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Avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté

Les rapports, avis et recommandations publiés en 2016

1. Avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté

L’avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté a été transmis au ministre de la justice ainsi qu’à la ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre de l’intérieur, lesquels ont tous souhaité apporter leurs observations en retour.

Cet avis s’inscrit dans la réflexion menée à la suite de visites dans les différents lieux de privation de liberté recevant des femmes et de l’étude des nombreuses saisines reçues relatives à la situation et aux modalités de prise en charge particulières des femmes. En effet, dans l’ensemble des lieux de privation de liberté, le contrôle général a constaté un traitement différent des hommes et des femmes, le plus souvent en raison du faible nombre de femmes.

L’enfermement ne doit en aucun cas constituer un obstacle à l’application du principe d’égalité entre les hommes et les femmes proclamé dans le préambule de la Constitution de 1946. Les femmes et les hommes doivent être traités de manière égale au sein des lieux de privation de liberté, égalité qui ne doit cependant pas empêcher la prise en compte de certains besoins spécifiques aux femmes.

Les femmes incarcérées sont accueillies dans un nombre réduit de maisons d’arrêt et d’établissements pour peine. Ces derniers se situent tous dans la moitié nord du terri-toire. Le faible nombre de femmes privées de liberté ne saurait justifier leur répartition géographique inégale, source d’atteinte au droit au maintien de leurs liens familiaux.

À ce titre, le CGLPL recommande l’ouverture d’un quartier « centre de détention » destiné aux femmes dans le Sud de la France.

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Le ministre de la justice, dans sa réponse à cet avis, confirme l’insuffisance de places réservées aux femmes dans les établissements pour peine du Sud de la France, et annonce l’ouverture en 2017 d’un quartier centre de détention pour femmes de soixante places à Marseille.

Le CGLPL préconise également l’accueil des hommes et des femmes au sein de l’ensemble des centres de rétention administrative (CRA) du territoire.

Dans sa réponse datée du 18 février 2016, le ministre de l’intérieur indique qu’une large majorité de CRA accueille des femmes (15 sur 23), garantissant dès lors le maintien de leurs liens familiaux. Il rappelle que conformément à l’article R.553-3 du CESEDA, les hommes retenus ne peuvent en aucun cas, dans quelque CRA que ce soit, accéder aux zones d’hébergement réservées aux femmes, hormis dans le cas des familles.

Les femmes rencontrent également des difficultés d’accès aux structures spécialisées adaptées à leurs besoins (accès aux soins psychiatriques, notamment) ou à leurs situa-tions spécifiques (un accès restreint au régime de la semi-liberté). Ainsi, pour que les hommes et les femmes disposent d’un égal accès aux soins psychiatriques, les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) comme les unités pour malades difficiles (UMD) doivent tous pouvoir accueillir des femmes. Il en va de même pour les quar-tiers/centres pour peines aménagées et les quarquar-tiers/centres de semi-liberté, dès lors que les modalités d’hébergement et de prise en charge sont strictement encadrées.

La ministre des affaires sociales et de la santé, dans sa réponse du 24 février 2016, rappelle que les UHSI et UHSA, en tant que structures hospitalières, accueillent indis-tinctement des hommes et des femmes ; la mixité au sein de ces établissements doit être encouragée. Ainsi, le ministère encourage le développement d’activités de groupes thérapeutiques hommes-femmes au sein des établissements pénitentiaires, mais les contraintes de locaux constituent un obstacle important au développement de projets d’activités mixtes dans le cadre des hospitalisations de jour.

De son côté, le ministre de la justice relève que la proportion de places de semi-liberté est en adéquation avec le ratio de femmes détenues et que cette sous-représen-tation ne se retrouve pas dans les mesures de sorties accompagnées, d’autres modes d’aménagements de peine plus appropriés que la semi-liberté leur étant proposés. Si le ministre indique qu’il ne lui semble pas opportun que toutes les structures accueillent indistinctement des hommes et des femmes, il affirme toutefois que l’administration pénitentiaire reste mobilisée pour permettre une offre adaptée aux besoins des femmes et équitablement réparties sur l’ensemble du territoire. La Contrôleure générale main-tient l’ensemble de ses constats à ce sujet.

La situation particulière des mineures doit faire l’objet d’une attention spécifique et d’une prise en charge égale à celle des enfants garçons. Le CGLPL rappelle à cet égard que l’incarcération des jeunes filles mineures dans des quartiers pour femmes

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est contraire à la loi. Elles doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge au sein de structures adaptées aux mineurs.

