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Deuxième partie :

B. Théologiens antérieurs en lien avec le débat christologique

7. Autres théologiens antérieurs en lien avec la polémique

Dans des circonstances particulières Sévère ne manque pas de faire appel à d’autres théologiens pour confirmer son enseignement ; il s’agit de Serge de Cyr, de Philoxène de Mabboug et de Dioscore d’Alexandrie.

178 HC 91, PO 25/1, p. 13-14.

179 Par ex. lorsqu’il parle des hérésies qui ont troublées la ville d’Antioche (cf. HC 1, PO 38/2, p. 259-263), ou qu’il raconte comment Grégoire de Nazianze a été envoyé à Constantinople à cause du débat christologique (cf. HC 9, PO 38/2, p. 343).

180 F. Alpi, La route royale, p. 242.

181 Cf. II. B. 7.3. Dioscore, archevêque d’Alexandrie, p. 148-149.

7.1. Serge, évêque de Cyr

Comme nous l’avons déjà vu dans sa première homélie prononcée à Cyr en octobre 514, Sévère prépare les fidèles à entendre ce qu’il a à dire contre Théodoret. À cette occasion il évoque, sans le nommer, Serge l’évêque de Cyr et le félicite sur la manière dont il prend soin de ses fidèles183. Dans sa seconde homélie à Cyr, c’est dans son exorde qu’il met le focus sur l’évêque. Toujours sans le nommer, il apostrophe son public avec ces paroles :

« Parce que nous avons vu que le fondement qui est Jésus-Christ184 a été bien posé par le docteur et sage maître-charpentier de cette Église sainte, qu’il a été jeté en profondeur et consolidé, après que votre cœur eut été creusé d’une façon très habile et d’une manière convenable avec le noyau doctrinal des dogmes de la piété, et qu’il n’est ni ébranlé par l’imagination manichéenne et athée d’Eutychès, ni sapé par le manque impur d’intelligence d’Apollinaire, ni brisé en deux tronçons isolés par la folie juive de Nestorius de la dualité des natures après l’union, mais que (le Christ), formé de deux, à savoir de la divinité et de l’humanité qui sont entières selon leur notion propre, sans confusion et sans division, est confessé un seul Fils (et) un seul Seigneur d’après la seule personne, la seule hypostase et la seule nature incarnée du Verbe, (pour cette raison donc) nous continuerons nous aussi de bâtir avec précaution sur ce fondement bien établi »185.

Comme dans l’homélie précédente, le patriarche met à l’honneur l’évêque de Cyr et se situe dans sa continuité en espérant, par là, gagner l’écoute de ses auditeurs. Ses premières paroles mettent en évidence sa position christologique dans ce sermon dont l’enseignement va d’abord se concentrer sur le Christ « pierre angulaire ». Avant de débattre contre Théodoret, le prédicateur s’assure la bienveillance de son auditoire en soulignant leur résistance contre les hérésies d’Eutychès, d’Apollinaire et de Nestorius, ce qui est une manière subtile de sous-entendre qu’ils sont aussi capables de résister

183 HC 58, PO 8/2, p. 214-215. Cf. II. B. 2.2. Lors d’une visite pastorale, p. 124-125.

184 1 Corinthiens 3, 11.

contre les idées de Théodoret. Nous verrons, plus loin, comment Sévère dresse un catalogue des hérétiques qu’il combat, comment il les associe et leur attribue à chacun un qualificatif.

7.2. Philoxène, évêque de Mabboug

Dans sa troisième homélie à Cyr en octobre 514, les chrétiens implorent l’évêque d’Antioche de rester avec eux « afin d’entendre encore une autre instruction »186. Sévère leur dit qu’il leur a suffisamment parlé « au sujet des dogmes »187 et prononce une homélie exégétique sur Élie188 et les prophètes de Baal. Ce texte lui fournit l’occasion d’affirmer sa christologie qu’il exprime en ces termes :

« Nous aussi donc, nous avons dit en toute liberté à ceux qui se conduisent d’une manière hypocrite, en confessant d’abord un seul Christ et en le divisant ensuite en deux par la dualité des natures après l’union : Jusques à quand boiterez-vous

des deux jambes ?189 Si le Christ est un, confessez une la nature incarnée du Verbe, et si après l’union vous proclamez deux natures, ne faites pas semblant de dire un par la langue celui que vous avez scindé en deux. […] Mais nous, nous avons établi l’autel de la vraie science sur les douze pierres de la doctrine inébranlable des douze apôtres, nous avons dépecé l’holocauste spirituel par la subtilité des dogmes et nous l’avons coupé par morceaux »190.

Le texte biblique permet au prédicateur de rebondir et de contrer ses adversaires sur leur inconstance et incohérence et, par ailleurs, de se positionner comme celui qui détient « la vraie science ». Plus loin, au cours de son argumentation, Sévère ne manquera pas de dénoncer au passage « Théodore, ancien évêque de Mopsueste et maître de Nestorius et Théodoret »191. C’est à la fin de ce sermon que Sévère évoque une personnalité religieuse bien connue de ses auditeurs :

186 HC 60, PO 8/2, p. 244. 187 HC 60, PO 8/2, p. 245. 188 1 Rois 18, 21-40. 189 1 Rois 18, 21. 190 HC 60, PO 8/2, p. 247-248. 191 HC 60, PO 8/2, p. 250.

