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La construction des pratiques d’analyse de besoins en formation au sein des organisations : étude exploratoire auprès de cinq organisations en Romandie

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Master

Reference

La construction des pratiques d'analyse de besoins en formation au sein des organisations : étude exploratoire auprès de cinq

organisations en Romandie

TERRAPON, Celina

Abstract

Les transformations sociétales, conjoncturelles, technologiques et légales transforment non seulement les modes de vie mais également les modes de travail et d'apprentissage. La formation semble être un levier largement mis en oeuvre au sein des organisations afin de perfectionner et d'adapter les compétences des collaborateurs aux changements et aux nouvelles exigences de performance et de productivité. D'après la littérature, la conception d'une formation repose sur un préalable incontournable qu'est l'analyse de besoins, elle-même basée sur différentes méthodologies. Mais comment les acteurs au sein des organisations s'y prennent-ils concrètement ?...

TERRAPON, Celina. La construction des pratiques d'analyse de besoins en formation au sein des organisations : étude exploratoire auprès de cinq organisations en Romandie. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:110089

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La construction des pratiques d’analyse de besoins en formation au sein des organisations

Étude exploratoire auprès de cinq organisations en Romandie

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION – FORMATION D’ADULTES

PAR Célina Terrapon

DIRECTEUR DU MEMOIRE M. Stéphane Jacquemet

JURY

Mme Maria Isabel Voirol-Rubido M. Kian Samii

GENEVE JUILLET 2018

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RESUME

Les transformations sociétales, conjoncturelles, technologiques et légales transforment non seulement les modes de vie mais également les modes de travail et d’apprentissage. La formation semble être un levier largement mis en œuvre au sein des organisations afin de perfectionner et d’adapter les compétences des collaborateurs aux changements et aux nouvelles exigences de performance et de productivité.

D’après la littérature, la conception d’une formation repose sur un préalable incontournable qu’est l’analyse de besoins, elle-même basée sur différentes méthodologies.

Mais comment les acteurs au sein des organisations s’y prennent-ils concrètement ?

Cette recherche exploratoire vise à récolter et à comprendre les composantes participant à la construction des analyses de besoins au sein de cinq grandes organisations de la Suisse romande afin d’élargir le spectre des composantes la structurant.

Mots-clés : besoin de formation, analyse de besoins, responsable de formation, contexte organisationnel, subjectivité.

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Avant-propos

Ce travail repose sur les informations livrées par les responsables de formations de cinq organisations romandes. Afin de préserver leur anonymat, nous décidons de ne pas intégrer les informations récoltées lors de nos entretiens dans la version publique de ce travail de mémoire.

Ainsi, les entretiens et les tableaux de catégorisation figurent uniquement dans la version que le jury obtient.

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Remerciements

Avant tout je désire adresser mes chaleureux remerciements…

À Monsieur Stéphane Jacquemet pour m’avoir accompagnée en tant que Directeur de mémoire au fil de ce processus de longue haleine.

Aux cinq organisations et à leurs responsables de formation ainsi qu’à un Directeur d’entre elles qui se sont montrés disponibles et ouverts en m’ouvrant les portes de leurs organisations et en me partageant leurs pratiques d’analyses de besoins.

À Madame Marie-Anne Rothenbach, Monsieur Kian Samii pour avoir accepté de faire partie du jury.

À Madame Maria-Isabel Voirol-Rubido pour ses enseignements passionnants et sa participation au jury.

À Madame Maryvonne Charmillot pour ses conseils d’experte en termes de méthodologie.

À Ecoles Modernes et à Langues Sous Hypnose pour m’avoir permis de concilier mon engagement en tant que formatrice et la rédaction de ce travail de mémoire.

À mes collègues de stage à Zürich, tout particulièrement Philipp pour son écoute.

À mes amis, collègues de l’Université et à ma famille pour leur soutien et leurs encouragements à « ne rien lâcher ».

À Julien, à Fabian et à Alain pour leurs précieuses relectures.

Merci !

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Table des matières

Avant-propos ... 1

Remerciements ... 5

Table des figures ... 8

Glossaire ... 10

1. Introduction ... 11

1.1 Motivations personnelles ... 11

2. Contexte général ... 12

3. Problématiques ... 19

4. Exploration conceptuelle ... 22

4.1 Organisation : une fourmilière complexe ... 23

4.1.1. Melting pot : institution, organisation, entreprise ... 23

4.1.2. Composantes d’une organisation ... 24

4.1.3. Environnements... 25

4.1.4 Les acteurs au sein du système ... 26

4.1.5. La politique de gestion des ressources humaines... 30

4.2 Former au sein de l’organisation ... 34

4.2.1. La fonction formation et sa politique ... 34

4.2.2. Formation continue ... 35

4.2.3. Mobiliser les systèmes sous-jacents ... 37

4.2.4. Les responsables ... 38

4.3 Le besoin de formation ... 40

4.3.1. Pléiade de notions ... 40

4.3.2 Le besoin en situation professionnelle ... 42

4.4 L’analyse de besoins en formation ... 47

4.4.1. Terminologie ... 47

4.4.2. Deux dynamiques ... 48

4.4.3. Orientations de la formation ... 49

4.4.3. Processus et bonnes pratiques ... 50

5. Question de recherche ... 55

6. Cadre méthodologique ... 56

7. Présentation des résultats ... 66

7.1. Dimensions propres à la pratique d’analyse des besoins... 67

7.1.1. Aspects standards de l’analyse des besoins ... 67

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7.1.2. Autres étapes de l’analyse des besoins ... 70

7.2 Dimensions construisant les pratiques... 71

7.2.1. Caractéristiques de l’organisation ... 71

7.2.2. Caractéristiques du Responsable Formation ... 72

7.3. Caractéristiques du besoin ... 74

7.3.1. Demandes externes à l’organisation ... 74

7.3.2. Demandes internes top-down ... 76

7.3.3. Dimensions internes bottom-up ... 77

7.3.4. Clarté et pertinence de l’expression du besoin ... 78

7.3.5. Ampleur de la réponse au besoin ... 79

7.3.6. Type de besoin ... 79

7.3.7. Temporalité de l’analyse ... 80

8. Analyse et discussion ... 82

8.1 Pratique contextualisée ... 83

8.1.1. Environnements externes et internes ... 83

8.1.2 Niveaux hiérarchiques internes ... 84

8.1.3. Ressources internes ... 86

8.2 Entre subjectivité et objectivité ... 87

8.2.1. Subjectivité du besoin ... 88

8.2.2. Valeur des subjectivités engagées ... 90

8.2.3. Valeur de la standardisation ... 92

8.3 Intelligence des responsables de formation ... 93

8.3.1. Représentations et expériences ... 93

8.3.2. Savoirs tacites ... 95

8.4 Réponse à la question de recherche ... 98

9. Recommandations ... 100

10. Conclusion ... 104

11. Références bibliographiques ... 106

12. Annexes………107

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Table des figures

Figure 1: Environnements externes et internes à l'organisation (Meignant, 2001, p.137) ... 25

Figure 2 : Fonction de ressources humaines et Fonction formation ... 34

Figure 3 : Besoins selon Maslow ... 41

Figure 4 : Composantes du besoin et Axes de la stratégie ... 43

Figure 5 : Constitution d'un besoin en formation selon Bourgeois (1991) ... 44

Figure 6 : Constitution d'un besoin selon Bourgeois (1991) Rappel ... 53

Figure 7 : Les quatre pôles présentés durant les cours de Mme Charmillot ... 56

Figure 8 : Portraits des organisations participant à la recherche ... 60

Figure 9 : Informations demandées par les formulaires de demande de formation ... 67

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Glossaire

Niveau macro Niveau de type global, collectif

Niveau méso Niveau de type intermédiaire, groupal Niveau micro Niveau de type spécifique, individuel FRH Fonction des ressources humaines

Organe gérant les ressources humaines d’une organisation

GRH Gestion des ressources humaines

Pratiques mises en place pour gérer les ressources humaines d’une organisation

GPRH Gestion prévisionnelle des ressources humaines Pratique spécifique à la gestion des ressources humaines préconisant une perspective à long-terme

RSE Responsabilité sociale de l’entreprise

Responsabilité que l’organisation a envers les aspects sociaux, environnementaux, culturels et économiques.

