• Aucun résultat trouvé

rencontres pendant la Guerre (1943 1945) :

B. Recherches, rencontres et premier cycle de conférences Macy (1946-1948) :

12. Conférence Macy 4 :

La quatrième conférence Macy s’est tenue à New York les 23 et 24 octobre 1947. Elle était intitulée Mécanismes causaux circulaires et feedback dans

les systèmes biologiques et sociaux. 499

- Un mauvais accueil pour Köhler et sa théorie des champs :

Avant la conférence, McCulloch avait adressé un compte rendu des trois

premières rencontres 500 à chacun des participants. Cette quatrième

conférence allait être marquée par la controverse entre Köhler, qui donna sa présentation prévue depuis longtemps, et le groupe cybernétique.

« Lorente de Nó ne resta pas pendant le deuxième jour » ; quant à Pitts et

McCulloch, ils « furent déçus parce que Köhler ne traita pas des données

neurophysiologiques concrètes »501 : « Le vrai problème étaient que Köhler

essayait de présenter une théorie des champs au lieu des faits et n'avait, en fait, aucune théorie; car c'est l'essence d'une théorie d'un champ que de prescrire exactement en termes quantitatifs. » 502 L’accueil que le

groupe réserva à Köhler déplut à ses deux admirateurs, les psychologues

Hans Teuber 503 et Molly Harrower :

« Qu'importait-il que la physique de Köhler soit quelque peu simpliste ? Teuber se rappelait : "ce fut une soirée triste et Köhler estima gravement que son discours était tombé tout à fait à plat." 504 Harrower fut peu satisfaite du groupe et fut sur le point d’abandonner, mais elle le fit seulement après la rencontre suivante. » 505

- Quatre faits de perception mis en évidence par la psychologie de la

forme :

McCulloch persuada les deux psychologues de présenter au groupe, à la rencontre suivante, les phénomènes perceptifs appelés faits de perception sur lesquels les psychologues de la Gestalt avaient attiré l'attention, et dont les deux premiers contredisaient le point de vue atomiste. Heims présente le premier fait de perception, dit mouvement gamma, avec scepticisme :

499

“Circular Causal and Feedback Mechanisms in Biological and Social Systems”.

500 McCULLOCH W., “An Account of the first three Conferences on Teleological Mechanisms”. 501

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 237.

502

“McCulloch to Teuber, 10 December 1947”, cité par Heims, op. cit., 1991, p. 237.

503 Le psychologue Hans Lukas Teuber, qui participait pour la première fois à une conférence Macy, sera admis

comme membre du groupe à l’issue de celle-ci. Note de l’auteur.

504

“Teuber to Heims, interview, 30 October 1968”. Note de Heims.

« Typique de beaucoup de phénomènes visuels gestaltistes classiques est le soi- disant mouvement gamma, qui fournit la preuve contre l'atomisme et pour l'interaction des faits locaux : "quand un objet apparaît soudainement dans le champ visuel, cet objet s'étend rapidement, et quand l'objet soudainement disparaît, il se contracte. De même quand […] un groupe d’objets est montré soudainement, les membres de ce groupe s’éloignent rapidement l'un de l'autre de telle sorte que le groupe entier s'étend." 506 » 507

Un second fait de perception utilisé comme argument contre l’atomisme concerne la vision colorée :

« Quand un objet gris entouré par une surface blanche est comparé à un second objet qui […] a la même couleur grise, mais est entouré par une surface noire, l'objet gris-sur-blanc a l’air plus sombre que l'objet gris-sur-noir. Des effets semblables […] peuvent aussi être démontrés quand les couleurs environnantes en question sont […] rouges ou jaunes ou verts ou bleus. Dans un environnement rouge, par exemple, un objet gris a tendance à sembler verdâtre, et ainsi de suite. » 508

Un autre principe majeur de la psychologie de la Gestalt est « l'importance

de l’"insight” dans la résolution de problème […], » soit « la prégnance de la relation sur les événements dans une situation. » Parmi beaucoup

d’autres preuves de l’existence d’insights, Köhler avait observé des singes cherchant à saisir une banane, qui découvraient soudainement un bâton

leur permettant de le faire :

« Un tel insight fut pris pour un événement concomitant d’une restructuration du champ perceptif, pas un processus local. La restructuration peut être illustrée en regardant une image qui semble d'abord être deux visages, mais apparaît soudainement comme un vase. » 509

