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2 - Les contextes et les enjeux de la participation

Dans le document Td corrigé actes - S2D pdf (Page 65-75)

2-1 Nature de la participation : pouvoir, bien commun et cohésion Lorsqu'une communauté prend des décisions qui affectent son avenir et celui de ses concitoyens, elle invite de façon démocratique à la participation publique. Les dimensions en jeu sont alors :

 Un partage politique de pouvoirs. Si les citoyens participent, ils ne sont pas que ces consommateurs ; ils sont des acteurs, auquel cas ils ont des droits. Cela signifie que si je suis un décideur, ne serait-ce que dans une association de la communauté ou comme maire d'une commune, si je donne voix à mes citoyens, je leur laisse aussi une part du pouvoir qui est le mien.

Le degré de pouvoir partagé peut être très variable et donner naissance à des pratiques différentes, qu'il est important de bien nommer. Si l'on s'invite à jouer ensemble, on doit pouvoir nommer ce jeu. Le flou est source de frustrations et de méprises.

 Un acte de collectivité, qui réfère à la santé , c'est-à-dire à la qualité de la solidarité et de la démocratie, de la collectivité (je ne parle pas de la santé physique des personnes, mais de la santé de la démocratie, de la collectivité) qui s'inquiète du bien commun.

Aujourd’hui, on se questionne sur la santé de la démocratie, plus précisément sur la capacité des personnes de référer au bien commun, de se comporter autrement que comme des clients. TOURAINE parle de

"démocratie des individus". Il y a une difficulté constante à faire l'équilibre entre ce qui est le bien commun et le bien individuel. Nous sommes confrontés au problème de notre réussite démocratique : en effet, les peuples se sont battus pour avoir une démocratie qui donne des droits individuels, mais ces droits sont parfois devenus tels qu'à certains moments, ils peuvent faire éclater la communauté parce que les individus perdent la préoccupation des choses communes. Dans la perspective actuelle, on comprend, dit TOURAINE, que le "bien commun" est cet

ensemble de pratiques, de valeurs et de décisions collectives qui assure le bien de l'individu. Sans ce bien commun, même le bien individuel peut disparaître.

Vous savez (c'est ce que j'appelle le cours de sociologie de base !) que le tout n'est pas que l'addition des parties. Dans ce contexte, il faut réinventer le débat public, nous dit une école de philosophes qui travaillent sur cette question depuis Harvard. Il faut revoir le débat public dans la perspective à la fois de l'admission et du développement des droits et des libertés individuelles, ce qui évite les exclusions, mais obligatoirement en référence aux biens communs. C’est une condition de succès du débat public, a fortiori, de la participation publique.

 Une communication entre acteurs, qui réfère à une pratique culturelle faite de valeurs, de références, de codes et de règles. L’existence et la maîtrise de ces codes de communication deviennent essentielles à la participation publique.

2-2 La ville en santé, comme lieu obligé de participation

2-2-1 Nature de la ville

Comme mandataire ministériel à la révision de l'organisation municipale dans ma région, j'avais constamment une question en tête : qu'est-ce qu'une ville ?

Heureusement ou malheureusement considérant le moment, le 25 décembre au matin, j'ai eu un flash dont je veut vous faire part aujourd'hui.

Une ville, est composée et construite d’individus, d’un milieu de vie, d’une communauté et d’un gouvernement.

 La ville, milieu de vie, c’est un lieu de travail, de loisir, de résidence, de commerce, de services publics. C'est un milieu de socialisation, de solidarité et d'identité. Ces milieux se font souvent indépendamment du gouvernement municipal.

 La ville, c’est aussi une communauté civile active lieu d'appartenance.

Le principal paramètre de la communauté locale est l'identité ; la communauté identitaire joue un rôle très puissant pour susciter les solidarités, pour les éveiller.

Une communauté civile active et en santé est consciente des enjeux, organisée et agissante. Voilà un programme complet. Une communauté qui n'est pas consciente de ses enjeux ne voit pas le sens des choses qui la concerne. Elle est organisée si elle a ses associations, crée des réseaux entre les uns et les autres, bref est agissante. Autrement elle risque de se transformer en un marché de clients.

Dans la plupart des pays industrialisés, au fur et à mesure que l'Etat a questionné son rôle, on a reconnu cette réalité puissante qu'est la communauté civile. Il faut, aujourd’hui parler de communautés civiles très diversifiées et éclatées. Elles ont les couleurs de l'arc-en-ciel.

