• Aucun résultat trouvé

Le contenu de la règle d’effectivité de la nationalité et sa portée incertaine.

AUX TRAITÉS DE PROTECTION DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

A. Le contenu de la règle d’effectivité de la nationalité et sa portée incertaine.

152. La décision ayant consacré ce principe est celle rendue à l’occasion de l’affaire dite

Nottebohm en 1955, qui a opposé le Liechtenstein au Guatemala237. Pour un bref rappel des faits, M. Nottebohm a été victime de diverses mesures prises à son encontre et à l’encontre de ses biens par le gouvernement du Guatemala pendant la deuxième guerre mondiale. Initialement, il avait la nationalité allemande jusqu’à ce qu’il ait été naturalisé

       

237 CIJ, Affaire Nottebohm (deuxième phase), (Liechtenstein c. Guatemala), arrêt du 6 avril 1955, Réc., p.

91 

au Liechtenstein, le 13 octobre 1939. Aussi bien la loi relative aux conditions d’acquisition de la nationalité de ce dernier Etat que la législation allemande prévoyaient qu’une telle naturalisation aurait pour effet de faire perdre la nationalité d’origine de M. Nottebohm238. Au moment du dépôt de la demande en protection diplomatique par le Liechtenstein, M. Nottebohm possédait donc uniquement la nationalité de ce dernier Etat.

153. La CIJ a relevé qu’au moment de la demande de la naturalisation présentée par M. Nottebohm, son seul lien avec le Liechtenstein, où il n’avait ni résidé, ni disposé d’un domicile, était le fait que l’un de ses frères s’y était établi. Après avoir acquis la nationalité de la Principauté, M. Nottebohm n’a montré en outre aucune intention de s’y installer. Il est au contraire revenu vivre au Guatemala où il résidait de manière régulière depuis 34 ans, et où se trouvait le centre de ses intérêts personnels et de ses affaires professionnelles. M. Nottebohm ne s’est établi de manière continue au Liechtenstein qu’après avoir été contraint de quitter le Guatemala, à la suite des poursuites déclenchées à son encontre dans ce dernier pays. Ces éléments ont permis à la Cour de considérer que la nouvelle nationalité de M. Nottebohm manquait « de sincérité qu’on doit attendre d’un acte aussi grave pour qu’il s’impose au respect d’un Etat se trouvant dans la situation du Guatemala. Elle a été octroyée sans égard à l’idée que l’on se fait, dans les rapports internationaux, de la nationalité »239. A la fin de sa décision, la Cour a estimé que « cette naturalisation a été recherchée, par lui [M. Nottebohm] pour lui permettre de substituer à sa qualité de sujet d’un Etat belligérant la qualité de sujet d’un Etat neutre, dans le but unique de passer ainsi sous la protection du Liechtenstein et non d’en épouser les traditions, les intérêts, le genre de vie, d’assumer les obligations… »240. La Cour a alors estimé que même si l’attribution de la nationalité des personnes physiques relevait en principe de la seule compétence des Etats, l’existence de certains critères communs de ce que les Etats entendaient par le qualificatif « national » s’était également formée au niveau international241.

       

238

Pour la loi du Liechtenstein, voir CIJ, Aff. Nottebohm, op.cit. p. 14; pour la législation allemande: KLAESTAD (H.), opinion dissidente, Rec., pp. 29-30

239 CIJ, Nottebohm, op.cit., p. 20 240

Ibid.

241

Selon la professeure BASTID (S.) une telle recherche montrait que la Cour entendait établir l’existence d’une coutume internationale, v. « L’affaire Nottebohm devant la Cour internationale de Justice », Rev. Crit. DIP, 1956, pp. 607-633, spéc. p. 625 ; Selon BROWNLIE (I.), la doctrine du lien effectif pouvait avoir le statut soit d’une règle coutumière, soit d’un principe général de droit, v. « The Relations of Nationality in Public International Law », British Yearbook of International Law, vol. 39, 1963, pp. 284-364, spéc. pp. 312-314 ; contra WEIS (P.), Nationality and Statelesness in International

 

92 

Conformément à une conception largement partagée, il était possible de définir ce terme comme étant « un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs »242. Ainsi, a été consacrée l’exigence selon laquelle la nationalité attribuée à un individu en droit devait être effective pour être reconnue en droit international.

