et Chomsky et Halle 1968). Dans les théories non linéaires post-génératives, le binarisme est remis en cause. Selon les partisans de la phonologie de dépendance, un système de traits binaires n’est en effet pas approprié pour représenter pertinemment les différents types d’oppositions phonologiques167 (Troubetzkoy [1939] 1976). Par conséquent, des traits distinctifs unaires168 sont adoptés :

Une des différences les plus frappantes entre les traits binaires distinctifs et les composants de la théorie de la dépendance est que ces derniers permettent une présentation claire des oppositions privatives, équipollentes et graduelles (au sens de Troubetzkoy) alors que la notation standard de SPE regroupe les oppositions privatives et équipollentes et ne rend pas compte des oppositions graduelles excepté sous la forme d’échelles phonétiques. (Anderson et Durand 1986 : 29 ; ma traduction169)

Dans la phonologie de dépendance, les propriétés distinctives des éléments sont exprimées avec des traits monovalents nommés composants170. Ces composants sont présentés entre barres verticales pour les distinguer des phonèmes traditionnellement notés entre barres obliques. Un phonème est donc décrit soit par la présence, soit par l’absence d’une caractéristique représentée par un composant. Si le phonème se définit par la combinaison de plusieurs caractéristiques, il faut se demander si ces caractéristiques sont associées de façon égale ou si l’une d’elle « domine » l’autre.

167 Voir « Partie 1, Chapitre 2, III.1 Taxonomie des types d’oppositions phonologiques ».

168 Notons que les traits unaires sont utilisés dans plusieurs autres théories comme, par exemple, la théorie du gouvernement. Voir Kaye, Lowenstamm et Vergnaud (1985).

169 One of the most striking differences between binary distinctive features and DP components is that the latter allow a clear expression of privative vs. equipollent vs. gradual oppositions (in Trubetzkoy’s sense) whereas the standard SPE notation conflates privative and equipollent oppositions and does not allow for gradual oppositions except as phonetic scales.

170 Ces composants sont aussi parfois nommés éléments.

Notons que cette notation peut être mise en relation avec la théorie de la sous-spécification171 puisque pour chaque segment, seuls les composants qui le définissent et le distinguent des autres segments du système sont spécifiés : la sous-spécification est donc en quelque sorte inhérente aux composants de la phonologie de dépendance.

Les composants de base dans la description des voyelles sont au nombre de trois172 :A, I et U. Le composant A a pour valeurs « bas » ou

« compact », le composant I a pour valeurs « palatal » ou « aigu » et le composant U a pour valeurs « arrondi » ou « grave ». Ces trois composants sont inspirés du triangle vocalique fondamental décrit par Jakobson. Les systèmes vocaliques les plus simples, c’est-à-dire ceux qui ne comptent que les trois phonèmes /i/, /а/ et /u/, sont caractérisés par ces trois composants :

/i/ {I} /u/ {U}

/а/ {A}

En ce qui concerne les systèmes vocaliques un peu plus complexes qui présentent des oppositions graduelles à plus de deux degrés – c’est-à-dire qui comptent un degré intermédiaire d’aperture et/ou un degré intermédiaire d’avancement (ou de rétraction) de la langue – une représentation plus complexe est adoptée. Chaque degré intermédiaire est considéré comme résultant d’une association de deux composants de base qui sont présents simultanément et à force égale. Un élément

« mixte » est représenté par les deux composants de base qu’il comporte séparés par une virgule (l’ordre des composants n’a, dans ce cas, aucune importance). Par exemple, les systèmes vocaliques de l’espagnol et du japonais, qui comptent trois degrés d’aperture, sont représentés dans la Figure 7 :

Figure 7 : Le système vocalique de l'espagnol et du japonais en phonologie de dépendance

/i/ {I} /u/ {U}

171 Voir « Partie 1, Chapitre 3, IV. La théorie de la sous-spécification ».

172 Il existe d’autres composants, mais nous nous limiterons à ces trois composants de base utilisés dans la description des voyelles à titre d’illustration.

