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Carte 5 : La figuration du bassin hydrographique du Yangzi dans le monde

I.2. La répartition du maillage hydrographique

I.2.2. Le cours supérieur du Yangzi

Le tronçon suivant, plus long encore, 2 284 km, qui franchi le passage escarpé entre Zhimenda et Yibin (Sichuan), porte un autre nom : Jinsha (sables dorés). Tout d’abord, le cours d’eau coule à vive allure longitudinalement vers le sud et traverse les hautes montagnes de la chaîne des Hengduan (chaîne qui fend l’horizon) en formant une frontière naturelle entre le Tibet et la province du Sichuan, puis il plonge vers le nord-est en pénétrant les provinces du Yunnan et du Sichuan. C’est à quelques pas de la ville de Shigu (Yunnan) que le Yangzi accomplit son premier virage le plus spectaculaire en se retournant pratiquement sur lui-même (un angle de plus de 270 degré), pour poursuivre son chemin en se dirigeant complètement au nord. Sans ce brusque changement de trajectoire, les eaux du Yangzi quitteraient la Chine pour se déverser en Indochine comme les fleuves du Mékong et celui de la Salouen. À partir de là, les eaux du Yangzi commencent une inflexion vers l’est.

Une grande partie du cours d’eau du Jinsha est remarquable en ce qu’elle parcourt la chaîne Hengduan où les montagnes sont élevées (jusqu’à plus de 5 400 m) et escarpées, et traverse de

63 profondes et étroites vallées. Les falaises peuvent dominer les eaux tumultueuses d’une hauteur de 3 000 m. À la faveur de la topographie, grâce à la dénivellation de 3 300 m du Jinsha, le Yangzi cumule dans ce tronçon environ cent milles mégawatts d’énergie hydraulique, soit plus de 40 % du total du Yangzi105.

L’amont du fleuve Jinsha fait partie d’une des régions les moins développées de Chine. Sa faible densité de population crée un contraste par rapport à ses abondantes ressources minérales, forestières et hydroénergétiques. En aval, entre Shigu (Yunnan) et Yibin (Sichuan), émergent quelques grandes concentrations urbaines et industrielles comme Kunming, métropole régionale du sud-ouest de la Chine, et Panzhihua, grande ville industrielle106 implantée sur la rive droite du Jinsha. D’ailleurs, l’abondante réserve d’énergie hydraulique permet l’édification de quelques grandes bases hydroélectriques dans le bas Jinsha. Ici, le volume d’eau annuel moyen est de 14,55 millions de mètres cubes, environs 1/3 de celui des Trois Gorges. L’hydroénergie générée est d’environ 42 310 MW (mégawatts), soit 46 % de la production du Yangzi. Là où l’affluent Yalong107 rejoint le Jinsha, se trouve le deuxième plus grand barrage chinois, celui d’Ertan.

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Changjiang liuyu dituji [Atlas du bassin du Yangzi], op. cit., p. 208.

106 La ville de Panzhihua est réputée pour ses ressources minières abondantes (capitale du vanadium et du titane). Elle est également l’une des plus grandes bases sidérurgiques de Chine. Développée pour les besoins de la stratégie politique de « la troisième ligne de défense » dans les années 1960, Panzhihua, à l’origine un district modeste, est devenue en l’espace de quarante ans une ville industrielle importante sur la rive droite du Jinsha en concentrant plus d’un million d’habitants. En 2008, son PNB par habitant dépasse celui de la capitale provinciale Chengdu et se classe au premier rang pour la province du Sichuan.

107 La rivière Yalong est le deuxième plus long affluent du Yangzi (1 323 km). Prenant sa source dans les monts Bayan Har du Qinghai, elle s’écoule ensuite dans la province du Sichuan. Après avoir drainé un bassin de 128 000 km2, elle se jette dans le Jinsha à l’est de Panzhihua aux confins du Sichuan et du Yunnan.

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Photo 5 : Le Jinsha traversant les gorges de Tongjia

Photo 6 : Les vagues déferlantes du Jinsha traversant les gorges du saut du Tigre

Source : photographié par Cui Jianzhong, journaliste de CCTV, juin, 2002.

Au terme du trajet du fleuve Jinsha, à la confluence de la rivière Min108 et du Yangzi, naît un grand centre urbain et industriel : Yibin, lieu de convergence de diverses voies terrestres, ferrées, aériennes et fluviales. C’est à partir d’ici que le Yangzi devient navigable, la ville de Yibin est donc généralement considérée comme l’endroit où commence véritablement le parcours du Yangzi.