« En réponse à votre foi véritable et orthodoxe, Dieu a encore suscité et établi sur vous ce saint vieillard, à savoir l’excellent pasteur de votre métropole ; il est venu avec la plénitude de la bénédiction du Christ, et, à l’exemple de Jacob […] Si le temps et la maladie ne l’avaient pas abattu, il se serait peut-être levé en entendant des paroles des hérétiques »192.

Il s’agirait ici du métropolitain Philoxène de Mabboug193. L’on peut s’interroger pourquoi Sévère ne le nomme pas, mais il convient de remarquer qu’il n’a pas non plus nommé l’évêque Serge. Il est fort probable que ces personnalités religieuses étaient présentes lors de l’homélie et que le patriarche s’est contenté de les désigner de la main. Toujours est-il que le patriarche prend soin de s’appuyer sur des autorités reconnues pour leur foi orthodoxe par les fidèles de cette contrée, même s’ils ne sont pas des docteurs de l’Église.

7.3. Dioscore, archevêque d’Alexandrie

La communion entre Antioche et Alexandrie est particulièrement étroite comme en témoigne l’avènement de Dioscore II194 puis, à sa mort, celui de Timothée III195. En effet, en juin 516, dans la Grande Église d’Antioche, Sévère prononce un sermon « lorsque devaient être lues les lettres synodiques du pieux Dioscore »196. Son homélie commence par une exhortation à chanter et crier les louanges de Dieu. Il laisse alors exploser sa joie et s’écrie :

« C’est vraiment, en effet, l’œuvre de la puissance du Seigneur que les Égyptiens viennent chez nous, que, nous-mêmes, nous allions chez les Égyptiens et que nous

192 HC 60, PO 8/2, p. 252-253.

193 HC 60, PO 8/2, p. 252, note 3.

194 Dioscore II fut patriarche d’Alexandrie de mai 516 au 14 octobre 517, date de sa mort. Cf. F. Alpi, La

route royale, p. 224-225.

195 Il pourrait aussi s’agir de Timothée IV car, suite à une non-reconnaissance de Timothée II par les Coptes, une incertitude demeure « quant à la désignation des patriarches alexandrins répondant ensuite au nom de Timothée ». F. Alpi, La route royale, p. 50, note 153.

196 HC 93, PO 25/1, p. 44. Étant donné que l’avènement de Dioscore II eut lieu en mai 516 et que l’HC 92 est datée du 27 mai 516, nous situons cette homélie en juin 516.

nous joignions à eux par le lien de la foi, qu’avait brisé Nestorius ainsi que sa bande impure »197.

Il expose alors sa compréhension des deux natures, à savoir que le Christ est « un de deux sans scission »198 et affirme ensuite : « C’est en cela que Dioscore nous approuve aujourd’hui, lui qui a reçu en héritage le siège évangélique du divin Marc, en vertu d’un décret qui (vient) d’en haut »199. Par là, l’évêque fait référence à l’avènement de Dioscore II sur le trône patriarcal d’Alexandrie au mois de mai 516. Il ne s’agit pas d’une simple information mais d’un réel sujet de joie pour le patriarche d’Antioche qui, dès le début de son ministère, a exprimé « son intention de renouer avec le siège alexandrin » que son prédécesseur, Flavien II, avait rompu200. Il est d’ailleurs fort probable, qu’en parlant de la « bande impure » de Nestorius, Sévère fasse allusion à Flavien II.

Dans le prolongement de son éloge à Dioscore, le patriarche souligne que, pour la ville d’Alexandrie « qui aime le Christ » et pour ses pasteurs, ses dogmes et ses doctrines descendent « comme un héritage paternel, aussi sur ceux qui (viennent) ensuite et (cela) ne présente jamais d’interruption ; car chez eux, il est aussi naturel de croire d’une manière saine que de respirer l’air »201.

Pour parachever sa pensée et convaincre ses auditeurs de l’importance des liens avec Alexandrie, il cite la prophétie d’Isaïe : En ce jour-là, il y aura un autel pour le

Seigneur dans le pays des Égyptiens, et une colonne pour le Seigneur auprès de sa frontière, et elle sera un signe pour toujours pour le Seigneur des armées dans le pays d’Égypte202. Sévère contextualise cette prophétie et la rapproche de son temps en affirmant que « l’autel des Égyptiens est l’autel du Seigneur, parce que leur foi aussi n’est pas variable dans le temps, mais est écrite ainsi que sur une colonne »203. Le prédicateur joue sur la proximité géographique entre les deux pays et met en exergue les termes de

197 HC 93, PO 25/1, p. 44.

198 HC 93, PO 25/1, p. 45.

199 HC 93, PO 25/1, p. 46.

200 F. Alpi, La route royale, p. 242.

201 HC 93, PO 25/1, p. 46.

202 Isaïe 19, 19-20.

« colonne » et de « frontière », la colonne représentant la solidité de la foi des Égyptiens et la frontière un signe et un témoignage pour Dieu. Selon Sévère, Isaïe a prédit « leur union et leur association » avec l’Égypte et affirme en voir « maintenant la réalisation ». Pour Sévère, il est clair que cette prophétie trouve sa réalisation formelle au travers des lettres synodiques qu’il a reçues. Avec assurance et confiance, il exhorte alors ses paroissiens à cultiver cette communion :

« Nous qui sommes fidèles, allons chez les fidèles. […] Servons-nous les uns les autres d’une manière libre, spirituelle et maîtresse d’elle-même, en obéissant à la loi apostolique […]. Car savoir servir ainsi pour le salut des frères, c’est (l’affaire) des hommes qui sont vraiment grands »204.