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rencontres pendant la Guerre (1943 1945) :

B. Recherches, rencontres et premier cycle de conférences Macy (1946-1948) :

2. Conférence Macy 1 :

Au printemps de 1946, « McCulloch avait conclu un arrangement avec la

Fondation Josiah Macy pour la première d’une série de réunions qui devaient se tenir à New York et être consacrées au problèmes du feedback. » 326 327 Trois semaines avant la rencontre, Wiener souligna

l’importance de l’événement : « cette rencontre va être une grande chose

pour nous et notre cause. » 328 Elle s’est tenue à New York les 8 et 9 mars

1946, et avait pour titre : “Mécanismes de Feedback et Systèmes Causaux

Circulaires dans les Systèmes Biologiques et Sociaux”. 329 Elle a été

« largement consacrée aux articles didactiques présentés par ceux […] qui avaient participé à la réunion de Princeton et à l’estimation générale de l’importance du domaine par toutes les personnes présentes. » 330 Y ont

été abordées « les idées importantes sur "l'information" dans la théorie de

la communication et la relation de l’information à l'entropie […], » 331 en

sachant que « la théorie était nouvelle et [que] les articles classiques de

Claude Shannon et Norbert Wiener furent disponibles seulement en 1948. » 332

- Mathématiciens :

Wiener a parlé de l’incidence des nouvelles machines sur la logique. Il a notamment « discuté du paradoxe Russellien et de la réponse oscillante

de l'ordinateur "oui-non-oui-non-oui-non" à ce paradoxe […]. » Il va y

revenir dans “Cybernétique” (1948). Heims souligne le positionnement scientifique atypique de Wiener, qui n’était pas « d'accord avec la

philosophie du positivisme logique dominant en science. » 333

Dans le “Manifeste du Cercle de Vienne”, « Neurath, Carnap et Hahn se

disent – au nom du collectif qu’ils représentent – préoccupés par la renaissance d’idées métaphysiques qui menacent de remettre en question la place centrale qu’occupe et que doit occuper selon eux la seule science » 334 :

325 Ibid., p. 25. 326 Ibid., p. 23. 327

Les conférences n’ont été transcrites qu’à partir de Macy 6. Note de l’auteur.

328

“Wiener to McCulloch, 15 February 1946”. Cité par Heims S. J., op. cit., 1991, p. 48.

329 Feedback Mechanisms and Circular Causal Systems in Biological and Social Systems. 330

WIENER N., op. cit., 1948, 1961, trad. Pélissier A., 1995, p. 25.

331

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 96.

332 Ibid., p. 97. 333

Ibid., p. 106.

334

BARBEROUSSE A., KISTLER M., LUDWIG P., La Philosophie des sciences au XXe siècle, Flammarion, Paris, 2000,

« La conception scientifique du monde […] vise la science unitaire. Son effort est de relier et d’harmoniser les travaux particuliers des chercheurs dans les différents domaines de la science. Cet objectif explique l’accent mis sur le travail collectif ainsi que la valeur accordée à ce qui peut être intersubjectivement saisi. De là, la recherche d’un système formulaire neutre, d’un symbolisme purifié des scories des langues historiques, de là aussi la recherche d’un système total de concepts. La netteté et la clarté son visées, les lointains sombres et les profondeurs insondables refusés ; en science, pas de “profondeur”, tout n’est que surface. » 335

L’idée qui domine « la position commune du Cercle, qui est reflétée dans

l’appellation de “positivisme logique” ou d’“empirisme logique”, est [que] […] la supériorité de la science empirique à l’égard de la recherche de la vérité vient de ce que seule la science empirique est fondée sur l’observation. » 336 Celle-ci ne permet de justifier – même indirectement –

les propositions scientifiques que « par l’intermédiaire d’énoncés

d’observation. Seul un énoncé peut intervenir directement dans la justification d’un énoncé. Seul un énoncé – ou plus précisément la proposition qu’il exprime – peut être vrai ou faux. Mais alors, qu’en est-il de la justification des énoncés d’observation singuliers eux-mêmes ? Peuvent-ils être justifiés par les observations qui, n’étant pas des énoncés, ne peuvent être ni vraies ni fausses ? » Les philosophes du

Cercle se sont efforcés de « préciser la nature de la jonction entre

l’observation d’une part et l’édifice des énoncés scientifiques d’autre part » :