/e/ {I,A} /o/ {U,A}

/а/ {A}

C’est pour représenter des systèmes qui comptent plus d’un degré intermédiaire – d’aperture ou d’avancement (ou de rétraction) de la langue – que la notion de dépendance est nécessaire. Prenons l’exemple d’un système vocalique comportant quatre degrés d’aperture, c’est-à-dire deux degrés d’aperture intermédiaires. Les voyelles moyennes résultent de la combinaison de deux composants, mais afin de distinguer les voyelles mi-hautes des voyelles mi-basses, on considérera qu’à chaque degré, un des composants est gouvernant (ou dominant), alors que l’autre est gouverné (ou dépendant). Les deux composants ne sont pas, dans ce cas, présents à force égale et sont séparés par un point-virgule. Par exemple, {A ; B} veut dire « A gouverne B » ou encore « B est dépendant de A ».Un système vocalique regroupant les voyelles /i, u, e, o, , , a/, comme celui de l’italien standard, sera donc représenté de la façon suivante :

Figure 8 : Le système vocalique de l'italien standard en phonologie de dépendance (Anderson et Durand 1986 : 27)

/i/ {I} /u/ {U}

/e/ {I;A} /o/ {U;A}

/ / {A;I} / / {A;U}

/а/ {A}

III.4 Critique

La notation phonologique proposée dans la théorie de la dépendance présente des avantages indiscutables. Tout d’abord, le modèle est particulièrement convaincant pour ce qui est de la notion de dépendance et de l’importance des relations hiérarchiques qu’entretiennent les différents éléments au sein d’un système.

La formalisation de ces relations est selon nous indispensable dans une représentation phonologique optimale et il est indéniable que de ce point de vue, la notation proposée dans la théorie de la dépendance est très fonctionnelle.

Par ailleurs, la notation utilisée dans la phonologie de dépendance présente un second avantage qui nous paraît très important puisqu’il concerne l’évaluation de la complexité des éléments. La formalisation d’un élément sous forme de composants reflète en effet sa complexité de façon très explicite (Anderson et Ewen 1987 : 30) : plus un élément est complexe – et donc marqué – plus il compte de composants. Par exemple, dans le système vocalique de l’espagnol et du japonais (Figure 7), /e/ et /o/ sont les phonèmes les plus marqués intrinsèquement car ils résultent de la combinaison de deux composants (contrairement à /i/, /a/

et /u/ qui ne sont représentés qu’à l’aide d’un seul composant). Nous ajouterons toutefois que même si la formalisation sous forme de composants permet de représenter le caractère complexe ou non complexe d'un phonème, elle ne permet pas de rendre compte de différents degrés de complexité. Par exemple, dans la Figure 8 qui représente le système vocalique de l'italien, le caractère marqué des phonèmes /e/, / /, /o/ et / / par rapport aux trois autres phonèmes /i/, /u/ et /a/ est nettement visible. Cependant, en dehors de l'accent, le système vocalique de italien est réduit à cinq phonèmes (ce qui est aussi le cas en français) : /i, e, a, u, o/. Par conséquent, dans le système à sept voyelles présenté dans la Figure 8, les voyelles /e/ et /o/ sont non marquées par rapport aux voyelles / / et / /. On aboutit donc à un système présentant trois degrés de marque : /i/, /a/ et /u/ sont non marquées, /e/ et /o/ sont marquées, mais moins que / / et / / qui sont les voyelles les plus marquées du système. Néanmoins, les composants utilisés pour décrire les voyelles moyennes n'indiquent en rien que, dans ce système, les voyelles mi-fermées sont non marquées par rapport aux voyelles mi-ouvertes (rien n'indique que les combinaisons {A ; I} et {A ; U} sont plus complexes que les combinaisons {I ; A}

et {U ; A} respectivement). Par conséquent, il n'est pas possible de distinguer plusieurs degrés de marque seulement à l'aide du nombre de composants que compte un phonème. Il faut aussi ajouter à cela des critères d'évaluation basés sur le type de relation de gouvernement.

