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Deuxième partie :

C. Hérétiques liés au débat christologique

3. Arius, Eunome et Sabellius

Dans le corpus homilétique, Arius est mentionné seul ou, à quelques occasions, en lien avec les hérétiques cités précédemment, notamment Nestorius. Quant à Eunome et Sabellius, ils sont toujours cités par rapport à Arius, c’est pourquoi nous les listons ensemble.

3.1. Arius (et Eusèbe de Césarée)

C’est par le biais de l’histoire, comme nous l’avons déjà fait remarquer pour d’autres hérétiques, que Sévère mentionne Arius. Le jour de la commémoration de Basile

134 HC 80, PO 20/2, p. 328.

135 Allusion à Matthieu 6, 24 ; Luc 16, 13.

136 HC 80, PO 20/2, p. 328.

137 HC 80, PO 20/2, p. 329.

138 HC 80, PO 20/2, p. 329.

de Césarée et Grégoire de Nazianze et, pour souligner que ce dernier a triomphé « de toutes les hérésies »140, Sévère relate les folies qui sévissaient en ce temps-là à Constantinople, et notamment celles d’Arius et de Macédonios141. Ailleurs, il compare l’enseignement de « ces bienheureux docteurs universels et naturels » à un fleuve « qui renversa les opinions tortueuses d’Arius et d’Eunome disant que le Créateur des mondes, le Verbe et Fils de Dieu, n’était qu’une créature »142. Les mentions de ces hérétiques ont pour vocation de renforcer l’éloge de la personne dont il fait mémoire mais aussi d’avertir ses fidèles. Ainsi, fin janvier 513, jour de la commémoration du martyr Babylas, qu’il admire particulièrement pour son enseignement, l’évêque s’écrie :

« Qu’ils rougissent, les admirateurs et les disciples d’Arius, et qu’ils sachent clairement que la foi et l’enseignement des apôtres et des martyrs connaît le Fils comme consubstantiel à Dieu le Père »143.

Ici, Sévère adresse aux Ariens, d’une manière indirecte, sa confession de foi basée sur les Écritures et sur le concile de Nicée au travers de la formule « consubstantiel au Père ». Il va de soi que Babylas, en tant que théologien antérieur à Arius ne pouvait pas lui être associé au niveau historique. Mais c’est sur le plan doctrinal que Sévère les relie en se servant de l’enseignement qu’il prête à Babylas pour réfuter les Ariens, à savoir « Toutes les fois que les chrétiens nomment le Christ, ils confessent également le Père, et toutes les fois qu’ils nomment le Père, ils confessent aussi le Fils, car le Père n’est pas distinct du Fils, ni le Fils, du Père »144.

Ce sermon ne permet pas d’affirmer la présence des héritiers d’Arius à Antioche en ce début du VIe siècle. Cependant, dans l’homélie du 30 mars 514, Sévère parle de

140 HC 9, PO 38/2, p. 343-345.

141 Évêque de Constantinople au IVe siècle qui donna son nom à l’hérésie pneumatomaque. Macédonios est cité par Sévère dans trois HC : 9, 98 et 116. À ne pas confondre avec Macédonios II, patriarche de Constantinople (495-511) et rival de Sévère, nommé une seule fois dans sa dernière homélie (voir HC 125, PO 29/1, p. 235).

142 HC 37, PO 36/3, p. 481.

143 HC 11, PO 38/2, p. 373-375.

« ceux qui courent à cette maison des Ariens, comme s’ils allaient à l’Église »145 ce qui atteste clairement la présence d’un lieu de culte arien à Antioche146.

À une autre occasion, le 1er juin 515, dans son éloge au martyr Barlaha, après avoir réaffirmé sa doctrine au sujet de l’engendrement du Verbe qui « ne peut pas être compté avec les créatures », Sévère s’écrie : « Que les Ariens soient repris par ces (paroles), et qu’ils sachent que leurs pensées sont étrangères à la foi des martyrs »147. C’est aussi en lien avec Arius que le prédicateur blâme Eusèbe, par le biais de l’histoire, lorsqu’il s’écrie :

« Parce que, si Eusèbe de Césarée, contaminé, lui aussi, par la maladie d’Arius, a écrit l’histoire des belles actions des glorieux martyrs de Palestine, ce n’est pas pour cela que nous disons que ces athlètes de la vérité avaient les pensées d’Arius »148.

Sévère se place ici en opposition avec l’historien qu’il réfute aussi à d’autres occasions, notamment en été 513 lorsque, faisant référence au concile de Nicée qu’il qualifie d’« honorable » et « saint », il souligne qu’il « y eut Eusèbe de Césarée qui combattait avec l’hérésie arienne »149. La présence d’Eusèbe ne suffit pas à Sévère pour rejeter ce concile car Arius y a été excommunié.

