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Cadre institutionnel de la microfinance : quelques acteurs clés du secteur

CHAPITRE III. : LE PAYSAGE SENEGALAIS DE LA MICROFINANCE

II. Cadre institutionnel de la microfinance : quelques acteurs clés du secteur

Les dispositions transitoires décrites plus haut ont été abrogées par la loi Parmec 1995, loi complétée en 1998 par les instructions de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). La loi Parmec visait la protection des déposants, la sécurisation des opérations et la recherche de l’autonomie financière des institutions de microfinance et elle a largement facilité l’expansion du secteur.

La microfinance sénégalaise est un secteur institutionnalisé, professionnalisé et structuré (Doligez et al. 2012). Elle conserve une forte légitimité à l’égard de l’Etat, qui la considère comme un « outil de développement économique et social » (Faye, 2012). Pour accompagner et encadrer le secteur, l’Etat s’est doté de structures clés: la Direction de la microfinance et la Direction de la Réglementation et de la Supervision des IMFs.

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2.1. La Direction de la Réglementation et de la Supervision du secteur de la microfinance: un rôle de gendarme financier

La Direction de la Réglementation et de la Supervision des IMFs (DRS/SFD) a pour missions principales l’inspection et le contrôle des institutions de microfinance (IMFs). Elle a été créée en 2008 et est chargée :

– de veiller à l’application de la réglementation ;

– d’instruire les demandes d’autorisations d’exercice des activités d’épargne, de crédit, d’engagement par signature et les soumettre à l’appréciation du Ministre ;

– d’assurer le contrôle et le suivi des IMFs par une surveillance permanente du secteur;

– d’assurer la diffusion des textes réglementaires, des guides de contrôle et de surveillance, la formation des intervenants sur les pratiques comptables et financières en vigueur ;

– de proposer au Ministre toutes les mesures appropriées contre tout système financier décentralisés, tout dirigeant et toute autre personne en cas de violation de la réglementation en vigueur sur les systèmes financiers décentralisés ;

– de contribuer à l’élaboration et à l’amélioration du cadre juridique, comptable et financier applicable aux systèmes financiers décentralisés ;

– d’assurer la mise en place des bases de données statistiques à jour, pour contribuer à l’élaboration des stratégies pour une politique nationale des systèmes financiers décentralisés. La BCEAO et sa Commission Bancaire participent également à ce contrôle.

En dépit des instances créées, le contrôle interne des IMFs est sommaire et parfois absent, et nous en verrons dans un chapitre ultérieur les conséquences. Ceci est dû à au manque d’outils de gestion performants et à l’insuffisance de formation des élus (comme nous le verrons plus loin, la forme mutualiste est dominante) ainsi que des agents responsables du contrôle. Ce point a été soulevé par plusieurs études, et la Direction de la Microfinance en fait état dans ses propres rapports17. La supervision et le contrôle externes, dévolus à la DRS-SFD, la BCEAO et la Commission Bancaire sont également limités par l’insuffisance des ressources (humaines, matérielles et financières). En 2009, seulement 27 missions de contrôle ont été réalisées sur le territoire national, ce qui est dérisoire compte tenu du nombre d’IMF et

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39 d’antennes existantes. Depuis ce nombre n’a cessé d’augmenté (53 visites en 2010, 138 en 2011, 201 en 2012). Cette augmentation forte des contrôles traduit certains manquements observés dans l’application de la nouvelle loi ainsi que les dérives de mission notées dans le secteur, sur lesquelles nous reviendrons en détail.

2.2. La Direction de la Microfinance et la lettre de politique sectorielle (LPS)

La Direction de la Microfinance (DMF) relevant du Ministère de l’Entrepreneuriat Féminin et de la Microfinance, a été créée en 2003. Elle a pour mission de promouvoir et développer le secteur de la microfinance au Sénégal et traduit la volonté de l’Etat de mettre en place un cadre concret d’appui à la stratégie de promotion des micros et petites entreprises, de réduction de la pauvreté et de promotion du développement économique et social via la microfinance.

La DMF assure la coordination de la politique générale de l’Etat en matière de microfinance, le suivi des activités et des opérations des intervenants du secteur et l’évaluation des performances des projets/programmes. Plus spécifiquement, elle est chargée d’élaborer et de mettre en œuvre la « Stratégie de développement de la microfinance ».

La LPS/MF a été conduite à travers une approche projets et programmes par la Direction de la Microfinance. Quatre principes essentiels sont mis avant : le rôle prééminent donné au secteur privé et aux IMFs dans l’offre de produits et de services financiers, la non-exécution directe pour l’Etat de programmes de microfinance, la création d’un environnement de politique, économique, légal et réglementaire pour favoriser le développement du secteur et l’orientation vers le marché pour les politiques financières et de crédit avec l’intégration de la microfinance au système financier. Pour répondre à ses missions et assurer une cohérence des interventions, la DMF, en rapport avec les autres acteurs a mis en place un Comité National de Coordination (CNC) des activités de la microfinance.

Elle assure également le suivi-évaluation de la LPS en mettant en place un dispositif de suivi participatif qui met en évidence une cartographie des Partenaires Techniques et Financiers, selon les axes stratégiques et de couverture géographique.

En outre, la DMF convoque et préside les rencontres de concertation sur le secteur et assure le Secrétariat permanent du Comité National de Coordination des activités de microfinance (CNC).Il faut surtout relever que ce dispositif a connu de nombreux dysfonctionnements. Ceux-ci sont liés à la faiblesse de la contrepartie de l’Etat dans la mobilisation des ressources,

40 à un manque d’harmonisation de l’intervention des partenaires techniques et financiers (PTF)compte tenu de leur propension forte à vouloir «opérationnaliser» leurs propres projets ou programmes malgré leur engagement dans la stratégie. Par ailleurs de grosses divergences sont observées entre différents types d’IMFs, notamment entre d’une part entre les grosses IMFs « matures » et d’autre part entre les petites IMFs « émergents et « isolés ». Or les interventions tiennent peu compte de cette diversité.