FF Fonction Formation

Organe gérant la formation au sein d’une organisation

FC Formation continue

Formation prenant place après la formation initiale FPC Formation professionnelle continue

Formation continue à visée professionnelle

RF Responsable de formation

Acteur responsable de la formation au sein d’une organisation

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1. Introduction

Ce mémoire est rédigé en fin de parcours du Master en Sciences de l’éducation avec la spécialisation dans le domaine de la Formation d’Adultes. Il traite des pratiques d’ingénierie en amont de la formation ayant lieu au sein des organisations. Plus précisément, il s’intéresse aux pratiques d’analyses de besoins en formation effectuées par les responsables de formation.

1.1 Motivations personnelles

Enseignante primaire de formation, j’ai pris l’habitude d’exercer ma réflexion sur la pertinence de mes pratiques. Au fil de cette première formation, il m’a sans cesse été demandé de justifier ma pratique enseignante. Afin d’y parvenir, les actions pédagogiques entreprises devaient être mises en lien de manière pertinente avec le contexte et les objectifs fixés préalablement. Or – il me semble – pour savoir « où l’on va », il faut identifier « d’où l’on vient ». C’est-à-dire que la détermination des objectifs implique de s’intéresser aux besoins d’apprentissage des élèves et à leurs connaissances avant le début de l’enseignement. Les moyens mis à disposition et les méthodes utilisées pour atteindre les objectifs du Plan d’Études Romand (PER) seront choisis en fonction des besoins des élèves. Déjà à cette étape de mon cursus universitaire, des questions ont émergées par rapport à l’analyse des besoins des élèves de l’école primaire : « Comment comprendre de quels types de savoirs un individu spécifique, venant d’un certain contexte socio- économico-culturel et d’un environnement familial bien précis a besoin pour atteindre le niveau dicté par l’institution scolaire correspondant aux besoins sociétaux ? »

Au fil de mon Master en Formation d’Adultes, ce questionnement s’est davantage intensifié. En effet, il n’y a – hormis les ordonnance de formations conçues par les organisations du travail pour certains métiers – pas toujours d’objectifs généraux préétablis à atteindre dans le cadre de la formation continue au sein des entreprises. Souvent, tout le travail de compréhension des besoins des apprenants incombe au professionnel de la formation d’adultes. En tant qu’étudiante, j’ai souvent entendu le terme d’analyse des besoins au fil des séminaires à l’Université. C’est ainsi que mon intérêt pour cette pratique a grandi et me pousse à vouloir comprendre plus finement sa mise en œuvre pratique.

Pour conclure, l’analyse des besoins est une étape qui m’a toujours intriguée et que j’ai toujours voulu mieux comprendre. Cette curiosité et cette volonté d’approfondir m’ont poussé à choisir ce processus comme objet d’analyse de mon travail de mémoire. Se rendre sur le terrain afin de voir de quelle manière l’analyse des besoins se pratique m’a semblé être la manière la plus adéquate pour capter les tendances actuelles.

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2. Contexte général

Avant de nous plonger dans le cadre théorique soutenant cette recherche, nous vous proposons un large balayage du contexte dans lequel les pratiques de formation s’inscrivent. Globalement, nous débutons par la description du macro-environnement pour mieux pouvoir appréhender le micro-environnement. Les différentes lunettes nous permettant cette analyse en entonnoir sont celles sensibles au contexte sociétal, législatif, technologique et économique. Ces différents regards vont nous mener, en dernier lieu, à l’appréhension du contexte de l’entreprise.

À la suite de ce tour d’horizon, les liens entre ces contextes et les pratiques d’analyses de besoins en formation – représentant étant le cœur de cette recherche – sont mis en lumière dans le chapitre 3.

2.1 Contexte social : un État-Providence

Afin d’appréhender l’évolution sociétale des derniers siècles, nous nous basons sur « The Three Worlds of Welfare Capitalism » (2008), écrit phare de Gøsta Esping-Andersen qui nous livre une analyse de la crise de l’État Providence. L’État-Providence1 ou le Welfare State a la particularité d’étendre son champ d’intervention et de régulation dans les domaines économiques et sociaux en visant le bien-être des citoyens. Il permit la création des premières assurances sociales notamment en Allemagne (vers 1880), en France (entre 1890 et 1930), aux États-Unis (en 1935) et en Angleterre (en 1942). Pourtant, avec la montée en puissance de la mondialisation à la fin du XXème siècle, l’État Providence du XIXème siècle perd de plus en plus de pertinence. Le ralentissement économique à la fin des Trentes Glorieuses2, en 1975, bouscule ce modèle de protection sociale conservateur-corporatiste. Durant cette période d’après-guerre, le système de redistribution des richesses ne permet plus de combler les nouveaux besoins socio-économiques tels que le financement des retraites et du chômage par exemple. Dans ce climat d’instabilité, l’État-Providence a de la peine à faire face à ce nouveau contexte dans lequel la recherche d’efficacité est le mot d’ordre. L’État-Providence est bousculé car il n’est plus efficace. Afin de limiter des déperditions supplémentaires, la formation initiale et continue sont des outils de cohésion mis en œuvre afin de combattre les inégalités. Dans le contexte de mondialisation et de globalisation, les innovations sont nombreuses et la quatrième révolution industrielle celle du numérique voit le jour. D’une part, le rythme exponentiel de la croissance du numérique bouleverse les systèmes de production et occasionne un besoin urgent de développer le capital humain (Schwabe, 2017). S’ensuit, une croissance de la concurrence et une tendance généralisée des marchés à s’auto réguler. Ainsi, le consumérisme se développe et les modes de consommation s’en voient grandement modifiés (Esping-Andersen G., 2008). Les

1 La notion d’État-providence évoque clairement l’une des nouvelles fonctions de l’État moderne : s’occuper du bien- être social des citoyens, et non plus seulement de la police, de battre monnaie, de gérer ses relations internationales ou de faire la guerre. (Merrien, 2007)https://www.cairn.info/l-etat-providence--9782130539353-page-3.htm

2 Période de prospérité et de développement économique exceptionnel s’écoulant entre 1945 et 1973.

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13 répercussions de ce développement économique impactent directement les organisations devant offrir une réponse adéquate aux nouveaux besoins des consommateurs.

Le consumérisme3 est étroitement lié à l’émergence d’un nouveau style de vie et de soi-disant besoins. Maslow a été l’un des premiers à théoriser la notion de besoin. Sa fameuse pyramide4 des besoins classe les besoins fondamentaux humains en cinq catégories d’après leur importance pour le bien-être de l’individu. Les motifs de consommation actuels se différencient de ceux de la génération de Maslow. Certaines nouvelles pyramides modernes du besoin circulant sur internet indiquent le Wi-Fi comme étant le premier niveau de besoin. L’ironie est présente mais la révolution numérique impacte chacune de nos activités et nos besoins. Or, est-ce vraiment un besoin d’être constamment connectés ? Nous sommes forcés de constater que le besoin se mêle au désir et vice-versa. La consommation est dirigée toujours plus par le désir, les médias, la pression sociale ou encore par des raisons ostentatoires5. Il s’agit donc de besoins artificiels et non de besoins vitaux.

