• Aucun résultat trouvé

La carri` ere publique de l’architecte de la Ferme

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 161-169)

La construction de la Saline

2.2 Ledoux, l’architecte de la Saline

2.2.4 La carri` ere publique de l’architecte de la Ferme

a ce moment-l`a. On peut mˆeme supposer que Ledoux a b´en´efici´e de conseils pr´ecieux de la part de Trudaine ou d’autres acteurs de la construction de la Saline pour ´elaborer son second plan. Celui-ci est d’ailleurs approuv´e par Louis XV peu avant sa mort, puis sign´e par Trudaine le 28 octobre 1774. Ce projet repr´esente alors la cons´ecration de Ledoux dont la carri`ere est `a l’apog´ee.

2.2.4 La carri` ere publique de l’architecte de la Ferme

Architecte au sommet de sa carri`ere, Ledoux est ´egalement charg´e d’autres projets qui t´emoignent de ses liens avec la Ferme g´en´erale. En marge de sa carri`ere priv´ee, il multiplie les commandes publiques et affine le style de son architecture de production.

Projet contemporain de celui de la Saline d’Arc-et-Senans, on peut par exemple citer le Grenier `a sel de Compi`egne. `A l’initiative de l’intendant Bertier de Sauvigny, sa reconstruction est d´efinitivement d´ecid´ee en f´evrier 177574. Construite dans un style tr`es monumental, la fa¸cade est la seule partie encore existante de ce bˆatiment. Elle devait symboliser les progr`es de l’administration dans le contrˆole de l’impˆot sur le sel et ouvrait sur un vestibule dont la forme semi-circulaire rappelle les choix de l’architecte pour le second plan de la Saline.

Avec la charge de la Saline d’Arc-et-Senans et le grenier `a sel de Compi`egne, Ledoux se pr´esente donc bien comme l’architecte de la Ferme g´en´erale. Son prestige joue en sa faveur et les liens qu’il entretient avec les fermiers parisiens, mais aussi avec Charles-Alexandre de Calonne (1734–1802), le Contrˆoleur g´en´eral des finances, contribuent `a le placer sur le devant de la sc`ene architecturale fran¸caise :

«Architecte de la Ferme, Ledoux avait construit `a ce titre le grenier `a sel de Compi`egne ; il entreprenait `a Paris, rue du Bouloy, la construction d’un si`ege de pres-tige pour cette redoutable compagnie. Les archives de la Ferme ont brˆul´e. Celles du contrˆole des finances, hormis quelques ´epaves, attendent d’ˆetre consult´ees `a Coppet, o`u Necker les a export´ees en trois carrosses au d´ebut de l’´emigration. Mais le peu 74. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., p. 171.

de documents dont nous disposons prouve que Ledoux avait envoˆut´e Calonne. Ce qui s’est construit par son ordre, autour de Paris comme `a Aix, a r´esult´e d’une

´

etonnante connivence entre l’architecte et l’homme d’ ´Etat»75.

L’analyse pr´esent´ee ici par Michel Gallet insiste largement sur la place privil´egi´ee occup´ee par Claude Nicolas Ledoux aupr`es des administrations publiques. Outre le grenier de Compi`egne, Michel Gallet ´evoque aussi la construction d’un nouvel hˆotel des fermes `a Paris, dont Ledoux re¸coit la commande en 178376. En effet, jusqu’alors, la Ferme g´en´erale partageait ses locaux parisiens avec le bureau des Aides et la douane, dans l’ancien hˆotel du chancelier Pierre S´eguier. Or, Calonne consid`ere que la restauration des finances pu-bliques passe par l’illusion de la richesse77. Il souhaite donc entreprendre la reconstruction compl`ete du si`ege de cette administration, entre la rue de Grenelle-Saint-Eustache et la rue du Bouloi et charge Ledoux du chantier :

«Nous n’avons que peu de renseignements sur cet ´edifice ; l’ ´Etat g´en´eral des Bˆatiments servant `a l’Exploitation des Fermes dress´e en 1781, est tr`es succinct `a cet ´egard. Cependant, dans son guide de 1787, Thiery annonce qu’une fois achev´e, le bˆatiment pr´esentera «une masse imposante» »78.

