• Aucun résultat trouvé

Le bassin de l’ Oxus (Amou Daria)

Dans le document Fondements des civilisations de l’Asie (Page 100-104)

Carrefour de l’Asie centrale

Carte 9.1. Le bassin de l’ Oxus (Amou Daria)

Le climat est chaud et les sols, de lœss épais, donnent des oasis de grande fertilité et des espaces agricoles très riches, pourvu qu’ils soient irrigués. Sinon la steppe est sèche et vire au désert vers l’Ouest.

9.1. Développement avant Alexandre

Nous avons vu que les Indo-Européens sont venus très tôt, à la fin du troisième millénaire, s’installer dans l’ouest de la Bactriane, puis dans l’est lorsque la civilisation de l’Indus s’est effondrée. En effet, à l’est, les niveaux I et II du site de Shortughai datent de –2200 et montrent une grande analogie avec ce qui se faisait à cette époque dans la vallée de l’Indus : un grand canal de 25 km amène l’eau de la rivière Kokcha pour des cultures basses irriguées, tandis que sur le plateau poussent l’orge et le millet ; l’élevage porte sur les chèvres et les moutons, mais aussi sur le buffle à bosse, qui n’est pas originaire d’Asie centrale.

La poterie ornée de motifs de ficus sur fond rouge, les coquillages de l’océan Indien, les sceaux en stéatite témoignent des échanges avec l’Indus, entretenus par l’exportation du lapis-lazuli provenant du Pamir.

À partir de –1900, le site se dégrade et finit par disparaître vers –1600, tandis qu’à l’Ouest naissent des villes nouvelles : Sapalli (de –1700 à –1500), Djarkutan(de –1500 à –1350), Kuzali (de –1350 à –1250), Mollali (de –1250 à –1000).

Vers –1000, toute cette région est soumise à un prince résidant à Bactres et s’appuyant sur une aristocratie cavalière, mais à partir de –540, la Bactriane entre dans la sphère achéménide. Elle est gouvernée par un parent de Cyrus 1er et devient terre de colonisation. La région est largement mise en valeur par un vaste système d’irrigation, en particulier dans la vallée du Surkhan Daria. De nouvelles villes se développent, comme Drapsaca (Kunduz). L’architecture devient très achéménide, mais l’art de la steppe reste vivant en orfèvrerie (trésor de l’Oxus découvert à Takht-i-Sangin dans un temple du feu mazdéen).

9.2. La Bactriane grecque

L’arrivée d’Alexandre bouleverse les cartes. La région résiste à l’invasion, tout particulièrement la Sogdiane. La réponse grecque est extrêmement brutale : des « colonnes infernales » massacrent plus de 100 000 habitants. Des villes entières sont détruites. Alexandre repeuple les oasis en les transformant en colonies militaires. Il s’assure de l’obéissance de la noblesse en prenant des otages (plus de 30 000). Au gué de Termez, une colonie militaire veille sur la traversée du fleuve1.

1 Dossiers d’Archéologie, 300, février 2005, p. 72.

La Bactriane et la Transoxiane 89

Après la mort du conquérant, la région se développe rapidement. Bactres prend de l’importance et une deuxième capitale est créée de toutes pièces à l’Est ; c’est Aï Khanoum. Le royaume Gréco-bactrien, coupé du monde méditerranéen, va développer une culture et un art originaux sous la direction de grands rois comme Diodote IerouEucratide.

Pendant longtemps, l’importance de cette Bactriane grecque est restée une hypothèse que n’avaient pu confirmer les fouilles de A. Foucher à Bactres, site trop bouleversé par ses nombreuses occupations et inondations. Le trésor d’objets gréco-romains, trouvé juste avant 1939 dans la plaine de Bégram (Nord-Est de Kabul), dans la villa kouchana de Kapisi, montrait cependant à l’évidence que l’empire Kouchan avait trouvé sur place de très importants restes d’installations grecques florissantes. Mais la découverte, en 1964, des ruines de la grande cité de Ai Khanoum par les archéologues de la DAFA (Délégation archéologique française en Afghanistan), dirigés par Paul Bernard, a apporté une preuve éclatante d’une véritable civilisation indépendante gréco-bactrienne2.

Au milieu du IIesiècle avant J.-C., sous la pression de nomades venant du Nord, les Grecs quittent la Bactriane. Aï Khanoum, incendiée, est abandonnée en –145. Les Grecs franchissent l’Hindou Kouch et se réfugient derrière le col de Khyber en fondant un nouveau royaume dont la capitale est Taxila. C’est le grand royaume gréco-bouddhique du Gandhara (voir histoire de l’Inde).

