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Les critères d’un bon commissaire

Nous avons vu grâce à l’analyse des notices individuelles que l’État central cherchait à mesurer les qualités d’un bon commissaire de police. Les questions posées dans ces notices individuelles nous invitent donc à étudier les éléments qui participent à l’image d’un bon commissaire de police. En outre, si on combine ces informations aux métiers qu’exerçaient les commissaires de police, on peut réussir à dresser un tableau des critères qui influencent la sélection des candidats

1. Des métiers précédents…

Précédemment, nous avons pu établir un compte rendu des différents itinéraires professionnels des commissaires de police. Il en est ressorti que les commissaires de police avaient exercé des professions majoritairement dans l’armée et dans l’administration. Nous avions vu que le métier de commissaire de police attirait, en effet un grand nombre de candidats potentiels issus de l’armée. Cependant, les anciens militaires sont également intéressants pour l’État central. En effet, ils sont pourvus d’une mentalité caractéristique du milieu de l’armée. Leur séjour dans l’armée, que ce soit sur le terrain ou dans l’administration, a permis aux commissaires de police de se familiariser avec la discipline, l’obéissance aux supérieurs et la

108 loyauté359. Quant aux candidats potentiels, issus de l’administration, on suppose que c’est leur familiarité avec ce qu’on désigne comme la « bureaucratie » qui amène tout naturellement les candidats à choisir d’exercer le métier de commissaire, mais aussi l’État central à les choisir. Par exemple, les greffiers de justice de paix ont pu acquérir une connaissance des principes du droit et ceux des administrations civiles la connaissance des rouages administratifs. Les qualités acquises lors de leur itinéraire professionnel dans l’administration sont autant d’atouts propres à l’activité des commissaires de police. C’est en effet ce que sous-entend l’historien John. R. Merriman lorsqu’il décrit « les minuscules bureaux des commissaires de police, envahis par des dictionnaires de police, des manuels d’instructions, des lois, règlements, décrets, registres des livrets et passeports des ouvriers, formulaires de rapports de crimes et délits, et autres paperasses qui reflètent en réalité la « bureaucratisation de la police »360. Nous verrons, en effet, qua la pratique de l’écrit est une activité récurrente, sinon dominante, chez les commissaires de police.

2. … aux qualités attendues par l’État central

Intéressons-nous aux notices individuelles. Nous avons montré que, sous l’impulsion du pouvoir central, elles évoluaient au cours de la monarchie de Juillet avec l’apparition progressive de questions de plus en plus précises. Ces questions nous renseignent sur les qualités qui, en théorie, seraient constitutives d’un « bon » commissaire de police. La première qualité attendue chez un commissaire, et en même temps la première question posée par les questionnaires, portent sur l’« Instruction ». Cette mention correspond ici aux connaissances et aux notions élémentaires que doivent avoir les commissaires de police notamment en termes de lois. L’instruction est souvent, dans les notices individuelles, associée à la « capacité ». Le « zèle » et l’« activité » du commissaire de police sont également jugés. Il doit faire preuve de dévouement dans ses actions, actions qu’il doit ainsi accomplir de la meilleure des manières possibles. Le commissaire de police doit également être doté d’une « probité » ou d’une « moralité » irréprochable car, ne l’oublions pas, le commissaire de police est un « passeur de normes » entre l’administration et la population. Toutes ces qualités doivent être inhérentes au commissaire de police. Une question ouverte apparaît également après 1836 : « En résumé, comment s’acquitte-t-il de ses devoirs ? » Celle-ci suppose donc un commentaire qui permet de saisir par l’appréciation générale du préfet ce qui concerne la qualité du commissaire. Jouir

