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des traits dont le but est de typifier un genre social. Cet agrégat qui fait du personnage un héros le donne à voir comme le produit d’une société, l’émanation d’un contexte familial et culturel, le fruit d’une éducation scolaire et spirituelle qui forgent en lui des armes, certes limitées, mais suffisantes pour le hisser à la dimension d’une lutte de conquête, d’une volonté de triompher par rapport à lui-même, aux autres et à la société.

1.3.2.1. - Une conscience de classe et une sublimation de

l’existence

Si certains héros s’arrachent d’heureuses enfances ou connaissent une origine relativement moins obscure (bourgeoisie locale, situation d’héritage avantageuse), la plupart sont en butte à cette origine sociale modeste que nous n’avons eu de cesse de montrer, et

trainent comme un boulet cet anonymat couplé de la dégénérescence de toutes ces classes sociales dont ils ne sont que des représentants. C’est de la dynamique résultant de ce couple dialectique que naît la crise de conscience chez le héros.

L’énergie qui porte à l’action est suscitée de multiples façons. Le héros du roman de formation naît et se développe dans un environnement où toute l’impuissance de sa condition l’accompagne dans les moindres expériences de l’enfance. La vie sociale, l’environnement scolaire, les activités ou l’ensemble des espaces, lui rappellent sa condition sociale, la tragédie et la dégénérescence qui l’accompagnent. Le témoignage de l’acte fondateur de l’amitié entre Frédéric et Deslauriers est éloquent à ce sujet :

Cependant, à cause de sa pauvreté, ou de son humeur querelleuse, une sourde malveillance l’entourait. Mais un domestique, une fois, l’ayant appelé enfant de gueux, en pleine cour des Moyens, il lui sauta à la gorge et l’aurait tué, sans trois maîtres d’études qui intervinrent102.

Ces scènes, fréquentes, qui rythment l’enfance des héros, obligent, au-delà de la frustration, à une solide conscience de classe qui appelle nécessairement à l’action. Interpellé par cette injustice, Frédéric se sent tout de suite solidaire de cette scène d’humiliation. Ce sentiment de compassion fédère des énergies qui vont construire maints projets de dépassement de soi et de sa classe ; en vue de mieux partir à l’assaut de la vie, une vie qui vous est, a priori, désavantageuse. C’est donc la porte ouverte aux ambitions les plus

démesurées, comme nous l’avons déjà montré et dont nous rappellerons certains aspects dans la deuxième partie de ce chapitre. Les faits et les expériences de vie sont, avec Julien Sorel et Lucien Chardon, révélateurs à plus d’un titre : tous deux ont le malheur d’être nourris à la douloureuse sève des expériences malheureuses qui jalonnent leur enfance. Julien se refuse au difficile travail du bois auquel son père semble avoir destiné toute la famille. Ce travail, à la limite insoutenable pour sa constitution morphologique – peu apte aux travaux de force – est à ses yeux la manifestation de l’accentuation de la pauvreté et de l’anonymat où cette famille est fatalement appelée à végéter. La conscience de classe est chez Julien, une représentation structurante ; elle alimente toute sa réflexion, forge son caractère et lui sert d’indicateur, de

leitmotiv de tous les instants. Le caractère intrépide et incorruptible du personnage est

fortement assis sur cette distinction de classes et surtout sur sa volonté inébranlable de ne rien céder à une classe supérieure. Lorsqu’il contraint M. de Rênal à lui accorder, en plus de son

traitement déjà arrêté, un appointement de cinquante francs par mois, il considère cela comme une victoire des pauvres sur les riches :

Le Maire de Verrières était bien toujours, à ses yeux, le représentant de tous les riches de la terre ; mais Julien sentait que la haine qui venait de l’agiter, malgré la violence de ses mouvements, n’avait rien de personnel. S’il eût cessé de voir M. de Rênal, en huit jours il eût oublié, lui, son château, ses chiens, ses enfants et toute sa famille.103

Julien prend sur lui le parti des défavorisés, des faibles et crée dans son esprit comme un antagonisme de classes permanent entre lui et les représentants de toutes ces classes aisées ; et ceci dans toutes les formes de relations qu’il entretient avec elles (en amour, sur les plans professionnel, social, intellectuel et culturel). A côté de cet étalon d’énergie, figure Lucien Chardon qui, inapte lui-même à aider au travail domestique ou de quelque nature que ce soit, alourdit au quotidien ses propres peines ainsi que celles de sa famille :

Lucien, fatigué de boire à la grossière coupe de la misère, était sur le point de prendre un de ces partis extrêmes auxquels on se décide à vingt ans.104

Cette situation pénible d’où le sort son ami d’enfance et futur beau-frère, David Séchard, est le prélude à cette forte amitié, de circonstance et de raison – bien qu’ayant existé au collège au départ – qui dessine le futur du héros, porté vers l’avant, à la recherche de la gloire et de la fortune.