Dans un compte-rendu de “Cybernétique” de Wiener qu’il a publié en 1951, Köhler a appuyé son scepticisme concernant les comparaisons entre la pensée humaine et les machines à calculer, sur l’absence d’insight dans les machines :

« Quant aux comparaisons maintenant populaires entre la pensée humaine et l'opération de machines à calculer, la réserve la plus grande semble être indiquée … De ce que [Wiener dit dans "Cybernetique"] on n'obtient pas l'impression que les processus arrivant dans les machines sont fonctionnellement comparables à ceux qui arrivent chez l'homme pensant … parmi leurs fonctions il n'y a aucune qui peut être comparée à l'insight dans la signification d'un problème. » 510

Le quatrième fait de perception concernait « les répercussions figurales

que Köhler avait examiné au début des années 1940. » On montre à un

506

KOHLER W., op. cit., 1966, pp. 40-41.

507

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 238.

508 KOHLER W., op. cit., 1966, cité par Heims, op. cit., 1991, p. 238. 509

HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 238.

510

KÖHLER W., “review of Wiener’s Cybernetics (1948)” in Social Research, 125-130, 1951. Cité par Heims S. J.,

sujet une certaine forme – points, lignes ou forme plus complexe -, puis, après une certaine durée, on enlève la forme et on en place une autre dans son champ visuel. Des altérations systématiques apparaissent alors

dans la perception de la nouvelle forme :

« Des lignes droites sembleront courbées, les objets apparaissent déplacés vers le haut, vers le bas, ou de côté par rapport à leurs positions réelles, distances et tailles seront systématiquement jugées trop petites ou trop grandes, et ainsi de suite. […] la deuxième forme est perçue comme déplacée loin du secteur dans lequel la première forme avait été placée […]. » 511

Si « des études plus récentes sur les mouvements visuels ont confirmé et

accentué la portée de ces phénomènes,» 512 pour Pitts et McCulloch leur

démonstration « agrandissait seulement la liste de ce qui devrait être

dérivable de modèles de réseaux neuraux. » 513

Cette même année 1947, le psychiatre et ingénieur britannique William Ross Ashby, qui s’est intéressé très tôt à la cybernétique et qui va participer à la neuvième conférence, a publié "Principes du système

dynamique auto-organisant". 514

13. Cybernétique :

- Introduction :

Wiener présente son livre “Cybernétique” comme l’aboutissement des recherches qu’il a menées durant plus d’une décennie avec « Rosenblueth,

alors à la Harvard Medical School, et actuellement à l’Institut national de cardiologie de Mexico. »515 Le mathématicien rappelle qu’il a participé à

partir de 1933 aux rencontres mensuelles sur la méthode scientifique

dirigées par Rosenblueth, lequel avait été un collaborateur de Cannon. Wiener et Rosenblueth s’étaient aperçus que les mécanismes de feedback sur lesquels le mathématicien avait concentré ses recherches pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui avaient abouti à la mise au point de dispositifs de recherche balistique, étaient également à l’œuvre chez les êtres vivants.

On ne prend pas un crayon « par une volonté consciente de contracter

successivement chaque muscle concerné. » Notre but, « c’est “prendre le crayon”. Une fois que nous nous sommes décidés, notre mouvement procède de telle façon que nous pouvons globalement dire que l’écart qui nous sépare de la prise du crayon diminue à chaque étape. Cette partie de

511 HEIMS S. J., op. cit., 1991, pp. 238-239. 512

SAINT-MARTIN F., la Théorie de la Gestalt et l’Art Visuel, Presses de l’Université du Québec, Sillery, Québec, 1990, 1992, p. 45.

513 HEIMS S. J., op. cit., 1991, p. 239. 514

ROSS ASHBY W., “Principles of the Self-Organizing Dynamic System”, Journal of General Psychology (1947), vol. 37, pp. 125-128.

l’action n’est pas complètement consciente. » 516Elle consiste en une série

de comparaisons des positions respectives de la main et de la cible, donnant lieu à autant de comptes rendus transmis sur le mode du

feedback « au système nerveux, conscient ou inconscient, parce que nous avons différé la prise du crayon à chaque instant. »517 Dans le cas

envisagé ici, ces comptes rendus acheminent vers le système nerveux des informations de nature visuelle et proprioceptive. Wiener examine les conséquences d’un feedback défectueux :

