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L’absence de directives claires aboutit à des pratiques hétérogènes qui peuvent violer les droits fondamentaux

leur mise en œuvre

6. La situation des locaux de garde à vue

6.2 L’absence de directives claires aboutit à des pratiques hétérogènes qui peuvent violer les droits fondamentaux

des personnes privées de liberté.

6.2.1 La situation des étrangers retenus pour vérification du droit au séjour n’est pas toujours clairement distinguée de celle

des personnes placées en garde à vue.

Les contrôleurs ont observé dans plusieurs services de police ou de gendarmerie qu’il existe une certaine confusion entre les personnes gardées à vue et les étrangers retenus pour vérification de leur droit au séjour. Elle se traduit en particulier par le recours aux moyens de contrainte, par le retrait des objets personnels, en particulier des téléphones portables, et par l’absence de registre spécifique.

Dans quelques rares cas il a été indiqué que les étrangers retenus sont « des gardés à vue comme les autres ». Le plus souvent les fonctionnaires ou les militaires n’ignorent pas que ces personnes sont dans une situation différente de celle des personnes placées en garde à vue, mais les traitent de la même manière faute de consignes particulières.

Aux demandes des contrôleurs, ils se contentent de répondre qu’ils savent que les étran-gers retenus ont des droits spécifiques, notamment en matière d’accès au téléphone, et indiquent qu’ils n’hésiteraient pas à rendre les téléphones portables « sur demande », mais il semble bien que, dans les faits, cela n’arrive pas.

42 Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – Rapport d’activité 2016

Toute mesure utile doit être prise pour que les fonctionnaires de police ou les militaires de la gendarmerie qui ont à prendre en charge des étrangers retenus pour vérification du droit au séjour connaissent et appliquent les mesures adaptées à la situation de cette catégorie de personnes privées de liberté.

6.2.2 Les mesures de sécurité demeurent appliquées sans discernement malgré les demandes répétées du CGLPL.

Les visites du CGLPL ont permis, une fois encore, de constater que les pratiques relatives au menottage, au retrait des objets personnels, au retrait des lunettes et des soutiens-gorge et à la remise des documents de notification de la mesure et des droits sont hétérogènes, mais le plus souvent irrespectueuses des droits des personnes placées en garde à vue.

Il n’est pas admissible que les recommandations que le CGLPL fait depuis sa créa-tion ne soient toujours pas suivies d’effet. Rappelons les ici :

– le menottage ne doit pas être systématique, mais adapté aux risques qui résultent du comportement de la personne concernée ;

– une personne menottée ne doit pas être exposée à la vue du public ;

– les objets personnels retirés aux personnes placées en garde à vue doivent être invento-riés de manière contradictoire au moment du retrait et au moment de la restitution ; – l’inventaire doit être conservé et contrôlable ;

– les objets retirés doivent être conservés dans des conditions permettant d’éviter l’in-discrétion, le vol et la destruction ;

– le retrait des lunettes et des soutiens-gorge ne doit pas être systématique mais adapté aux risques qui résultent du comportement de la personne concernée ;

– lorsqu’il est effectué, ces objets doivent être restitués à chaque audition et lors des présentations à l’autorité judiciaire.

Il n’est pas arrivé une seule fois en 2016 que le CGLPL visite une unité de police ou de gendarmerie dans laquelle toutes ces recommandations étaient mises en œuvre. On a notamment pu observer : l’application systématique des mesures qui ne devraient être qu’exceptionnelles (menottage ou retrait des soutiens-gorge et lunettes) ; l’absence d’inventaire des objets retirés ; la destruction de cet inventaire lors de la restitution ; l’absence de restitution des lunettes et soutiens-gorge lors des auditions et quelquefois même lors des présentations à l’autorité judiciaire ; la conservation des objets retirés dans des armoires ouvertes, etc.

Ces mesures reposent selon les lieux sur des motivations variables : « on a toujours fait comme ça » ; « c’est obligatoire » ; « c’est l’OPJ qui est responsable en cas d’inci-dent » ; « il n’y a pas de registre prévu » ; « on n’a pas les moyens » ; etc. Il est significatif également de constater que, s’il existe partout des exceptions à l’application des

prin-Les lieux de privation de liberté en 2016 43

cipes recommandés par le CGLPL, ce ne sont pas toujours les mêmes, de sorte que ce qui est dangereux ici ne l’est pas ailleurs et inversement. Ces constats privent de légiti-mité des mesures restrictives des droits très durement vécues par ceux qui les subissent.

Il est donc particulièrement nécessaire que des consignes claires soient adressées aux services de police et de gendarmerie pour fixer la doctrine en la matière et garantir son application.

Comme le CGLPL l’a indiqué à plusieurs reprises, et en dernier lieu dans son rapport annuel pour l’année 2015, un allégement des contraintes pesant sur les personnes privées de liberté est incompatible avec le maintien d‘un régime de responsabilité des fonctionnaires et des militaires qui fait peser sur eux une obligation de résultat portant sur « l’absence d’incident ». Ce régime doit être remplacé par une simple obligation de prendre des mesures raisonnables au regard des circonstances et d’une évaluation mesurée des risques. À défaut, les agents hésitent légitimement à renoncer à la suren-chère sécuritaire qu’ils considèrent comme seule à même de protéger leur responsabilité personnelle.

Il est nécessaire de définir, et d’enseigner aux fonctionnaires de police et aux militaires de la gendarmerie, une doctrine claire et équilibrée relative à l’usage des mesures de sécurité appliquées aux personnes gardées à vue et de soumettre ces agents un régime de responsabilité compatible avec une application individualisée et mesurée de cette doctrine.

Chapitre 2

Les rapports, avis et recommandations

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