 La ville, c'est enfin un gouvernement local,. S’il est en santé, il est visionnaire et a un pouvoir. Il sait, ou devrait le savoir, reconnaître le sens du milieu de vie et se sentir en pouvoir.

Pour être en santé, un gouvernement local ne peut être constamment en attitude de victime ou attendre tout du gouvernement central, bref ne pas sentir ou ne pas exercer un pouvoir pour agir. A-t-il une vision ? Donne-t-il un sens aux événements pour mobiliser les personnes et la société civile et activer les solidarités ? C’est là le leadership essentiel.

Le "leader" n'est pas un dirigeant autocratique. Diriger, c'est de plus en plus donner la direction. Le leader trouve le sens aux événements et mobilise vraiment vers une direction.

Un gouvernement local, c'est aussi autre chose qu’un concierge (avec tout le respect et la compréhension que j'ai de ces premiers besoins), il gouverne, est le pilote de la ville. Il est démocratique; il invite à la participation. Sinon, la communauté civile et le gouvernement local travaillent en parallèle et même en opposition.

Un gouvernement local actuel parle, non pas d'égalité, mais d'équité. Face aux problèmes d'exclusion, par exemple, il faut de l'équité pour les individus et non pas que tout le monde vive avec le même uniforme.

Souvenez-vous des cols "Mao", ils étaient sans doute très égalitaires, mais étaient-ils équitables ?

Un gouvernement local offre des services de façon pertinente et efficace, qui fait, fait avec, fait faire, mais dans ce rôle de leader.

Voilà la ville, ses composantes et les idéaux qu'elle doit représenter, en étant conscient que c'est le rapport des individus, de la société civile et du gouvernement local qui façonne la ville.

Telles sont les caractéristiques expliquent et justifient la participation publique.

Espaces de participation dans la ville

Dans la ville, les espaces de participation publique sont nombreux pour le citoyen qui prendra part aux activités du gouvernement local, à celle de l’État ses agences, ses services. Il agira aussi dans l’agora de la communauté civile fait du milieu associatif, de celui des affaires, des communautés locales (quartier, voisinage, sur une base territoriale ou sur une base d'intérêt). Le citoyen sera aussi présent aux points de jonction de la société civile et des gouvernements.

La participation et sa place dans la ville peuvent se décliner ainsi :

Elle est un déterminant de la santé du milieu. parce qu’elle dynamise la vie démocratique

Elle est autant un mode de vie civile qu'un mode de gouvernance.

On va souvent décrier ces groupes qui se disent représentatifs, qui sont eux-mêmes sans démocratie et qui viennent utiliser les sièges de la participation devant le gouvernement. Ce sont en quelque sorte des "super-citoyens" ou de "super-leaders" qui veulent être partout, et le pauvre citoyen devient consommateur du groupe qui parle en son nom. Certes on lui demande une contribution annuelle pour financer cet organisme qui connaît son bien, mais on n'a pas besoin de lui demander son avis parce que l'on a aussi des leaders civils qui, eux, savent !...

Les acteurs de la participation publique sont des citoyens et, selon les cas, des ONG, des groupes d'intérêts, des gouvernants et même des administrateurs publics.

En effet, lorsqu'un gouvernement décentralise (je me souviens avoir examiné de près les réformes de la fonction publique en Suisse, où il y a eu un mouvement "d'empowerment", de contrat2), on donne alors à un fonctionnaire un rôle de décision et, à ce titre, il fait acte politique ; il n'est plus uniquement un exécutant. Dans le cadre de sa propre décision, il devrait avoir capacité de rentrer en communication, de consulter et d'inviter la participation publique.

Je travaille personnellement plus régulièrement avec les directeurs de la vie communautaire ou du loisir dans les villes québécoises.

Au-delà d'un mandat général qu'ils obtiennent du Conseil municipal, ils ont de multiples décisions à prendre, ne fut-ce que l'aménagement d'un parc dans un environnement. Ils sont

2 Thibault, André, Des prescriptions aux résultats: une réforme suisse ordonnée et publique, coll. Coup d’oeil, Observatoire de l’administration publique, ENAP, 1998, 8p

décideurs en cette matière décision. Ils consultent la population et vont même jusqu'à faire participer des enfants en les invitant à dessiner le parc. Il faut que la participation se fasse dans des modes de communication accessibles (j'y reviendrai).