2 L’Archicube, fascicule 2, juin 2007, p. 103.

Figure 9.1. La ville de Aï-Khanum (–316 à –145), vue prise en 1964.

Figure 9.2. Le même site, photogra-phié en 1980.

9.3. La Bactriane des Kouchans

Les nouveaux arrivants nomades pillent et accumulent de nombreux trésors (par exemple Tilia Tépé, découvert par les Russes en 1985), mais parmi les cinq peuplades nouvellement arrivées, les Yue-Zhi, Indo-Européens, vont prendre le dessus et fonder un royaume dont la capitale est en Sogdiane, à Dal’verzin Tépé. Cet État, connu sous le nom de royaume Kouchan (nom local des Yue-Zhi), va rapidement grossir, atteindre puis dépasser l’Hindou Kouch , soumettre sans le détruire le royaume de Taxila pour constituer, sous le règne de Kanischka (de 78 à 140), un immense empire allant du Gange aux Oasis de l’Asie centrale, en longeant la mer Caspienne.

Le rôle de cet empire fut considérable, car il a servi de conducteur entre l’Inde et la Chine : une des branches de la route de la soie passe par Termez et arrive à Bactres. Entre autres, les méthodes de calcul chinoises diffusent en Inde, et le bouddhisme envahit la Chine. Les produits chinois, comme la soie, arrivent jusqu’à la Méditerranée en passant par Palmyre, partenaire important. Une ambassade kouchana se rend à Rome en 99 après J.-C. Le centre bouddhique de Bamyan voit le jour au IIIesiècle, hébergeant de nombreux monastères qui seront plus tard décrits par le pèlerin chinois Xuan Zhang (voyageant de 629 à 644).

Pendant toute cette période, l’influence grecque recule devant un style plus iranien représenté par des statues-dalles frontales assez rigides et des temples dynastiques grandioses, tel celui de Surkh Kotal (près de Kunduz).

9.4. La Bactriane sassanide

La fin de la prospérité précédente est en deux temps : la prise de la Bactriane par les Sassanides de Shapur Ier(qui règne de 241 à 272) ; l’unification de l’Inde du Nord par Chandra Gupta en 320. Puis toute la région est ravagée par les Xiong Nu (Huns Hephtalites) à partir de 455. Les Sassanides reprennent le pouvoir en 569. La plupart des villes ont décliné ou disparu. Les aristocrates ont construit des châteaux forts sur des sites élevés (par exemple Kuyov kurgan).

De nouvelles religions apparaissent :

a- Le manichéisme : le fondateur, Mani, né à Babylone en 215, est d’abord traité avec bienveillance par Ardeshir (226 à 241) et Shapur Ier (241 à 272), mais il est arrêté par leur successeur et meurt en prison en 276. Sa doctrine se répand alors dans tout l’Orient sassanide (sans parler de son rayonnement méditerranéen, qui s’éteindra avec les Cathares sur le bûcher de Montségur en 1244).

b- Le nestorianisme : l’évêque Nestorius, au concile de 432 à Ephèse, est condamné pour sa doctrine séparant complètement les natures humaine et divine du Christ. Il se réfugie en terre sassanide, d’abord à Édesse puis à

La Bactriane et la Transoxiane 91

Nisibe, où ses fidèles traduisent avec une formidable activité les philosophes grecs en syriaque (langue proche de l’araméen). Ce christianisme réformé capte la faveur des commerçants, qui jouent le rôle de missionnaires, les prêtres pouvant se marier. Cette hérésie se répand rapidement : un évêque est nommé chez les Huns en 549, et dès 638 une première église est consacrée par des missionnaires de Bactriane, à Chang’an, la capitale chinoise de la dynastie Tang. On retrouve des fresques ornées de la croix à quatre branches égales, dite « chaldéenne », sur toute la route de la soie, et même le patriarche Timothée Ier crée un évêché au Tibet au IXesiècle.

Ce seront des prêtres nestoriens qui apporteront à Justinien, en 550, des œufs de vers à soie et la recette de leur élevage, dévoilant ainsi un secret bien gardé.

9.5. Arrivée de l’Islam

L’Islam explose dès la mort du Prophète en 632. La bataille de Nihavend en 642 ouvre aux Arabes le plateau iranien, et les Sassanides s’effondrent. Les envahisseurs occupent Merv en 653, mais la Bactriane résiste, et ils devront

Dans le document Fondements des civilisations de l’Asie (Page 100-104)