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La clique-VC-dimension

Comme nous l’avons déjà remarqué, la VC-dimension classique d’une famille d’ensembles ne peut pas être (directement) utilisée pour borner la densité de son graphe de 1,2-inclusion. En effet, le graphe de 1,2-inclusion de la famille S0 := {{ej} :ejX}est un graphe complet mais la VC-dimension de S0 vaut pourtant1.

Nous allons donc définir une notion plus appropriée à notre contexte que nous appellerons clique-VC-dimension. L’idée ici sera de pulvériser les motifs corres-pondant aux cliques plantées de 12Qm, établis dans la section précédente (lemme 19). Rappelons que BOUSQUET et THOMASSÉ [36] ont défini une notion de

2-pulvérisation et de 2VC-dimension afin d’établir la propriété d’Erdös-Pósa pour les familles de boules d’un rayon donné r dans les graphes de 2VC-dimension bornée, et ces notions sont similaires à celles que nous allons introduire dans la mesure où elles concernent la pulvérisation non pas de tous les motifs (comme le fait la pulvérisation classique) mais seulement de certains d’entre eux (en l’oc-currence, les sous-ensembles à2éléments deX). Rappelons qu’une famille d’en-semblesS 2-pulvériseun ensembleYXsi, pour tout2-ensemble{ei, ej} ⊆Y, il existe unS ∈ S tel queYS ={ei, ej}. La2VC-dimension de S correspond alors au cardinal maximum d’un ensemble 2-pulvérisé. Nous pouvons alors re-marquer que la 2VC-dimension deS0 est égale à0.

Soient X = {e1, . . . , em}, S ⊆ 2X et Y un sous-ensemble de X. Dénotons parQ[Y]le sous-cube deQm induit par tous les sous-ensembles deY. De même, pour un sous-ensembleY0Y, dénotons par Q[Y0, Y]le plus petit sous-cube de Qm contenantY0 etY :

Q[Y0, Y] ={Z ⊂X :Y0ZY}.

En particulier,Q[Y] =Q[, Y]. Pour un sommetZ deQ[Y0, Y], appelons F(Z) :={Z∪Z0 :Z0X\Y}

lafibredeZ respectivement au cubeQ[Y0, Y]. Posons

πQ[Y0,Y](S) :={Z ∈Q[Y0, Y] :F(Z)∩S 6=∅}

la projection de S sur Q[Y0, Y]. Le cube Q[Y0, Y] (avec Y0Y) est pulvérisé par S si πQ[Y0,Y](S) = Q[Y0, Y] (c.-à-d., pour toutY0ZY) la fibre F(Z) contient au moins un ensemble deS (voir la figure6.2). En particulier, un sous-ensembleY est pulvérisé par S si et seulement siπQ[Y](S) =Q[Y].

6.4 La clique-VC-dimension

6.4.1 La clique-VC-dimension des familles paires plantées

SoitS une famille paire plantée de sous-ensembles d’un universX. SoitY un sous-ensemble deX et soiteiun élément de Xn’appartenant pas àY. Dénotons parP(ei, Y)l’ensemble de tous les2-ensembles contenantei et un élément deY (c.-à-d., toutes les paires de2X de la forme{ei, ej}avecejY). AlorsQ[{ei}, Y∪ {ei}]constitue le plus petit sous-cube deQm contenanteiet tous les2-ensembles deP(ei, Y). Pour simplifier l’écriture, nous dénoterons ce cube parQ(ei, Y).

Nous dirons qu’une paire(ei, Y)avecYX eteiX\Y estc-pulvériséepar S s’il existe une fonction surjective f : πQ(ei,Y)(S) → P(ei, Y) telle que pour toutSπQ(ei,Y)(S), l’inclusionf(S)⊆Ssoit vérifiée. En d’autres termes,(ei, Y) est c-pulvérisé parS si chaque 2-ensemble{ei, ej} ∈P(ei, Y)admet une exten-sion SjπQ(ei,Y)(S) telle que{ei, ej} ⊆Sj et, pour toute paire de 2-ensembles {ei, ej},{ei, ej0} ∈P(ei, Y), les ensembles Sj etSj0 soient distincts. Puisque l’en-semble vide appartient àS, il est toujours c-pulvérisé par la famille.