En se demandant ce qui entre en jeu dans le fait de consommer, Mauss y voit d’une part le besoin et d’autre part le désir (Caillé et al., 2012). De ce questionnement émergent donc le pôle de l’utilitaire et celui de la quête de reconnaissance. L’utilitaire rejoint le besoin tandis que la quête de reconnaissance correspond au « type d’ordre social » auquel nous désirons appartenir par le biais de nos choix de consommation. Les théories du marketing remises en question par Mauss stipulent que la consommation est un « moyen de communication essentiel » (cité dans Caillé et al., 2012, p.7), soit une pratique sociale et non plus le moyen de subvenir à l’unique besoin vital.

Lorsqu’un acteur exprime un besoin de formation afin de communiquer ou d’obtenir de la reconnaissance, ce besoin est biaisé. Nous observons ici un changement de comportement. Le désir accru de consommer tout type de biens et de services s’étend également à la formation. La formation devient un service que l’on peut consommer. Elle ne répond donc plus à un besoin de cohésion et d’égalité mais répond aux effets de mode et aux désirs de consommation qui en découlent.

Dans la même idée, les outils de l’économie du XXème siècle tels que les stratégies innovantes du marketing déjà partiellement décrites par Caillé et al. (2012) manipulent les consommateurs et les influencent vicieusement dans leurs choix. Concrètement, la publicité crée des envies qui peuvent être ressenties comme des besoins selon les individus. De manière récurrente, le consommateur se laisse emporter dans le flot de l’argumentaire des réclames. Ainsi, de nouveaux besoins à combler peuvent rapidement se faire ressentir. Hobbes et Marx perçoivent cette « quête incessante de la nouveauté et la passion pour le changement » (Caillé et al., 2012, p.11) comme mécanique principale du capitalisme. Le flou de la frontière entre besoin et désir est une problématique ayant également des répercussions non-négligeables dans le domaine de la formation et sur le travail des responsables de formation.

3 Mode de vie caractérisé par une tendance à une plus grande consommation (définition sociologique)

4 Une illustration de la pyramide est présente dans le chapitre 4.4.

5 Permettant de montrer un certain statut social ou mode de vie.

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2.2 Régulateur législatif des responsabilités

L’environnement dans lequel prend place cette recherche est la Suisse et sa politique d’État fédéral dont découle une démocratie semi-directe. Ce contexte suisse est marqué par trois niveaux politiques que sont la Confédération, les cantons et les communes. Le système de gouvernance suisse accorde de l’importance aux droits sociaux et, spécialement, au droit à l’éducation. De plus, notre système est en constante recherche de consensus, notamment en raison des différentes régions linguistiques et leurs particularités. Ce contexte singulier au centre de l’Europe possède également un système d’éducation bien particulier avec ses propres lois encourageant notamment la formation professionnelle continue (FPC). Cela dit, la Suisse n’est pas seule à posséder ses propres stratégies afin de gérer la formation et les besoins de formation de ses travailleurs. En effet, les lois ayant attrait à la FPC à travers le monde et même en Europe sont nombreuses et variées. Les questions de responsabilités des entreprises et les moyens soutenant leur offre de formation sont constamment revisités. De plus, l’offre et la demande de formation fluctuent en fonction des impositions et des recommandations légales. Ce constat illustre qu’il n’y a pas (encore) de solution largement appliquée et validée permettant de gérer la formation continue dans les institutions. Les pratiques de gestion de la formation continue au sein des pays européens comportent donc des particularités qui leur sont propres. À la suite de nos recherches quant aux dispositifs présents dans d’autres pays, nous prenons conscience que chaque pays a sa propre stratégie afin d’intégrer la formation au bénéfice de son développement économique et social.

Dans le cas de la Suisse, ce sont principalement la Loi fédérale du 13 décembre 2002 sur la formation professionnelle (LFPr) et entrée en vigueur le 1er janvier 2004, la Loi fédérale sur la formation continue (LFCo) du 20 juin 2014 et entrée en vigueur le 1er janvier 2017 ainsi que les différentes ordonnances sur la formation professionnelle (OFPr) et sur la formation continue (OFCo) qui régissent les pratiques de formation. De plus, les textes législatifs régulent l’offre et la demande en termes de FPC. Plus précisément, c’est la Loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr) du 13 décembre 2002 qui édicte que tant la « formation à la pratique professionnelle », « l’enseignement menant à la maturité professionnelle », que « l’offre de formation continue à des fins professionnelles » sont sous la responsabilité des cantons et doivent répondre à un besoin clairement identifié par exemple auprès des personnes en formation. En plus de ces lois, divers accords de branche et notamment les conventions collectives de travail prévoient des dispositions supplémentaires en fonction du secteur d'activité.

L’article 5 de la Loi fédérale sur la formation continue (LFCo) a fait réagir différents acteurs de la formation continue en Suisse. En effet, elle indique officiellement que la formation revêt une responsabilité individuelle, c’est-à-dire qu’elle incombe donc au collaborateur. Quant au rôle des employeurs, ils doivent favoriser la formation continue de leurs collaborateurs. Ainsi, leur rôle n’est que subsidiaire. Cette répartition de la responsabilité peut mener à des ambiguïtés lorsqu’un employé identifie un besoin de formation et souhaite y remédier. En effet, chaque individu n’est pas toujours entièrement libre et capable de prendre les décisions opportunes en termes de formation continue. Les freins à cette liberté sont intimement liés au fait que l’accès à la formation est systémique : il dépend notamment de facteurs individuels et structurels sur

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15 lesquels l’employé n’a pas de pouvoir. Cette constatation permet de se questionner sur la pertinence de la responsabilité individuelle envers la formation qu’édicte la loi en Suisse. Quant à la Confédération et aux cantons, ils viennent en soutien au processus de formation en s’assurant de l’accessibilité à la formation pour un maximum d’acteurs de la société. Leur rôle n’est donc que peu précisé et répond au principe de subsidiarité, c’est-à-dire qu’ils « interviennent dans les domaines dans lesquels les objectifs et effets de la formation continue ne pourraient être atteints sans mesures de soutien spéciales » (Compétences au sein du système éducatif (s.d.).

2.3 Tendances technologiques

Depuis le premier ordinateur numérique de 1937, la progression technologique n’a cessé de se répandre et d’impacter les secteurs d’activités les plus variés. Tous les métiers relatifs à l’administration, par exemple, sont constamment confrontés à de nouvelles versions de logiciels, sans parler du développement d’internet qui ne cesse de faire évoluer nos modes de communication. Aujourd’hui, la présence grandissante des technologies dans notre quotidien, tant professionnel que privé, est indéniable. Le développement de l’informatique a créé de nouveaux besoins au sein des entreprises et il n’est quasiment plus permis d’avoir des lacunes dans ce domaine, tous secteurs confondus. Il apparaît donc que la formation à un rôle à jouer dans cette problématique actuelle et grandissante. Elle doit permettre aux travailleurs de considérer la technologie comme un appui - un élément toujours présent de manière naturelle - et non un obstacle qu’il faut intégrer sous la contrainte. Une étude de l’OCDE de 2001 (cité dans Doray, 2005) confirme le rôle que la formation peut jouer dans cette situation délicate. Ce même ouvrage relate que l’importance des déficits de qualification et de formation dans les différents pays et l’accès aux technologies de l’information et de la communication est un facteur de développement de l’apprentissage tout au long de la vie. Il est impératif de savoir répondre adéquatement aux besoins en innovation en améliorant le niveau d’éducation car ce dernier est un important vecteur de la croissance économique (Aghion & Howitt, 2010, cités dans Voirol &

Hanhart, 2015). Enfin, le secteur de la formation lui-même est touché par cette vague technologique. Les formateurs voient leur métier se développer et prendre une teinte technologique s’éloignant des modèles entièrement transmissifs et en présentiel. L’e-learning6, les MOOC7 ou encore le blended learning8 en sont les résultantes connues du grand public. Des outils innovants au sein même des analyses de besoins ou des formations pourraient être intégrés dans le futur.