La formalisation sous forme de composants présente d’autres inconvénients qui contrebalancent au moins en partie ses avantages. Tout d’abord, notre première critique concerne non pas le fait d’utiliser des traits unaires en soi mais plutôt la liste des traits unaires proposée. Rappelons que l’un des objectifs majeurs de cette notation est d’être la plus économique possible. Si l’on « traduit » le système des trois composants fondamentaux en système de traits binaires, il est incontestable que cet objectif est très largement atteint : les composantsA, I et U couvrent les valeurs de cinq traits binaires qui sont [±HAUT ; ±BAS ; ±AVANT ; ±ARRIÈRE ;

±ARRONDI]. En d’autres termes, étant donné qu’un trait binaire peut représenter deux valeurs à lui seul, les trois composants de base utilisés pour décrire les voyelles

dans la phonologie de dépendance peuvent couvrir dix valeurs de traits. Même si cet écart est limité par les combinaisons entre composants et par la notion de dépendance, il nous semble que l’importante économie des traits a été atteinte au prix d’un réductionnisme considérable. De ce fait, il est fort probable que certains paramètres manquent dans cette notation et que l’analyste peut parfois être mené à des impasses. Tout d’abord, il nous semble que la liste des composants proposée dans la phonologie de dépendance n’est prévue que pour représenter des systèmes vocaliques comptant cinq degrés d’aperture. Or rien n’empêche de penser qu’il existe des systèmes vocaliques à six degrés d’aperture. Une deuxième « impasse » que présente la liste des composants proposée dans la phonologie de dépendance est le fait qu’il n’est pas possible de mettre en relation deux phonèmes ayant le même degré d’aperture. Par exemple, les phonèmes /i/ et /u/ sont décrits par les composants I et U : /i/ est palatal et aigu, et /u/ est arrondi et grave.

Cependant, rien ne nous indique, si l’on compare les valeurs des deux composants

I et U, que les phonèmes /i/ et /u/ ont un point commun : le même degré d’aperture. Notons que cette remarque est aussi valable pour les voyelles moyennes dans un système qui compterait trois degrés d’aperture : aucun composant n’indique qu’elles ont la même aperture. Une des lacunes de la notation proposée en phonologie de dépendance est donc que certaines classes naturelles très importantes ne peuvent pas être exprimées (rappelons que l’expression des classes naturelles est selon nous une des cinq fonctions fondamentales d’un système de traits173). En outre, il nous semble qu’un composant équivalent au trait [+HAUT] d’un système binaire manque fondamentalement dans la liste des composants unaires proposée.

Ce problème vient du fait que les trois composants de base, comme nous l’avons dit précédemment, ont été élaborés à partir du triangle vocalique fondamental de Jakobson. La comparaison avec la description proposée par Jakobson nous semble ici intéressante et très révélatrice. Pour décrire ce triangle vocalique, Jakobson avait utilisé deux traits distinctifs : [±GRAVE] et [±COMPACT]. Ces deux traits lui permettaient de couvrir quatre valeurs, et quatre « directions » étaient prises en compte. Tous les phonèmes appartenant au rectangle représenté en pointillés ci-après pouvaient par conséquent être décrits :

DIFFUS

AIGU GRAVE

/i/ /u/

173 Voir « Partie 1, Chapitre 2, II. 2 Cinq fonctions ».

COMPACT

/а/

Par opposition, le même triangle vocalique fondamental est décrit dans la phonologie de dépendance à l’aide de trois composants monovalents qui permettent de couvrir trois valeurs. Par conséquent, seules trois « directions » peuvent être décrites, et seuls les phonèmes appartenant au triangle représenté en pointillés ci-dessous peuvent être pris en compte :

/i/ {I} /u/ {U}

/а/ {A}

Comme nous pouvons l’observer en comparant ces deux schémas, les triangles vocaliques sont bien les mêmes mais les paramètres utilisés pour les décrire respectivement permettent de couvrir des zones plus ou moins larges mais surtout de formes différentes. La zone d’analyse envisageable a, selon nous, trop été réduite, ce qui peut parfois être problématique.

