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CHAPITRE VI. MICROFINANCE ET CRISE DES IMPAYES DANS LES IMFS AU

Carte 4: Cartographie d’implantation des IMF au Sénégal

Légende

Source : DRS, 2011

156 Cette carte met clairement en évidence la très forte concentration de la microfinance à l’Ouest du pays, dans les zones urbaines et en zone côtière et autour de Dakar. Plus on s’éloigne vers la droite du point 1, plus la concentration d’IMFs diminue. Même à l’intérieur des régions, les IMFs ont tendance à se concentrer dans les zones à fort potentiel humain et économique.

Pourquoi les IMFs ont des difficultés pour le financement des activités rurales ?

Les réticences de la microfinance pour le rural et l’agricole ont déjà été largement été étudiées ailleurs. La microfinance agricole et rurale se révèle généralement difficile, coûteuse et même risquée pour diverses raisons (Morvant-Roux 2009 ; Wampfler et Lapenu, 2002; Zeller, 2003 ; Chalmers, 2005; Mbodji, 2012):

- La dispersion territoriale, l’éloignement, l’hétérogénéité des populations et la faiblesse des infrastructures de transports et de communication rendent coûteux l’accès aux services financiers et le développement d’un maillage territorial en milieu rural, notamment en cas de faible densité et d’enclavement important (Lapenu, 2008 ; Mbaye, 2010 ; Ndiaye, 2012); - Les activités rurales sont soumises à des risques agro-climatiques, économiques et sociaux que la microfinance a du mal à gérer. En plus, ces activités rurales et surtout agricoles ont un caractère saisonnier et une faible rentabilité, ce qui conduit souvent à un faible niveau de revenu pour les exploitations agricoles familiales. La faible rentabilité du secteur agricole rend difficile l’obtention de microcrédit aux taux habituellement pratiqués par la microfinance. La faiblesse des ressources humaines (peu d’incitations pour les personnes formées à travailler en zones rurales) complique souvent l’extension d’une offre locale de services de microfinance (Wampfler et Lapenu, 2002, Lapenu, 2008);

- Le prêt est parfois confondu avec un don, du fait des antécédents institutionnels en matière de crédit (banques publiques de développement, projets ou programmes à but non lucratif…), ou lors de périodes électorales ou encore dans des positions populistes de certains pouvoirs, compliquent le remboursement des crédits.

La microfinance rurale et agricole est alors affectée par des coûts de transactions et des risques élevés qui freinent son développement. L’ensemble de ces facteurs jouent un rôle prépondérant au Sénégal. En effet, l’agriculture, qui y est essentiellement pluviale, occupe plus de 65% de la population. L’essentiel des exploitations agricoles sont des ménages ruraux qui se nourrissent de leur production et la part de l’agriculture dans le PIB est très faible

157 (6,7% en 2008, 7,2% en 2009, 8,5% en 2010 et 6,1% en 2011) (ANSD, 2013)48. Les

spécificités du secteur agricole sénégalais, et principalement sa forte dépendance à la pluviométrie et la non maîtrise des techniques de production modernes, rendent difficile et coûteux voire même risqué son financement. Les politiques laxistes de crédit agricoles des périodes antérieurs ont contribué à créer une forte culture des impayés, en particulier dans certaines régions comme celle du fleuve. Enfin pour les IMFs qui essaient de s’implanter en milieu rural, car il y en a quand même quelques-unes, trouver des cadres compétents qui acceptent de quitter la ville relève souvent du défi.

Si on note de multiples risques et contraintes dans le secteur rural et agricole, il existe néanmoins des atouts, y compris au Sénégal :

- la forte cohésion sociale, toujours présente dans certaines zones rurales, la culture d’entraide et de solidarité dans les familles ;

- la plus faible concurrence dans l’offre de services financiers, et en particulier, le risque moindre d’interférences des systèmes de crédit à la consommation qui entraînent parfois les ménages dans le surendettement ;

- une forte concentration d’acteurs (organisations de producteurs, organisations de femmes, ONG, acteurs locaux du développement, projets ou programmes agricoles) qui peuvent prendre en compte les contraintes des familles et promouvoir l’accès au financement.

Nous reviendrons sur ces points ultérieurement.

I. Une forte concentration par trois grands réseaux et des logiques d’agglomération

Une seconde caractéristique de la microfinance sénégalaise est sa concentration: trois institutions au statut mutualiste assurent au moins 80% de la collecte de l’épargne et plus de 75 % de l’octroi de crédit. Elles possèdent plus de 75% des clients de la microfinance (DMF, 2012).

Le tableau 12 ci-dessous donne les parts de marché des trois réseaux les plus importants du secteur de la microfinance au Sénégal.

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Agence Nationale des Statistiques et de la Démographie (2013) : Situation Economique et Sociale du Sénégal en 2011.

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Tableau 12: Parts de marché des trois plus grands réseaux au Sénégal

IMFs Total actif Membres/clients Emprunteurs

actif Encours des dépôts Encours de crédit CMS 46,43% 38,70% 26,85% 60,00% 45,23% PAMECAS 17,95% 30,50% 23,11% 18,37% 16,02% ACEP 14,48% 8,26% 9,68% 4% 16,07% Total 78,86% 77,46% 59,64% 82,37% 77,32%

Source : Direction de la Microfinance, 2012

Les trois institutions ont un statut mutualiste. On pourrait alors supposer qu’elles privilégient l’ancrage territorial et une répartition spatiale de leurs activités. L’analyse de leurs pratiques montre qu’elles poursuivent plutôt une logique d’agglomération, motivée en premier lieu par une recherche de rentabilité financière. Dans les grandes rues des capitales régionales, il n’est pas rare de rencontrer plusieurs guichets appartenant à ces trois géants de la microfinance sur un coin de rue. Leurs responsables ne s’en cachent pas : « Il faut être partout où le concurrent

est localisé, mais seulement si c’est rentable », nous disait un responsable de l’ACEP. Cette

logique d’implantation n’est pas basée sur la répartition de l’offre de microfinance, ni sur la proximité avec le client mais sur la recherche de rentabilité, même si quelque fois, la proximité peut être un objectif secondaire. Même dans une zone donnée, la répartition de l’offre de microfinance est inégale et les logiques d’agglomération et de rentabilité restent dominantes. A titre d’exemple, à Dakar et à Thiès, les IMFs s’implantent différemment selon qu’il s’agit du cœur de la ville ou de la banlieue alors que cette dernière peut être plus peuplée. Mais, la rentabilité est mesurée ici en termes d’avantages comparatifs, c’est-à-dire que pour les IMFs, même si la banlieue est plus peuplée, les types de clients en ville sont plus solvables, moins risqués et plus concentrés pour une meilleure accessibilité. En d’autres termes, cette logique privilégie non seulement la rentabilité mais opère un choix de clients de qualité. Le schéma 4 ci-après donne une idée de la répartition de la microfinance en zone urbaine (Dakar). Il ne prétend pas représenter toutes les IMF mais donne une idée de l’agglomération des IMF sur Dakar.

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