Après son entrée dans le territoire du Sichuan, le lit du Yangzi s’élargit progressivement, mais mesure encore moins de 30 m de large. Sur un parcours de 1 040 km, en drainant un bassin hydrographique d’environ 500 000 km2, les eaux du Yangzi, sous le nom de

Chuanjiang (fleuve du Sichuan), traversent la municipalité de Chongqing puis pénètrent dans

le Hubei. Sur ce tronçon, le Min n’est pas le seul affluent à rejoindre le Yangzi dans la région. Venu du nord, le Tuo se jette dans le cours principal à l’est de Luzhou et le Jialing109 rejoint le Yangzi à Chongqing, tandis que le Wu110 le gagne par le sud, à l’est de Fulin. Quatre cours d’eau arrosent donc la province du Sichuan, d’où l’appellation des « quatre rivières »111

. Il est

108 La rivière Min est le plus important affluent du Yangzi par son débit. Long de 1 062 km, elle serpente à travers le Sichuan en drainant un bassin d’environ 133 500 km2. Le célèbre système d’irrigation de Dujiangyan est situé sur son cours.

109 Le Jialing est le troisième plus long affluent du Yangzi (1 119 km). Il prend sa source dans la province du Gansu et draine un bassin hydrographique de 159 638 km2, le plus grand parmi les affluents du Yangzi. Il se jette dans le cours principal du Yangzi au port de Chaotian à Chongqing.

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Prenant sa source dans la province du Guizhou, la rivière Wu est le plus important affluent sur la rive gauche du haut Yangzi. Long de 1 018 km, son bassin versant mesure 87 920 km2. Elle se jette dans le Yangzi à l’ouest du district Fuling de la municipalité de Chongqing.

111 On a souvent considéré que le nom du « Sichuan » (si est le chiffre quatre, chuan peut signifier la rivière) est dû au fait que quatre grands affluents du Yangzi que nous avons cités précédemment, arrosent et fertilisent la province. Cette explication a été citée par Pierre Gentelle dans son ouvrage Chine et "diaspora" et également reprise par les Chinois dans la série télévisée « La découverte du Yangzi » (épisode 5). Néanmoins, une interprétation plus crédible dévoile que le nom de Sichuan est dû à une division quadripartite départementale de l’époque de la Chine impériale. Sous la dynastie des Song, la province a été divisée entre le Yizhou, le Zizhou, le Lizhou et le Kuizhou, formant ainsi la province dite si chuan (c’est-à-dire les « quatre régions »).

65 à noter que, sur le tronçon de plus de 1 000 km depuis Panzhihua jusqu’à Fuling, onze affluents se déversent dans le cours principal du Yangzi. Cependant, à chaque point de jonction, sans exception, une ville émerge, prouvant que le fleuve et l’espace urbain sont étroitement intercalés et liés le long du Yangzi.

Tableau 4 : Les principaux affluents du Yangzi

Tronçons du Yangzi Principaux affluents du Yangzi Longueur (km) Superficie du bassin (km²) Volume d’eau en moyenne par an (milliard de m3)

Classement Classement Classement

Source du Yangzi Tuotuo 358 Tongtian 788 Jinsha 2322 Yalong 2 1 500 4 128 000 6 56,80 Le cours principal du haut Yangzi Min 8 735 3 133 000 1 86,80 Tuo 9 623 10 27 860 11 15,80 Jialing 3 1 119 1 159 638 3 68,30 Wu 5 1 018 7 87 920 8 52,00 Le cours principal du moyen Yangzi Han 1 1 532 2 159 000 7 56,50 Qing 11 408 12 16 700 12 14,30 Dongting Lac 262 823 Yuan 4 1 060 6 89 163 4 68,10 Xiang 6 836 5 94 660 2 72,20 Zi 10 590 9 28 142 9 25,10 Li 12 372 11 18 496 10 17,40 Poyang Lac 161 408 Gan 7 735 8 83 500 5 64,80 Le cours principal du bas Yangzi Tai Lac 37 225 Total du Yangzi 6 300 1 800 000 961,60

Sources : Commission des ressources en eau du Yangzi, Changjiang liuyu dituji [Atlas du bassin du Yangzi], Pékin, Zhongguo ditu chubanshe, p. 26. Ministère des Eaux, Changjiang nianjian [Annuaire statistique du bassin du Yangzi], Wuhan, Changjiang nianjianshe, 2010, pp. 176-177. Un ensemble de plaines et de collines qu’enferment de toutes parts de hautes montagnes constitue le Bassin rouge112 (selon le terme de von Richtofen) du Sichuan. Il est formé grâce au drainage des trois grands affluents du nord du Yangzi et d’un ensemble de réseaux hydrographiques composés de milliers de rivières et de ruisseaux. La fertilité des sols, le climat favorable et l’abondance des pluies encouragent particulièrement la vitalité du Sichuan, en tant que bassin de peuplement. C’est ici que sont implantées les deux plus grandes

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« Le bassin Rouge » tire son nom de la fréquence des grès et argiles, accumulées du permo-trias à l’éocène dans une zone de subsidence et de couleur rouge.