À plusieurs reprises, Arius est mentionné en lien avec Nestorius, comme dans le sermon sur l’Épiphanie du 6 janvier 513 où Sévère prêche sur le baptême de Jésus. Au cours de son développement, il en arrive à la parole du Père prononcée du haut des cieux et déclare :

145 HC 43, PO 36/1, p. 93.

146 Ce lieu de culte est difficile à identifier. Alpi parle d’« une énigmatique maison des Ariens ». Cf. F. Alpi, « Le paysage urbain d’Antioche sur l’Oronte dans les sources syriaques anciennes », dans B. Cabouret, J.-M. Carrié, D. Feissel & C. Saliou (éd.), Les sources de l’histoire du paysage urbain d’Antioche

sur l’Oronte, Actes des journées d’études, Université Paris 8, 20-21 septembre 2010, Saint-Denis, 2012, p.

154.

147 HC 73, PO 12/1, p. 94.

148 HC 30, PO 36/4, p. 611. Ici, Sévère fait référence aux Martyrs de Palestine d’Eusèbe de Césarée, Histoire

ecclésiastique, Livres VIII-X et les martyrs en Palestine, trad. et notes par G. Bardy, 4e éd., Paris, Éd. du Cerf (Sources Chrétiennes 55), 1993, appendice au livre VIII, p. 41-42.

« C’est clairement en effet, et comme en le montrant du doigt, qu’il a dit :

Celui-ci est mon Fils150, celui qui est vu par ceux qui se tiennent autour de lui, et non

pas, comme dit Nestorius, "celui qui est caché dans celui qui est vu"151. En effet, si cela était, il dirait : "En celui-ci est mon Fils", et non pas : Celui-ci est mon Fils. Mais lorsqu’il a dit d’une manière démonstrative : Celui-ci est mon Fils, il a montré que celui qui est vu, parce qu’il était incarné, le même est aussi le Verbe invisible selon la nature et le Fils véritable du Père. Car la (parole) : "Il est" montre la vérité et l’égalité selon l’essence afin d’éliminer de là aussi l’abomination d’Arius qui dit : "Il y avait un temps quand le Fils n’existait pas"152. En effet il est perpétuellement […] et n’est changé par rien. Ces mots : Bien-aimé en qui j’ai mis

mes complaisances153, appliqués à l’Économie qui nous regarde, montrent encore la grandeur de la charité »154.

Ici Nestorius et Arius apparaissent côte à côte et Sévère les réfute au travers d’une exégèse des paroles de Dieu lors du baptême de Jésus.

3.2. Eunome

Lorsque Sévère évoque Eunome155, il ne s’étend pas sur sa christologie et le cite brièvement. C’est le cas dans son sermon sur l’anathème de 513 où Eunome apparaît furtivement, en fin d’homélie, au côté d’Apollinaire et de Mani156. Le plus souvent, c’est sur le mode narratif que Sévère fait allusion à Eunome, comme dans la catéchèse de 517 où il raconte que Basile a interrogé Eunome « qui avait eu soin de couvrir la folie d’Arius par des bavardages remplis de discussions et de blasphèmes »157. Si le prédicateur ne cite

150 Matthieu 3, 17.

151 Nestorius, Le livre d’Héraclide de Damas, p. 209.

152 Cette formule d’Arius, ἦν ποτε ὅτε οὐκ ἦν, est citée ailleurs par Sévère. Par ex. dans HC 72, PO 12/1, p. 74. Cf. G. Alberigo, A. M. Ritter, L. Abramowski [et al.], (éd.), Conciliorum Oecumenicorum

Generaliumque Decreta I, The Oecumenical Councils. From Nicaea I to Nicaea II (325-787), Editio critica,

Turnhout, Brepols (Corpus Christianorum Conciliorum Oecumenicorum Generaliumque Decreta), 2006, p. 5.

153 Matthieu 3, 17.

154 HC 10, PO 38/2, p. 363.

155 Eunome (335-395) est nommé dans six HC : 29, 37, 71, 81, 109 et 116.

156 HC 29, PO 36.4, p. 607.

pas davantage Eunome dans ses sermons, c’est qu’il considère que son enseignement est identique à celui d’Arius, ce que laisse entendre la catéchèse de 517.