Il est vrai que les plans que nous a laiss´es Ledoux pour l’hˆotel des fermes confirment cette id´ee d’«une masse imposante», annonc´ee par Thiery. DansL’Architecture. ´Edition Ram´ee, on retrouve six gravures qui lui sont consacr´ees79. Il s’agit des plans du rez-de-chauss´ee, de l’entresol, du premier ´etage, du deuxi`eme ´etage, de celui des combles, ainsi que d’une coupe et d’une ´el´evation du bˆatiment. L’ensemble pr´esente un bˆatiment carr´e, pens´e selon un plan cruciforme au rez-de-chauss´ee puis, `a partir du premier ´etage, organis´e en trois corps de logis parall`eles dans la longueur, entrecoup´es au centre par un quatri`eme corps de logis dans la largeur. L’architecture est sobre mais massive et doit t´emoigner de l’importance de cette administration. N´eanmoins, la R´evolution met un terme `a ce projet et Ledoux n’a le temps que d’en achever une partie, sur la rue de Grenelle.

75. GALLET Michel,Architecture de Ledoux, In´edits pour un tome III,op.cit., p. 45.

76. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., pp. 45–46.

77. GALLET Michel,Architecture de Ledoux, In´edits pour un tome III,op.cit., p. 45.

78. LEVALLET-HAUG Genevi`eve,op.cit., p. 102. L’auteur fait ici r´ef´erence auGuide des amateurs et ´etrangers voyageurs `a Paris de THIERY, vol.1, paru en 1787, p. 319.

79. RAM ´EE Daniel,L’Architecture de C. N. Ledoux, Paris : ´Editions Lenoir, 1847, pl. 95 `a 100.

On peut noter que d’autres projets d’architecture publique de Ledoux restent non ex´ecut´es. Par exemple, en 1788, Necker aurait demand´e `a Ledoux des projets pour la Caisse d’Escompte, que Ledoux aurait pr´esent´es dans le cadre d’un concours ouvert `a tous les architectes en 178980. L`a encore, cette demande t´emoigne de la pr´eoccupation des autorit´es en mati`ere d’architecture publique. Il s’agit de faire co¨ıncider l’importance de Paris comme centre financier avec l’architecture des bˆatiments, dont le retard en la mati`ere est flagrant compar´e aux autres grandes villes europ´eennes :

«L’´emergence des ´edifices financiers `a la fin du XVIIIesi`ecle en France apparaˆıt donc comme un des derniers avatars de l’architecture civique des Lumi`eres, l’ul-time sacralisation d’une fonction ´edilitaire clairement admise avant l’apparition des grands programmes capitalistes du XIXesi`ecle»81,op.cit..

Cette pr´eoccupation, Ledoux l’a bien comprise. Soutenu par Necker, il propose donc pour le concours deux projets que l’on peut retrouver parmi les planches de Ledoux, dans l’´edition Ram´ee82. Le second d’entre eux t´emoigne d’ailleurs de la force du parti pris architectural de Ledoux `a cette ´epoque : un bˆatiment imposant qui s’organise selon un plan carr´e, avec en son centre un salon surmont´e d’une coupole et entour´e de pi`eces rectangulaires sur les cˆot´es et octogonales ou ovales dans les angles. L’ensemble de ces pi`eces doit ˆetre ´eclair´e par le haut. Fort de son prestige et de son exp´erience, le style de Ledoux devient donc plus affirm´e, voire plus audacieux. Mais il semble aussi `a cette p´eriode s’´eloigner de plus en plus des exigences financi`eres et pratiques li´ees `a la r´ealisation de tels projets :

«Ledoux semble avoir quitt´e le terrain de la possibilit´e r´ealisable. Il cherche `a surpasser Palladio dans ses rˆeves les plus outr´es ; ce n’est plus que de l’architecture th´eorique»83,op.cit..

Pourtant, les exigences mat´erielles de l’architecture publique ne manquent pas de se rappeler `a lui et ce, de fa¸con parfois brutale, comme dans le cas du palais de justice et des prisons pour la ville d’Aix-en-Provence. Il s’agit du projet le plus ambitieux de Ledoux apr`es la Saline d’Arc-et-Senans. En effet, en 1775, au moment o`u le parlement de la ville se r´einstalle dans ses anciens locaux apr`es quatre ann´ees d’exil, le vieux palais des

80. LEVALLET-HAUG Genevi`eve,Claude-Nicolas Ledoux, 1763–1806,op.cit., p. 110.

81. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., pp. 58.