6 L’e-learning correspond à l’apprentissage en ligne, c’est-à-dire à un apprentissage basé sur les nouvelles technologies et sur Internet permettant un apprentissage soutenu par la mise à disposition de nombreuses ressources en ligne et par des interactions à distance.

7 MOOC est l’acronyme de Massive Open Online Course désignant des cours disponibles sur internet incluant souvent un grand nombre d’apprenant suivant les enseignements.

8Le blended learning est un mode d’apprentissage incluant à la fois des modalités classiques de formation en présentiel et des modalités plus innovantes de type e-learning.

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2.4 Pressions conjoncturelles

Comme nous avons pu le voir au fil des chapitres, le XXIème siècle marque le passage à une économie de la connaissance. La protection sociale a l’obligation de trouver les stratégies afin de « permettre à tous d’acquérir les compétences nécessaires à l’économie de la connaissance » (Esping-Andersen, 2008, p. 13). Dans cette économie du savoir, les compétences techniques, organisationnelles et scientifiques « prennent l’ascendant sur le travail physique » (Voirol & Hanhart, 2015, p. 5). Plusieurs auteurs se rejoignent également en disant que la croissance économique est de plus en plus conditionnée par la créativité et la capacité à réagir rapidement aux changements. De plus, les délais de réponses deviennent de plus en plus courts et la concurrence ne cesse de s’accroître. En effet, les pressions présentes au sein des équipes de travail ne cessent de s’intensifier. Les cas de burn-out et les taux parfois élevés de turn-over 9 en sont des conséquences récurrentes. Les managers devant exercer des activités de gestionnaire d’équipe sans avoir suivi de formation appropriée sont de plus en plus nombreux dans les entreprises.

Ces constatations sont prises très au sérieux dans la gestion de la formation continue. D’ailleurs, lors du Conseil européen de Lisbonne en 2000, l’Union Européenne a émis l’objectif de devenir

« l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale» (Kok, 2004, p. 8). Selon cet auteur, il faut impérativement améliorer l'éducation et la formation pour permettre à davantage de personnes de développer l’entier de leur potentiel, dans leur propre intérêt et dans celui de la société. Ces objectifs sont porteurs d’espoir et de nouvelles perspectives : ils impliquent qu’une attention particulière est portée aux besoins et aux attentes de la société du futur. Le constat de l’avant-propos de ce rapport de 2003 est particulièrement alarmant : « Il apparaît clairement que l'UE ne parviendra pas à atteindre ses objectifs en termes d'emploi si les États membres n'intensifient pas leurs efforts pour renforcer la capacité d'adaptation, l'offre de main-d’œuvre et l'investissement dans les ressources humaines ». Nous constatons donc que les Etats semblent conscients du problème mais ne fournissent pas encore les efforts nécessaires pour le résoudre.

2.5 Écosystème de l’entreprise

Afin d’entrevoir la richesse et la complexité que représente l’entreprise, nous pouvons la considérer comme un écosystème dont la communication est « ce que le sang et les influx nerveux sont aux organismes vivants » (Emery & Gonin, 2009, p.639). Les interactions et la communication relient les acteurs. À l’interne de l’entreprise, nous retenons également les notions de travail et de formation mais également celle de l’individu. À l’externe de l’entreprise, les environnements législatif, économique et technologique sont hautement évolutifs et affectent l’entreprise. Ils la poussent à se transformer et à capitaliser les différents types de savoirs que

9 Le turn-over correspond au phénomène de rotation de l’emploi désignant la fréquence à laquelle le personnel se renouvelle au sein d’une organisation ou d’une équipe.

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17 possèdent les employés. En effet les acteurs individuels composant le collectif visent tant la performance de l’entreprise que l’atteinte d’objectifs plus personnels correspondant à leurs aspirations de carrière. Ainsi, tant les objectifs que les besoins de l’entreprise peuvent diverger de ceux des individus.

Face à la mondialisation des échanges et aux besoins de plus en plus variés des consommateurs, les entreprises doivent se reconvertir et ne peuvent plus compter sur une main d’œuvre bon marché et peu qualifiée comme auparavant. Concrètement, les évolutions économiques du XXème siècle entraînent une croissance des emplois dans les services, une réorganisation du travail dans les entreprises et même une restructuration globale du marché du travail. De plus, plusieurs postes de travail sont en crise. Prenons comme exemple le poste de directeur des ressources humaines (DRH). Comme un article dans le journal GHI10 à l’occasion du Salon RH de Genève l’écrit « Le directeur RH est en crise d’identité […] il doit faire le grand écart entre des tâches de pure procédure (salaire) et celles de haute stratégie (formation) ». Tous ces éléments sont des sources pouvant être mobilisées dans des analyses de besoins afin de renforcer les compétences des professionnels. D’après le rapport de l’OCDE de 2001 cité par Doray (2005), ces transformations sont également des facteurs de développement de l’apprentissage tout au long de la vie. Ces réflexions nous interpellent et aiguisent notre intérêt à comprendre comment les analyses besoins en formation se construisent du côté des entreprises.

2.6 L’individu comme noyau du système

Les chapitres précédents ont dressé un tableau du contexte au sein duquel l’individu a évolué, évolue aujourd’hui et évoluera probablement demain. À présent, nous nous concentrons sur l’individu lui-même et la manière dont il s’adapte à ces évolutions. L’environnement du XXIème siècle est marqué par une nouvelle phase de modernité que Bauman (2006) définit comme liquide.

En 2018, l’individu peut se définir librement selon ses propres critères sans que ceux-ci lui soient imposés univoquement. Il vit dans un mode de vie de plus en plus individualisé. Par contre, tout acteur est amené à devoir faire face à des changements qui s’instaurent d’une rapidité fulgurante tant dans sa vie professionnelle que privée. Par conséquent, il est de plus en plus compliqué de se projeter dans l’avenir et d’établir un projet de vie ou de carrière car le train de vie peut basculer à tout moment.

Si nous regardons à présent la place de la femme en particulier, nous concevons rapidement que les évolutions sont de taille. Son rôle au sein de la société se modifie. La femme s’émancipe.

À tel point que nous percevons le phénomène de la féminisation dans certains métiers tels que l’enseignement. Les conceptions d’un couple et d’une famille sont aussi soumises à des mutations qui vont de pair avec cette nouvelle forme de vie contemporaine.

Par ces exemples, nous souhaitons mettre en lumière que les parcours de vie sont bousculés. Il en est de même pour le positionnement et la temporalité de la formation dans la vie d’une personne. Les enseignements de M. Jean-Michel Baudouin au sein du Master Formation d’Adultes rejoignent cette constatation en nommant des phénomènes tels que la « dé-

10Le GHI est un journal hebdomadaire genevois. L’acronyme correspond à Genève Home Informations.