154. L’arrêt Nottebohm constitue cependant le seul exemple d’une décision juridictionnelle internationale dans laquelle un tribunal a refusé de tenir compte de la nationalité unique d’un individu faute d’être suffisamment ancrée dans les faits. Tous les autres cas dans lesquels une juridiction internationale a refusé de tenir compte de la nationalité de la demande d’un requérant, que ce soit dans le cadre de la pratique contentieuse qui a précédé ou de celle qui a suivi l’arrêt Nottebohm, concernaient un problème de double nationalité243. Les tribunaux arbitraux confrontés à une telle question ont de manière assez unanime, mais pas toujours pour les mêmes motifs, refusé de suivre la position adoptée par la CIJ et d’apprécier l’effectivité de la nationalité d’une personne physique en cas de nationalité unique. L’une des positions les plus tranchées dans ce sens-là était celle de la Commission italo-américaine à l’occasion de l’affaire Flegenheimer. En analysant la portée de la doctrine de la nationalité effective, les arbitres ont considéré dans un premier temps qu’il ressortait de la pratique juridictionnelle que cette condition ne pouvait pas être invoquée par un Etat pour rejeter une réclamation internationale de la part d’un autre Etat en faveur de l’un de ses nationaux au motif que le même ressortissant avait en outre une nationalité d’un Etat tiers (autre que l’Etat défendeur)244.

A fortiori, la commission a alors considéré qu’il n’était pas non plus envisageable

       

Law, Stevens, Londres, 1956, p. 98. Cet auteur a considéré que la concordance des pratiques des Etats qui

ressortaient de leurs législations internes, ne suffisait pas à donner naissance à une règle internationale coutumière ; voir aussi GUGGENHEIM (P.), opinion dissidente, Nottebohm, Réc, p. 55, § 4.

242 CIJ, Nottebohm, op.cit., p. 23.

243 Voir dans le même sens PINTO (R), « Les problèmes de nationalité devant le juge international »,

op.cit., pp. 362-366. Concernant la pratique juridictionnelle postérieure à l’affaire de la CIJ, les

développements des arbitres dans la sentence Mergé rendue par la Commission de conciliation italo- américaine, peu de temps après l’arrêt de la CIJ pourraient être interprétés comme confirmant l’exigence d’effectivité de la nationalité individuelle en vue de son opposabilité au niveau international même en dehors des hypothèses de double nationalité, mais il est difficile de l’affirmer avec certitude car les faits dont le tribunal avait à connaître concernaient là encore une situation de conflit de nationalités, Commission de conciliation Italie – Etats-Unis, Affaire Mergé, 10 juin 1955, RSA, vol. XIV, pp. 236-248, spéc. pp. 246-247 ; voir commentaire VIGNES (D-H.), « Commission de conciliation italo-américaine, sentence du 10 juin 1955 : affaire Florence Mergé », AFDI, 1956, vol. 2, pp. 430-435.

244

Commission de conciliation Italie – Etats-Unis, Affaire Flegenheimer, op.cit., p. 377, § 62. Une référence explicite a été faite par la commission, pour conforter son propos, à la sentence arbitrale Salem,

93 

d’admettre que le principe d’effectivité pouvait s’appliquer lorsque l’individu ne possédait qu’une seule nationalité. En vertu des termes employés par celle-ci :

« Il n’existe, en effet, aucun critère d’une efficacité éprouvée pour déceler l’effectivité du rattachement à une collectivité politique, et les personnes qui, étant donné les facilités des déplacements dans le monde moderne, ont, par milliers, la nationalité juridiquement certaine d’un Etat, mais vivent dans des Etats étrangers où se trouvent leur domicile, le centre de leur vie familiale et économique, seraient exposées à la méconnaissance, sur le plan international, de la nationalité qu’elles possèdent en vertu des lois de leur Etat national, si cette doctrine était généralisée »245.