N’y a-t-il véritablement rien de grand qui se construit sans rêve et/ou sans passion ? Pour reprendre le mot du philosophe105. L’enfance et l’adolescence, pourrait-on dire, sont des

étapes de la projection du possible à l’infini. Les rêves d’une vie d’enfance se cristallisent

103 Stendhal, op. cit., p. 87.

104 Honoré de Balzac, op. cit., p. 77.

105 « Rien de grand ne s’est fait sans passion », Hegel, La raison dans l’histoire, Hatier, p. 56. Cette formule

célèbre n’est pas propre à Hegel - on en trouve des formulations voisines chez Rousseau ainsi que chez Kant. Cependant, elle marque une rupture avec la rude tradition stoïcienne, déjà tempérée par Descartes (« toutes les passions sont naturelles »). Pour le stoïcisme, la maîtrise de nos passions, voire la répression de tous nos désirs, sont la condition sine qua non de la sagesse et donc du bonheur. Pour Hegel, pour les romantiques en général, c’est une erreur de concevoir l’homme réel, mais aussi l’homme idéal, comme un pur esprit dénué d’appétits ou de sentiments. Nous n’agirions pas si nous n’étions pas motivés par quelque chose de viscéral qui nous anime et nous commande souvent à notre insu. Or il ne faut pas le déplorer ; car nos excès, nos sentiments exclusifs, contribuent à dynamiter l’histoire, mais dans un sens qui n’est pas donné par la passion. C’est ce que Hegel nomme la « ruse de la raison ». Les hommes agissent dans la fièvre de leurs passions, mais au bout du compte, c’est la raison qui poursuit un but et qui oriente leurs choix. La raison est le principe qui rend l’histoire

intelligible. Mais ce sont les passions qui lui fournissent son énergie créatrice, http://lewebpedagogique.com/

autour de quelques projets qui se figent à l’âge du bouillonnement psychologique, – l’adolescence – et fondent les meilleures félicités au monde. Dans chaque vie, ce qui porte le plus à l’action est sans nul doute cet appel, cette dynamique irrésistible qui conduit vers une fin lumineuse, cet espoir idéel qui habite en chacun de nous, énergie vitale que le romancier utilise, exacerbe ou appauvrit dans son personnage. Le héros de jeunesse est, à cet effet, porteur de vertus et se distingue par la force de l’idéal de vie dont il alimente sa quête et son devenir et qu’il sublime à l’occasion. La situation Frédéric Moreau, qui entend devenir ministre avant même d’entamer ses études de droit – faisant écho en cela, à un vœu formulé par sa mère en est une illustration parfaite. Comme lui, tous les autres s’échappent de l’univers étriqué et oppressant de l’enfance et se projettent dans une existence aux dimensions exagérées, faite de bonheur et d’agréments de tous ordres. Aussi l’heureuse existence se confond-elle avec une vie sentimentale réussie ; et ceux qui n’y arrivent pas comme René et Octave prennent des partis non négociables qui les rendent à jamais non sociables. De René, ce témoignage d’un cœur contrit et d’une âme perdue : « Enfin, ne pouvant trouver de remède à cette blessure de mon cœur, qui n’était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie106 ». Ici, l’absence d’Amélie se double de cette vacuité dont est faite l’aspiration et qui

crée cet univers sacré et complexe du « vague des passions » où se réfugient toutes les âmes en deuil, comme pour la plupart des personnages du romantisme naissant. Octave, pendant romantique de René, fait de l’amour cette exaltation enflammée où s’épuisent les discours et les certitudes les mieux élaborés :

Quant à moi, je ne concevais pas qu’on fît autre chose que d’aimer ; et lorsqu’on me parlait d’une autre occupation, je ne répondais pas. Ma passion pour ma maîtresse avait été comme sauvage, et toute ma vie en ressentait je ne sais quoi de monacal et de farouche.107

Le héros réduit l’existence entière et toutes les activités s’y rattachant à l’acte d’aimer. « Aimer », « occupation », « passion » et « vie » se confondent dans la même connotation, orientent et donnent sens à sa vie. L’emploi de la négation « ne … pas » (2 fois) dans la même phrase, est un indice du caractère univoque de la passion amoureuse dans la vie de ce dernier. Cette vie « monacale » et « farouche » qu’on peut ainsi résumer : vivre, aimer et mourir, était tout à fait consacrée à sa maîtresse. Toutes ces restrictions servent le culte voué à l’amour par

106 Chateaubriand, op. cit., p. 181. 107 Alfred de Musset, op. cit., p. 57.

le héros qui fait de l’objet de cette quête ainsi que la quête elle-même, la dualité qui induit toute idée de sublimation de la vie. Cette vie heureuse, parsemée d’agréments et de jouissance, commence d’abord par la femme, qu’accompagnent les honneurs suscités par la richesse et le positionnement socio-professionnel.