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18 standardisation des trajectoires de vie et de formation ». Alheit et Dausien (2005) relatent qu’assez récemment le besoin ressenti pour les poursuites de qualification professionnelle s’est considérablement accru. De plus, la formation et la qualification ne servent plus uniquement à préparer la vie active mais deviennent « un facteur permanent d’accompagnement du parcours professionnel » (Alheit & Dausien, 2005, p. 15).

En 2018, les individus ne se forment pas uniquement à des fins stratégiques et fonctionnelles ; ils ont également un besoin de formation et de développement au niveau de leur personnalité.

Ce nouveau type de besoin correspond à leur besoin de réaménagement dans sa vie personnelle.

Il est possible que ce besoin les amène à consulter les offres de formations et de sélectionner la plus appropriée à sa requête personnelle. Il est donc perceptible que le besoin de formation individuel peut émerger à n’importe quel moment. Il semble que l’offre de formation d’une entreprise devrait donc, elle aussi, être en mesure de répondre rapidement aux besoins les plus spontanés et variés des individus.

Ce chapitre a permis de présenter certaines dynamiques présentes dans de multiples contextes entourant la formation. Il est possible de sentir que le domaine de la formation est un secteur d’activité qui subit les influences de nombreux facteurs plus ou moins proches du lieu où la formation prend place. Avec la sensibilité d’un praticien novice, nous allons tisser des liens entre ces différents contextes présentés précédemment et la construction des pratiques d’analyses de besoins.

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3. Problématique

Pour donner suite à l’observation systémique des différents environnements entourant les pratiques de formation, nous allons partager nos réflexions et questions d’acteurs par rapport aux les tendances évoquées et la construction des pratiques d’analyses de besoins.

À ce stade de la recherche, nous identifions cinq portes d’entrées pouvant colorer les manières d’analyser les besoins dans les organisations. Nous dressons donc un panorama succinct des différentes variables identifiées jusqu’à présent et illustrons ces dernières avec des questions intuitives, spontanées et empiriques que nous nous sommes posés en tant qu’acteurs de terrain.

3.1 Auprès des évolutions sociétales et technologiques

De nos jours, l’envie de consommer tout type de biens et de services s’étend à la formation. Il devient tendance de suivre une formation. La formation devient donc attrayante. Pourtant, cette mode comporte le risque de diminuer la pertinence des formations proposées. En effet les

« formations cadeau » sont perçues comme des dérives actuelles. L’enjeu de définir correctement et précisément les besoins de formation est de taille afin d’éviter que la formation devienne un passe-temps.

Comment les responsables de formations s’y prennent-ils afin d’éviter de créer de « faux » besoins ?

Par ailleurs, la réflexion autour de la digitalisation de la formation nous amène à nous demander si cette tendance touche aussi les pratiques d’analyses de besoin.

De quelle manière les outils digitaux sont-ils intégrés pour accompagner l’analyse de besoins de formation ?

3.2. Au contact des évolutions législatives

Globalement, la pluralité des lois impacte les actions des citoyens et des entreprises. Cela est aussi le cas dans le domaine de la formation. De cette manière, les lois régulent l’offre de formation, prescrivent certaines pratiques à adopter et poussent ainsi les fournisseurs de formation à mesurer la demande. Ainsi, le caractère obligatoire des lois conditionne les pratiques d’analyses de besoins.

Comment les pratiques d’analyses de besoins sont-elles menées dans le cas de formations obligatoires ?

Comment l’analyse du public ayant besoin de cette formation spécifique est-elle opérée ?

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3.3. Au contact de la croissance économique

Dans la constellation actuelle d’une économie sujette à des fluctuations inattendues, la gestion des risques ne peut se faire dans des conditions optimales. À une plus grande échelle, les lacunes de compétences sont un facteur pouvant mener à des fractures économiques pesant sur l’économie locale ou même mondiale11. Afin d’éviter ce type de récession, une analyse prévisionnelle des besoins des professionnels peut être une stratégie à adopter afin de combler les lacunes avant qu’elles n’aient de conséquences sur l’exercice de l’activité professionnelle.

Cette idée est confirmée par Doray (2015) qui pense que face aux mutations économiques, « il est nécessaire de développer des pratiques d’apprentissage tout au long de la vie afin de permettre aux individus de s’insérer dans la vie active » (p. 121). En effet, plus l’environnement est instable, plus la gestion prévisionnelle des besoins en formation est nécessaire et, paradoxalement, plus son application est ardue. Au travers de ce travail de recherche, nous nous demandons :

Quelles sont les pratiques actuellement investiguées afin d’anticiper les défis que les employés devront être aptes à relever demain ?

3.4. Dans l’entreprise

Dans la pratique, le besoin est un terme dont les professionnels de la formation font un usage fréquent. Nous nous questionnons sur la finesse avec laquelle les besoins sont observés, recueillis et/ou analysés.

En quoi les pratiques d’analyse de besoins se différencient-elles ?

Nous supposons que, dans tous les domaines d’activité confondus, les professionnels ont de la peine à exprimer leurs réelles difficultés. Cette réalité peut être due à leur personnalité, à leur posture professionnelle, à l’environnement organisationnel de l’entreprise mais surtout au fait que l’individu n’est pas assez accompagné lorsqu’il cherche à accéder à la formation.

Comment le responsable de formation accompagne-t-il l’employé dans son expression des besoins ?

Souvent l’expression d’un besoin de formation est associée à une prise de risques et à une sortie de la zone de confort de la personne concernée. La difficulté s’agrandit lorsque l’employeur a de la peine à interpréter les difficultés exposées en dispositif de formation.

Comment le responsable de formation ou le chef d’équipe traduit-il les situations évoquées par le travailleur en termes d’objectifs de formation ?

Prenons à présent le cas où l’initiative de formation provient de l’employeur : ces questions se posent à nouveau mais comportent des enjeux différents. Ces enjeux peuvent notamment être plus intimement liés aux aspects de rentabilité et de productivité de l’employé sur sa place de travail. Il y aurait donc plusieurs types de besoins : ceux de l’entreprise à un niveau global (plutôt

11 Conclusions de Florence Noiville dans son ouvrage « J’ai fait HEC et je m’en excuse » paru en 2009.

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21 avec une visée de développement stratégique de l’entreprise) et ceux de l’employé à un niveau spécifique (plutôt avec une visée sur l’optimisation de l’exécution d’une tâche précise).

Dans quelle mesure ces deux types de besoins sont-ils en concurrence ? Comment le responsable de formation priorise-t-il ces deux types de besoins ?

3.5. Au plus proche de l’individu

Afin de pouvoir procurer une offre de formation correspondante en tout temps et en toutes circonstances, les responsables de l’offre de formation au sein d’une institution interrogent l’avenir. Or, dans l’environnement changeant :

Comment les responsables de formation peuvent connaître les besoins de demain si les conditions de demain ne sont pas encore établies ?

En 2018, les exigences des entreprises envers leurs employés ne cessent d’accroître. Le diplôme et l’expérience ne suffisent plus : cela est le cas depuis 2006 d’après un article12 des deux DRH13 d’Adecco. Selon eux, l’employé doit réaliser avec facilité les tâches qui lui sont attribuées (habiletés fonctionnelles), adopter une attitude positive lui permettant de s’intégrer dans son équipe (habiletés individuelles) sans oublier qu’il doit également pouvoir aisément travailler avec cette dernière (habiletés interpersonnelles). Afin de remplir la plus grande majorité des exigences de l’employeur, l’employé peut faire recours à la formation et notamment s’inscrire dans une démarche de formation tout au long de la vie. En effet, l’employé d’aujourd’hui ne peut se permettre de stagner. L’injonction à s’adapter et à évoluer est forte et également nécessaire pour s’assurer une employabilité et une évolution professionnelle.