155. Un nombre d’auteurs ont repris ce type d’argumentation et ont souligné que la règle d’effectivité ne devait pas être appliquée en dehors des cas où elle servait à résoudre un conflit de nationalités246. Un autre auteur a même suggéré que le recours de la CIJ au principe de l’effectivité comme condition d’opposabilité internationale était stratégique. Son idée était de dire qu’en utilisant cette notion à substance floue pour soumettre certaines qualités de droit interne, dont la constitution dépend en général de modes de formation discrétionnairement établis par les Etats, la Cour a cherché d’une part à rassurer ces derniers qui pourraient craindre de se voir imposer des conditions d’opposabilité précises et contraignantes, et a réussi en même temps son pari qui consistait à imposer certaines limites certes de nature très imprécises mais dont le contenu est susceptible d’évoluer et ne dépendra finalement que de son œuvre prétorienne future247.

       

245

Flegenheimer, op.cit., p. 377, § 62, citation traduite par PINTO (R.), « Les problèmes de nationalité devant le juge international (à propos de l’affaire Flegenheimer) », AFDI, vol. 9, n° 1, 1963, pp. 361- 375, spéc. p. 368.

246

Voir KNAPP (B.), « Quelques considérations sur la jurisprudence de la Cour internationale de justice en matière de nationalité », Annuaire suisse de droit international, 1960, p. 158. L’auteur a estimé que « il n’est guère possible de partir de ce problème particulier du choix pour établir des règles générales sur la nationalité dans son ensemble ». Dans le même sens, PERRIN (G.), « Les conditions de validité de la nationalité en droit international public », Recueil d’études de droit international en hommage à Paul

Guggenheim, Paris, Institut universitaire de hautes études, 1968, pp. 853-887, spéc. p. 876 ;

247 COUVEINHES (F.), L’effectivité en droit international public, 2011, thèse de doctorat soutenue à

l’Université Paris II « Panthéon-Assas », sous la direction de ALLAND (D.), pp. 254-257 (798 pages). Cela ressort entre autres des précisions de la Cour selon lesquels les éléments pris en considération pour apprécier l’effectivité de la nationalité sont « divers » et que « leur importance varie d’un cas à l’autre » (CIJ, Nottebohm, op.cit., Rec., 1955, p. 22.). L’auteur précité a considéré en outre que les vraies raisons pour lesquelles la CIJ a déclaré la requête du Liechtenstein irrecevable n’étaient pas de nature procédurale mais de fond. La Cour ne voulait simplement pas condamner une pratique courante chez les Etats Alliés qui était celle de refuser de reconnaître la nationalité d’un Etat neutre d’un individu qui avait également la nationalité d’un Etat ennemi, ibid., pp. 558-565.

 

94 

156. L’article 4 du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la Commission du droit international en 2006 qui concerne la question de la nationalité des personnes physiques ne conditionne pas non plus la validité de celle-ci à une nécessité d’effectivité. Qui plus est, dans ses commentaires la Commission a émis l’avis que lorsque la Cour dans l’affaire Nottebohm a refusé de tenir compte de la nationalité liechtensteinoise de la personne protégée, elle ne cherchait pas à :

« énoncer une règle générale applicable à tous les Etats mais uniquement une règle relative selon laquelle, vu la situation, le Liechtenstein était tenu de démontrer l’existence d’un lien véritable entre lui-même et M. Nottebohm s’il voulait pouvoir prendre fait et cause pour ce dernier contre le Guatemala, pays avec lequel l’intéressé avait des liens extrêmement étroits. »248.

157. L’un des éléments clés de la solution de la Cour internationale dans l’affaire précitée serait alors le fait que le lieu de résidence effectif de M. Nottebohm se trouvait au Guatemala - l’Etat contre lequel l’Etat national de ce même individu a porté une réclamation. La Haute juridiction aurait alors estimé que d’une part les éléments de fait qui rattachaient M. Nottebohm au Guatemala seraient de nature plus effectifs que ceux le rattachant au Liechtenstein, et que d’autre part les éléments de faits rattachant M. Nottebohm au Liechtenstein étaient quasi-inexistants.