« Si les sensations proprioceptives font défaut et que nous ne les remplaçons pas par un substitut visuel ou autre, nous sommes incapables de réaliser l’acte de prendre le crayon et nous nous trouvons dans un état connu sous le nom d’ataxie. Une ataxie de ce type est familière dans la forme de syphilis du système nerveux central appelé tabes dorsalis, où le sens kinesthésique transmis par les nerfs spinaux est plus ou moins détruit. » 518

Un feedback excessif est probablement aussi handicapant pour une action organisée qu’un feedback défectueux. Afin de vérifier cette hypothèse, Wiener et Bigelow ont demandé à Rosenblueth s’il existe « une condition

pathologique dans laquelle le patient, essayant de réaliser quelque acte volontaire comme prendre un crayon, dépasse le but et manifeste un comportement d’oscillation incontrôlable. » Rosenblueth leur a alors parlé

de la « “crispation musculaire” 519 et qui est souvent associé à une lésion

du cervelet. » Cette réponse apporta la confirmation de leur hypothèse

selon laquelle certaines activités volontaires sont régies par des mécanismes de feedback. La conception du système nerveux central devait être révisée :

« Le système nerveux central n’apparaît plus comme un organe indépendant, recevant des entrées à partir des sens et déchargeant dans les muscles. Au contraire, quelques-unes de ses activités les plus caractéristiques ne sont explicables que comme des processus circulaires, allant du système nerveux aux muscles et réentrant dans le système nerveux par les organes de sens […]. » 520

On devait envisager désormais « la performance du système nerveux

comme un tout intégré. » 521 Ce nouveau point de vue a décidé les trois

chercheurs à publier leur article de 1943. Celui-ci représentait une esquisse de programme basé sur la prévalence de la notion de message dans les dispositifs de contrôle et de communication. Wiener et Bigelow s’étaient rendus compte que les problèmes d’ingénierie de contrôle et d’ingénierie de communication étaient inséparables, et « centrés non pas

autour de la technique d’ingénierie électrique mais autour de la notion plus fondamentale de message, que celui-ci soit transmis par des moyens électriques, mécaniques ou nerveux. » Le mathématicien définit le

516 Ibid., p. 12. 517 Ibid. 518 Ibid., p. 13. 519

“Crispation musculaire sous le coup de la volition. Le terme anglais est purpose tremor.” (Ndt) 520

WIENER N., op. cit., 1948, 1961, trad. Pélissier A., 1995, p. 13.

message comme « une séquence discrète ou continue d’événements

mesurables distribués dans le temps – précisément ce qui est appelé une série temporelle par les statisticiens. » 522

A l’exemple de la prédiction de la trajectoire d’un avion, « la prédiction du

futur d’un message est réalisée par un certain type d’opérateurs sur son passé, que cet opérateur soit réalisé par un procédé de calcul mathématique ou par un dispositif mécanique ou électrique. »523 Les

positions passées d’une cible en mouvement permettent de réaliser un calcul prédictif de ses positions à venir. Des calculs supplémentaires relevant d’une « branche reconnue des mathématiques, le calcul des

variations […], » ont permis d’obtenir « une solution explicite parmi les meilleures concernant le problème de la prévision de l’avenir d’une série temporelle, étant donnée sa nature statistique […]. » 524 Wiener et Bigelow

ont utilisé les mêmes méthodes pour revoir sur des bases scientifiques les

problèmes de bruit de fond et de restauration du message original. Les

deux chercheurs ont ainsi « fait de la conception d’équipement de

communication une science statistique, une branche de la mécanique statistique. » Dans le cas de l’ingénierie de communication, « la signification de l’élément statistique est immédiatement apparente [car] la transmission de l’information est impossible si ce n’est comme transmission d’alternatives » :

« Si une seule contingence doit être transmise, alors on peut la communiquer de façon bien plus efficace et sans la moindre perturbation en n’envoyant pas de message du tout. Le télégraphe et le téléphone ne peuvent remplir leurs fonctions que si les messages qu’ils transmettent varient de façon continuelle […] [conformément] à un certain type de régularité statistique. » 525

Cet aspect de l’ingénierie de communication a nécessité le développement d’une « théorie statistique de la quantité d’information, dans laquelle

l’unité était celle transmise en tant que simple décision entre deux alternatives également probables. » Cette idée se présenta simultanément