La deuxième critique que nous formulerons à l’encontre du cadre descriptif proposé dans la phonologie de dépendance concerne le caractère unaire des traits.

Nous sommes convaincue que certains phénomènes peuvent être plus simplement exprimés avec des traits binaires. D’ailleurs, c’est un désavantage que les partisans de la théorie de la dépendance reconnaissent eux-mêmes :

D’autre part, alors que dans SPE les transformations de valeurs de traits étaient au cœur des règles phonologiques (avec les inconvénients que signalaient Chomsky et Halle dans leur chapitre 9), de telles opérations deviennent difficiles, voire impossibles à formaliser dans un cadre unaire. (Durand et Lyche 2001 : 114)

Nous prendrons l’exemple du quechua pour illustrer cet argument : dans cette langue, devant la consonne /q/, les phonèmes /i/ et /u/ sont respectivement réalisés [e] et [o] (Kirtchuk 1987 : 102). En d’autres termes, il existe des affinités entre cette consonne vélaire plus basse que /k/ et les voyelles moyennes (donc plus basses que /i/ et /u/). Dans la phonologie de dépendance, ces affinités ne peuvent être

représentées et ces deux règles de réalisation seraient exprimées de la manière suivante :

/i/ → I,A ⁄  /q/

/u/ → U,A ⁄  /q/

Avec des traits binaires, ces deux règles peuvent être représentées de manière beaucoup plus économique à l’aide d’une seule règle :

[+HAUT] → [-HAUT ; -BAS] ⁄  /q/

Par ailleurs, rappelons que l’un des reproches adressés aux systèmes de traits binaires est qu’ils ne peuvent pas rendre compte de la taxonomie des trois types d’oppositions présentée par Troubetzkoy ([1939] 1976). En outre, dans un cadre binariste, les oppositions équipollentes et graduelles sont traitées comme des oppositions privatives. Il nous semble que, dans la phonologie de dépendance, le système de traits unaires ne permet pas quant à lui d’exprimer clairement les oppositions privatives. Cette notation semble en effet omettre la part de binarisme reconnue même par les non binaristes. Elle ne permet pas non plus de faire la différence entre les oppositions équipollentes et les oppositions graduelles : les continua attestés par les relations de dépendance ou de présence simultanée des composants donnent l’impression que toutes les oppositions sont traitées comme étant graduelles. Par conséquent, il semble bien que ce cadre descriptif ne soit pas optimal pour rendre compte des différents types d’oppositions décrits par Troubetzkoy. Par ailleurs, l’anti-binarisme extrême que la phonologie de dépendance défend est parfois un handicap dans cette théorie. Il existe en effet des processus qu’il est plus économique de représenter par des classes négatives.

Imaginons qu’il existe une règle impliquant toutes les voyelles d’un système sauf celles qui sont basses : plutôt que d’énumérer toute la liste des voyelles concernées par cette règle, il est plus simple d’exprimer le fait que cette règle concerne toutes les voyelles sauf les voyelles basses. En phonologie de dépendance, dans une telle situation, un symbole « ∼ » serait ajouté devant le composant A : ∼A signifierait « toutes les valeurs sauf celles deA » (∼A équivaut donc à la valeur négative deA). En d’autres termes, le symbole « ∼ » permet d’exprimer la contrepartie négative d’un trait. Il s’agit ici, selon nous, d’un binarisme masqué.