« Au centre de ces efforts se trouve l’idée selon laquelle il existe des énoncés d’un type particulier qui peuvent assumer la double exigence requise pour le fondement de la science empirique : 1) ils doivent eux-mêmes faire partie de la science, c’est-à-dire posséder les propriétés des énoncés scientifiques ; 2) ils doivent pouvoir être justifiés directement, à savoir par l’expérience sensible, en particulier par l’observation, et ainsi fournir un fondement ultime à la science. La forme et la nature de ces énoncés deviennent l’enjeu principal de ce débat sur le fondement de la science empirique. » 337

Wiener trouvait « les principes transdisciplinaires fortement abstraits

intéressants […], » 338 bien qu'il sache « que des déclarations très

abstraites et générales ne sont pas susceptibles de test expérimental. Ils doivent être réduits en des termes plus spécifiques. » 339 Le mathématicien

désirait « traduire les théorèmes exacts d'ingénierie de communication, de

physique et de logique formelle dans des déclarations verbales, formelles relativement vagues […], » qu’il prolongerait alors et appliquerait « d'une façon heuristique 340 à d'autres secteurs de la science, bien que la plupart

335

CARNAP R., HAHN H., NEURATH O., “La Conception scientifique du monde” in Manifeste du Cercle de

Vienne, Vrin, Paris, 1929, 2010, p. 110.

336 BARBEROUSSE A., KISTLER M., LUDWIG P., op. cit., 2000, p. 12. 337

Ibid., p. 12.

338

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 106.

339 WIENER N., ROSENBLUETH A., “The Role of Models in Science”, Philosophy of science 12: 316-322, 1945. Cité

par Heims S. J., op. cit., 1991, p. 106.

340

“Heuristique : (adj.) qui sert à la découverte, notamment dans le recherche scientifique et épistémologique.

des scientifiques aient désapprouvé de telles pratiques. » Pour des

générations de chercheurs, « la spécialisation étroite avait été la condition

sine qua non de la science […] ; par conséquent, les efforts de Wiener […] pour décrire le monde et nous-mêmes d'une façon compréhensible, holistique et pourtant de fonctionner comme un scientifique n'ont pas été pris au sérieux par des collègues et tendait à l’isoler. » 341

A Macy 1, Wiener a critiqué le concept freudien de libido, et a soutenu

« que "l’information" est un concept de base plus approprié pour décrire des événements psychologiques. » Chose plus surprenante, le neurologue

nouvellement psychanalyste Kubie 342 « critiqua l'utilisation freudienne du

concept de libido comme fallacieux et, particulièrement, trouva le principe économique quasi-quantitatif pour la libido injustifié. » 343

Le jeune mathématicien Leonard Savage, autre membre du groupe cybernétique, « travailla sur la reformulation des statistiques

mathématiques et le développement d'une procédure systématique pour faire des décisions "sages". » Heims, qui montre un penchant pour les

approches sociologiques, voit en Savage « une figure particulièrement

intéressante parmi les créateurs de théories de décision statistiques modernes parce qu'il a pris au sérieux les jugements subjectifs […]. » 344

Savage a défini la probabilité « comme une mesure de la force de la

croyance d'une personne en une proposition particulière, comme, par exemple, les paris qu’elle serait en principe encline à faire qu’un événement particulier arriverait. » 345 Le mathématicien s’intéressa aussi

« aux applications des mathématiques [particulièrement la statistique] à la biologie […]. » 346

- Psychologue de la perception :

Pendant la seconde matinée de la conférence, la discussion se centra sur le processus de perception. Le psychologue Heinrich Klüver, « qui avait

une connaissance encyclopédique des études psychologiques et biologiques sur la perception, dît carrément que seule l'ignorance existait quant à ce qui détermine la perception des formes (comme un triangle, la lettre A, un chêne, ou une mélodie). » Bien qu’elles lui soient familières,

Klüver « ne croyait pas que les théories et les expériences de la Gestalt

fournissaient une compréhension adéquate de la perception des formes et des modèles. » Aussi défia-t-il « les scientifiques assemblés de développer une théorie sur comment un cerveau ou - considérant le cadre de la discussion - comment un automate pourrait percevoir des Gestalts. » 347

Klüver ne pensait peut-être pas seulement aux humains, mais aussi aux animaux – il travaillait souvent avec des singes – « ou aux technologies

341

HEIMS S. J., op. cit., 1991, pp. 106-107.

342 Kubie, “The fallacious Use of Quantitative Concepts in Dynamic Psychology”, reprinted in Symbol and Neurosis, International Universities Press, 1978. Note de Heims.

343

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 146.