Frédéric Moreau, en devenant ministre, donc, en se hissant au sommet de la hiérarchie socio-professionnelle par le rêve, ambitionne de connaître la gloire suprême, celle de tous les instants et de toutes les dimensions : là où l’on prend toutes les décisions qui régulent la vie des autres et où l’aisance matérielle va de pair avec l’ataraxie et la quiétude. Ici, plus que l’exercice de la fonction elle-même, c’est le rêve qui est exaltant et qui illumine la conscience du personnage de toutes les merveilles supposées à cette fonction, qui lui confère un caractère sublime. Ce contour idéel et idéal du devenir, cette rêverie qui projette le héros dans l’avenir, fonde le déterminisme à l’action. Quoique plus vague chez Julien Sorel, la sublimation de l’existence consiste en la réalisation de cet exploit fusionnel, où se lisent la forte personnalité et des exploits dignes de la légende napoléonienne. Encore à Verrières et plus à Paris, il s’est toujours représenté cet itinéraire social similaire à celui de Napoléon108. Son leitmotiv préféré

qui lui revient chaque fois qu’il veut faiblir devant l’action : « aux armes », correspond à cette fixation de la figure emblématique et historique de Napoléon comme aspiration suprême susceptible d’anoblir son existence.

Les héros, on l’a dit, s’arrachent des entrailles de la société roturière, et échappent sur les chevaux de l’ambition pour se projeter dans les méandres du rêve. Au moyen de cette existence sublimée, ils vont à la conquête de ce devenir, lieu idéal d’accomplissement. Certes ils rencontrent de nombreuses entraves, mais disposent de quelques atouts précieux.

108 « Napoléon Bonaparte né le 15 août 1769 à Ajaccio, en Corse ; mort le 5 mai 1821 sur l'île Sainte-Hélène fut

général, Premier consul, puis empereur des Français. Il fut un conquérant de l'Europe continentale. Objet dès son vivant d'une légende dorée comme d'une légende noire, il a acquis une notoriété aujourd'hui universelle pour son génie militaire (victoires d'Arcole, Rivoli, Pyramides, Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram, La Moskova) et politique, mais aussi pour son régime autoritaire, et pour ses incessantes campagnes (voulues ou non) coûteuses en vies humaines, soldées par de lourdes défaites finales en Espagne, en Russie et à Waterloo, et par sa mort en exil à Sainte-Hélène sous la garde des Anglais, confère, première partie : Le mythe napoléonien. Il dirige la France à partir de la fin de l’année 1799 ; il est d'abord Premier Consul du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804 puis Empereur des Français, sous le nom de Napoléon Ier, du 18 mai 1804 au 11 avril 1814, puis du

1.3.2.2.

La jeunesse

L’une des principales caractéristiques du héros du roman de formation est son jeune âge. La jeunesse est ce temps de la vie qui est compris entre l’enfance et l’âge adulte. Elle correspond à cette généreuse période que l’on nomme le printemps de la vie et à cet épisode d’insouciance où le jeune se croit la force physique et morale de tout faire. C’est un passage caractérisé par un bouillonnement psychologique, une révolte naturelle contre la pesanteur des autorités, familiale, sociale et de quelque ordre que ce soit. Le jeune, généralement comparé à l’adolescent, est rebelle vis-à-vis des normes, justicier par essence et volontairement généreux. Le politique en fait son cheval de bataille, les parents, un cas de souci, de fierté ou de désolation, la société, une préoccupation par rapport à l’avenir. René avait seize ans à la mort de son père ; Deslauriers, quinze, au moment où son ami Frédéric Moreau, a dix-huit ans, et vient d’être reçu bachelier ; Julien et Octave en ont dix-neuf, pendant que Lucien compte vingt ans et son ami David Séchard, vingt et un. On a ainsi affaire à des adolescents ou de tout jeunes hommes qui sortent à peine du lycée pour les uns et du cocon familial pour les autres, et qui sont mis sur la scène pour faire leur apprentissage. A quoi appelle cet âge ? Quelle influence peut avoir cette caractéristique sur le processus d’apprentissage ? L’adolescence est l’âge où l’on s’octroie les premières libertés de la vie. C’est une période faite d’agitation, de fréquentations et où l’amitié prend un sens presque sacré. Lucien et David Séchard, Frédéric et Deslauriers, Octave et Desgenais, en sont des couples illustratifs ; seul Julien Sorel n’a pas de véritable ami – son unique confident est Fouqué avec qui il n’a pas de véritables rapports, d’échange fréquent et d’influence mutuelle. Le fait d’être des condisciples, de la même condition et de grandir ensemble, apporte des liens affectifs presque naturels qui se nouent le long des années et qui finissent par générer une ou des visions communes de l’existence. C’est également l’épisode de la vie où l’on a de la fougue et où l’on ne recule devant rien. C’est une fougue à la fois physique et morale. Devant la force herculéenne de Deslauriers ou de David Séchard, les morphologies pâle et fluette de Lucien ou de Julien ne valent que par la qualité morale et les idées des individus. En tout état de cause, l’adolescence se ressent d’une aspiration maladive à la justice, à l’ordre social et prend sur elle de conduire quelque projet humanitaire à son terme. C’est le début d’engagements divers d’une existence non encore minée par les affres de l’empirisme et qui résume à souhait cette maxime : « si jeunesse savait et si vieillesse pouvait » ; maxime en laquelle se trouvent