66 concentrations urbaines prospères de l’ouest de la Chine : la municipalité de rang provincial de Chongqing dans le sud-est du bassin, et Chengdu, la ville capitale du Sichuan, dans l’ouest. Le passage fluvial à la sortie des gorges présente des conditions favorables à l’implantation de barrages capables de générer une gigantesque production hydroélectrique et de réguler les brusques débits du Yangzi. Près de Yichang113, les barrages des Trois gorges et de Gezhou en sont deux exemples spectaculaires. Située en aval de Chongqing, sur une étendue de 208 km entre Fengjie (Chongqing) et Yichang (Hubei), la série de défilés flanqués de montagnes est connue sous le nom des Trois Gorges114. Ici, le Yangzi traverse pour la deuxième fois les immenses gorges des étendues médianes du fleuve. Des rapides y font tourbillonner les eaux entre des rives boueuses et parfois rocheuses. Les réserves hydroénergétiques potentielles du fleuve Chuan sont estimées à 2 467 MW, dont le secteur des Trois Gorges représente 65 %. Dans la gorge de Xiling, à Sandouping à environ 40 km de Yichang, le plus grand ouvrage de génie civil du monde, le barrage des Trois Gorges115 a été construit. Mais la ville de Yichang a déjà connu un projet hydroélectrique, celui du barrage de Gezhou116, dont la construction a été entamée en 1970 et achevée en 1988. Du fait de l’implantation des deux plus importants barrages du Yangzi dans la municipalité de Yichang, cette dernière a acquis la particularité d’être une véritable ville d’hydroélectricité, où la vie est rythmée par les inconvénients et les avantages d’un grand chantier et ceux d’une expansion industrielle rapide.

113 En matière de répartition des ressources hydro-énergétiques, la ville de Yichang constitue une ligne de démarcation. Son amont cumule plus de 84 % de l’hydroénergie yangzienne, qui sont produits pour moitié par fleuve Jinsha et pour moitié par le tronçon entre le Yibin et le Yichang. En aval de Yichang, le tronçon ne fournit que 16 % de la production hydro-énergétique qui est alimenté principalement par l’affluent du Han, et les lacs de Dongting et de Poyang. Source : Changjiang liuyu dituji [Atlas du bassin du Yangzi], op. cit., p. 167.

114 Les Trois Gorges commencent dans le Sichuan et se terminent dans le Hubei. En amont, la première des Trois Gorges est Qutang. Elle est longue de 8 km, c’est la moins étendue des trois, mais la plus spectaculaire. La deuxième est Wu, s’étirant sur 45 km, elle est connue pour ses douze pics extraordinaires. La dernière, le Xiling, est la plus longue gorge, et s’étend sur 76 km de long. Ce dernier tronçon fournit le plan d’eau le plus large parmi les trois, mais c’était aussi la portion la plus dangereuse pour la navigation à cause d’une succession de rochers et de rapides. À sa sortie est construit l’immense barrage des Trois Gorges. La montée des eaux du réservoir du barrage des Trois Gorges jusqu’à 172 m (en novembre 2008) permet aux eaux de retour du réservoir de couler jusqu’au Hubei, ce qui implique que la navigabilité du fleuve Chuan s’est bien améliorée grâce à un réservoir d’eau uni qui est né dans cette gorge escarpée. Source : Changjiang nianjian [Annuaire statistique du bassin du Yangzi 2010], op. cit., pp. 378-379.

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Le barrage des Trois Gorges est le plus long barrage hydroélectrique du monde. Long de 2 335 m et haut d’environ 120 m (185 m d’altitude), il possède un réservoir qui s’étend sur 660 km, englobant une superficie de 1 084 km2, dont la capacité permet de retenir 39,3 milliards de mètres cubes d’eau. Avec 26 groupes turbo-alternateurs fournissant une puissance installée de 18 200 MW, la centrale produira environs 8,47 millions de mégawatts d’électricité par an à partir de 2009. Le barrage devient le plus important en termes de capacité de production électrique de la Chine. Source : Ibid., p. 219.

116 D’une longueur de 2 606 m pour une hauteur de 54 m, le barrage de Gezhou retient quelque 1,58 milliard de mètres cubes d’eau. Ses générateurs produisent plus de 1,5 million de mégawatts par an, et ce résultat devrait être à la hausse avec la mise en service du barrage des Trois gorges. Gezhou doit en effet fonctionner en parallèle avec le barrage des Trois Gorges, en régulant le flot qui en sort. Source : Ibid., p. 219.

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Illustration 1 : Les paysages des Trois Gorges figurés sur les billets du renminbi

L’image de la porte Kuimen à l’entrée de la gorge de L’image de la gorge de Wu est figurée sur le billet Qutang est figurée sur le billet de 10 yuans, lors de la de 5 yuans, lors de la mise en circulation de la mise en circulation de la cinquième série de renminbi en quatrième série de renminbi en 1980.

1999.

Les influences symboliques des Trois Gorges ont une répercussion importante sur la vie des chinois. Les paysages des Trois Gorges sont figurés sur les billets du renminbi.

68 Depuis les glaciers du Geladandong jusqu’à Yichang, le cours supérieur du Yangzi parcourt plus de 4 500 km, ce qui représente plus de deux tiers de sa longueur. Après avoir atteint le deuxième « palier topographique chinois »117, le Yangzi effectue un sinueux parcours en franchissant de hautes montagnes et des vallées escarpées, avec une dénivellation s’élevant jusqu’à 5 400 m, enfin, il entre dans son cours moyen, où une autre vue du fleuve se dessine.