Toutes ces mutations modifient le rôle de la formation dans les entreprises ainsi que les pratiques qui en découlent. De manière générale, des questions se posent quant au rôle de la formation continue dans les organisations :

Son rôle est-il de faire acquérir de plus en plus de connaissances transversales aux salariés afin qu’ils puissent acquièrent les compétences d’un généraliste ? Ou alors la tendance se situe-elle davantage du côté d’une spécialisation fine afin d’obtenir une expertise spécifique à un poste de travail ?

12 Publié sur le site internet de de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agrées renseignant sur le marché de l’emploi au Québec

13 Directeur des Ressources Humaines

À retenir :

L’analyse des besoins semble être une pratique complexe au carrefour d’une multitude de tensions et influences diverses et variées.

Venant de l’extérieur, les modes, les innovations de plusieurs domaines et venant de l’intérieur les particularités de l’organisation, de son contexte, des situations de travail y prenant place semblent structurer les pratiques d’analyses de besoins des responsables de formations d’une manière qui nous intrigue.

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4. Exploration conceptuelle

Tout d’abord, nous souhaitons indiquer que le choix du titre de ce chapitre est étroitement lié au paradigme de recherche compréhensif dans lequel nous nous inscrivons. Nous ne nous inscrivons pas dans un cadre théorique rigide mais explorons plutôt les divers concepts théoriques nous permettant d’élargir notre compréhension des pratiques d’analyses de besoins

À la suite de l’exposition du contexte dans lequel nous nous situons en tant qu’acteur du terrain de la formation d’adultes, nous allons nous orienter vers les recherches scientifiques touchant aux questions d’acteurs soulevées précédemment. Globalement, l’exploration conceptuelle s’articule comme une poupée russe, en dévoilant au fil des paragraphes des sous-aspects reliés aux analyses de besoins en formation effectuées dans les organisations. En suivant cette logique de type organique14, nous partons de la structure pour aller au processus.

Ce chapitre se scinde en quatre parties principales. Dans l’intention d’offrir une perspective d’analyse partant à nouveau d’un niveau macro pour déboucher sur un niveau micro, nous débutons par l’analyse de l’environnement qui nous intéresse soit les organisations. Cette perspective nous facilite l’appréhension des dynamiques et des pratiques y prenant place. Ainsi, la première partie de ce chapitre s’intéresse à la structure complexe de l’organisation. Nous nous attardons sur les acteurs qui la composent ainsi que sur les différentes dynamiques qui se jouent entre ces derniers. Après avoir pris la mesure de la nature des comportements des acteurs, nous sommes amenés à considérer la gestion de ses acteurs. Ainsi, les fonctions de l’organe de la gestion des ressources humaines (GRH) sont prises en compte.

La seconde partie de cette exploration contextuelle nous plonge plus profondément dans la fonction sociale de la GRH en s’attardant sur la Fonction Formation et ses pratiques.

Dans la troisième partie, la focale est mise sur la notion de besoin.

Finalement, la quatrième partie met en exergue les pratiques d’analyse de besoins et ses caractéristiques.

14 La logique organique appréhende l’organisation organisant ses compétences comme un organisme vivant composé de cellules s’adaptant à l’environnement et aux changements.

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4.1 Organisation : une fourmilière complexe

Afin d’éviter d’inutiles ambiguïtés, ce premier chapitre débute avec une clarification des termes paraissant plus ou moins substituables d’organisation, d’institution, d’entreprise et de société.

Ensuite, les composantes d’une telle entité sont mises en évidence tout en s’attardant sur les comportements de ses acteurs. Finalement, l’organe régissant les ressources humaines et certaines de ses pratiques sont mises en lumière.

4.1.1. Melting pot : institution, organisation, entreprise

Au quotidien, les termes d’institution, d’organisation, d’entreprise et de société sont utilisés de manière récurrente et polysémique. Souvent considérés comme synonymes, nous observons de quelle manière leurs définitions s’articulent dans la littérature. Cette analyse nous permet de choisir l’usage que nous allons faire de ces termes.

Débutons par l’institution, selon le Dictionnaire des sciences économique (Beitone, Cazorla, Dollo, 2010, p.267), une institution est « un ensemble de règles socio-historiques […] sur lesquelles les individus ou les groupes d'individus n'ont guère de prise […]. Du point de vue économique, ces règles visent à définir les conditions dans lesquelles les choix individuels ou collectifs d'allocation et d'utilisation des ressources pourront s'effectuer ». Livian (2008) rejoint cette perspective considérant l’institution comme une fondation imposant des valeurs auxquelles s’adossent les pratiques des organisations et des entreprises. Nous concluons que cette définition se situe à un niveau macro.

Ensuite, les définitions données par (Beitone, Cazorla, Dollo, 2007 & Blaise et al., 2010), nous permettent de définir l’organisation de la manière suivante : l’organisation se compose d’un groupe d’individus coordonnant leurs actions afin d’atteindre un objectif tout en étant soumis à des règles explicites et implicites orientant leurs actions et définissant leurs rôles. Plus précisément, Mintzberg (1989) décrit les cinq composantes de toute organisation. Il y a trois éléments principaux soutenus par deux fonctions complémentaires. Tous les éléments sont guidés par l’idéologie propre à l’organisation.

Les trois éléments principaux sont :

Le centre opérationnel (ou le noyau actif) rassemble les acteurs exécutant le travail de base de l’entreprise.

Le sommet hiérarchique correspond au manager principal de l’organisation.

La ligne hiérarchique (ou l’axe médian) inclut toute l’étendue des niveaux d’autorité entre le centre opérationnel et le sommet hiérarchique regroupant par exemple les cadres intermédiaires responsables des différentes sections d’une entreprise.

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24 Les fonctions complémentaires sont :

La technostructure implique le personnel responsable des activités relevant de l’administration, de la planification et du contrôle du travail effectué. Ils mettent en place des conditions propices à une haute performance d’activités.

Le personnel de support logistique (ou de soutien) réunit le personnel accomplissant des services internes tels qu’un service de restauration.

En comparant diverses définitions, nous concluons que l’entreprise est un genre spécifique d’organisation économique et en excluons les entités telles que les hôpitaux et écoles (Livian, 2008 et Beitone, Cazorla & Dollo, 2007).

En compilant les définitions des deux dictionnaires mobilisés, nous retenons qu’il existe de nombreux types de société et que chacun d’elle est une entreprise appartenant à plusieurs propriétaires (Beitone, Cazorla, Dollo, 2007 & Blaise et al., 2010).

Dès à présent, nous allons donc opter pour le terme général d’organisation qui englobe donc les hôpitaux a contrario du terme d’entreprise. Ce choix repose, d’une part, sur la présence d’une organisation active dans le domaine de la santé dans le panel d’interview et, d’autre part, sur la définition complète de l’organisation de Mintzberg.

4.1.2. Composantes d’une organisation

Après avoir choisi le terme d’organisation pour décrire les systèmes au sein desquels nous souhaitons appréhender les pratiques d’analyse de besoins, nous y apportons quelques précisions.