82. RAM ´EE Daniel, op.cit., pl. 101 `a 105.

83. LEVALLET-HAUG Genevi`eve,Claude-Nicolas Ledoux, 1763–1806,op.cit., p. 111.

comtes de Provence tombe en ruines et n’est plus adapt´e au fonctionnement judiciaire du XVIIIe si`ecle. Le choix de la reconstruction s’impose alors dans un contexte intellectuel ouvert aux grands projets ledolciens, les ´erudits et historiens locaux tenant un discours favorable `a des projets grandioses et progressistes. L`a encore, il s’agit de mettre en valeur la fonction politique de la ville et de faire du futur palais de justice le symbole de l’autorit´e de la ville d’Aix en Provence84. En 1776, le premier Pr´esident du Parlement d’Aix, M. de la Tour, ´ecrit au ministre des Finances pour l’informer du mauvais ´etat des constructions du Palais de Justice et des Prisons de la ville et pour lui demander l’avis d’un homme de l’art capable de l’´eclairer. Soutien acquis `a Ledoux, Trudaine de Montigny, appuy´e par Turgot, recommande alors l’architecte qui effectue le d´eplacement en Provence et se fait connaˆıtre, ´evin¸cant ainsi l’architecte local Esprit Joseph Brun (1710–1800)85. Ledoux pr´esente donc entre 1776 et 1778 plusieurs projets de reconstruction qui ont pour trait commun de situer le futur palais de justice et ses prisons en dehors de l’agglom´eration aixoise, sur des terrains libres :

«Ledoux les associe `a de grands travaux d’urbanisme qui auraient modifi´e la physionomie de la ville, et permis de faire financer une partie de l’op´eration par une soci´et´e d’hommes d’affaires, `a laquelle on laissait en contrepartie, le lotisse-ment du vaste quartier cr´e´e autour du monument. Les magistrats et les d´el´egu´es de l’assembl´ee des Communaut´es sont effray´es par de telles propositions»86.

L’analyse que fait Marie Bels de ces premiers projets met en ´evidence deux ´el´ements qui permettent de comprendre le contexte dans lequel Ledoux fait ´evoluer sa carri`ere.

D’abord, on retrouve une fois encore de mani`ere visible les liens de l’architecte avec les milieux d’affaires parisiens, qui l’ont d´ej`a soutenu lors de ses pr´ec´edents projets. De plus, elle souligne la rivalit´e existante entre l’autorit´e royale, repr´esent´ee par le contrˆoleur des finances, et les administrations locales qui souhaitent d´efendre leur ind´ependance. La guerre d’ind´ependance am´ericaine met alors un terme `a cette rivalit´e en suspendant pour plusieurs ann´ees le chantier, au mˆeme titre que les autres grands projets du royaume. En 1783, Calonne reprend le projet en main et obtient de Louis XVI une participation de deux tiers au financement du projet d’Aix, le reste ´etant `a la charge de la province. Il appuie ´egalement la position de Ledoux sur le projet, malgr´e l’opposition de l’archevˆeque

84. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., pp. 167.

85. VIDLER Anthony,Ledoux,op.cit., p. 94.

86. BELS Marie,Sur les traces de Ledoux, Marseille : ´Editions Parenth`eses, 2004, p. 6.

d’Aix et pr´esident des ´Etats de Provence, Mgr de Boisgelin87. En 1784, Ledoux propose donc un troisi`eme projet, toujours extra-muros, mais qui pr´esente pour la premi`ere fois le palais de justice et la prison comme deux ´edifices distincts. Les magistrats aixois qui tiennent `a l’ancien emplacement du palais au cœur de la ville refusent `a nouveau le projet, mais le parti pris consistant `a s´eparer les deux bˆatiments sera conserv´e par la suite. La mˆeme ann´ee, avant de proposer les plans d´efinitifs qui seront adopt´es en f´evrier 1785, Ledoux organise sur place le futur chantier en cr´eant une association qui regroupe deux hommes d’affaires locaux, caution de l’op´eration, Joseph Sauveur Mignard et Mathieu, un entrepreneur parisien nomm´e Brunet, et l’ing´enieur en chef des ponts et chauss´ees de la province, Georges Alexandre Vallon88. N´eanmoins, le chantier d’Aix prend du retard d`es son lancement. Les d´emolitions et les fouilles qui pr´ec`edent la construction sont longues et coˆuteuses. Les fondations sont achev´ees en 1789, alors que l’Assembl´ee constituante met en place la nouvelle division du royaume en d´epartements qui disloque la Provence et compromet d´efinitivement le financement du chantier d’Aix-en-Provence. On envisage d’abord de r´eviser le projet avec des ambitions plus modestes mais adapt´ees `a la nouvelle administration, comme en t´emoigne le discours des entrepreneurs dans un courrier adress´e au gouverneur en octobre 1790 :