344 Ibid., p. 91. 345 Ibid., p. 100. 346 Ibid., p. 99. 347 Ibid., p. 224.

informatiques naissantes, quand il demanda comment, sauf par le langage, on pouvait savoir quelles Gestalts sont perçues. » 348

La question de la nature de la perception va constituer un sujet de controverse aux rencontres Macy, « particulièrement entre Wolgang

Köhler, le représentant le plus en vue du Gestaltisme et les cybernéticiens, notamment Warren McCulloch. » Heims estime que « leurs différences suscitèrent une période de recherche créative dans les champs de la perception et, plus généralement, de la connaissance (le problème de comment la connaissance est acquise) qui continue aujourd'hui. » 349A

propos du problème classique que Klüver posa aux rencontres – comment

percevons-nous les formes ? -, Heims rappelle la conception généralement

admise avant le Gestaltisme :

« L'unité élémentaire de perception avait été conçue comme provenant d'un processus physique nécessairement élémentaire. Un élément neural, par exemple, une région petite et limitée sur la rétine, répond à un stimulus physique de façon bien définie, et la sensation résultante est entièrement déterminée par ce stimulus (la prétendue hypothèse de constance). On a présumé que les stimuli sont locaux et totalement inchangés par l'excitation d'autres éléments neuraux voisins. Tel a été le concept de la perception au dix- neuvième-siècle basé sur Helmholtz, Fechner, E. H. Weber et sur G. E. Müller au vingtième. » 350

Au vingtième-siècle, les psychologues de la Gestalt ont pris au contraire comme entités élémentaires « des unités organisées de la perception,

comme des formes dans un champ visuel […]. Comment nous comprenons les formes devint la question de base dans la psychologie de la perception. » 351 Du fait de sa familiarité avec l’histoire du concept de

perception, et de sa rigueur scientifique, « Klüver a agi comme une sorte de conscience scientifique de la psychologie. Il n'a pas pris le développement de la physique comme son modèle pas plus qu’il n'a vu le test de théories générales comme la fonction principale de l'expérience en psychologie. Il savait […] que "cette psychologie a voyagé par beaucoup de routes qui n'ont mené nulle part et qu’elle est unique parmi les sciences dans ses trésors d'informations négatives." 352» 353 Lui qui était

passé de l’étude des images à la psychologie biologique expérimentale prônait une spécialisation étroite en psychologie, c'est-à-dire des

« analyses expérimentales et théoriques pénétrantes de problèmes spécifiques, » car « les théories et les hypothèses de psychologie couvrent en général de trop grandes gammes de phénomènes et deviennent en conséquence vagues et superficielles ou bien ignorent les implications de phénomènes spécifiques et échouent ainsi à atteindre la vraie “généralité”. » Klüver n’étant « donc pas un avocat d'une approche

348 Ibid., pp. 224-225. 349 Ibid., p. 225. 350 Ibid., pp. 230-231. 351 Ibid., p. 231. 352

KLÜVER H., “Psychology at the Beginning of World War II : Meditations on the Impending Dismemberment of Psychology Written in 1942”, Journal of Psychology 28: 338-410, 1949. Note de Heims.

générale comme le Gestaltisme ou la cybernétique, » 354 Heims interroge

la raison de sa présence dans le groupe cybernétique. Klüver l’a expliquée bien plus tard :

« Bien que j'aie été appelé “un loup solitaire” j'ai constaté que ces conférences m'ont fourni le “plus” 355 qu’aucune somme de lecture d’articles scientifiques ou d’écoute de présentations formelles ne peut jamais fournir.» 356

Klüver avait suivi le psychologue Karl Lashley à Chicago en 1928. Il y avait obtenu un poste à l'université. C’est là qu’il rencontra certains des futurs membres du groupe : McCulloch, le neuroanatomiste Gerhardt von Bonin, le neurophysiologiste Ralph Gerard et le psychiatre Henry Brosin. En 1936, Klüver et le neurochirurgien Paul Bucy, qui étudiaient le lieu d’action de la mescaline dans le cerveau, avaient constaté les effets de l’ablation du lobe temporal gauche chez un singe rhésus femelle

« particulièrement vicieux » : « la lobectomie changeait radicalement la personnalité d’Aurora et faisait d’elle une créature apprivoisée. Ceci mena à une nouvelle étude de la relation du cerveau avec la personnalité et devint connu comme le syndrome Klüver-Bucy. » 357Heims considère que

« la dévotion de Klüver pour la science pure pour l’amour de la connaissance, non pour son application […], » négligeait le fait que

d’autres utiliseraient cette connaissance. Si Klüver « ne recommandait pas

avec insistance la psychochirurgie comme traitement médical, » d’autres

utilisèrent cette technique :