La participation s'exerce dans l'environnement culturel et politique de l'Etat et de la communauté locale. Elle est une pratique

"culturelle".

La communautarisation et la mondialisation constituent son macro environnement. On sait bien que les premières solidarités doivent être très fortes dans la communauté locale pour que nous puissions tirer nos marrons de ce feu de la mondialisation. Cela devient l'une des justifications, encore beaucoup plus grande, qui nous permet de penser globalement et d'agir localement, donc de nous fonder localement pour être capables de nous situer également globalement.

C'est un peu ce que fait la famille dans nos vies personnelles. De la même façon, l'adolescent qui n'a plus le pouvoir sur son désordre ne se sent plus chez lui, bien qu'il vive chez ses parents. Il devient un colocataire. C'est le cas dans la communauté locale.

2-3 Participation et mouvement Villes en santé : une question de qualité de vie

Voyons maintenant des éléments qui vont amener à la participation, dans le contexte de "Villes et Villages en Santé" ou de "Villes en Santé".

2-3-1 La mission VVS

• Selon HANCOCK, une ville en santé est "une municipalité qui met en place et améliore continuellement son environnement physique et social (les communautés, les groupes, la vie) et qui utilise les ressources de la communauté afin de rendre ses citoyens aptes à s'entraider mutuellement dans la réalisation de leurs activités courantes et à développer leur plein potentiel" On retrouve cette définition sur grand nombre de sites des réseaux de Villes et Villages en Santé. Il serait étonnant que l'on puisse la vivre sans participation publique. L’action de VVS et de VS ne cherche-t-elle pas à valoriser :

Le capital humain que sont les personnes

Le capital social qu'est la communauté

Le capital physique que sont les espaces communautaires ; les logements sociaux, les agoras.

Le capital financier que sont nos moyens d'agir.

La mission de Villes et Villages en Santé c’est la qualité de vie. Je dirai que la solidarité en est le moteur et la participation, la stratégie.

2-3-2 Quelques indicateurs de la qualité de vie

La qualité de vie, c'est plus que l'absence de problèmes

La Fédération canadienne des municipalités publie et supervise depuis quelques années un certain nombre d'indicateurs de la mesure de la qualité de vie dans les différentes municipalités canadiennes. Je vous donne tels qu'ils les présentent les indicateurs utilisés:

Le capital humain ; la qualité des personnes

Le niveau de vie

La qualité de l'emploi

La qualité du logement

Les tensions sociales et l'état de convivialité

L'hygiène du milieu

La sécurité

La participation communautaire

Chaque année, il y a mise à jour des indicateurs et rapport public aux municipalités de l'état de la qualité de vie locale.

Tous connaissent l’échelle des besoins de Maslow :

Besoins de base : sécurité, manger, dormir, être aimé, interagir.

Besoins d'ordre supérieur : se développer, se réaliser, être reconnu, s'estimer soi-même.

Appliquant cette échelle aux services de la municipalité, je vous propose le modèle suivant :

Les services de bases :

sécurité, donc un service de police

circulation, parce que l'usager de la ville est devant le monopole de la ville quant à la circulation ; lorsque la circulation bloque, les nerfs sont tendus ;

eau, air et hygiène

de loisirs, de culture, d'un certain nombre d'activités de base.

Les services de qualité ajoutée

Soutien la beauté du milieu ; la beauté des choses n'est pas que pour les poètes, qui ne sont là que pour nous la rappeler. L'émotion que vous ressentez souvent à montrer votre environnement à des personnes de l'extérieur, C'est également la beauté d'une rencontre ;

Soutien à la communication et à l'identité .

Soutien à la réalisation avec les autres de projet communautaire.

Dans beaucoup de villes, ceux qui prennent une initiative doivent d'abord la justifier.

Soutien à la vie démocratique en accordant et en développement le pouvoir et le sentiment de pouvoir aux citoyens. C’est-à-dire le sentiment que l'on peut agir et non pas simplement être un client satisfait et bien gras.

2-3-3 Quelques indicateurs de la communauté de qualité

La communauté de qualité est caractérisée par un sentiment d'appartenance et d'identité ; elle est consciente des enjeux et engagée envers le bien commun, soit les conditions de la qualité de vie de l'individu. Cette communauté est en pouvoir sur ce qui la concerne, organisée, démocratique, conviviale et en harmonie. Voilà ce que reconnaît la recherche et la littérature.