P(ei, Y) ei

∅ Y ∪ {ei}

f

πQ(ei,Y) Q(ei, Y)

F(Z)

Z X \(Y ∪ {ei})

Figure 6.2 – Exemple d’une paire c-pulvérisée (ei, Y). F(Z) est la fibre de Z dans Q(ei, Y). Les ensembles de S (points noirs) dans les fibres des ensembles de Q(ei, Y) sont projetés sur Q(ei, Y) (en vert). Les sommets de Q(ei, Y) sont ensuite envoyés sur P(ei, Y) (en bleu) par l’opération de c-pulvérisation f. Les sommets restants deQ[, Y ∪ {ei}] (en rouge) ne sont “pas utilisés” pour la c-pulvérisation.

La clique-VC-dimension (simple) cVC-dim(S) d’une famille paire plantée S est définie de la façon suivante :

cVC-dim(S) := 1 + max{|Y|:YX,∃eiX\Y t.q. S c-pulvérise(ei, Y)}.

Remarque 19. Nous cherchons, dans la définition de la clique-VC-dimension à

c-pulvériser des “grosses cliques”. Les grosses cliques deG1,2(S) sont celles de type (b) du lemme 19(celles de type (a) sont de taille constante égale à 4). C’est donc ce qui est fait dans la définition. Le “+1” correspond à l’ensemble vide et le “max”

aux 2-ensembles de la clique.

Nous continuons en illustrant avec quelques exemples la notion clique-VC-dimension simple.

Exemple 3. Pour la famille d’ensembles S0 = {{ej} : ejX} introduite plus haut, notons S0+ ={{ej, em+1}:ejX} l’augmentation de S0 vers une famille d’ensembles paire. Pour un élément arbitraire (mais fixé) ei, posons S1 :={∅} ∪ {{ei, ej}:ej 6=ei}. Alors S1 coïncide avec S04{ei} et avec S0+4{ei, em+1}. S1

est une famille paire plantée. Son graphe de 1,2-inclusion est une clique plantée et cVC-dim(S1) =|X|=m.

Exemple 4. SoitS2 :={∅,{e1, e2},{e1, e3},{e2, e3}}la clique sporadique de taille 4 introduite dans le lemme 19. Dans ce cas, il est facile de constater que l’on peut c-pulvériser n’importe quel choix de deux paires dans {e1, e2}, {e1, e3}, {e2, e3}, mais qu’il est impossible de c-pulvériser les trois simultanément. Cela montre que cVC-dim(S2) = 2 + 1 = 3.

Exemple 5. Pour deux entiers pairs quelconques m etk, dénotons parX l’univers de taille m+km correspondant à l’union disjointe des m+ 1 ensembles X0, X1, . . ., Xm, où X0 := {e1, . . . , em} et Xi :={ei1, . . . , eik} pour chaque i∈ {1, . . . , m}.

Soit S3 la famille d’ensembles paire plantée constituée par l’ensemble vide, l’univers X et, pour chaque i∈ {1, . . . , m}, de tous les 2-ensembles de P(ei, Xi) = {{ei, ei1}, . . . ,{ei, eik}}. AlorsG1,2(S3)consiste en un sommet isoléX etm cliques maximales Ci :=P(ei, Xi)∪ {∅} de tailles k+ 1. De plus, ces cliques s’intersectent deux-à-deux en un unique sommet. Nous affirmons quecVC-dim(S3) =k+ 2. En effet, soit Y un ensemble consistant en Xi pour un certain choix de i∈ {1, . . . , m}

ainsi qu’en le singleton {e(i+1)1}. Alors la paire (ei, Y) est c-pulvérisée par S3. L’opération de c-pulvérisation f :πQ(ei,Y)(S3)→P(ei, Y) est définie comme suit.