«Si l’ordre survenu depuis que l’´edifice est commenc´e, n’exige pas que le palais de justice soit aussi vaste qu’il devoit l’ˆetre par le plan, les entrepreneurs pensent que, sans un grand changement dans les divisions, il seroit possible d’y pratiquer une salle pour l’assembl´ee du d´epartement des Bouches du Rhˆone et mˆeme un vaisseau pour la Biblioth`eque l´egu´ee au pays par M. de M´ejanes qui n’est pas encore plac´ee»89. Mais le projet est simplement suspendu par une loi du 29 octobre 1790, bas´ee sur un d´ecret du 2490. Ledoux doit donc se r´esoudre `a ce que son œuvre ne soit jamais ache-v´ee. C’est donc `a travers les plans qu’il en a dessin´es qu’il nous est possible de connaˆıtre ses intentions architecturales91. L’architecte envisageait bien la construction de bˆatiments monumentaux. Sur les plans, le palais de justice est constitu´e d’un bˆatiment rectangulaire dont chaque fa¸cade est marqu´ee par un avant-corps central. Pour les deux fa¸cades

cen-87. Ibid., p. 10.

88. LEVALLET-HAUG Genevi`eve,op.cit., p. 103.

89. Archives nationales, H 1259/1.

90. Ibid.

91. RAM ´EE Daniel,op.cit., pl. 41 `a 64.

trales, il pr´evoit un p´eristyle constitu´e de huit colonnes de style dorique, surmont´ees d’un fronton et d’un entablement qui se continue tout autour du bˆatiment. `A la fois l’int´erieur et l’ext´erieur du bˆatiment sont d´ecor´es de sculptures, le tout surmont´e d’une coupole cen-trale qui devait apporter l’´eclairage n´ecessaire. Quant `a la prison, il s’agit d’un bˆatiment en forme de croix inscrite dans un quadrilat`ere, avec un p´eristyle de six colonnes doriques

`

a fronton sur chaque fa¸cade et de petites ouvertures sur les deux ´etages pour ´eclairer les cellules. La croix int´erieure d´elimite ainsi quatre cours destin´ees aux prisonniers, avec en son centre, au premier ´etage, la chapelle, ainsi situ´ee au cœur de l’´edifice. On y retrouve donc la volont´e ch`ere `a l’architecte de construire des bˆatiments imposants, mais c’est aussi le reflet des pr´eoccupations de l’administration qui ont pr´ec´ed´e la conception du projet.

Le destin avort´e de cet ensemble administratif imagin´e pour la ville d’Aix-en-Provence n’est pas non plus sans rappeler celui d’un autre projet d’architecture publique men´e de front par Ledoux, celui des barri`eres d’octroi de la ville de Paris, pour lequel, plus que les autres, l’architecte est pass´e `a la post´erit´e. `A la fin de l’Ancien R´egime, une partie des recettes du royaume provient des droits d’entr´ee dans la capitale. Cependant, les limites de la ville ne sont pas clairement ´etablies par une enceinte et le contrˆole des passages par les commis de la Ferme s’av`ere difficile. D`es 1782, l’administration envisage donc la construction d’une barri`ere continue avec, `a chaque porte, un bˆatiment pour les bureaux des commis et leurs habitations. C’est le 22 f´evrier 1784 que Louis Auguste Le Tonne-lier, baron de Breteuil, ministre et secr´etaire d’´Etat au d´epartement de Paris soumet un rapport sur la n´ecessit´e de clˆoturer la rive gauche de Paris. Ledoux b´en´eficie alors de la primeur de l’information grˆace `a sa connivence avec Calonne. Si le projet est ent´erin´e en conseil le 23 janvier 1785, Ledoux travaille d´ej`a sur ses futurs Propyl´ees de Paris depuis la fin de l’ann´ee 178492 :

«En juin 1784, le premier commis de la Ferme, M. de Colonia, fait approuver le projet par Calonne. Il ´etait d’usage sous Louis XVI de soumettre ce type de travaux

´

edilitaires `a l’autorit´e des Ponts et Chauss´ees ; il n’en fut pas question ici : le bailleur de fonds, la Ferme g´en´erale, investit son propre architecte, Ledoux, de la mission de conduire le chantier d’un projet qu’il pr´eparait d’ailleurs depuis un an environ»93. 92. GALLET Michel,Architecture de Ledoux, In´edits pour un tome III,op.cit., p. 45.

93. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., pp. 58.

On le voit ici, le rˆole jou´e par Calonne et son soutien `a l’architecte est plus que d´ecisif dans l’attribution du projet `a Ledoux. Grˆace `a lui, `a cette p´eriode, Ledoux est incontestablement l’architecte de la Ferme g´en´erale, celui `a qui on confie les grands travaux d’architecture publique sans discussion possible. Il apparaˆıt aux yeux de Calonne comme l’architecte qui est le plus `a mˆeme de r´ealiser ses ambitions pour les bˆatiments civiques et li´es `a la finance :

«Comme `a la Saline, il tirait le plus grand parti d’un programme que la plupart de ses confr`eres auraient d´edaign´e. Neuf ans plus tˆot, Turgot avait d´eclin´e ses pro-positions pour Chaux. `A pr´esent, Ledoux trouvait en Calonne un contrˆoleur g´en´eral des Finances aussi press´e d’´economie, mais plus accessible aux id´ees brillantes»94. Si l’analyse de Michel Gallet est discutable quant `a la question des propositions pour Chaux, elle confirme n´eanmoins tout l’int´erˆet que le contrˆoleur g´en´eral des Finances porte

`

a l’architecture de Ledoux et souligne son rˆole essentiel dans la place que tient l’architecte aupr`es de la Ferme g´en´erale. Facilit´es par l’approbation donn´ee par Calonne aux projets artistiques ambitieux de Ledoux pour les diff´erents bureaux des commis, les travaux sont rapidement engag´es. La totalit´e de l’enceinte sur la rive gauche est achev´ee en 1786, alors que s’engagent l’ann´ee suivante les travaux sur la rive droite. Face `a ce projet, si les r´eactions des Parisiens sont d’abord discr`etes, elles ne tardent pas `a s’amplifier avec le contexte de crise agricole et financi`ere qui pr´ec`ede la R´evolution. Les bˆatiments ´erig´es par Ledoux deviennent d`es lors le symbole d’un peuple parisien prisonnier de ses propres murs et contribuent `a alimenter la crise politique :

«Si le double objectif fiscal de l’enceinte et de ses barri`eres demeure la moti-vation prioritaire de Calonne et des fermiers g´en´eraux sur lesquels il s’appuie, `a trop le mettre en avant on oublie facilement qu’il ne s’agissait pas d’un exp´edient mais d’un v´eritable instrument politique. En effet, cette r´ealisation controvers´ee fait partie des mesures tr`es concr`etes qui tent`erent de modifier radicalement certaines habitudes administratives ou certains comportements jug´es inciviques, tout en favo-risant l’image de la ville. Sur ce dernier point, il ne faut jamais oublier qu’au XVIIIe si`ecle, le concept d’urbanisme (terme de la fin du XIXe si`ecle) implique de fait celui d’embellissement»95.

94. GALLET Michel,Claude Nicolas Ledoux,op.cit., p. 22.

95. RABREAU Daniel,Claude-Nicolas Ledoux,op.cit., p. 49.

Il est vrai que, pour Calonne, la construction des barri`eres d’octroi de Paris peut aussi ˆetre un moyen d’exercer l’autorit´e royale sur le peuple parisien et va donc subir de plein fouet les critiques du despotisme. L’analyse de Daniel Rabreau met ´egalement en ´evidence un ´el´ement qui permet de mieux comprendre l’adh´esion dont fait preuve le contrˆoleur des Finances vis-`a-vis des projets grandioses de Ledoux. Il s’agit de la notion d’embellissement qui caract´erise les travaux urbains tels qu’on les con¸coit `a la fin du

Il est vrai que, pour Calonne, la construction des barri`eres d’octroi de Paris peut aussi ˆetre un moyen d’exercer l’autorit´e royale sur le peuple parisien et va donc subir de plein fouet les critiques du despotisme. L’analyse de Daniel Rabreau met ´egalement en ´evidence un ´el´ement qui permet de mieux comprendre l’adh´esion dont fait preuve le contrˆoleur des Finances vis-`a-vis des projets grandioses de Ledoux. Il s’agit de la notion d’embellissement qui caract´erise les travaux urbains tels qu’on les con¸coit `a la fin du

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 161-169)