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CHAPITRE 1 : FONDEMENTS THEORIQUES

3. CHOIX DIDACTIQUES

La démarche1 générale adoptée pour toutes les situations est basée sur quelques principes didactiques essentiels : celui du texte comme unité de travail, celui de l'apprentissage simultané de la lecture et de l 'écriture, celui de l 'apprentissage à travers des situations-problèmes et celui du guidage interactif de l'enseignant. Ces principes sont décrits ci-dessous.

3.1. Le texte considéré comme unité de travail

Le but dans ce cours d' «alphabétisation» est de travailler avec des composantes à la fois de «haut» et de «bas» niveau.

Comme cela a été dit dans l'introduction, ceci est pom éviter que les apprenants apprennent simplement à déchiffrer la langue écrite et deviennent des illettrés ou des analphabètes fonctionnels. Les situations didactiques partent donc du postulat qu'il est plus bénéfique de travailler avec des textes qui ont du sens et non pas des mots ou syllabes hors-contextes et isolés. Les théories décrites plus haut confirment également le fait qu'il est important de travailler sur différents niveaux en même temps.

Il est important de considérer le texte comme élément de base de l'enseignement et de l'apprentissage afin d'aborder l'écrit à la fois dans ses aspects de texhialité (typologie, cohérence et cohésion textuelle, etc.) et de scripturalité (orthographe) (Chiss & al., 1995). La langue peut être analysée de plusieurs manières, par exemple de la manière interne (grammaire, regarder la langue dans sa «micro-structure», orthographe, aspect de scripturalité) et de la manière externe (aspects de textualité, regarder la langue dans le texte).

Jusqu'ici c'est la manière interne qui a prévalu en ce qui concerne l'enseignement du français. En outre, le texte est ce qui émane

«naturellement» de la langue (Bronckart, 1996). Même pour l'orthographe, classiquement enseignée indépendamment du texte, on note un intérêt croissant pour des approches visant l'intégration de l'apprentissage dans des situations de productions texh1elles (Allal, 1997).

1 repris de Sa a da-Robert & al. (1997)

3.2. La lecture et l 'écriture intégrées dans une même démarche Si la lecture a plus souvent été enseignée avant l'écriture, ou considérée comme plus facile ou comme la première étape de l'apprentissage de l'écrit, ce n'est sans doute pas pour des raisons psycholinguistiques mais plutôt pour des raisons d'ordre historique (Fijalkow, 1994). Selon Fijalkow, il existe différentes manières de considérer la relation entre écriture et lecture :

- la lecture et l'écriture considérées comme deux entités distinctes sur le plan psycholinguistique. Apprendre d'abord la lechue et ensuite l'écriture.

- il n'y a qu'une seule chose à apprendre, la langue écrite.

Ferreiro (1988) distingue des activités d'interprétation (lecture) et de production (écriture), mais sans s'intéresser à leur spécificité. Tous les comportements sont mis sur le même pied, en parallèle. L'essentiel réside dans la façon dont les apprenants réinventent la langue écrite.

- il faut apprendre la langue écrite et non des comportements séparés. Mais chaque comportement a sa spécificité. La lechtre et l'écriture requièrent deux compétences de niveau cognitif différent, deux compétences décalées dans le temps.

D'après Fijalkow (1994), il existe un système, la langue écrite, et des comportements, la lecture, l'écriture, la copie et bien d'autres comportements. Ceux-ci se situent à des degrés de complexité cognitive diliéren s. Commencer l'apprentissage de la langue écrite en n'apprenant que la lecture ne permettrait pas aux apprentis lecteurs/scripteurs de comprendre que la langue écrite représente la langue parlée. Cependant, la lecture

et l'écriture peuvent être considérées comme deux activités différentes, dans le sens que l'acte d'écrire est une activité de production et que l'acte de lire est une activité de réception.

Les activités d'écriture peuvent faciliter à l'apprenti­

lecteur / scripteur la compréhension de ce qu'est l'écrit. En produisant des écrits, il a la possibilité de prendre conscience de la nature à la fois communicative, signifiante et conventionnelle de l'écrit. Par exemple, Karima, une des apprenantes du groupe, a écrit une phrase où tous les articles

et prépositions manquaient. Lorsque je lui en ai fait la remarque, elle a été très étonnée de devoir écrire même les petits mots , elle avait pourtant souvent lu des textes avec ces petits mots. L'écriture en tant qu'activité de production amène à analyser chaque composante d'un mot ou d'tme phrase.

L'écriture d'un mot oblige à un travail d'analyse phonogrammique. Ce travail amène l'apprenti lecteur/ scripteur à comprendre que - dans une langue alphabétique - il existe des relations systématiques entre les phonèmes et les graphèmes.

D'autres auteurs ont récemment démontré que l'apprentissage conjoint de la lecture et l'écriture était bénéfique à l'apprentissage de la langue écrite. Ehri (1997) affirme que : l'apprentissage de la lecture et celui de l'orthographe sont «la même chose» ou «pratiquement la même chose».

