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4. Exploration conceptuelle

4.3 Le besoin de formation

4.3.2 Le besoin en situation professionnelle

En gardant en tête la teneur de ce travail de recherche, nous nous tournons à présent vers les besoins exprimés dans les situations professionnelles. Rappelons-nous l’envergure du contexte dans lequel s’insère chaque professionnel. Les forces influençant son activité varient dans leur intensité et leur proximité : il peut s’agir des sous-systèmes de l’organisation (technique, organisationnel, social et humain) mais également des sphères économiques, légales, technologiques, sociales etc. Désormais, nous allons considérer de quelle manière ces divers environnements participent à l’émergence d’un besoin.

Pour cela, nous nous appuyons sur Meignant (2014) qui affirme que le besoin est une « réalité induite par des facteurs émanant de six sources ». Ces six sources sont :

 l’environnement interne Pour comprendre ces différentes sources, il faut considérer qu’un environnement est externe et l’autre interne. Ces deux types d’influences touchent autant les managers que les collaborateurs.

Dans l’environnement interne, ce sont les facteurs du personnel, des équipements et les capacités de financement qui induisent l’expression des besoins en formation et les modifications dans l’exécution du travail. Dans l’environnement externe, il s’agit des clients, des concurrents et des réglementations sur lesquelles l’organisation n’a que peu d’emprise. Dans ce cas, il s’agira par exemple d’identifier les compétences clés par poste de travail et de soutenir leur développement afin de faire face aux mutations (tendances) imposées par cet environnement externe.

Une différenciation entre le poste et l’emploi dans la réflexion de l’analyste peut améliorer ce processus d’identification des besoins ou d’expression des besoins. En effet, le poste est considéré par la division du travail comme l’unité élémentaire. Elle correspond à l’ensemble d’activités uniques et singulières d’un salarié. L’emploi, quant à lui, regroupe un ensemble de postes similaires dans leurs finalités et dans les compétences qu’ils requièrent (Tourmen, 2007).

Une analyse de besoins idéale prend en compte l’activité interactive d’un agent dans son emploi et dans son poste.

Toutes les stratégies mentionnées ci-dessus sont premièrement pensées par l’organe névralgique de chaque organisation qu’est la Direction. Cette dernière se penche sur la question suivante « De quelle manière surmonter les défis (externes et internes) en considérant des forces et faiblesses de l’environnement interne ? » et s’efforce d’y apporter la réponse la plus adéquate et performante possible. Voici donc la troisième source de laquelle émerge le besoin : la stratégie d’entreprise.

43 De cette stratégie d’entreprise découlent trois axes majeurs suscitant à leur tour l’expression de besoins. Premièrement, il y a l’axe Performance englobant les niveaux d’exigences attendus en termes de compétences pour faire face aux défis provenant des environnements internes et externes. Ce développement de compétences en perspective des objectifs commerciaux ou économiques est soutenu par la politique de formation. Le deuxième axe Projet rassemble les projets découlant de la politique RH servant la stratégie générale. Le troisième et dernier axe nommé Parcours regroupe les attentes et les besoins des collaborateurs mesuré par rapport aux objectifs visés par la stratégie d’entreprise. Ces trois axes induisent donc différents types des besoins et jouent un rôle majeur dans la définition de ces derniers.

Pour conclure cette partie et mettre en lumière une dernière fois les facteurs menant à l’expression d’un besoin de formation, nous nous basons sur deux auteurs. Les trois composantes du besoin qu’apporte Peretti peuvent être mises en lien direct avec les trois axes découlant de la stratégie de l’organisation présentés par Meignant (2014).

Peretti (2010) Projets de l’entreprise Niveau réel des individus (face au manque à combler)

Attentes conscientes des individus

Meignant (2014) Axe Projets Axe Performance Axe Parcours Acteurs impliqués Direction Collaborateurs Collaborateurs

Figure 4 : Composantes du besoin et Axes de la stratégie

Quant à Misanchuk, il définit trois autres composantes d’un besoin de formation (1984, cité dans McKillip) faisant tout autant écho aux six sources de Meignant (2014). La première composante regroupe les habilités d’un individu de réaliser une tâche de manière performante donc ses compétences, correspondant à l’axe Performance. La deuxième représente l’importance de cette habileté pour l’activité professionnelle, résonnant en partie avec l’axe Projet et l’axe Performance. La dernière composante du besoin en formation est le désir de l’individu d’entreprendre une formation qui correspond à l’axe Parcours.

