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Nous avons choisi d’analyser deux manuels universitaires d’Analyse, SWO et SPIE. Rappelons qu’en raison des fortes similitudes dans leurs organisations mathématique et didactique, nous avons placé l’analyse du deuxième en annexe. Dans cette conclusion, nous faisons toutefois référence aux deux manuels.

Afin de mettre en évidence les types de tâches propres aux IM proposés dans ces manuels et d’identifier les praxéologies sur le calcul de volumes par des IM, les organisations mathématique et didactique dans lesquelles ce type de tâche entre en jeu, nous avons choisi de mener une analyse détaillée, section après section, de la partie cours, et paquet après paquet, de la partie exercices, les techniques disponibles pour les résoudre et leurs justifications technologico-théoriques.

Dans les deux manuels, apparaissent les trois niches possibles pour les IM (celle de l’Analyse, celle de la Géométrie et celle de la Physique) telles que nous les avons définies dans notre analyse des programmes.

Néanmoins, la vie de la niche structurelle de l’Analyse est réduite dans chacun des deux manuels pour trois raisons :

• l’absence de démonstrations des théorèmes qui fait ignorer les outils de l’Analyse, notamment les outils topologiques

• l’absence des intégrales généralisées34 et des techniques de convergence

• l’absence de type de tâche dédiée à cette niche

Le fait que les théorèmes ne sont jamais démontrés montre notamment que cette niche reste au niveau de l’évocation.

Globalement, les niches géométrique et physique sont plus investies dans SWO, aussi bien dans le cours, que dans les exemples et dans les exercices. Certes plusieurs exercices nécessitent des applications dans des contextes physiques assez variés dans SPIE mais les moments d’inertie et les centres de masse ne sont pas présents dans la partie cours : ils apparaissent comme applications dans les problèmes résolus et dans les problèmes supplémentaires (exercices non résolus) proposés aux étudiants.

Dans les deux manuels, c’est bien la niche géométrique qui est la plus investie, notamment à travers de nombreux exercices et exemples illustrant des calculs d’aires et de volumes.

Par ailleurs, les organisations tant mathématiques que didactiques des deux manuels sont très semblables. Dans l’un comme dans l’autre, l’enseignement des IM s’appuie sur une analogie

34 « Les intégrales généralisées ne figurent pas au programme des classes préparatoires ; mais elles sont

indispensables à beaucoup d’utilisateurs des Mathématiques ; et même pour le mathématicien qui dispose des théorèmes modernes de l’intégration, il est souvent utile de pouvoir calculer effectivement des intégrales multiples. » (Arnaudiès et Lelong-Ferrand , 1977, p. 241).

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avec les intégrales simples, commence par l’étude des intégrales doubles, puis se généralise aux calculs des intégrales triples. Le discours technologico-théorique (logos) est d’abord mis en place avec un minimum de questionnement, mais en suivant un mode d’exposition tout à fait classique. Les théorèmes les plus difficiles sont admis, mais dans SWO, il y a une volonté nette de donner un maximum d’interprétations intuitives de ces résultats. Le texte du cours dans SPIE est réduit au minimum.

La grande distinction dans l’organisation didactique tient dans le mode d’exposition du cours. Dans SPIE, en effet, la partie cours ne présente aucun exemple, ceux-ci sont exposés dans la partie intitulée « problèmes résolus » isolée de la partie cours. Pour le cas des intégrales doubles, l’auteur donne immédiatement la méthode générale (avec une démarche assez résumée) du calcul de l’intégrale double (dans le cas où F est une fonction de deux variables). Dans SWO, au contraire, plusieurs exemples sont intégrés dans le cours. Le cours est ainsi découpé en petites unités qui suivent un plan général allant du plus simple au plus complexe. Chaque unité comporte des exemples (exercices corrigés) qui correspondent à autant de types de tâches présentés chacun avec une technique directement issue du bloc technologico- théorique (qui vient d’être exposé, pour SWO, ou qui a été exposé antérieurement, pour SPIE).