Traditionnellement, la lecture et l'orthographe (orthographe : pour désigner le produit écrit, l'écriture conventionnelle) sont considérées comme deux matières distinctes (à l'école, il y a des leçons sur la lecture durant une période de la journée et des leçons sur l'orthographe durant une autre période). Ehri remet en cause cette distinction : elle affirme que «les individus lisent l'orthographe des mots. Ils lisent l'orthographe des mots qu'ils nt produits. ( ... ) la lecture et l' rthographe sont beauc up plus proches que nous le pensons.»(p. 232). Elle admet toutefois que l'orthographe est plus difficile que la lecture, même si toutes 1es deux nécessitent une correspondance systématique entre phonème et graphème. La difficulté supérieure de l'orthographe réside dans le fait que - en tout cas en anglais, selon Cronell (1978) - il y a env. 40 phonèmes distinctifs mais 70 lettres ou combinaisons de lettres pour symboliser · les phonèmes. Alors la prononciation devient plus facile que la production.

Si l'écriture nécessite une analyse métalinguistique et linguistique de la langue, la lecture constitue une sotrrc de connaissances que seul les textes travaillés en situation de lechtre peuvent fournir. Il ne faut donc pas sous-estimer le rôle de la lechire. En effet, celle-ci permet d'avoir tm modèle d'une certaine nmme de la langue française (surtout pour des apprenants allophones).

En conclusion, la lechire et l'écrihire sont à considérer comme deux activités à mener de concert dès le début, mais avec des fonctions différentes (Fijalkow, 1994).

3 .3. Les situations-problèmes choisies comme support de travail Plus loin dans le chapitre seront présentées les situations­

problè.mes qui sont à la base de l'enseignement relaté dans cette recherche. Une situation-problème devrait permettre l'appropriation d'un savoir spécifique par l'apprenant. Selon Astolfi (1993), une situation-problème est organisée autour du franchissement d'un obstacle préalablement bien identifié. Les apprenants devraient percevoir la situation qui leur est proposée comme une énigme à résoudre. De plus, ces derniers ne devraient pas, au départ, disposer des moyens de la solution recherchée, afin de surmonter l'obstacle par leurs propres moyens. Mais la solution ne doit non plus pas être perçue comme hors-d'atteinte pour les apprenants. Dans l'idéal, la validité de la solution et sa sanction ne doit pas être apportée de façon externe par l'enseignant, mais résulte du mode de structuration de la situation elle-même.

Par ailleurs, une certaine cohérence entre les situations­

problèmes est indispensable : «( ... ) Les situations-problèmes ne sont pas vues comme des activités isolées les unes des autres, ni comme des stimulations à des savoirs juxtaposés, mais comme des séquences permettant la construction d'un réseau conceptuel cohérent dans lequel les savoirs sont intégrés. ( ... ) » (Saada-Robert & al., 1997, p.4).

Les situations-problèmes devraient permettre des apprentissages à la fois généraux (des stratégies de résolution de problème comme celle de planifier le prochain pas à effectuer, contrôler son déroulement, vérifier ce qui a été fait, etc.) et contextuelc; (pr ndr conscience des aspects propres au langage écrit).

Figure 1 : La situation-problème

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La situation-problème est définie par trois pôles en interaction : le savoir impliqué dans la situation (langue écrite), l'enseignant qui médiatise çe savoir par ses régulations, et

l'apprenant qui va s'approprier ce savoir en le reconstruisant pour lui-même et en l'intériorisant (Saada-Robert & al. 1997).

Dans ce travail, il sera surtout question du pôle enseignant, bien évidenunent en interaction avec les apprenants, le savoir et les situations-problèmes. Parmi ces interactions, celle se situant entre l'enseignant et l'apprenant sera plus particulièrement analysée.

3.4. Des interventions basées sur les principes du guidage interactif Pendant le dérmùement des situations-problèmes, l'enseignant intervient par des régulations directes. Ces régt,ùations sont basées sur les principes du guidage interactif.

Ces principes, liés au constructivisme piagétien et à l'interactionnisme socioculturel vygotskien, sont principalement

-

l 'ancrage des interventions sur les représentations et stratégies de l 'apprenant;

-

le respect d'une gestion optimale par l 'apprenant de l'organisation et de la construction des savoirs, et quand une aide est nécessaire, l 'intervention partant des questions les plus ouvertes;

-

l 'aide graduée, reposant à la fois sur l 'idée de proposer à l 'apprenant des indices lui permettant d'avancer, et sur celle d 'indices minimaux lui permettant de garder l 'initiative de la résolution du problème;

-

la demande de formulation d'hypothèses suivie de vérifications par l 'apprenant ou avec lui;

-

la demande de justifications, d'explicitations métacognitives des représentations et des stratégies utilisées.

(Saada-Robert & al., 1997, pp.15-16)