Dans l’idéal, il faudrait donc que le public-cible chez qui un besoin a pu être diagnostiqué et compris, prenne conscience de ce besoin, l’accepte et ait envie d’y remédier. Jusqu’à ce que ce stade soit atteint, de nombreuses étapes se succèdent, l’analyste des besoins étant le responsable principal. Il doit s’assurer que les conditions de l’environnement de travail permettent l’expression des besoins et ensuite, lorsque le besoin est explicité, œuvrer pour définir quels contenus permettront de combler le besoin et de quelle manière ce contenu peut être transmis.

Pour cela, il est fort possible qu’il doive collaborer avec d’autres acteurs de l’organisation et fournir un travail considérable de communication et d’information. Il s’agit là d’une première étape sociale et d’une seconde étape plus opérationnelle correspondant proprement aux actions permettant d’analyser les besoins (Meignant, 2014, p. 141). Mais avant de décrire différentes manières d’exécuter ces étapes, il nous paraît important de développer encore deux aspects dont nous n’avons pas parlé, à savoir l’émergence d’un besoin et ses différents types.

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Émergence du besoin

Nous nous rendons compte qu’il est impossible de ne constater que des besoins objectifs. En effet, les besoins en formation sont toujours que des expressions de besoins. Ce premier constat attribue deux registres de signification au besoin. Le premier est objectif et représente la nécessité sociale ou naturelle. Le deuxième est subjectif et correspond à un ressenti qui ne se manifeste que chez la personne concernée. Ces registres très différents créent une ambiguïté car les sources de besoins sont variées. Ils peuvent naître du contexte institutionnel, des situations socio-professionnelles ou encore des situations pédagogiques précédentes. (Barbier et Lesne, 1977, cité dans Rogeier, Wouters et Gérard, 1992, p.2). Nuançons cette naissance, car il est important de souligner que « en réalité il n’y a pas un gisement de besoins de formation plus ou moins caché, qui ne demanderait que l’arrivée d’un spécialiste armé des méthodologies pertinentes pour le repérer et procéder à son exploitation » (Meignant, 1991, cité dans Ardouin, p. 78). C’est pour ces raisons qu’il est essentiel de prendre au sérieux toutes les expressions de besoins et de mobiliser les ressources nécessaires afin de les comprendre finement avant de penser une solution y remédiant.

Après avoir saisi que le besoin n’existe pas en tant que tel, nous faisons appel à Etienne Bourgeois pour identifier les trois pôles menant à son émergence (Bourgeois, 1991).

Ce schéma met en exergue la présence d’un décalage entre les représentations d’une situation attendue et d’une situation actuelle. Ce décalage peut soit être perçu négativement comme un manque de compétences, soit il peut être perçu de manière neutre comme une conséquence de la naissance de nouvelles aspirations. La troisième représentation soit celle des perspectives d’action regroupe les moyens envisagés permettant de remédier au décalage précédemment identifié. Un moyen pourrait être notamment le recours à la formation.

Types du besoin

Comme nous avons pu nous en apercevoir à plusieurs reprises, l’organisation, et donc les situations professionnelles y prenant place sont influencées par de multiples forces. Ces forces structurent la situation professionnelle et ce qui la compose. Nous identifions trois dimensions composant chaque situation professionnelle de laquelle émergent des besoins en formation.

Il s’agit d’une dimension organisationnelle, collective et individuelle. Les besoins en formation renvoient à une ou plusieurs de ces dimensions.

Figure 5 : Constitution d'un besoin en formation selon Bourgeois (1991)

45 De cette acception, nous pouvons dégager quatre types de besoins (Faisandier & Soyer, 2007 et Ardouin, 2003).

Le besoin organisationnel fait référence directement aux compétences et aux postes de travail.

Les besoins collectifs sont en lien avec les objectifs des différents secteurs composant l’organisation.

Les besoins individuels font référence à l’emploi occupé par le salarié et à sa potentielle évolution. De plus, ils se mesurent à l’aune de l’écart de compétence identifié.