Dans sa synthèse des différentes définitions, Livian (2008) reprend les deux derniers éléments soit la coordination et les objectifs tout en soulignant l’importance de l’aspect collectif de l’organisation en définissant cette dernière comme un « espace de coordination collective », c’est-à-dire que les tâches y sont divisées et coordonnées. L’existence d’activités et de rôles est donc la manifestation qu’une division du travail est à l’œuvre. Ces caractéristiques font particulièrement sens dans l’approche de ce mémoire qui appréhende les activités et procédures de formation servant au développement des activités professionnelles.

Pour la composante des objectifs, nous insistons qu’il n’y a pas qu’un seul et unique but poursuivi au sein de l’organisation. En effet, Perrow (1970, cité dans Livian, p. 23), présente quatre buts que l’organisation peut poursuivre même simultanément. Il s’agit des « buts de production » (liés aux produits et services), des « buts de société » (liés aux besoins publics), des « buts systémiques » (liés au bon fonctionnement de l’organisation), des « buts dérivés » (buts culturels, sociaux découlant de l’atteinte des buts de production). Livian (2008) continue en précisant que les actions découlant de la division du travail résultent de la volonté, des choix et des négociations des acteurs. Afin que ces actions soient réalisées à bon escient, elles sont encadrées par des règles. Ces règles sont donc imposées par l’organisation elle-même mais également par l’institution et les différents contextes englobants. Au final, afin de fonctionner, l’organisation doit, d’après Jaques (1989, cité dans Livian, 2008, p. 19) impérativement communiquer, diriger de manière « efficace » et combiner la performance et les

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25 récompenses. La notion de récompense est très intéressante pour nous car, en effet, la formation peut parfois être perçue comme une récompense offerte à certains collaborateurs.

4.1.3. Environnements

Alain Meignant (2001) schématise les tensions que subit toute organisation et défini les axes constituant la stratégie de l’organisation de la manière suivante :

Nous allons expliciter ce schéma en le complétant avec des réflexions du couple d’auteurs Roland et Frances Bee (2003) qui sont des consultants spécialisés dans l’analyse des besoins en formation.

Tout d’abord, ces auteurs divisent les forces provenant de l’environnement externe en deux catégories :

Les facteurs généraux externes :

 Nouveaux modes de travail, de vie et d’apprentissage.

 Développements et innovations PESTEL (Politiques, Économiques, Sociaux, Technologiques, Écologiques, Légaux)

Les facteurs spécifiques externes :

 Clientèle et concurrence

Ces deux forces externes apparaissent souvent de manière non-planifiée et non-planifiable et ont un impact sur la stratégie de l’organisation et, par conséquent, sur les besoins en formation et la manière dont ces derniers sont analysés.

Ensuite, les facteurs internes proviennent de la mission poursuivie par l’organisation, de ses buts stratégiques et de ses collaborateurs.

Enfin nous présentons brièvement les trois axes découlant de la stratégie de l’organisation car ils seront à nouveau thématisés lorsque nous approcherons la notion de besoins en formation.

Figure 1: Environnements externes et internes à l'organisation (Meignant, 2001, p.137)

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Axe Performance : Niveau de performance individuel ou collectif nécessaire pour atteindre les exigences fixées par les emplois et la stratégie de l‘organisation.

Axe Projet : Projets découlant de la stratégie et de la politique GRH 15comme le lancement d’un nouveau produit ou le recrutement de collaborateurs.

Axe Parcours : Attentes des salariés par rapport à leurs souhaits de trajectoire professionnelle ou personnelle.

(Meignant, 2001) Au final, les pratiques de formation visent à atteindre un but spécifique ayant préalablement été déterminé en réponse à un besoin qui, lui, a été repéré soit dans la société de manière globale ou dans des situations problématiques rencontrées sur le terrain. Danvers (2003) met en avant que la satisfaction d’un besoin avéré est au bénéfice de la société et de l’acteur dans sa situation de travail et donc de l’organisation. Tout compte fait, une formation répondant à un besoin a :

« objectivement pour effet de produire des individus sociaux présentant des caractéristiques techniques, idéologiques, sociales bien identifiées dont la société a besoin pour assurer son fonctionnement immédiat, ses développements futurs mais également la pérennité de ses fonctionnements fondamentaux , et qu’elle apparaît ainsi comme une réponse aux besoins de la société, elle est aussi une réponse aux besoins de l’individu sur sa place de travail »

(Danvers, 2003, p. 268)

4.1.4 Les acteurs au sein du système

Après avoir retenu le terme d’organisation comme lieu où les professionnels exercent et développent leur activité professionnelle, nous reprenons maintenant trois des principales composantes d’une organisation citées auparavant : les acteurs, les objectifs et la coordination des activités. Nous tissons des liens entre les éléments livrés par le Dictionnaire des sciences économiques et l’analyse stratégique proposée par Crozier et Friedberg. Ainsi, nous analysons plus en profondeur les spécificités de l’acteur et de son activité au sein d’une organisation.

Au XIXème siècle déjà, l’industriel Andrew Carnegie avait saisi l’importance cruciale du facteur humain de l’entreprise par rapport aux facteurs techniques (matériel, tâche) et proclamait :

« Prenez-moi toutes mes machines, mais laissez-moi mes hommes, avec eux je recommencerai. » (Emery, Gonin, 2009, p.19). Cette citation met en lumière que les « hommes » d’une organisation possèdent les compétences centrales soit les « Core Competencies » et sont la ressource principale de compétitivité de l’organisation soit le « Critical Sucess Factor » (Hamel et Prahalad cité dans Emery & Gonin, 2009, p.19). C’est donc cette richesse de compétences qui rend le capital humain tant important pour la performance de toute organisation. Le contexte socio- économique mouvant impose à l’organisation visant une performance sur le long-terme de sans cesse développer et adapter les compétences de ses « hommes ». Afin d’y parvenir, il est primordial de penser et de choisir les moyens pertinents afin de les développer. La formation reposant sur une analyse des besoins n’est qu’un outil parmi d’autres permettant d’atteindre cette

15 Gestion des Ressources Humaines

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27 finalité. Ces choix reposent d’une part sur la structure organisationnelle de l’organisation mais également sur la stratégie envisagée tant par le centre opérationnel que par la ligne hiérarchique ou encore le sommet hiérarchique. Ces constatations sont reliées aux apports de Mintzberg et du Dictionnaires de sciences économiques. Plus précisément, Ferrary (2014) indique que les quatre acteurs principaux sont les salariés, les employeurs, les pouvoirs publics et les organismes privés de formation. Les objectifs et intérêts de ces groupes sont loin d’être identiques (Crozier et Friedberg, 2011). Afin de mieux appréhender les décisions prises au sein d’une analyse des besoins de formation nous allons d’abord nous intéresser à la dynamique animant chaque acteur.

Avec ces éléments en tête, nous aborderons les manières dont l’organisation gère ses précieuses et uniques ressources humaines.

La capacité d’action des acteurs sociaux

D’après le courant de l’école sociologique à laquelle Michel Crozier appartient, l’individu est défini comme un « acteur social complexe qui structure le champ dans lequel il évolue » (cité dans Aïm, 2008, p, 85). Nous allons reprendre les quatre postulats décrits dans « L’Acteur et le Système » de Michel Crozier et Ehrard Friedberg (1977) qui posent les fondements de la capacité d’action de l’individu au sein de l’entreprise.

1° L’organisation est un construit et non une réponse : L’organisation est établie par les acteurs qui agissent en ayant connaissance des différentes contraintes (externes ou internes) qui leur sont imposées.