158. A titre de comparaison, et comme nous le verrons dans le chapitre qui suit, il est aujourd’hui bien admis en droit international qu’en cas d’une demande juridictionnelle introduite par un Etat ou directement par son ressortissant à l’encontre d’un autre Etat, dont la personne privée a également la nationalité, les juridictions ne doivent tenir compte que de la nationalité qui est la plus effective. Le champ d’application de la règle d’effectivité de la nationalité serait-elle alors limité uniquement à des situations dans lesquelles un individu aurait la nationalité d’un Etat, mais partagerait des liens plus forts avec un autre Etat sur le territoire duquel il aurait fixé en outre son lieu de résidence? 159. Ce n’est pas en tout cas la voie choisie par la Commission du droit international. Elle a

tout simplement exclu la possibilité de conditionner l’opposabilité de la nationalité d’un individu lorsqu’il n’en possède qu’une seule. Pour justifier son choix, elle a réitéré la

       

248 Projet d’articles sur la protection diplomatique et commentaires y relatifs, Annuaire de la Commission

95 

crainte exprimée par la commission de conciliation italo-américaine dans l’affaire

Flegenheimer précitée selon laquelle l’application de ce principe dans de tels cas :

« exclurait des millions de personnes du bénéfice de la protection diplomatique, puisque, dans le monde contemporain, sous l’effet de la mondialisation économique et des migrations, ils sont des millions à avoir quitté l’État de leur nationalité pour s’installer dans des États dont ils n’ont jamais acquis la nationalité »249.

Compte tenu toutefois du caractère discrétionnaire de la compétence d’un Etat de prendre fait et cause pour l’un de ses nationaux au niveau international, nous avons des fortes doutes qu’un Etat enclencherait effectivement la procédure de protection diplomatique en faveur de l’un de ses ressortissants qui a décidé de rompre pratiquement tout lien de rattachement avec lui en choisissant de fixer le centre personnel et professionnel de sa vie dans un Etat tiers où il a établi également sa résidence. Comme le professeur Charles DE VISSCHER l’avait fait observer, même si les règles nationales d’attribution de nationalité ne font pas appel aux mêmes critères sociologiques, elles « témoignent de la tendance de l’Etat à s’emparer des individus quand il les juge politiquement utilisables » ainsi qu’« à les abandonner sans protection aucune dans le cas contraire »250. Cela est sans doute vrai aussi pour les personnes morales que les Etats considèrent comme insuffisamment rattachées à leur économie nationale.

160. En ce qui nous concerne, nous rejoignons le point de vue exprimé par les auteurs qui ont considéré que la condition d’effectivité pour l’opposabilité de la nationalité d’un individu, qu’elle soit sa seule nationalité ou pas, consacrée par la Cour internationale de justice dans son arrêt Nottebohm, s’inscrivait pleinement dans la continuité d’une évolution plus générale du droit international consistant à tenir compte de la notion d’effectivité en tant que principe directeur d’interprétation des règles et de reconnaissance des situations juridiques qui en résultaient251. Ainsi, le professeur Paul

       

249

Ibid., p. 34.

250 VISSCHER (Ch. De), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone, 1953, p. 221 251 Voir dans ce sens BASTID (S.), « L’affaire Nottebohm… » op.cit., pp. 607-608 ; REUTER (P.), Le

développement de l’ordre juridique international, Paris, Economica, 1995, 643 pages, p. 514 ; Ces

auteurs ont considéré que l’ampleur des principes consacrés par la Haute juridiction dépassait le seul domaine des questions de nationalité. Ils ont notamment mis en parallèle le raisonnement de la Cour dans l’affaire Nottebohm avec celui de l’arrêt Pêcheries norvégiennes du 18 déc. 1951 concernant la question de l’étendue de la mer territoriale. Pour rappel, dans cette dernière affaire la CIJ a déclaré que même s’il s’agissait d’un acte unilatéral étatique, puisque c’étaient uniquement les Etats riverains qui avaient la compétence pour en adopter un, la délimitation à laquelle a procédé la Norvège était soumise à certains

 

96 

DE VISSCHER a considéré que la nécessité d’un rattachement réel d’un individu à son Etat n’était qu’un aspect du principe plus général d’effectivité auquel était soumis le système des règles du droit international tout entier, sous peine de ne pas remplir l’une de ses fonctions premières qui est notamment celle de coordonner l’exercice des souverainetés étatiques et d’ « harmoniser le jeu des forces politiques en présence »252 . L’auteur a ajouté qu’il était pour lui indispensable que le droit international tienne compte des réalités des situations sociales, autrement son ordre était exposé à la révolte des faits contre le droit253.

