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Bref inventaire des lieux d’enseignement

Dans le document Afrique(s) en Mouvement (Page 52-54)

La création d’instituts de formation se produit dans des cadres institutionnels différents. Un premier exemple typique, le plus fréquent, résulte d’initiatives de groupes de musulmans qui ont pu exploiter suffisamment l’élite intellectuelle pour faire aboutir certains projets. En général, il ne s’agit pas d’initiatives transculturelles mais d’initiatives qui restent influencées par un contexte culturel particulier (arabe, turc, indo-pakistanais, etc.). Cette formation privée émane de courants spécifiques de l’islam ou de l’influence de réseaux dont les membres sont plus ou moins affiliés à ces courants (Suleymancis, Frères musulmans, Jamaat-i- islami, Déobandis, Nurcus, etc.). Les expériences de la Universidad Averroes (Cordoue, 1995), du Verband der Islamischen Kulturzentren (Munich), de la Islamistische Universiteit Rotterdam (Pays-Bas) ou de l’Institut européen des sciences humaines (IESH, Château-Chinon en France) relèvent de cette catégorie. Dans certains cas, ces initiatives sont plus ou moins contrôlées par l’État, à l’instar de la Islamische Religionspaedagogische Akademie (IRPA) à Vienne (Autriche), qui dispense des formations en vue de l’exercice de fonctions religieuses. Un autre exemple typique nous est offert par les initiatives lancées plus ou moins récemment au sein d’universités européennes proposant on assiste à un profilage de formations répondant

aux attentes du secteur public.

L’application d’une typologie sur les formations en cours nous présenterait cinq modèles au moins :

Il y a d’abord des formations unilatéralement enracinées en contexte européen, à partir des héritages ou des modèles universitaires du monde musulman. Rares sont les expériences qui réunissent les conditions qu’exige ce modèle : la structure massive (et donc les finances en conséquence), le public arabophone (ou turcophone…), important, autant que l’attestation légale attribuée en fin de parcours. La crise financière globale et la poussée concurrentielle des autres projets de formation accélèrent le processus de disparition progressive de ces grandes institutions.

Il y a ensuite celles qui se démarquent, méthodologiquement, des apprentissages des sciences islamiques pour s’axer sur une réflexion sur l’islam ou le fait musulman. Les sciences humaines seront alors les références disciplinaires-clés. Cette approche ne pèse pas conséquemment, et les autres formations ont désormais la capacité d’inclure ce type de proposition au sein même des axes de formation en sciences islamiques.

Le troisième modèle consiste en des formations articulées avec les réalités locales, c’est-à-dire en fonction de la demande des apprenants potentiels, ou produites par des ressources musulmanes européennes. Ce sont là des émergences pleinement autonomes, tant sur le plan financier et des programmations que des ressources humaines.

Le quatrième type est représenté par des initiatives raisonnablement aménagées à partir des ressources existantes et qui ont la force de muter en fonction des capacités de l’offre et de la demande. Ces structures sont tiraillées entre un public conséquent, des programmations aléatoires, des ressources qui varient parfois radicalement du point de vue de la qualité et des titres et des espérances d’issues financières et de légitimation académique. Ce pôle représente une tendance assez conséquente du paysage européen. La sortie du bricolage est pour autant amorcée, car les expériences s’observent, se dupliquent dans les tentatives réussies et se proposent par l’attractif. Le public commence à devenir le principal centre d’intérêt d’une

conseillers en milieux carcéral et hospitalier, leur formation actuelle ne semble pas être bien adaptée aux exigences. Certes, cette situation a attiré l’attention, mais il semble que celle-ci ne donne que rarement lieu à la création de programmes spécifiquement conçus pour ces professions, intégrant des sujets tels que la psychologie, la théorie de la communication, les débats éthiques sur les questions médicales, etc. Cela doit probablement être dû à la nature volontaire de ces tâches qui sont le plus souvent exécutées à titre bénévole dans l’ensemble des pays européens. Pour les personnes qui font partie du monde associatif musulman, en général, et pour les personnes qualifiées qui souhaitent en savoir plus sur le cadre de référence musulman, en particulier, des cours d’introduction mettent l’accent sur la connaissance du milieu, notamment d’un point de vue sociologique ou juridique.

Ces offres sont généralement destinées aux musulmans, mais, dans certains cas (notamment celui des étudiants universitaires), le programme est ouvert à un plus large public. Ces offres d’études s’adressent généralement aux titulaires d’un diplôme de niveau secondaire ou supérieur et, bien qu’elles s’adressent aussi bien aux hommes qu’aux femmes, le taux de participation des femmes est plus élevé dans la plupart des cas.