2.3. Le Comité National de Coordination (CNC)

Le CNC est un organe regroupant les principaux acteurs ou leurs représentants à savoir l’Etat, les IMFs, la BCEAO, les bailleurs de fonds, les ONG, etc. Il est chargé de la mise en œuvre de la Politique Sectorielle. Les principales responsabilités du CNC sont, (1) organiser la Table Ronde regroupant les acteurs ou leurs représentants, (2) assurer le suivi-évaluation de la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action de la Politique Sectorielle, (3) proposer des mesures d’adaptation, en cas de besoin, en validant les plans annuels de programmation et en analysant les résultats des différents programmes d’appui, (4) de rechercher la cohérence des interventions dans le secteur avec la Politique Sectorielle et enfin (5) assurer la supervision des programmes de développement du secteur de la microfinance dès l’approbation du document de Politique Sectorielle.

Le CNC est composé d’une multitude d’acteurs, assurant ainsi la représentativité nécessaire pour cette concertation.

Entre 2009 et 2013, le CNC a tenu 11 réunions et organisé une quarantaines d’ateliers qui portent sur des thèmes, restitutions et validations de travaux d’études, d’évaluations ou de diagnostics.

La DMF et le CNC doivent pouvoir jouer leur rôle de manière indépendante dans la mesure où leurs financements dépendent des projets et non du budget national. Le CNC et la DMF ont un rôle direct dans la coordination, la supervision et la mise en œuvre de projets et programmes d’appui dans l’optique d’opérationnaliser la Lettre de Politique.

2.4. Le Programme d’Appui à la Lettre de Politique Sectorielle (PALPS)

Le Programme d’Appui à la Lettre de Politique Sectorielle (PALPS) vise à favoriser un meilleur accès des populations pauvres, y compris les femmes et des micros, petites et moyennes entreprises aux services de la microfinance.

41 L’objectif poursuivi est « l’amélioration de l’offre de produits et services financiers, le développement d’une offre viable et pérenne dans les zones peu couvertes par la microfinance et le renforcement des relations entre les IMFs et les banques et autres fonds d’investissement pour une intégration progressive des marchés financiers ». Malgré l’existence de ce programme, et comme nous le verrons plus loin, de nombreuses insuffisances du PALPS sont notées. En zone rurale, le taux de pénétration des institutions de microfinance est très bas, il est de moins de 20% tandis que plus 50% des IMFs sont concentrés à Dakar, Ziguinchor et Thiès (DMF, 2012). En outre, les services et produits financiers offerts restent très mal adaptés aux besoins et capacités des populations en milieu rural.

Encadré 2 : La LPS et ses principaux axes d’interventions

L’objectif général de la LPS est de : « Favoriser l’accès à des services financiers viables et durables à une majorité des ménages pauvres ou à faibles revenus et des micro-entrepreneurs sur l’ensemble du territoire national d’ici à 2015, grâce à des SFD viables, s’intégrant dans le système financier national ». La LPS est structurée en quatre axes stratégiques :

-Axe 1 : Amélioration de l’environnement économique, légal et réglementaire pour un développement sécurisé du secteur ;

-Axe 2 : Offre viable et pérenne de produits et services adaptés, diversifiés et en augmentation, notamment dans les zones non couvertes par des SFD professionnels ;

-Axe 3 : Articulation renforcée entre SFD et Banques, favorisant le financement des MPE et PME, et une intégration progressive du secteur de la microfinance au secteur financier ;

-Axe 4 : Organisation du cadre institutionnel de manière à permettre une gestion articulée et concertée du secteur et de la politique sectorielle.

A l’issue d’une table ronde organisée en avril 2005, les partenaires bailleurs de fonds se sont engagés à soutenir la réalisation du plan d’action en contribuant au financement de son budget qui s’élevait, dans un premier temps, à 20,8 milliards FCFA.

Cette LPS a été réactualisée lors d’un atelier national tenu les 21 et 22 avril 2008 et organisé à l’initiative de la DMF. Le secteur dispose actuellement d’un nouveau plan d’action qui couvre la période 2009-2013 et d’un Document actualisé de Politique sectorielle.

Le nouveau budget est estimé à 35 milliards FCFA pour les actions directes de développement et 40,45 milliards FCFA pour les besoins en "refinancement".

Direction de la microfinance, 2011, Évaluation à mi-parcours de la Lettre de Politique Sectorielle

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2.5. AP/SFD : le rassemblement des professionnels

Pour défendre leurs intérêts, les institutions de microfinance ont créé en 1996, l’APIMEC, Association Professionnelle des Institutions de Microfinance qui devient plus tard l’AP-SFD (Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés). La pertinence de l’AP/SFD doit être appréciée par son rôle dans la structuration de la profession, en permettant aux IMFs d’être un interlocuteur de poids pour les autres acteurs (DMF, DRS, Bailleurs, …). L’AP/SFD est le représentant du secteur et a comme objectifs principaux :

- Etre un interlocuteur privilégié en microfinance au Sénégal ;

- Promouvoir le rôle de l’épargne et du crédit dans le développement du pays ;

- De présenter au gouvernement toutes suggestions d’intérêt général en ces domaines ; - Contribuer au respect par ses membres de la déontologie et de la réglementation applicable au secteur de la micro finance ;

- Défendre les intérêts matériels et moraux de la profession.

Selon la nouvelle loi, toute IMF agrée doit obligatoirement adhérer à l’association des professionnels des systèmes financiers décentralisés.

Mais qu’ont-ils fait réellement ?