les limites d’un tel engagement sur le sentier de l’inexpérience : cet espace idyllique de projection dans l’action. Tous les héros impropre ainsi, dès cette tendre jeunesse, de jouer de très grands rôles au sein de la société, oubliant de fait, les handicaps de départ. L’écho des souvenirs de cette jeunesse nous parvient ici par le biais de René :

Jeune, je cultivais les Muses ; il n’y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de seize années. Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d’images et d’harmonies.109

Insouciance, rêves mêlés de passion dont la fraîcheur l’emprunte à la « pureté » d’une existence faite « d’images et d’harmonies », voilà comment la jeunesse vit et exprime son rapport aux choses et à la vie. Dans cet univers des conceptions paradisiaques de l’existence se construit le héros, qui lui, a une mission presque ontologique qui le porte aux nues, sous une charge quasi fatale.

1.3.2.3.

L’éducation

L’éducation est le double fait de la famille et des structures formelle et informelle de formation. Elle se définit, selon le Littré, comme l’ensemble des habiletés intellectuelles ou manuelles qui s’acquièrent, et l’ensemble des qualités morales qui se développent. La plupart des héros la reçoivent d’un seul parent (Frédéric, René, Octave, Lucien) : Frédéric et Lucien la reçoivent de leur mère, tandis qu’Octave, Julien et René la reçoivent de leur père ; Julien d’ailleurs, dont le narrateur ne donne aucune information sur la mère. Telle qu’elle se fait, elle est une éducation de classe, articulée autour des valeurs morales qui font une grande place et un point d’honneur à la dignité humaine. Lorsque Deslauriers réagit violemment à l’insulte de l’un de ses condisciples, il le fait en réaction contre la volonté de ce dernier de mettre à mal sa dignité d’homme à travers l’offense qui est faite à ses origines ; car l’on préfère se sentir pauvre plutôt que de vous l’entendre dire par quelqu’un d’autre. Ce même élan de conservation de classe, c’est celui que brandissent le père Sorel et son fils lorsqu’ils repoussent l’éventualité pour Julien de manger avec les domestiques chez les de Rênal. Lucien, est éduqué dans le besoin et la nécessité qui rongent sa mère et sa sœur, occupées à

trouver à la famille de quoi survivre ; à la différence d’un Frédéric Moreau qui, à la maison comme à l’école, ne connaît guère la souffrance matérielle, encore moins l’indigence :

Frédéric possédait dans sa console toutes sortes de prévisions, des choses recherchées, un nécessaire de toilette, par exemple. Il aimait à dormir tard le matin, à regarder les hirondelles, à lire des pièces de théâtre, et, regrettant les douceurs de la maison, il trouvait rude la vie de collège.110

C’est donc une éducation qui se fait dans la rareté et, quelques rares fois, dans l’abondance comme, ici, chez les Moreau. Cette éducation à la limite soyeuse et dorée, est tout le contraire chez les Deslauriers ou chez les Sorel, où ces jeunes gens subissent la rage quotidienne de parents inutilement fougueux et brutaux. On comprend dès lors, qu’entre autres raisons, celles relatives à cet environnement austère et coercitif du cadre familial soit à l’origine de la volonté des héros – surtout Julien Sorel – d’embrasser des carrières différentes de celles de leurs pères et de quitter, le plus vite qu’ils peuvent, le gîte familial. A côté ou en plus de cette éducation des parents, il y a celle non moins importante de l’école où la quasi- totalité des enfants reçoivent l’éducation scolaire. Lucien Chardon et David Séchard y passent leur enfance, de même que Frédéric Moreau et Charles Deslauriers. C’est un espace où se développe la passion des études : Lucien est épris de sciences, tandis que David cultive un amour sans bornes pour la poésie ; tout comme Deslauriers – élève brillant qui devient un