L’organisation de la partie cours préfigure celle des exercices de fin de section. En effet, ces exercices sont essentiellement des exercices d’entraînement que l’on peut considérer comme des applications immédiates du cours. Une attention particulière est apportée pour que les tâches les plus complexes soient précédées d’un entraînement sur des sous-tâches.

Ainsi, il apparaît clairement que plusieurs exercices, surtout au début des intégrales doubles, ne font pas intervenir des IM, mais permettent un travail de lecture et de reproduction graphique de surfaces ou de solides.

Le nombre d’exercices d’entraînement est beaucoup plus important dans SWO et les tâches sont nettement plus découpées. Ainsi, dans SPIE, tous les exercices aboutissent à un calcul effectif d’une IM, alors que dans SWO, certaines tâches font intervenir les IM sans aboutir au calcul effectif.

Concernant plus précisément, les calculs d’aires et de volumes, dans les deux manuels, de nombreux problèmes résolus donnent d’emblée en début de solution une représentation graphique des solides et/ou des surfaces en jeu. Ces derniers sont produits par ordinateur, sans que soit explicitée la façon dont ils ont été réalisés. Cependant dans la mise en place de l’intégrale multiple, le manuel attend un appui important de la représentation graphique. En effet, en particulier dans le cas d’un calcul de volume, la mise en place de l’intégrale consiste (au moins implicitement) à donner une description du solide, sous la forme :

• Soit d’un « solide sous une surface » : par la donnée d’une région R dans un plan de repérage et d’une fonction définie sur cette région. Le volume est alors obtenu en intégrant cette fonction sur la région R (intégrale double).

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• Soit d’une représentation analytique permettant le calcul du volume par une intégrale itérée (intégrale triple).

On peut penser qu’implicitement les auteurs du manuel font jouer les variables visuelles de la représentation graphique qu’ils ont produite.

Dans ce sens, on peut dire qu’il y a articulation entre la représentation graphique (donnée comme allant de soi) et la représentation analytique (implicite) qui conduit à la mise en place d’une intégrale double ou triple.

A noter que le type de tâche calculer le volume d’un solide est très présent dans ces manuels. Comme nous l’avons dit, il alimente la niche géométrique qui est la plus investie. Or, ce type de tâche ne s’insère que dans une praxéologie mathématique tronquée, dans la mesure où seul le calcul de l’intégrale qui permet d’obtenir le volume est enjeu de savoir dans ces manuels. La mise en place de l’intégrale qui constitue en quelque sorte une phase de modélisation du problème reste transparente. En effet, il semble que l’on attende de l’étudiant qu’il lise (voire

reproduise) les dessins présents dans le cours35, alors que dans les tâches qui lui sont proposées, il doit produire lui-même ce type de dessins et s’y appuyer pour mettre en place l’écriture de l’intégrale dont le calcul lui permettra d’aboutir (cf. analyse des exercices non résolus). Toutefois, il y a une grande différence entre la lecture (ou même la reproduction des graphiques déjà produits par ordinateur) et la production de graphiques à partir d’équations données, pour finalement dégager et représenter graphiquement le solide « isolé ». Pour passer de la lecture à la production, l’étudiant est donc censé se débrouiller « seul » certainement en imitant le produit du manuel et en répétant l’exécution de la tâche sur un même type.

Dans ce type de tâches, l’enjeu essentiel de la représentation graphique (de diversités des solides) consiste, après avoir représenté conjointement toutes les surfaces en jeu de dégager la forme du solide en question et ses propriétés géométriques. Il y a également une part d’implicite dans cette façon de définir un solide. En effet, y’a-t-il seulement un solide délimité par ces surfaces ? Doit-il systématiquement être borné ? L’articulation entre la représentation graphique et la représentation analytique joue un rôle important dans la mise en place de l’intégrale. Cette articulation met en jeu la mobilisation des connaissances géométriques des objets concernés, les variables visuelles du graphique et des variables « symboliques ».

Dans ce sens, dans les deux manuels, nous avons vu que dans le type de tâches sur le calcul du volume un sous type apparaît en grand nombre d’exemplaires et représente ainsi une tâche emblématique, il s’agit du :

Calcul de volume d’un solide délimité par des surfaces données par des équations.