2° L’acteur est relativement libre : De multiples réglementations encadrent l’activité des acteurs d’une organisation. En revanche, l’acteur garde la capacité de donner une certaine coloration à son quotidien en jouant sur les interprétations des aspects formels dictant son activité.

3° Une différence est toujours présente entre les objectifs de l’organisation et ceux des individus : Les employeurs et la stratégie d’entreprise qu’ils soutiennent poursuivent principalement des objectifs de performance et de production. Ces objectifs ne sont souvent que secondaires dans l’esprit des collaborateurs. Ferrary (2014) rejoint ces auteurs en ajoutant que les acteurs recherchent la maximisation de leur rémunération et le développement de leur employabilité.

4° L’acteur calcule dans le cadre d’une rationalité limitée : L’acteur ne possède que très rarement toutes les informations dont il aurait besoin pour agir et faire des choix. Les logiques de comportements peuvent pourtant paraître comme irrationnelles si elles sont observées de l’extérieur. Pourtant, en considérant les informations auxquelles il a accès, il agit de manière rationnelle.

La stratégie de l’acteur

L’acteur est toujours dans la recherche de l’optimisation de son gain et de la minimisation de la perte. L’analyse stratégique et le système d’action concret décrits par Michel Crozier et Erhard Friedberg (1977) permettent de saisir les éléments sous-tendant les actions et les interactions des acteurs. Leurs actions - toujours intelligibles - sont réalisées même si elles les confrontent au conflit et au système d’action concret bien établi qu’est l’organisation. L’acteur possède donc un

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28 pouvoir avec lequel il joue. Il exerce ce pouvoir afin qu’un autre acteur exécute une action qu’il n’aurait pas exécuté sans son intervention (Aïm, 2008). Dans certains cas, l’agent va utiliser la formation afin d’arriver à ses propres fins utilitaires. Dans d’autres, le pouvoir permet de tisser un lien social au sein d’un groupe. De ces deux exercices du pouvoir découle le terme de jeux d’acteurs. Ces jeux d’acteurs sont donc initiés entre salariés, employeurs, pouvoirs publics et organismes privés de formation (Ferrary, 2014). Leurs motivations à initier ces jeux d’acteurs sont liées, d’une part, à leur rôle au sein de l’entreprise et d’autre part aux incertitudes présentes.

Comme l’énoncent Amblard et al. (1996), les principales sources d’incertitudes sont « la maîtrise de l’information », « la maîtrise de l’attribution des moyens » et « la capacité d’action sur les règles du jeu ». Aïm (2008) enrichit ces sources en y ajoutant « les connaissances ou compétences fonctionnelles difficilement remplaçables » et « la maîtrise des relations avec l’environnement à des fins stratégiques » (Aïm, 2008, p.85). L’acteur agit et l’organisation évolue constamment sous des incertitudes d’ordre techniques, commerciales, humaines et financières.

Nous retirons que l’information détenue par certains acteurs peut être utilisée pour orienter l’analyse des besoins en formation dans une direction particulière ou pour s’assurer l’accès à une formation précise. Crozier et Friedberg (1977), Amblard et al. (1996) et Ferrary (2014) se rejoignent sur le postulat que l’information a une grande valeur stratégique notamment renforcée par l’accès aux nombreux réseaux de communication disponibles actuellement et l’usage pouvant en être fait. L’accès à des informations de qualité et de première main est notamment une des clés d’une analyse des besoins réussie.

Si l’on considère ces divergences d’objectifs poursuivis et d’action entreprises, une question peut émerger : « Comment une analyse de besoins en formation peut-elle être menée sans être biaisée par les aspirations individuelles de chaque acteur ? ». La réponse se trouve dans la notion de système d’action concret également développée par Crozier et Friedberg (1977). Ils le définissent comme :

« un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure par des mécanismes de régulation qui constituent d’autres jeux».

(Crozier & Friedberg, 1977, p. 286) Aïm (2008, p. 85) ajoute qu’il s’agit principalement de « relations informelles qui se créent naturellement entre les membres d’une organisation pour résoudre quotidiennement des problèmes concrets ». L’organisation permet aux employés de calculer leur jeu de manière rationnelle et stratégique et d’adopter des comportements autonomes car le modèle de jeux de l’entreprise est assez structuré pour que les agents travaillent tout de même à l’atteinte des objectifs de l’entreprise. En perspective d’une analyse des besoins en formation, cela voudrait dire qu’il y a définitivement une place pour des besoins relevant tant de l’individu que de l’organisation à proprement parler. La prise en compte d’un besoin de formation individuel ne pénaliserait donc pas forcément l’atteinte des objectifs posés par le sommet stratégique de l’organisation.

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Les modes de coordination

Après avoir appréhendé l’individu seul, nous saisissons les lunettes des modes de coordination pour observer comment la division du travail propre à l’organisation structure l’action collective.

En choisissant d’appréhender ces modes de coordination, nous décidons de nous situer au niveau de la macrostructure de l’organisation. En effet, c’est cette dernière qui entre en interaction avec les responsables de formation, les responsables de départements ou encore avec la direction. La microstructure quant à elle est plus fortement reliée aux activités des ouvriers sur leur poste de travail. Cette approche orientée macro nous donne des pistes pour comprendre comment la division du travail amène les supérieurs hiérarchiques à s’organiser et à coopérer. Ces mécanismes se retrouvent dans chaque organe de l’organisation et y structure l’action collective et aussi les pratiques d’analyse de besoins en formation. C’est pour cette raison, que nous décidons d’aborder leur nature dès à présent.

Selon Lorenz & Valeyre (2004) les modes de coordinations comme tout choix organisationnel jouent « un rôle non négligeable dans les possibilités d’apprendre au travail de manière formelle ou informelle » (cités dans Carré et Caspar, 2011, p. 227). De plus, selon Mintzberg (1982, cité dans Amblard et al. 1996), il n’y a pas une bonne organisation comme le préconisait le postulat taylorien. Ce sont davantage les actions cohérentes et les ajustements entrepris par les services et leurs collaborateurs.

Afin de nous soutenir dans cette réflexion, nous nous basons sur Livian (2008) qui repère ces cinq procédés structurant la coordination :

L’ajustement mutuel : une grande place est laissée aux actions informelles impliquant donc davantage d’autonomie au fil des opérations. Le pouvoir est centralisé chez les opérateurs qualifiés.

La supervision directe : la responsabilité est donnée à une personne particulière impliquant donc une concentration du pouvoir. Le pouvoir est centralisé dans le sommet stratégique.

La standardisation des procédés de travail : La responsabilité est incluse au sein des processus et des tâches. Le pouvoir est centralisé chez les analystes alliés au sommet stratégique comme les associations d’employés.

Standardisation des résultats et des outputs : La normalisation de la production permet de coordonner les actions.

Standardisation des compétences et des qualifications : La normalisation des compétences et des formations requises coordonne les actions. Le pouvoir est centralisé chez les opérateurs qualifiés répondant aux exigences de la normalisation.

En dernière analyse, il apparaît que ces mécanismes ne sont pas neutres et incitent certains acteurs à prendre le contrôle. La responsabilité des personnes conduisant l’analyse des besoins en formation varie donc en fonction des modes de coordination à l’œuvre dans l’organisation ou dans le département correspondant. Les buts poursuivis et les résultats de l’analyse de besoin varient tout autant. D’une certaine manière, ces modes de coordination permettent de gérer les relations et les priorités. Ce sont des mécanismes mis en place par les acteurs eux-mêmes pour gérer la complexité que le facteur humain ajoute à chaque interaction. Pour soutenir et guider ces

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