Les mineures détenues dans des établissements pénitentiaires autres que les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) doivent être – dans la mesure du possible et selon l’architecture de l’établissement – incarcérées au sein des quartiers

« mineurs » au même titre que les enfants de sexe masculin. En revanche, l’hébergement doit être soumis au principe de non-mixité, à l’image de ce qui est théoriquement prévu pour les centres éducatifs fermés (CEF) et les EPM.

Dans les observations qu’il adresse à la Contrôleure générale, le ministre de la justice relève deux obstacles majeurs à la préconisation d’un hébergement des jeunes filles au sein des quartiers mineurs : l’architecture des établissements ne permettant pas de créer deux unités séparées et l’insuffisance du nombre de surveillantes, de jour comme de nuit.

S’agissant plus particulièrement de la prise en charge des jeunes filles dans les EPM, le ministre rappelle qu’il a été décidé de restreindre le nombre d’établissements susceptibles d’accueillir des mineures du fait de leur isolement et de l’inégalité de traitement dont elles faisaient l’objet. Il annonce toutefois la création d’un groupe de travail entre la direction de l’administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pour évaluer les besoins dans les EPM et réexaminer l’opportunité de rétablir, dans tous les EPM, une unité réservée aux jeunes filles. Il évoque également la création d’une unité pour mineures de vingt-quatre places au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.

En détention, le faible nombre de femmes ajouté au principe de non-mixité consti-tuent un frein à leur prise en charge individualisée (accès à un véritable quartier « arri-vant » et à un quartier d’isolement, en cas de besoin) et un obstacle à l’effectivité de leurs droits fondamentaux. Ainsi, dans les établissements accueillant des hommes et des femmes, ces dernières rencontrent des difficultés d’accès aux services communs de la détention (unité sanitaire, zone socioculturelle, terrain de sport, etc.) en raison de la mise en place de créneaux dédiés trop restreints et du blocage des mouvements de la détention pour empêcher tout croisement avec un détenu homme.

Le principe de séparation entre les hommes et les femmes est énoncé par l’article 1er du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires, annexe de l’article R.57-6-18 du code de procédure pénale, qui impose que des dispositions soient prises pour prévenir toute communication entre les uns et les autres.

Au regard des constats effectués, il apparaît que l’interdiction faite aux femmes de croiser les hommes détenus et de côtoyer les personnels de surveillance masculins – hors personnels d’encadrement – est de nature à peser sur l’égalité de traitement auxquelles elles sont en droit de prétendre en matière d’accès au travail, aux activités et à la santé.

Dès lors, le CGLPL recommande d’autoriser la mixité des mouvements en établissements pénitentiaires – accompagnée d’une surveillance encadrée – afin de favoriser un égal accès des personnes détenues aux zones communes de la détention. Il préconise donc que les femmes puissent être surveillées par des personnels de sexe masculin.

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La pratique de la mixité au sein des établissements psychiatriques – hormis à l’inté-rieur des chambres – est une bonne pratique car elle permet un égal accès aux acti-vités. À l’inverse, dans les établissements pénitentiaires, le principe de stricte séparation ne permet pas un traitement identique des femmes à celui des hommes s’agissant de leur accès aux activités. Or, les dispositions de l’article 28 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établisse-ments et à titre dérogatoire, des activités peuvent être organisées de façon mixte » sont de nature à permettre un accès des femmes à un plus grand nombre d’activités.

Le CGLPL recommande donc sa mise en place au sein des établissements pénitenti-aires, de façon progressive, associée à la délivrance d’une information claire et systéma-tique sur le caractère mixte des activités proposées et à la recherche du consentement des participants. Il propose le retrait de la mention « à titre dérogatoire » de l’article 28 et la nouvelle formulation suivante : « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements, des activités peuvent être organisées de façon mixte ».

En réponse, le ministre indique que l’affectation de surveillants hommes dans les quartiers femmes serait de nature à complexifier l’organisation des services et qu’en pratique, aucun personnel masculin ne peut entrer seul dans la cellule d’une femme détenue, disposition prise pour éviter toute éventuelle plainte pour harcèlement. Néan-moins, il précise qu’il sera demandé à l’école nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) de mettre en place une action de formation spécifique relative à la prise en charge des femmes détenues à destination des surveillants. La Contrôleure générale relève avec intérêt ce projet puisqu’elle avait suggéré que la formation initiale et continue des personnels pénitentiaires soit adaptée à la prise en charge spécifique des femmes et qu’une évaluation des pratiques professionnelles soit réalisée afin d’évoquer les diffi-cultés susceptibles d’être rencontrées dans ce cadre.