On remarquera notament que la production des graphiques dans ces manuels reste du domaine du topos de l’enseignant. Elle est cachée à l’étudiant. Elle n’est pas transformée en

35 Cf. l’analyse des certains exemples en annexe I montrant clairement ces possibilités.

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tâches explicites avec les praxéologies associées et reste transparente. Il n’y a pas de techniques, dans l’organisation mathématique qui donnerait des moyens d’accomplir des sous-tâches de productions des graphiques en 3D avec plusieurs surfaces en faisant intervenir des questions géométriques. La technique devrait permettre d’isoler le solide en faisant apparaître chacune des sous-surfaces qui le délimitent. De plus, une telle technique devrait passer par une dialectique entre graphique-géométrique et analytique afin de transformer le volume du solide en question par une intégrale. Comment l’étudiant peut-il arriver à produire les solides dont il a besoin dans ce type de tâches ? Comment fait-il le choix d’une intégrale triple, double ou même d’une intégrale simple dans un calcul de volume de ce type de solides ?

Il est important de souligner que ce type de tâches peut comporter des tâches où les volumes des solides concernés sont calculables par des techniques propres aux intégrales simples, notamment celles relatives aux solides de révolutions ou celles associées au calcul de volumes par des sections transversales ou encore celles associées au calcul de volumes par des anneaux cylindriques. Mais, ces techniques déjà mentionnées plus haut et que l’on peut trouver dans le volume 1 (cf. chapitre 6) de cette édition (SWO) ne sont pas privilégiées dans cette organisation en question parce que le contrat vise la mobilisation de connaissances des intégrales multiples et aussi (comme le montrent plusieurs consignes dans les paquets décrits précédemment) les contraintes institutionnelles proposent l’utilisation des IM pour accomplir ce type de tâches. Ceci nous conduit à une première hypothèse du travail :

Pour résoudre la tâche emblématique « calcul du volume d’un solide délimité par des surfaces données par des équations », l’étudiant doit produire une représentation graphique de ce solide « isolé ». Cette première étape ne fait pas l’objet d’un enseignement explicite et reste problématique. Or, elle peut s’avérer essentielle dans la mise en place de l’intégrale conduisant au volume cherché.

Dans un environnement « papier/crayon », on sait que la représentation dans l’espace est problématique. On sait également que beaucoup d’étudiants ont du mal à « voir dans l’espace ». Cette difficulté est bien connue dès l’enseignement secondaire.

Notre analyse des manuels montre que dans la réalisation de la tâche emblématique, le niveau de difficulté n’est pas seulement lié à la complexité des surfaces en jeu, ni à leur nombre. Même avec peu de surfaces toutes élémentaires, on peut avoir une tâche complexe36. Par ailleurs, nous avons vu que des considérations de symétrie peuvent permettre de simplifier (parfois énormément) la tâche en se ramenant à la moitié, voir le quart ou même le huitième ou le seizième, du solide de départ. Sans analyse a priori qui prenne en compte les variables visuelles du graphique et des variables « symboliques » il est difficile d’évaluer le niveau de difficulté d’une tâche à partir des équations de l’énoncé.

Des compétences spécifiques à la géométrie spatiale sont donc requises pour la réalisation de

36 Cf. par exemple, dans la suite de cette thèse, l’analyse a priori du problème d’intersection de deux, ou de trois

cylindres. Il suffit de donner deux cylindres qui se coupent orthogonalement pour avoir une tâche complexe. Alors que l’on a deux expressions de surfaces a priori familières des étudiants.

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la phase de « modélisation » conduisant à la mise en place de l’intégrale. Or, cette phase du travail est minorée voire péjorée par l’institution qui se focalise sur le seul calcul de l’intégrale, véritable enjeu didactique. Voire dans l’espace, savoir se représenter les solides apparaît plus comme un don et celui qui ne l’a pas sera toujours pénalisé alors que celui qui le possède sera dispensé de trop de justification. Ce qui compte c’est que l’intégrale mise en place soit la bonne, peu importe finalement comment elle a été obtenue.

De fait, dans notre travail, nous avons voulu nous intéresser plus précisément aux capacités et aux difficultés des étudiants dans cette phase du travail sur le calcul des volumes.