En conséquence, faire du développement communautaire, c'est permettre à une collectivité d'être consciente, aux commandes et organisée.

2-3-4 La solidarité comme moteur de VVS et de VS

Il y a dans les villes des solidarités naturelles à activer, à canaliser. Au congrès annuel du réseau québécois tenu il y a quelques semaines, je disais qu'il fallait comprendre la solidarité comme une force qui est latente dans le milieu.

Il faut la faire émerger plus que la créer. On peut, toutefois, créer un milieu, une culture qui la favorise. Nous sommes des cultivateurs de solidarité. Il faut savoir cultiver et respecter la nature humaine. Faire du développement communautaire, c'est révéler autant que faire croître.

Comme on ne peut pas flatter les bourgeons pour que les feuilles poussent plus vite, il faut apprendre la patience et les astuces du paysan.

Comment activer les solidarités? Les activants connus sont soit une menace (ce peut être un événement comme des pertes d'emplois, une récession économique, des conflits...), soit un bénéfice recherché.

Il faut analyser les problèmes comme des activants de solidarité, dans la mesure où l'on peut en donner le sens et où l'on est capable de prendre action.

Dès lors, un citoyen ou un groupe qui activeront leur solidarité devront :

Etre acteurs, participer ;

Réaliser , agir concrètement;

Avoir du plaisir.

J’insiste sur cette dernière exigence, moins citée comme condition d’engagement des citoyens. Pourtant, toutes nos enquêtes montrent que, si ceux qui s'engagent n'ont pas de plaisir à le faire, ils décrochent. Je fais

actuellement une recherche sur le bénévolat en loisir à travers le Québec, j’y découvre que les motivations à l’engagement des personnes est de servir une cause, de rendre service, de vivre son loisir, sa passion, d'être quelqu'un, de croire passionnément à quelque chose.

2-4 Les réformes de l’administration publique et la participation Depuis une vingtaine d’années, dans la plupart des pays industrialisés, ont eu cours plusieurs réformes de l’administration publique qui ont questionné le rôle de l’Etat et appelé plus de participation des citoyens, du moins au niveau du discours.

Les caractéristiques de ces réformes peuvent se résumer ainsi 3:

Décentralisation et « empowerment » des collectivités locales

Approche client qui oblige une centration sur les besoins et la satisfaction des personnes

Orientation sur les résultats.

Désengagement de l'Etat dans certains secteurs et, en corollaire, partenariats avec la société civile

Invitation aux usagers à participer à la détermination des standards de qualité

Association à la communauté pour la livraison de services publics

Recherche d'efficience

Bref, l’État lâche la rame pour le gouvernail et partage son pouvoir. Il appelle la participation. Toutefois, nos analyses4 nous indiquent que sous une rhétorique participationniste se cache souvent plus une

« climatisation » des citoyens qu’une croissance de leur participation démocratique

2-5 Défis de la pratique en participation

La rencontre entre les citoyens, entre les gouvernements et les citoyens ou entre les organismes de la communauté et leurs membres est au cœur de la participation. Elle ne peut réussir sans que les participants n’aient convenu de valeurs, de références, d’un langage et de codes communs

3 Thibault, André, Participation publique et réforme des services (écoles et hôpitaux), une étude comparative dans quatre pays, Institut internationale des sciences administratives, Québec, juillet 1997, 27p.

4 Thibault, André, Entre « participation » et « approche client », que reste-t-il du citoyen, une étude dans six pays, Institut internationale des sciences admnistratives, Paris, 1998, 19p.

Or, une observation systématique de la pratique de la participation détecte des problèmes dont le premier vient de la confusion des concepts et des intentions : on invite les gens pour les consulter alors qu’on veut davantage les informer ou obtenir leur assentiment à un projet. L’autre problème, du point de vue de la démocratie, vient de la professionnalisation de l’administration, de la technique et du clientélisme qui font du citoyen un objet plus qu'un acteur.

Les déceptions vécues dans le passé amènent aujourd’hui le citoyen, les professionnels et les décideurs à demander des garanties de crédibilité, Dès lors, il faut :

établir la communication selon des règles et des codes essentiels à sa réussite et à son efficacité ;

remplacer le paternalisme par le partenariat et la crédibilité ;

assurer la rencontre de ceux qui savent avec les citoyens et maintenir la démocratie.

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