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Contributions des Approches communicationnelles des organisations (ACO) et des approches de la Communication

2 Approches de la communication constitutive des organisations et Ecole de Montréal

2.1 Ancrage épistémologique des approches de la communication constitutive des organisations

2.1.2 Contributions principales de l’École de Montréal

L’École de Montréal est l’un de mouvements de recherche ayant très fortement contribué à l’approche constitutive. « Le cadre d’analyse de la communication organisante développé par l’École de Montréal a ceci de très heuristique qu’il place clairement la focale sur la communication ; qu’il inscrit le questionnement dans une approche processuelle de l’organisation comme produit et comme résultat, obligeant par là même à déconstruire la catégorie du sens commun ; qu’il propose de repenser ‘l’ordre spontané’ des choses, en envisageant non plus la communication dans les organisations, mais la communication produisant l’organisation. » (Mayère, 2009, p.2).

James Taylor, le fondateur de l’École de Montréal, s’inspire de recherches en psychologie des organisations (Weick, 1995), ethnométhodologie (Garnfinkel, 1967), phénoménologie (Schütz, 1967), et pragmatique du langage et de la communication (Austin, 1962 ; Watzlawick, 1978), ainsi que des travaux d’Erving Goffman (1973) et d’Anthony Giddens (1987). « Ce cadre d'analyse s'inscrit à la rencontre de deux traditions théoriques d'étude des imbrications entre le social et le langage, qu'elle ambitionne d'articuler et de dépasser. La première correspondant à la phénoménologie sociale, à l'ethnométhodologie et à l'analyse conversationnelle, envisage la réalité sociale comme étant construite dans le cadre d'interactions situées, où le langage occupe une place centrale. De manière opposée, la seconde tradition de référence est relative à la linguistique structuraleet à ses prolongements foucaldiens. Elle considère la construction du social au travers de systèmes sémantiques généraux, intégrant langage et objets du monde, historiquement et institutionnellement situés. Dans ce cadre, le langage stabilise un ensemble de catégorisations déterminées à un niveau sociétal, permettant la construction de représentations rendant le monde intelligible pour les individus. » (Bouillon, 2009, p.3).

Les travaux de l’École de Montréal sur la nature du phénomène organisationnel sont rassemblés dans plusieurs articles et ouvrages qui développent une théorie originale de la communication organisationnelle. Citons les ouvrages les plus connus, tels que « Rethinking the theory of organizational communication. How to read an organization » (Taylor, 1993), « The emergent Organization: Communication As Its Site and Surface » (Taylor et Van Every, 2000), « Communication as organizing. Empirical and theoretical explorations in the dynamic of text and conversation » (Cooren, Taylor, Van Every, 2006), « The Situated Organization: Case Studies in the Pragmatics of Communication Research » (Taylor et Van Every, 2010) qui nous ont permis d’avoir une vue d’ensemble de la théorie de la communication comme constitutive des organisations. Cette école propose une conception de l’organisation émergeant de la communication à partir d’un élargissement progressif des études sur les conversations et les textes (Taylor, 1993).

James Taylor s’inspire des théories classiques à partir desquelles il identifie des problèmes qui restent inexplorés. Selon lui, les deux termes, « communication » et « organisation », sont souvent mobilisés sans être définis. Il critique les cadres d’analyse dans lesquels la communication est définie comme une transmission de messages dans des réseaux déjà établis. Dans ces approches, l’organisation n’appartient pas au monde matériel mais à celui des objets imaginés. Le problème réside alors dans la difficulté à expliquer l’émergence et l’évolution de ces réseaux dans la communication. Les théories classiques, selon James Taylor, n’expliquent ni la structuration du travail ni la sociabilité des membres ni le processus d’organisation (Taylor, 1993).

Il identifie la difficulté liée au modèle « réseau » tel qu’il est utilisé par certains auteurs. En ce qu’il permet seulement de faire une analyse superficielle de l’échange de messages et qu’il n’explique ni la structuration, ni la sociabilité des membres, ni le processus d’organisation. De ce fait au lieu d’utiliser le terme « réseau », James Taylor préfère utiliser le terme d’« ensemble de relations ». Avec ses collaborateurs, il a développé une théorie visant à comprendre les processus de la communication et de l’organisation. Il s’agit de la théorie conversation/texte de la communication. D’après James Taylor, pour sortir du raisonnement abstrait des théories classiques, il faut réinterpréter la notion de réseau afin d’incorporer une dimension transactionnelle en complément de celle de l’interaction (Taylor, 1993, p.51).

James Taylor perçoit l’organisation comme une communauté d’activités ou bien un ensemble de communautés d’activités et de production de sens qui émergent par la co-

orientation. C’est ce processus de co-orientation qui transforme l’agentivité individuelle au collective. Le caractère collectif apparait dans le processus de réflexivité et de production de sens.

Comme nous l’avons déjà signalé, d’après l’auteur cité ci-dessus, la communication est une condition nécessaire dans le processus CCO. Il la définit d’une manière générale comme constituée de textes et de situations de communications. Il s’agit selon lui d’étudier la syntaxe, les actes de parole pour comprendre les processus organisationnels. Selon James Taylor, les structures sont impliquées dans des interactions (actes de parole, schéma narratif, structures grammaticales). Le processus d’interaction est donc organisé par l’imbrication de structures émergeantes « qui deviennent des routines incontestables »19 (Taylor et Van Every, 2000, p.193).

Ces structures linguistiques dépendent du contexte des pratiques. Le sens de l’utilisation du langage et l’interprétation d’une situation dépendent des pratiques situées dans un contexte. La communication est produite dans les situations de coordination locale mais elle est étendue dans le temps et l’espace grâce aux textes. Elle stabilise, et simultanément disloque, des modèles structurels.

Ce qui est le plus important dans cette approche constitutive de la communication organisationnelle, c’est le rôle que la communication, et le langage, jouent dans la constitution des collectifs. Elle propose une vision performative des collectifs (Cooren, 2011) en insistant sur l’aspect négociable et co-construit des processus organisant.