De l’analyse des manuels SWO et SPIE

à l’étude des pratiques des étudiants et des enseignants sur les IM

Nous chercherons à savoir si les étudiants font spontanément des représentations graphiques, mais aussi de l’usage qu’ils en font. Dans quelle mesure leur représentation graphique leur sert d’appui à la résolution analytique (recherche des bornes d’intégration) ? Quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent, tant dans la production de la représentation graphique, que lors de la mise en œuvre effective de l’écriture algébrique de l’intégrale double ou triple conduisant au calcul de volume et dans l’articulation entre les deux ?

Pour répondre à ces questions et nous permettre de vérifier nos hypothèses, nous avons utilisé un test comportant des exercices qui consistent à calculer le volume d’un solide délimité

par des surfaces données par des équations, repérés dans les manuels, auprès des étudiants

brésiliens (qui utilisent d’ailleurs le manuel SWO). Dans cette partie de notre travail, nous nous sommes limités à un environnement papier/crayon. L’analyse de ce test et des réponses des étudiants fait l’objet de la partie suivante.

C

HAPITRE

LES PRATIQUES DES ETUDIANTS ET DES ENSEIGNANTS SUR

LES INTEGRALES MULTIPLES 

PRE - EXPERIMENTATION

Pré - expérimentation Analyse a priori du test

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CHAPITRE C

PRE-EXPERIMENTATION

INTRODUCTION

Nous allons maintenant présenter la partie pré-expérimentale de notre recherche. Il s’agit d’un

test et d’un questionnaire constituant un dispositif exploratoire pour une analyse de

l’enseignement des Intégrales Multiples. Il ne s’est donc pas fait, dans l’optique d’avoir des informations de type statistique sur les capacités des interrogés, mais plutôt en vue d’une observation locale des pratiques des étudiants et des enseignants. Nous souhaitions interroger d’une part les enseignants et d’autre part, des étudiants (débutants37 et avancés38) pour avoir

une idée des difficultés éventuelles qu’ils rencontrent et les pratiques qu’ils ont sur les intégrales multiples dans l’Enseignement universitaire brésilien.

PRESENTATION DU TEST

Les études que nous avons menées dans les chapitres précédents nous ont fourni des supports pour utiliser ce test passé aux étudiants et aux enseignants au Brésil. Ainsi l’analyse écologique des manuels nous a en particulier permis de dégager divers recours à des modèles géométriques dans l’organisation mathématique des IM. Nous avons également observé, à cette occasion, les liens implicites faits dans ces manuels entre les représentations graphiques (produites par ordinateur) et les techniques d’intégration, sans explication des techniques permettant les productions de ces graphiques. Dans ce sens, nous chercherons à savoir si les étudiants font spontanément des représentations graphiques, mais aussi l’usage qu’ils en font dans les exercices proposés dans ce test. Dans quelle mesure leur représentation graphique leur sert d’appui à la résolution analytique (recherche des bornes d’intégration) ? Quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent, tant dans la production de la représentation graphique, que lors de la mise en œuvre effective de l’écriture algébrique de l’intégrale double ou triple conduisant au calcul de volume et dans l’articulation entre les deux ?

Nous avons ainsi choisi d’utiliser un test dont les exercices concernés permettent à l’étudiant ou à l’enseignant de se retrouver dans le contexte de l’enseignement habituel des intégrales multiples dans l’Enseignement universitaire brésilien. Nous allons dans la suite, présenter l’analyse a priori du test question par question.

37 Étudiants dans les premières semaines de cours des IM.

38 Étudiants qui avaient suivi les séances des IM un semestre avant.

Pré - expérimentation Analyse a priori du test

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C1. ANALYSE A PRIORI DU TEST

Notre test comporte deux parties. La première porte sur un seul exercice, que nous nommons

exercice unique, passé aux étudiants débutants. La deuxième partie porte sur quatre exercices plus au moins difficiles et typiques des calculs de volumes par des IM, passés aux

étudiants avancés et soumis à l’avis des enseignants. Le texte complet du test est donné en annexe ; nous rappelons ci-dessous le texte de ces exercices avant l’analyse correspondante.