161. Une autre question se pose en conséquence. Quelles sont les circonstances dans lesquelles on peut considérer que la nationalité d’un individu ne se caractérise pas d’une effectivité suffisante et dans lesquelles elle devrait par conséquent être privée d’effet au niveau international ? Dans son arrêt Nottebohm la CIJ a proposé un certain nombre d’éléments susceptibles d’être analysés par les juridictions confrontées à une telle problématique, tout en précisant que sa liste n’avait pas pour vocation d’être exhaustive et que l’importance des différents indices pouvait varier d’une affaire à l’autre254. Elle a cité d’une part des critères que nous pouvons considérer comme étant de nature objective ou matériellement identifiables. Il s’agit notamment du lieu du domicile de l’intéressé, du lieu du centre de ses intérêts, aussi bien personnels que professionnels, du lieu de résidence des membres de sa famille etc. La Cour s’est référé d’autre part à un critère de nature plus subjective et donc plus difficilement mesurable qui était celui de l’attachement manifesté par l’individu à son Etat de nationalité et de celui inculqué à ses enfants. Tenter d’évaluer le sentiment d’appartenance individuel vis-à-vis de son Etat d’allégeance juridique peut certes s’avérer une tâche délicate et compliquée, mais nous paraît en effet indispensable si le vrai but de la doctrine de l’effectivité est celui d’ « atteindre le réel dans sa totalité »255. Comme le Professeur TOUZE l’avait en outre

       

principes internationaux qui permettaient d’en apprécier la validité à l’égard des Etats tiers. Il a été notamment souligné en doctrine que l’un des critères permettant aux juges d’apprécier cette «validité » était justement celui de l’effectivité (pp. 131-133 de l’arrêt).

252 VISSCHER (P. De), « L’affaire Nottebohm », RGDIP, vol. 60, 1956, pp. 238-266, spéc. p. 258 253

Ibid.

254

CIJ, aff. Nottebohm, op.cit., p. 22

255 VISSCHER (P. De), « L’affaire Nottebohm », op.cit., p. 260 ; Le professeur Jacques MAURY quant à

lui avait estimé que « L’incertitude […] est la rançon de toute solution qui veut se tenir proche des faits, des réalités », « Du conflit de nationalités et en particulier du conflit de deux nationalités étrangères devant les autorités et les juridictions françaises » in Mélanges Georges Scelle, Paris, L.G.D.J, 1950, t. 1, p. 389

97 

constaté, le lien de nationalité constitue « une combinaison essentielle entre deux dimensions : une dimension étatique et une dimension individuelle »256.

162. Cette dernière difficulté se dissipe partiellement par le fait que le refus par une juridiction de donner un effet à une nationalité établie conformément au droit interne d’un Etat doit finalement rester de nature très exceptionnelle. En justifiant sa solution retenue dans l’arrêt Nottebohm, la CIJ avait insisté sur « l’absence de tout lien de rattachement entre Nottebohm et le Liechtenstein »257. Ce n’est alors lorsqu’aucun élément objectif de rattachement ne lie un individu à son Etat national (son domicile ou le centre de ses intérêts professionnels ne s’y trouve pas ou plus) que la question de l’appréciation de l’attachement personnel de l’individu vis-à-vis de ce même Etat se posera. Aux fins de l’évaluation du degré de cet attachement les juges ou les arbitres pourraient s’appuyer sur certains éléments plus concrètement identifiables en se posant notamment la question de savoir par exemple quelle est la fréquence des retours éventuels de l’individu dans son Etat de nationalité, est-ce qu’il s’intéresse et participe à la vie publique de celui-ci en exerçant par exemple ses droits électoraux ; est-ce qu’il dispose de certaines propriétés qu’il a acquises ou héritées et dont il ne veut pas se séparer; prend-il part à d’autres activités sur place etc. Les réponses recueillies à de telles interrogations sont susceptibles de forger une opinion du tribunal quant à la volonté de l’individu de rester connecté à son pays national et cela malgré la distance du centre de sa nouvelle vie, qui le sépare géographiquement, mais peut-être pas mentalement de l’Etat de sa naissance ou de son Etat national par ascendance.

163. Un contrôle semblable d’effectivité du rattachement étatique d’un individu, devrait à notre avis être exercé également lorsqu’une règle internationale confère la capacité à un requérant de se prévaloir de son titre de résident d’un Etat aux fins de bénéficier de

Outline

Documents relatifs