Les besoins personnels sont ceux qu’un salarié ressent lorsqu’il rencontre un problème dans sa vie de manière générale.

Nous observons que les trois premiers types de besoin sont des besoins à l’initiative de l’organisation. Les besoins personnels, quant à eux, n’ont pas forcément de rapport direct à l’emploi des salariés ou à leur département. Par conséquent, c’est le seul type de besoin que le salarié initie. Au final, deux grandes catégories de besoins se définissent : les besoins de l’organisation (sur l’initiative de celle-ci) et les besoins du salarié (sur l’initiative de ce dernier).

Nous retenons également que ces besoins poursuivent des objectifs tantôt économiques, tantôt sociaux.

Après avoir identifié de qui peut venir le besoin en formation, nous pouvons également nous questionner sur l’attribution de la responsabilité quant à la réponse à donner à ce besoin.

Faisandier et Soyer (2007) nous indiquent que c’est uniquement dans le cas d’un besoin personnel non-relié aux objectifs économiques de l’organisation que la Fonction Formation est responsable. Les autres types de besoins sont soit sous la responsabilité du manager de l’unité soit sous celle du salarié.

Comme nous en sommes à présent conscients, le besoin, au premier abord, n’est ni visible, ni explicite. Nous avons également pu saisir que le besoin n’existe pas en dehors de son contexte et en émerge d’une manière particulière. Il y a donc tout un processus entre la perception, l’expression, la définition, la précision et, in fine, la traduction en termes de soutien à fournir pouvant prendre la forme d’une action formation. Deux taxonomies nous permettent de percevoir que le besoin passe à travers diverses étapes. Ainsi, l’auteur Bury nous propose un consensus pour définir les besoins selon la taxonomie suivante : les besoins latents, les besoins ressentis et les besoins exprimés. Selon cet auteur, la mission de l’éducateur serait de transformer les besoins latents en besoins ressentis et en besoins exprimés. » (Bury, J.-A., cité dans Danvers, 2003, p. 81).

46 Quant à McKillip (1990), il nous présente sa taxonomie de quatre types de besoins qui se différencient dans leur expression.

 Le besoin normatif se calcule par rapport à la définition d’un niveau adéquat établi par des experts.

 Le besoin ressenti repose, comme son nom l’indique, sur la perception des individus sur leur propres difficultés.

 Le besoin exprimé est induit du comportement des utilisateurs d’un service ou d’un outil.

 Le besoin comparatif, comme son nom l’indique aussi, compare des publics semblables et en retire des écarts.

Après avoir approfondi la donnée multidimensionnelle du besoin se construisant autour des trois pôles présentés par Bourgeois (1991), nous nous intéressons dans le prochain chapitre aux manières dont les besoins sont saisis par les responsables de formation.

À retenir :

Après une différenciation des termes d’envie, de demande, d’attente et de besoin.

Nous retenons que le besoin est un écart entre une situation ou un profil réel et requis et que le besoin ne se récolte pas simplement mais s’analyse de manière ciblée avec une sensibilité :

 aux habiletés du collaborateur exprimant son besoin, à l’importance ces dernières et à son désir de combler ce besoin. (Misanchuk, cité dans McKilip, 1984).

aux représentations de la situation actuelle, de cette étant attendue et des perspectives

d’action. (Bourgeois, 1991)

 aux dimensions organisationnelles, collectives et individuelles se traduisant en : o besoins organisationnels

o besoins collectifs o besoins individuels

o besoins personnels (Faisandier & Soyer, 2007 et Ardouin, 2006)

 aux différentes phases de développement d’un besoin de formation : o besoin latent

o besoin ressenti

o besoin exprimé (Bury, J-A, cité dans Danvers, 2003)

 aux différents types de besoins : o besoins normatifs

o besoins ressentis o besoins exprimés

o besoins comparatifs (McKilip, 1990) o

Conformément à ce qui précède, il apparaît que le besoin n’est pas une donnée univoque facilement et rapidement appréhendable et analysable mais plutôt qu’un besoin est une donnée multidimensionnelle reliée à plusieurs facteurs et pouvant avoir un certain degré de maturation et de développement.

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