La troisième critique que nous voudrions faire au sujet du modèle proposé en phonologie de dépendance concerne le fait que des phonèmes différents, issus de systèmes linguistiques différents, peuvent être décrits par des combinaisons de composants similaires. Prenons l’exemple des systèmes vocaliques du suédois et du turc. Le suédois compte quatre voyelles fermées : /i:, y:, :, u:/. Dans ce système, /i:/ est une voyelle antérieure non arrondie articulée sans compression labiale et /y:/ est antérieure arrondie articulée sans compression labiale mais avec projection endolabiale. En ce qui concerne / :/, il s'agit d'une voyelle antérieure présentant un degré d'arrondissement plus important que /y:/. Elle est articulée avec une compression labiale et une rétraction exolabiale. /u:/ est quant à elle une voyelle postérieure ayant le même degré d’arrondissement que / :/ et présentant aussi une compression labiale et une rétraction exolabiale. Le système vocalique du suédois est particulièrement intéressant dans la mesure où les voyelles antérieures présentent trois degrés d’arrondissement des lèvres. Il représente, selon nous, un défi pour tout modèle théorique. En phonologie de dépendance, ces quatre voyelles sont décrites de la manière suivante : /i:/ = {I}, /y:/ = {I ; U}, / :/ = {U ; I}, /u:/ = {U} (van der Hulst 1989). Cette représentation phonologique pose problème dans la mesure où le continuum est attesté mais semble révéler quatre degrés d’arrondissement des lèvres au lieu de trois (le fait que / :/ et /u:/ ont le même degré d’arrondissement ne peut être représenté puisque le composant U est utilisé pour deux paramètres distincts : la postériorité et l’arrondissement des lèvres). Ajoutons aussi que l’opposition voyelles antérieures ∼ voyelles postérieures n’est pas visible. De surcroît, ce qui nous paraît encore plus grave est que si l’on compare cette représentation phonologique à celle du système vocalique du turc, on remarquera que des éléments antagonistes peuvent être décrits de manière identique. En turc, il existe quatre voyelles fermées : deux voyelles antérieures /i/ et /y/ et deux voyelles postérieures / / (qui est non arrondie) et /u/ (qui est arrondie). Le problème est qu’il n’existe pas, en phonologie de dépendance, de composant adapté pour représenter des voyelles postérieures non arrondies. Par conséquent, la représentation phonologique du turc sera la suivante : /i/ = {I}, /y/ = {I ; U}, / / = {U ; I}, /u/ = {U}, et il est possible d’observer que la voyelle antérieure arrondie et exolabiale du suédois est décrite de la même manière que la voyelle postérieure non arrondie du turc. Cela est extrêmement gênant du point de vue cognitif. Si les relations entre les différents éléments d’un système – autrement dit la structure du système – sont efficacement révélées dans la phonologie de dépendance, des éléments de systèmes différents ne peuvent pas être comparés. Il est donc difficile

d’envisager la possibilité de procéder à des analyses intersystémiques avec une telle approche.

III.5 Conclusion

Nous ne rejetons pas totalement la théorie de la dépendance et adhérons même entièrement à la notion de dépendance sur laquelle elle se base. Cependant, notre critique concerne surtout la notation utilisée dans ce modèle. Nous avions rejeté le système de traits unaires de type martinetiste parce qu’il était moins économique et moins révélateur qu’un système de traits binaires. Cela n’est pas le cas dans le système de traits unaires proposé dans la phonologie de dépendance.

Toutefois, l’économie que présente cette théorie n’a été atteinte qu’au prix d’un réductionnisme considérable. Cela peut invalider certaines analyses puisque certains paramètres importants sont absents du système de traits proposé. Par ailleurs, l’anti-binarisme extrême adopté dans la notation est parfois un handicap majeur dans un cadre descriptif qui doit être économique. Les stratagèmes utilisés pour pallier ce handicap sont, selon nous, la preuve qu’une représentation phonologique doit reconnaître une part de binarisme pour être optimale. Enfin, alors que la notation proposée en phonologie de dépendance est très révélatrice de la structure d’un système phonique, elle semble complètement inadaptée à des analyses intersystémiques. Les arguments que nous venons d’énumérer sont, dans le cadre de notre analyse de la complexité, rédhibitoires.