359 Tanguy Jean-François, Le maintien de l’ordre…,op. cit,.

109 de « l’estime publique » ou de la « considération publique » est également une condition importante. En effet, ce fonctionnaire se doit d’être à la fois un modèle et un garant de l’autorité. Il doit nécessairement avoir du crédit auprès des populations au risque d’être déconsidéré et de perdre toute efficacité. Le commissaire de police, en tant qu’ « homme de l’entre-deux », est également jugé sur sa relation avec l’administration locale. Il doit, en effet, posséder « la confiance des autorités locales. » Toutes ces questions servent d’ailleurs de réponse à la dernière question, nouvellement apparue elle aussi, sur l’avancement du commissaire à partir des années 1836. Nous pouvons, dès lors, faire le lien entre les qualités attendues chez un commissaire de police par le gouvernement et la professionnalisation. La question de l’avancement renvoie, en effet, à l’idée de carrière. L’État central souhaite savoir, par deux questions distinctes, si le commissaire mérite de l’avancement et s’il en désire. Les échanges entre les autorités hiérarchiques des commissaires de police (le maire, le préfet, le ministre de l’Intérieur…) nous apportent également des renseignements sur l’image que les pouvoirs se font d’un bon commissaire de police. Nous pouvons prendre l’exemple d’Houssemen qui semble « réunir toutes les qualités désirables d’un bon commissaire de police. »361 En effet, outre le fait « qu’il s’est fait remarquer par une excellente conduite, une bonne tenue, des habitudes laborieuses, et par sa capacité, il a acquis déjà une connaissance des localités et des attributions en matière de police. » Le secrétaire du bureau de police « n’est âgé que de 31 ans, et […] il jouit d’une bonne santé, qualités qui doivent être une recommandation de plus dans l’exercice de devoirs qui, physiquement parlant, imposent des obligations pénibles. » Nous voyons donc que malgré l’âge avancé des commissaires de police, la jeunesse peut également être un facteur influent dans le recrutement.

3. Les qualités du commissaire central

Si ces qualités sont autant d’atouts utiles à faire d’un homme un bon commissaire de police, quelles sont celles utiles à faire d’un homme un bon commissaire central ? Nous avons pu constater pour cette fonction, qui n’est pas sans rappeler les commissaires généraux de l’Empire, que la connaissance de la localité était un atout mais elle ne fait pas tout. La recherche « de la personne à qui la place a pu convenir »362 est le fruit d’un long travail entrepris par le préfet d’Ille-et-Vilaine et le procureur général de Rennes. Ils s’adjoignirent, pour s’aider dans cette tâche, de Jouault, président du tribunal civil, et de deux avocats généraux, Letourneu et

361ADR : 4M10 : Lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, le 29 août 1863 362 ADR : 4M9 : Lettre du préfet d’Ille-et-Vilaine au ministre de l’Intérieur, le 19 mars 1831.

110 Fénigan, des « patriotes pleins de zèles, et connaissant parfaitement la localité ». Sur la désignation de ces notables, grand nombre de propositions ont été faites mais « les fonctions à conférer, pour être remplies utilement, ne devaient être conférées qu’à un homme familier avec les lois et réunissant aux autres qualités spéciales, une certaine consistance sociale363 ». Le premier candidat, Ducrost de Longevil, bien connu du préfet d’Ille-et-Vilaine nous donne un aperçu des qualités attendues chez le commissaire central. Cette personne, selon le haut fonctionnaire « y convient parfaitement par son genre d’esprit et de connaissance comme, par la chaleur de son zèle et de son patriotisme et la sagesse de son caractère. » Mais c’est finalement Honoré Couard, avocat résident à Paris qui fut choisi. « Il est connu de M.M. les membres du parquet qui en font beaucoup de cas, c’est un homme âgé de 34 ans, très actif, ayant des opinions fermes et sages, doué d’une élocution facile, d’une instruction étendue, d’une grande intelligence et connaissant Rennes364 ». Le préfet est d’ailleurs très convaincu du bienfondé de sa candidature, qui réunit toutes les qualités d’un bon commissaire central, comme en témoigne la ferveur avec laquelle il prie le ministre de ne lui préférer personne d’autre.

Le recrutement des commissaires de police : entre nominations

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