« Quelques psychiatres prirent une réplique du syndrome Klüver-Bucy et s’engagèrent dans une affreuse psychochirurgie pour "améliorer" le comportement de patients psychiatriques agressifs, les transformant presqu’en légumes. » 358

- Représentants des sciences sociales :

Bateson et Mead ont décrit les conditions de possibilité d’une théorie cybernétique en sciences sociales. L’anthropologue et épistémologue anglais Gregory Bateson avait entrepris à partir de 1927 une série d’enquêtes ethnologiques en Nouvelle-Guinée. Il avait observé « qu’un

village Iatmul est presque perpétuellement menacé par la fission de la communauté parce qu'il est caractéristique que des rivalités intenses et croissantes arrivent entre deux groupes. » 359 Mais Bateson avait constaté

que « d’habitude la communauté ne se désagrège pas, » et « qu’un

événement important détournant une explosion est la cérémonie élaborée nommée "Naven," qui entraîne le travestisme et la bouffonnerie. » 360 Les

rituels Naven sont célébrés chez les Iatmul « pour honorer les premiers

354 KLÜVER H., op. cit., 405, 1949. Cité par Heims, op. cit., 1991, p. 225. 355

En français dans le texte.

356

“Klüver to Heims, letter, 7 October 1973”, cité par Heims S. J., op. cit., 1991, p. 225.

357 HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 229. 358

Ibid., p. 230.

359

Ibid., pp. 56-57.

exploits d'un enfant, qui vont du meurtre d'un animal ou d'un étranger à des actions plus pacifiques comme de jouer du tambour ou de la flûte et, pour une fille, d'attraper un poisson ou de faire des galettes de sagou »361 :

« À cette occasion, les frères de la mère, vêtus de vieilles jupes de fibre, parodiaient la féminité, tandis que les sœurs du père, parées de beaux atours masculins, se pavanaient, ayant à la main le bâtonnet à chaux (pour chiquer le bétel) de leur mari et le frappant sur une boîte pour produire un bruit caractéristique qui exprime l'autorité et la fierté du mâle. » 362

De cette époque « naîtra un livre admirable, Naven, publié en

1935, » dans lequel Bateson fait suivre « la description des faits ethnographiques […] d'une longue exploration épistémologique » qui

montre « que de nouveaux outils conceptuels, tels que l’eidos (le tableau

des processus cognitifs d'une culture) et l'ethos (les valorisations émotionnelles d'une culture), doivent être recherchés moins dans l'inconscient que dans l'apprentissage. »363 A ces facteurs de stabilité

s’ajoutent des facteurs qui impliquent le changement, soit des processus de différenciation que Bateson a nommés schismogenèse. Ces processus

prennent soit la forme symétrique, soit la forme complémentaire :

« Dans la schismogenèse symétrique un modèle compétitif d'interaction entre deux groupes (ou individus) renforce continuellement la rivalité (par exemple, par la vantardise et le défi provocateur) […] - une situation qui est nécessairement fortement instable. Dans la schismogenèse complémentaire les deux partis interagissent […] de façons opposées : par exemple, on est de plus en plus dominant et l'autre de plus en plus soumis, ou un exhibitionniste et l'autre admirant. Un tel modèle peut aussi se déchaîner. Le sujet spécifique de recherche dans les deux types de schismogenèse est le mécanisme servant pour renforcer ou restreindre l'escalade […]. »364« La schismogenèse symétrique dénote une différenciation égalitaire et compétitive, tandis que la forme complémentaire est de nature hiérarchique. » 365

Convaincu depuis 1942 de la pertinence des idées nouvelles pour les sciences sociales, Bateson avait « bon espoir que les mathématiciens et

les ingénieurs aux conférences de cybernétique pourraient fournir des outils pour une meilleure construction théorique dans les sciences sociales. » Les nouvelles idées, notamment celles présentées par Wiener, « semblaient proches de ses propres notions précédentes, mais plus précises, plus générales, et démontrables et analysables dans des modèles mathématiques ou des gadgets électromécaniques. » 366 Quand il

s’est confronté aux concepts de la cybernétique en 1946, Bateson s’est senti contraint « d’expliquer soigneusement les bases épistémologiques et

361

DE COPPET D., “Bateson Gregory- (1904-1980)”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 septembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/gregory- bateson/

362

BATESON G., Naven, Standford : Stanford University Press, 1958; 1st ed. Cambridge: Cambridge University Press.

363 DE COPPET D., “Bateson Gregory- (1904-1980)”, op. cit. 364

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 57.