Globalement, plusieurs centaines de personnes suivent des programmes de ce type en Europe, mais leur formation est souvent irrégulière et le taux de réussite plutôt faible. Cette situation s’explique par l’insuffisance des offres de formation, la complexité des emplois du temps et la situation sociale des étudiants. Notons qu’un certain nombre d’initiatives ont été mises en place en matière d’enseignement supérieur en Europe, mais il n’existe pas de modèle stable pour ce type de programme qui puisse aujourd’hui constituer un point de référence. Ces initiatives sont encore fragmentaires, soit parce qu’elles sont financées par un organisme extérieur, souvent associé à l’instabilité institutionnelle, soit parce que leur activité est toute récente.

Un travail de production intellectuelle et de définition des modalités pédagogiques et des profils institutionnels doit être effectué avant de décider de la façon de répondre au mieux aux fermes attentes des jeunes générations de musulmans (El Asri, 2018a).

des formations. Tel est notamment le cas de l’université libre d’Amsterdam (Vrije Universiteit Amsterdam) qui a également démarré des cycles de formation en théologie en vue de l’ouverture d’une école pour imams. En Angleterre, l’université de Cardiff a créé, grâce au financement du ministère de l’Education, un centre d’études islamiques, tandis que l’université de Birmingham assure, depuis 1976, le fonctionnement de son Centre d’études sur l’islam et les relations chrétiens-musulmans, qui propose un diplôme d’études supérieures islamiques. En Allemagne, l’université de Münster dispose depuis 2004 d’une chaire de théologie musulmane qui a vocation à former les imams, tandis que l’université de Goethe (Francfort) a ouvert une faculté de théologie qui propose un cours d’études islamiques destiné aux imams et aux enseignants. Ces établissements d’enseignement sont les seuls à ce jour à pouvoir délivrer un diplôme universitaire accrédité. D’autres initiatives, qui sont examinées depuis des années, telles que le projet de création d’un programme de théologie islamique à l’université de Strasbourg, n’ont pas encore porté leurs fruits.

Dans cette situation intermédiaire en termes de collaboration universités / musulmans, il s’impose de distinguer deux situations. D’une part, les initiatives privées de musulmans qui concluent des accords de coopération avec des organismes publics comme, par exemple, le Islamic College for Advanced Studies (ICAS), reconnu par la Middlesex University de Londres, ou le Muslim College qui, créé en 1987, est associé au Birkbeck College de la University of London. D’autre part, les initiatives lancées par les universités grâce au concours financier de l’État, bien qu’elles soient conçues et exécutées avec des musulmans. Tel est le cas de la formation continue en « sciences religieuses : islam », proposée par l’Université catholique de Louvain depuis mars 2007.

Selon l’objectif professionnel visé, une distinction est parfois opérée entre les différents programmes d’études et cycles de formation. En ce qui concerne les imams et les prédicateurs, c’est d’une formation plus approfondie en sciences religieuses et d’une insistance sur la maîtrise de la langue arabe qu’ils ont besoin. S’agissant des enseignants, la formation doit être adaptée à leur niveau scolaire et insister particulièrement sur la pédagogie. Quant aux

leur caractère transfrontalier, en ce sens que les savoir-faire d’enseignement religieux en Europe ont privilégié les influences d’expériences issues des pays d’origine des musulmans d’Europe. Autrement dit, nous avons assisté à des tentatives de modélisation de structures de formation supérieures de pays musulmans en contexte européen.

Les organisateurs de formations de cadres religieux en Europe ont privilégié des modèles de formation bénéficiant d’une charge symbolique forte et d’un capital de légitimité faisant office d’autorité, tels que les universités d’al-Azhar en Égypte, celle d’al-Qarawiyine à Fès, d’az-Zaytûna en Tunisie, d’Umm al-Qurâ en Arabie saoudite ou de Qom en Iran et qui sont paradigmatiques. Des croisements de méthodes d’enseignement issues du Maroc, de Turquie, du Pakistan sont, par exemple, densifiés par des savoirs ancrés dans des héritages d’écoles juridiques et des rapports aux sciences islamiques ainsi que par la diversité des références pédagogiques. C’est d’ailleurs l’ensemble de ces facteurs qui caractérisent les influences globales et les orientations locales des formations.

Nous sommes donc à l’intersection des contextes de provenance et des contextes de résidence. Les formations n’ont alors plus qu’à s’adapter aux contextes à partir de modèles préétablis en opérant, par exemple, des sélections de programmations en fonction des potentialités enseignantes locales ou en fonction de la pertinence des attentes des cadres religieux. Mais cet élément de la globalisation des ressources de savoirs et leur influence en contexte européen ne suffit pas à cerner les marqueurs d’identification de la formation des cadres religieux.

L’ancrage dans le local s’accompagne aussi de la mobilité des cadres religieux, qui s’exportent pour bénéficier de formations dans les contextes d’origine.

Ce processus de circulation des idées, des compétences et des projets nous ouvre à un marché théologique mondialisé à double sens : les attributions de bourses de recherche, les inscriptions conventionnées à des thèses doctorales en pays musulmans, les expériences d’immersion linguistique estivale ou le suivi d’un cursus de formation par correspondance sont autant de possibilités de déplacement au départ de l’Europe.

Des offres de formation

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