à plusieurs auteurs, parmi lesquels Shannon dont la motivation se trouvait dans le problème du codage de l’information, et Wiener qui travaillait sur

« le problème du bruit et du message concernant les filtres électriques. »526

Le mathématicien définit la quantité d’information et l’entropie : « Tout comme la quantité d’information dans un système est une mesure de son degré d’organisation, l’entropie d’un système est une mesure de son degré de désorganisation ; et l’un est simplement le négatif de l’autre. »

Ce point de vue l’a conduit à reconsidérer les questions que posent la

seconde loi de la thermodynamique et les démons de Maxwell. Il

remarque que l’étude de ces questions « est essentielle à la 522 Ibid., p. 14. 523 Ibid. 524 Ibid., p. 15. 525 Ibid., pp. 15-16. 526 Ibid., p. 16.

compréhension véritable de phénomènes fondamentaux de la matière vivante comme le métabolisme et la reproduction. » 527 Alors que, selon le

premier principe de la thermodynamique, « travail et chaleur sont

énergétiquement équivalents […], » le second principe « va introduire une dissymétrie entre ces deux formes d'échange d'énergie, en indiquant dans quel sens se développent les transformations » :

« Ainsi, certaines transformations que permettrait le premier principe – qui donc conserveraient globalement l'énergie – ne se produisent jamais parce que le second principe les interdit. Par exemple, si deux corps sont amenés au contact thermique, ce n'est jamais le corps le plus froid qui cède de la chaleur au corps le plus chaud ; c'est toujours l'inverse dans les transformations réellement observées. » 528

Bernard Diu rappelle que la notion d’entropie est née au milieu du XIXème

siècle. La théorie de la chaleur admise jusqu’alors, « - celle du “fluide

calorique” qu'avait développée Antoine Laurent de Lavoisier – était fondée sur une hypothèse de conservation de la chaleur. » Ce qui était considéré

à l’époque comme une loi impliquait « que la chaleur contenue dans un

corps isolé (dont tout échange avec l'extérieur est interdit) était invariable. Benjamin Thompson montra pourtant […] que la chaleur ne se conserve pas. Devant le vide théorique ainsi créé, Rudolf Clausius, William Rankine et William Thomson […] cherchèrent, indépendamment les uns des autres, s'il pouvait exister une autre grandeur, apparentée à la chaleur, qui se conserverait. Ils étaient guidés en cela par les idées [de] Sadi Carnot […]. »529 Ces recherches ont débouché sur l'invention de

l'entropie (1854). Wiener et Shannon vont introduire cette notion dans le domaine de la communication.

- Langage et calcul logique universels :

Wiener désigne Leibniz, le père du calcul infinitésimal, comme le « saint

patron »530 de la cybernétique. Il justifie son choix en indiquant qu’un

élément « resurgit régulièrement dans l’histoire de la cybernétique –

l’influence de la logique mathématique. » 531 Or, « la philosophie de Leibniz

est axée sur deux concepts très fortement liés – celui d’un symbolisme universel et celui d’un calcul de raisonnement. De là sont issues la notation mathématique et la logique mathématique d’aujourd’hui. »532

Leibniz avait imaginé une langue universelle et formelle, la caractéristique

universelle, qui devait permettre d’exprimer aussi bien les concepts

527 Ibid.

528 DIU B., “Thermodynamique (notions de base)”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11

septembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ- rennes2.fr/encyclopedie/thermodynamique-notions-de-base/

529 DIU B., “Entropie”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 septembre 2013. URL: http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/entropie/

530

« Saint patron, saint dont le nom est donné comme prénom et qui est considéré comme le protecteur de la

personne qui porte ce prénom. » (Dictionnaire de français Larousse [en ligne], consulté le 13/06/12. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais)

531

WIENER N., op. cit., 1948, 1961, trad. Pélissier A., 1995, p. 17.

scientifiques, notamment mathématiques, que métaphysiques. Cette langue devait fournir la possibilité d’effectuer un calcul du raisonnement ou calculus ratiocinator. Ce calcul était censé résoudre toutes les questions théoriques possibles. De même que les problèmes d’arithmétique trouvent leur solution avec le calcul numérique, les raisonnements comme problèmes logiques allaient pouvoir, avec l’aide de tables, faire l’objet de calcul. Cette perspective amena Leibniz à déclarer :