365

DE COPPET D., “Bateson Gregory- (1904-1980)”, op. cit.

les implications du transfert des idées des mathématiques et de l’ingénierie aux sciences sociales. »367 Sa réflexion « acquiert une autre

dimension, plus novatrice encore, à la suite de sa participation aux conférences […]. » 368 Le feedback positif était « apparenté à la

schismogenèse [symétrique] et le feedback négatif à sa contrepartie menant à la stabilité […]. » 369 Après 1946, Bateson s’est de plus en plus

inspiré de Russell « pour décrire la communication humaine » et pour construire « dans les années après les conférences Macy […] une théorie

générale du jeu et de la fantaisie aussi bien que […] l'hypothèse de la double contrainte dans la schizophrénie. » 370 Les espérances de Bateson

« envers les cyberneticiens ne furent pas déçues, si l’on en juge par ce qu’il a écrit plusieurs années plus tard » 371 : « Les deux événements

historiques les plus importants dans ma vie furent le Traité de Versailles et la découverte de la Cybernétique. » 372

Margaret Mead « était non seulement une des principales anthropologues

de sa génération et pour peu de temps la présidente de l'Association Anthropologique américaine, mais aussi la grande vulgarisatrice de l'anthropologie. » 373 Au cours de ses études, elle avait suivi

« l'enseignement sévère de Franz Boas, qui l'initia, avec son assistante Ruth Benedict, à l'anthropologie. C'est ainsi qu'elle fut une des dernières élèves du “père de l'anthropologie”, selon l'expression de Claude Lévi- Strauss […]. » Désireuse d’« entreprendre sa première étude en Polynésie, elle réussit à convaincre Boas de l'autoriser à partir seule sur une île lointaine enquêter sur les problèmes de l'adolescence. » Mais « Boas refusa de la laisser travailler aux îles Tuamotu, préférant Samoa, moins isolée. » 374 De son séjour à Samoa, entrepris à l’âge de vingt trois

ans, elle « rapporta un livre 375 […] qui cherchait à prouver que la crise de

l'adolescence n'existait pas dans certaines sociétés, alors qu'on la croyait universellement répandue. […] tout en s'inspirant des découvertes de Freud, » 376 elle voulait montrer que « les normes et les idéaux de

tempérament et de comportement masculin et féminin diffèrent énormément d'une culture à l’autre. » 377

- Psychologue de la Gestalt :

« L'influence de l’école de la Gestalt et de ses créateurs - Wertheimer,

Köhler, Koffka – était ressentie aux conférences, bien que ce soit plus fort aux premières rencontres. » La psychologue Molly Harrower faisait partie

367 Ibid. 368

DE COPPET D., “Bateson Gregory- (1904-1980)”, op. cit.

369 HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 59. 370 Ibid., p. 108.

371

Ibid., p. 59.

372

BATESON G., Steps, p. 471. Cité par Heims, op. cit., 1991, p. 59.

373 HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 69. 374

DE COPPET D., “Mead Margaret - (1901-1978)”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 septembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/margaret-mead/

375 MEAD M., “Coming of Age in Samoa”, (“Adolescence à Samoa”), trad. G. Chevassus, in Mœurs et sexualité en Océanie, Plon, Paris, 1928, 1963.

376

DE COPPET D., “Mead Margaret - (1901-1978)”, op. cit.

des invités de la première rencontre, « une amie de longue date de

McCulloch, qui avait commencé sa carrière comme unique doctorante américaine de Kurt Koffka à Smith College, » et qui conserva sa vie durant « une forte affinité avec le point de vue de la Gestalt. » 378 Elle avait été

« associée pendant plusieurs années aux expériences du neurochirurgien Wilder Penfield à Montréal » :

« Penfield stimulait électriquement les parties du cortex exposé d'un patient […], tandis que Harrower […] observait les actions et les mots (volontaires ou involontaires) du patient. […] Souvent la stimulation électrique évoquait des sons spécifiques, des mémoires, des visions, ou des rêves. Ces études suggérèrent fortement la localisation précise des mémoires, des "flashbacks", dans les lobes temporaux. » 379

- Philosophe :

Le groupe cybernétique comptait un philosophe : très connu dans les milieux universitaires, Filmer Northrop soulignait comme Wiener, que la tendance générale vers le désordre moléculaire décrite par la Deuxième Loi de la thermodynamique « n'écarte pas l'ordre détaillé et la

structuration qui arrive spontanément quand, par exemple, une plante à fleurs grandit d'une graine ou un embryon se développe. » 380 Le point