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3- Discussion des résultats

3.2 Un changement de paradigme qui se met sur les rails

Le passage du paradigme d’enseignement (transmission passive des savoirs des

professeurs aux étudiants) lors du deuxième cycle des études médicales au paradigme

d’apprentissage (construction des connaissances par l’étudiant, en interaction avec les

professeurs, à partir de situations vécues) pendant l’internat provoque un bouleversement de

l’enseignement, avec une “résistance inconsciente à basculer dans le nouveau paradigme” de

la part des étudiants comme des enseignants (17). Cette difficulté s’explique par le fait que le

modèle classique du paradigme d’enseignement qui s’impose puisqu’étant connu depuis

toujours, et par le défaut d’explication des spécificités de chaque paradigme (18).

Cette nouvelle approche pédagogique de l’apprentissage est née de quatre courants

conceptuels : la psychologie humaniste (l’étudiant est capable de connaître les points sur

lesquels il doit se former), l’andragogie (pédagogie d’adultes : l’étudiant apprend de ses

expériences ou apprentissages expérientiels (Annexe G)), la perspective socio-cognitiviste ou

constructivisme (construction des connaissances à partir de celles déjà acquises, grâce aux

interactions sociales) et l’approche de la “démarche-qualité” (étudiant assimilé à un client qui

doit comprendre les informations pour les utiliser) (19).

Des prérequis sont nécessaires pour que cette technique soit pertinente et réellement

formatrice pour les étudiants : des enseignants centrés sur l’étudiant en l’accompagnant, en

faisant un retour sur ses progrès et ses carences (rôle du tuteur, portfolio), un apprentissage à

partir de situations vécues (traces d’apprentissage (Annexe G), GEP) pour devenir un médecin

généraliste expert (formation sur les compétences en MG) (19).

centrée sur l’apprenant, avec une responsabilité partagée pour une implication active des

étudiants dans la construction de leurs connaissances. Ainsi, les objectifs, les processus

d’apprentissage et les méthodes d’évaluation sont établis ensemble par l’étudiant et

l’enseignant, créant “une relation synergique dont bénéficient les deux parties” (20).

Ce changement de paradigme s’explique par de nouvelles connaissances à apprendre :

en premier et deuxième cycle, nous apprenons majoritairement des connaissances déclaratives

(faits et règles) et procédurales (suite d’actions répondant à un objectif précis dans une

situation donnée), alors que pendant le troisième cycle, il s’agit plutôt de connaissances

conditionnelles ou compétences (21). Une compétence est définie par Jacques Tardif en les

termes suivants : “un savoir-agir complexe qui prend appui sur la mobilisation et la

combinaison efficace d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une

famille de situations” (17). Il s’agit alors d’un processus répondant à un contexte particulier et

donc variant d’une situation à l’autre pour trouver la solution adaptée à la problématique. Une

fois la compétence acquise dans un contexte, il est intéressant qu’elle soit “décontextualisée

(c’est-à-dire la théoriser par un enseignant qui lui donne sa dimension transversale) et

recontextualisée dans un autre contexte.” (22). Les GEP favorisent donc l’acquisition de ces

compétences. Le portfolio avec les traces d’apprentissage est quant à lui un outil d’évaluation

de leur acquisition. Le tuteur serait alors le lien en accompagnant l’interne dans sa démarche

d’auto-évaluation et d’auto-formation grâce à une rétroaction pédagogique, mais aussi

l’évaluateur tout au long du DES (22–24). Ce suivi par le tuteur permet d’encourager le

questionnement de l’interne, de développer sa réflexivité mais aussi de s’assurer d’une

utilisation pertinente des ressources et de faire un bilan des apprentissages (18).

Les difficultés pour certains internes à intégrer ce nouveau paradigme d’apprentissage

par compétences explique le besoin de recevoir à nouveau des cours magistraux, plus

“pratiques” et l’intérêt moindre envers l’enseignement en début de l’internat, du fait de la non

appropriation de ces nouveaux outils.

Parmi les thèses évaluant la formation théorique dans sa globalité, les difficultés dues aux

changements pédagogiques sont mises en avant dans la plupart d’entre elles. Ainsi à Nantes,

l’étude de 2017 (25) sur des internes en fin de cursus concluait à une formation théorique

déstabilisante du fait de nouvelles méthodes d’apprentissage différentes de la transmission

passive des savoirs jusque-là reçue. Les étudiants s’appropriaient difficilement les nouveaux

outils, notamment le RSCA, en partie à cause d’un manque d’explication sur leur principe et

leur intérêt. La formation était alors perçue comme punitive.

A l’inverse, à Amiens, en 2014 (26), l’évaluation des internes en fin de cursus décrivait un

enseignement resté ancré dans le paradigme d’enseignement et le souhait de passer au

paradigme d’apprentissage ressortait devant un manque de considération par les enseignants

et des cours trop théoriques.

Le séminaire ATAC a été créé en partie pour faire ce lien pédagogique entre deuxième

et troisième cycle. On y présente la marguerite des compétences du médecin généraliste et les

outils d’apprentissage permettant de les acquérir. Cependant, ce séminaire est jugé trop dense

et mal compris pour tous les internes. Des modifications ont été faites avec la réforme :

désormais il s’agit du séminaire d’accueil, toujours réalisé sur trois demi-journées mais

complété par des ateliers thématiques accompagnant la réalisation des premières traces

d’apprentissage.

Une thèse explorant la compréhension de ce système d’apprentissage a été réalisée à Paris

(27), montrant également des internes qui ne comprenaient pas ce changement “Ils

établissaient un lien réducteur entre compétence, trace d’apprentissage et évaluation par les

enseignants.” Les étudiants étaient alors demandeurs d’une cohérence entre les enseignants

ateliers en groupe pour éclaircir certains points. Ce qui est maintenant fait à Grenoble.