« Alors, il ne sera plus besoin entre deux philosophes de discussions plus longues qu’entre deux mathématiciens, puisqu’il suffira qu’ils saisissent leur plume, qu’ils s’asseyent à leur table de calcul (en faisant appel, s’ils le souhaitent, à un ami) et qu’ils se disent l’un à l’autre : « Calculons ! » » 533

En ce XVIIème siècle, qui « marque les débuts de la modernité, »534 le

projet d’exprimer les raisonnements philosophiques dans les termes de la

caractéristique universelle, puis de leur appliquer un calcul logique

mécanisable, naît dans l’esprit d’un savant dont l’œuvre immense traite autant de philosophie que de science. Dans le dessein de Leibniz, « la

“caractéristique” éliminerait le caractère psychologique, et par conséquent subjectif, de l’évidence cartésienne en lui substituant la manipulation de signes […]. »535 Wiener considère que, « tout comme le calcul arithmétique

se prête à une mécanisation qui a progressé de l’abaque 536 et la machine

à calculer vers les machines à calculer ultra-rapides actuelles, le calcul ratiocinator de Leibniz contient les germes de la machina ratiocinatrix, la machine qui raisonne. » 537

La machine à calculer représente pour Wiener une étape essentielle dans la marche vers une possible mécanisation de la pensée. Métallique avec Pascal et Leibniz, électronique avec Wiener, la machine à calculer montre qu’une faculté qui semblait l’apanage de l’esprit humain, le calcul numérique, peut être mécanisée. La machine à calculer représente pour Wiener le « ressort intellectuel » commun à l’origine du « développement

de la logique mathématique » et de « la mécanisation idéale ou réelle des processus de la pensée. » 538 Pour Leibniz, cette mécanisation des

processus de la pensée est restée pour l’essentiel à l’état d’objet idéal,

soit d’objet « résultant d’un procès d’abstraction. »539 Norbert Wiener,

533

LEIBNIZ G. W., Scientia generalis, Ecrits philosophiques, vol VII, p. 14 sq.

534

CURIEN H., “Histoire des Sciences, de l’Antiquité à nos jours, (dir. P. de la Cotardière)”, Encyclopædia

Universalis [en ligne], consulté le 11 septembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ- rennes2.fr/encyclopedie/histoire-des-sciences-de-l-antiquite-a-nos-jours/

535

DUMAS J.-L., Histoire de la pensée, tome 2, Paris, Tallandier, 1990, p. 156.

536 “Abaque: (grec abax, table à calcul). Diagramme, graphique donnant par simple lecture la solution approchée d’un problème numérique.” (Le Petit Larousse/HER 2000.)

537

WIENER N., op. cit., 1948, 1961, trad. Pélissier A., 1995, p. 18.

538

Ibid.

539 «Les êtres mathématiques ne sont plus des réalités intelligibles et subsistantes : ils sont le résultat d'un procès d'abstraction (nous dirions aujourd'hui des “objets idéaux”). » (DESANTI J. T., “Fondements des

Mathématiques”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 septembre 2013. URL :

http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/fondements-des-mathematiques/)

«Avec une figure qui ne représente rien, je m’ouvre […] à des calculs sans cela impensables ; c’est là ce qu’on appelle en mathématiques des “éléments idéaux” que nous retrouverons à un poste éminent dans la réflexion d’un Hilbert. » (LE GAUFEY G., L’Incomplétude du Symbolique, E.P.E.L, Paris, 1991, p. 50).

scientifique éminent, considère à son tour que la mécanisation de la

pensée est à l’horizon de la science. C’est ce défi que la cybernétique

tente de relever, en concevant des machines capables de traiter tous types de symboles, et en recherchant dans le cerveau conçu comme un calculateur logique, les preuves de la mécanisation de l’esprit. On voit combien les recherches de Wiener et de McCulloch sont liées.

- Caractérisation des automates (électroniques et organiques) :

Les chercheurs de la cybernétique ont développé des mécanismes de communication et de contrôle en ingénierie, et montré l’existence de dispositifs équivalents chez les organismes vivants. « Des éléments aussi

importants que les neurones […] font leur travail dans des conditions presque les mêmes que des tubes à vide, avec leur relativement petite puissance fournie de l'extérieur par la circulation […]. » 540 Les automates

sont en lien avec le monde externe, non seulement pour l’énergie, le métabolisme, mais aussi « par un flux d'impressions, de messages

entrants et d’actions de messages sortants. Les organes par lesquels les