Dans le cadre de sa réflexion sur la mixité au sein des établissements pénitentiaires, le CGLPL s’est intéressé à l’expérimentation d’un atelier en concession unique hommes-femmes dont l’objectif est de permettre une égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Il a relevé que l’atelier hommes-femmes remplit ses objectifs : offre de travail permanente et suffisante, retour à la vie normale. L’investissement de la direction et du personnel d’encadrement dans la mise en œuvre de l’atelier ont été soulignés.

Enfin, la Contrôleure générale a recommandé que l’expérimentation soit poursuivie et développée, que les projets envisagés soient mis en œuvre et qu’une réelle mixité soit progressivement instaurée au sein de cet atelier unique hommes-femmes.

Si le principe d’égalité doit être respecté, il ne doit toutefois pas s’opposer à ce que des situations spécifiques soient traitées différemment. Dans cet objectif, l’adoption de mesures particulières doit permettre le respect effectif de certains droits fondamen-taux des femmes privées de liberté, dont l’accès aux soins médicaux et d’hygiène. À ce titre, le CGLPL rappelle que les femmes détenues doivent pouvoir bénéficier d’un accès aux soins gynécologiques et ce, dans les conditions prévues à l’article 46 de la loi

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p énitentiaire du 24 novembre 2009 : « la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ». Dans sa réponse, la ministre des affaires sociales et de la santé indique que la mise en place de créneaux horaires dédiés aux femmes est le mode de fonctionne-ment retenu dans la majorité des unités sanitaires du territoire pour leur permettre un accès aux soins permanent.

Dans les locaux de garde à vue, les « kits hygiène » doivent contenir des produits d’hygiène pour les femmes, en quantité suffisante. En détention, l’estime de soi doit être valorisée ; les femmes doivent pouvoir prendre soin de leur apparence physique. À défaut d’un large choix en cantines, l’entrée de produits d’hygiène et de maquillage via les parloirs doit être autorisée.

En ce qui concerne les « kits hygiène » pour les femmes au sein des locaux de garde à vue, le ministre de l’intérieur évoque un développement progressif de la mise à dispo-sition de nécessaires d’hygiène à l’attention des femmes et ce, malgré les contraintes budgétaires.

Depuis son rapport d’activité 2008, le CGLPL n’a de cesse de dénoncer la pratique consistant à retirer systématiquement le soutien-gorge des femmes gardées à vue, retrait qu’il estime non proportionné au risque encouru et contraire à la dignité de la femme gardée à vue.

S’agissant du retrait du soutien-gorge aux femmes placées en garde à vue, le ministre rappelle qu’il ne saurait être systématique mais subordonné à des éléments circons-tanciés, au cas par cas, en fonction de la fragilité de la personne gardée à vue ; cette décision devant être motivée et être réalisée dans le respect de l’intimité de la personne concernée. La Contrôleure générale réitère les constats effectués dans l’ensemble des locaux de garde à vue, à savoir le retrait systématique du soutien-gorge, sans aucune évaluation de la situation.

Enfin, les mesures de sécurité imposées aux personnes privées de liberté pouvant être attentatoires à leurs droits fondamentaux, une attention particulière doit être portée aux modalités de réalisation de certaines d’entre elles à l’égard des femmes privées de liberté.

Ainsi, le CGLPL rappelle la nécessité de respecter strictement les dispositions prévues à l’article 52 de la loi pénitentiaire selon lesquelles « Tout accouchement ou examen gynéco-logique doit se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire, afin de garantir le droit au respect de la dignité des femmes détenues ».

En matière de garde à vue, le CGLPL réitère ses recommandations émises dans son rapport d’activité 2011 : « en matière de fouilles, le principe selon lequel elles ne peuvent être réalisées que par des agents du même sexe n’est pas toujours praticable à l’égard des femmes […] faute notamment de personnels féminins suffisants dans les effectifs de nuit.

Cette situation incombant exclusivement à l’administration, il doit être décidé dans une telle hypothèse qu’aucune fouille quelle qu’en soit la forme (y compris la palpation de

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rité) ne peut être pratiquée ». Il rappelle, pour l’ensemble des lieux de privation de liberté, que le respect de la dignité humaine empêche toute possibilité de procéder à la fouille des protections périodiques des femmes.

La Contrôleure générale maintient l’ensemble de ses recommandations afin que le principe d’égalité hommes-femmes soit respecté.

2. Recommandations en urgence du 8 février 2016

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