En mai 515, Sévère commente Philippiens 2, 11 et renvoie ses auditeurs à la parole de Jésus : celui qui a vu le Fils a vu le Père158. Il ajoute alors : « Ces (paroles) touchent également la folie d’Arius et d’Eunome qui disent que le Fils de Dieu est une créature et qu’il ne ressemble pas au Père » 159. Le reproche adressé à Arius et Eunome porte sur l’engendrement du Fils et c’est autour de cette question que Sévère les rassemble sous la même enseigne sans s’attarder sur les nuances christologiques propres à chacun d’eux. Il en est de même dans l’homélie exégétique portant sur le didrachme160 où, voulant faire réfléchir son public sur l’identité du Christ et sur l’absurdité de ces hérésies, il s’écrie :

« Comment donc appellerions-nous, comme Arius, ou Eunome, créature ou (Fils) non semblable (au Père) celui qui règne avec le Père parce qu’il est Fils et qui n’est pas un étranger, mais son (Fils) propre et véritable ? Ou comment le Fils et le Dieu de Dieu donnerait-il le tribut au Père céleste ? »161.

3.3. Sabellius

En lien avec Arius, Sabellius est mentionné par Sévère dans trois homélies catéchétiques, en 514, 515 et 517162. Comme à son habitude dans ses catéchèses, le patriarche s’attache à enseigner le mystère de la Trinité et de l’incarnation et, comme nous pouvions nous y attendre, c’est dans ce cadre-là qu’il cite Sabellius. En effet, le sabellianisme était accusé de porter atteinte au dogme de la Trinité en faisant du Fils et du Saint-Esprit des « modes » du Père.

Lorsqu’il réfute la folie d’Arius, à savoir qu’il y avait un temps où le Fils n’était pas, c’est en lien avec la parole de Jean : Au commencement était le Verbe163. Son

158 Jean 14, 9.

159 HC 71, PO 12/1, p. 63.

160 Matthieu 17, 24-27.

161 HC 81, PO 20/2, p. 360.

162 Sabellius (évêque de Ptolémaïs de 250 à 260) est nommé dans trois HC catéchétiques : 42, 70 et 109.

argumentation, ponctuée par l’adverbe « en effet », souligne fortement sa pensée qui se trouve renforcée par sa réfutation de Sabellius. Ainsi le pasteur fait d’une pierre deux coups en associant la réfutation d’Arius à celle de Sabellius qu’il introduit en ces termes : « Par-là est détruite également l’opinion mauvaise et athée de Sabellius le Lybien, qui disait une seule hypostase du Père et du Fils et mêlait et confondait ensemble les deux, en sorte vraiment que le même soit nommé Père et en plus Fils et Esprit Saint, et que la Trinité soit ornée plutôt par des appellations vides, et non pas glorifiée. En effet, si le Fils était Dieu et s’il était auprès de Dieu164, il était comme un autre auprès d’un autre, en sorte donc qu’ils sont, d’une part, distincts seulement dans l’hypostase, parce que celui-ci d’un côté est le Père, celui-là, d’un autre, est le Fils ; et ils sont, d’autre part, (tout) proches dans la divinité et dans l’identité de l’essence »165.

Plus loin, le pasteur d’Antioche justifie ses propos en s’écriant :

« Or ces choses, ce n’est pas à titre d’indication que je les ai rapportées, mais comme nécessaires et utiles pour ceux qui dans les débuts accèdent à l’enseignement de la foi, et en m’appliquant à arracher à l’avance tout germe d’ivraie et de fausses doctrines, afin qu’elle ne nuise pas à la semence de bonne espèce »166.

Le berger ne polémique pas pour le plaisir mais dans un but préventif, à savoir « arracher à l’avance » tout ce qui peut nuire à la croissance spirituelle de ses catéchumènes. Ce mercredi 26 mars 514, Sévère a d’ailleurs abordé ses auditeurs en soulignant qu’ils forment un auditoire varié en maturité spirituelle. Cependant, prenant un peu de distance avec l’assemblée et tournant les regards vers Dieu, l’orateur s’écrie : « si en vérité j’élève à nouveau un peu mon esprit à la hauteur du mystère – car c’est là ce qui est proposé aujourd’hui à mon enseignement et à l’expression de la recherche – je

164 Jean 1, 1.

165 HC 42, PO 36/1, p. 41.

ne distingue pas alors de différence parmi les auditeurs »167. Le patriarche se dit attiré par « la lumière de la théologie »168 et dépendant de l’Esprit Saint, c’est pourquoi en tant que porte-parole de Dieu il affirme : « ce qui est dit ne relève plus de mon jugement, mais de ce souffle qui (vient) d’en haut »169. Il exprime alors sa perplexité en ces termes :