Chaque 2-ensemble de P(ei, Xi) ⊂ Q(ei, Y) est dans S3 et est donc envoyé sur lui-même, X ∩(Y ∪ {ei}) = Y ∪ {ei} est une extension du 2-ensemble restant {ei, e(i+1)1} dans Q(ei, Y), et donc f(Y ∪ {ei}) :={ei, e(i+1)1}. Puisque |Y|=k+ 1, nous avons montré que cVC-dim(S3)≥k+ 2. D’autre part, cVC-dim(S3)≤k+ 2 car chaque élément e de X appartient à, au plus, k + 1 ensembles de S3. Par conséquent, cVC-dim(S3) = k+ 2.

6.4 La clique-VC-dimension

ei Xi

X1 Xm

P(Xi, ei)

Figure 6.3 – Illustration de l’exemple 5.

Remarque 20. Nous pouvons remarquer que, contrairement à la clique-VC-di-mension, la VC-dimension classique est insensible à l’opération de plantation. Voir, par exemple, les lignes S3 etS34X de la table 6.1.

6.4.2 La clique-VC-dimension des familles paires quelconques

La clique-VC-dimension cVC-dim(S) d’une famille paire S est le minimum sur les clique-VC-dimensions simples de toutes les familles paires plantéesS4A avecA∈S :

cVC-dim(S) := min{cVC-dim(S4A) :A∈S}.

La clique-VC-dimensioncVC-dim(S)d’une famille d’ensembles arbitraireS est la clique-VC-dimension de son augmentationS+.

Remarque 21. Une simple analyse des familles paires des exemples 3-5 montre que cVC-dim(S1) =m, cVC-dim(S2) = 3 et cVC-dim(S3) =k+ 2.

Remarque 22. La famille d’ensembles S3 montre que le degré maximum du graphe de 1,2-inclusion G1,2(S) d’une famille paire S peut être arbitrairement plus grand que sa clique-VC-dimension cVC-dim(S). En effet, ∅ est le sommet de plus gros degré de G1,2(S3) et son degré est égal à km.

La familleS3 justifie aussi que nous définissions la clique-VC-dimension deS comme le minimum sur tous les S4A avec A ∈ S. En effet, il est important d’insister ici sur le lemme11 : l’opération de plantation définit un isomorphisme de graphe. En d’autres termes, la famille d’ensembles S est (lourdement) affectée par cette application (de même que sa clique-VC-dimension simple), mais la densité de son graphe de 1,2-inclusion G ne l’est pas. Nous pourrions donc supposer que G est représenté par une famille de sous-ensembles deX atteignant la plus petite clique-VC-dimension simple. C’est essentiellement ce qui est fait en choisissant un

“min” sur toutes les plantations deS dans la définition de cVC-dim. Considérons

la plantation de S3 respectivement à l’ensemble X ∈ S3. Alors nous pouvons remarquer que cVC-dim(S34X)≥(m−1)k+ 1 car

S34X ={∅, X} ∪

[

(i,j)∈{1,...,m}×{1,...,k}

{X\ {ei, eij}}

.

Soit Y :={eij :i ∈ {1, . . . , m−1}et j ∈ {1, . . . , k}}. Nous affirmons que (e1, Y) est c-pulvérisé par S4X. Pour montrer cela, posons S30 := πQ(e1,Y)(S34X), Sij :=X\ {ei, eij} et Sij0 :=πQ(e1,Y)(Sij). Soit f :S30P(e1, Y) une application telle que, pour tout i∈ {2, . . . , m} et j ∈ {1, . . . , k}, f(Sij0 ) = {e1, e(i−1)j}. Alors chaque{e1, e(i−1)j}possède clairement une extension Sij0 avec une fibre non vide (SijF(Sij0 )). Nous avons qui plus est que, pour tout Srl 6= Sij, Srl0 6= Sij0 . Par conséquent, f est surjective et nous pouvons conclure que (e1, Y) est c-pulvérisée.

Puisque |Y|= (m−1)k, nous avons cVC-dim(S34X)≥(m−1)k+ 1.