« Que faut-il donc faire ? Fixer l’œil sur la contemplation d’en haut et passer complètement sous silence ce qui (est) en bas ? Mais je crains que celui qui est catéchisé ne fuie la splendeur de la parole, en ne supportant pas la vue des rayons qui en (proviennent) et que je n’aie besoin, moi d’un voile, c’est-à-dire d’une parole capable de cacher l’élévation des pensées à la façon de Moïse descendant de la montagne […]170. Et quoi donc ? Faut-il que nous retirions de force notre esprit de ce qui est (trop) élevé ? Mais si nous faisons cela, nous serons à nouveau ceux qui crient de terre et qui parlent en l’air […]. Nous n’irons donc, ni de ce (côté-)ci, ni de ce (côté-)là, mais nous marcherons suivant une direction intermédiaire, tantôt en effleurant le caractère caché des pensées, tantôt en nous écartant de ce qui est (trop) profond et en partant d’un pied léger, comme si nous étions ballottés à l’extrémité du navire et accordés en vue d’un cap nouvellement fixé »171.

Ces paroles sont caractéristiques de la tension qui habite Sévère. En effet, celui-ci cherche sans cesse à donner un enseignement équilibré et adapté à son public et, comme pour sa christologie, à suivre une voie médiane dans le but d’être compris par chacun de ses auditeurs et, selon leur degré de maturité spirituelle, les entrainer plus loin dans leur connaissance de Dieu. Son identification avec Moïse puis avec Ézéchiel, qui ordonnait aux prêtres d’ôter leur robe sacerdotale pour rencontrer le peuple172, manifeste le désir de proximité du pasteur avec ses fidèles.

167 HC 42, PO 36/1, p. 31.

168 HC 42, PO 36/1, p. 31.

169 HC 42, PO 36/1, p. 33.

170 Exode 34, 33-35. Sévère s’identifie ici avec Moïse dont le visage resplendissait à la suite de son entretien avec Dieu et qui avait besoin d’un voile pour ne pas être vu par les enfants d’Israël.

171 HC 42, PO 36/1, p. 33.

Par ailleurs, lorsqu’il enseigne, Sévère s’applique à bien choisir les termes qu’il emploie dans un sens qui convienne à Dieu, comme il l’exprime dans son homélie catéchétique du mercredi 15 avril 515 : « Pour parler simplement, choisis dans chacune de ces expressions ce qui convient à Dieu et jette au loin et à distance tout ce qui le fait descendre jusqu’à la ressemblance de notre pauvreté »173. Il semble qu’il y ait, à cette époque une présence juive à Antioche et que « des Juifs et des Samaritains se trouvent dans l’assistance, peut-être même au nombre des catéchumènes » 174 si bien que le prédicateur les exhorte en ces termes :

« Tu éviteras (ainsi) la pauvreté des Juifs et de Sabellius qui restreint la divinité à une seule personne et à une seule hypostase ; par cette une et même essence, tu renonceras au polythéisme d’Arius et des païens, qui multiplie tout en gardant l’unité, – chose encore étonnante, – en ce qu’il s’étend d’un à trois et que de nouveau il remonte à un »175.

En parlant de « un » puis de « trois », le théologien fait référence à la Trinité et associe Sabellius et Arius par l’opposition de leurs conceptions. En référence aux Juifs et aux Samaritains, il précise :

« J’ai développé (ces passages) dans le discours, afin que ce qui est dit convienne également à ceux qui parmi les Juifs et les Samaritains sont instruits de la parole de la piété, et que cela ne leur soit pas complètement étranger et inacceptable ; car l’instruction saisit et approche chacun d’après ses propres pensées »176.

Ainsi, dans ses prédications, le regard de Sévère est à la fois tourné vers le haut et vers le bas, autrement dit : il se préoccupe autant de trouver un sens qui convienne à Dieu et qui l’honore que de parler simplement pour être compris de ses auditeurs et les convaincre. Au cours du long exorde de son homélie du mercredi 22 mars 517, il rapporte,

173 HC 70, PO 12/1, p. 14.

174 F. Alpi, La route royale, p. 270.

175 HC 70, PO 12/1, p. 19.

à ses catéchumènes, la prière qu’il a adressée à Dieu pendant sa préparation. Il l’introduit en ces termes :

« En priant, en suppliant et en réfléchissant, je disais : J’ai conscience qu’il me faut prêcher la même Trinité et je sais la renfermer dans les mêmes dogmes au moyen de termes plus définis que les minuties de la géométrie. Mais ceci, (à savoir) par où je commencerai dans la prédication, il m’est impossible (de le dire). Les auditeurs, en effet, aiment que ta parole consiste non pas en une ou deux (considérations) prises parmi celles qui ont déjà été exposées, mais magnifiquement encore en toutes les nombreuses découvertes et pensées du Livre inspiré par Dieu, comme une mer débordante de la grâce qui (est) chez toi »177. Par ces paroles, Sévère souligne combien la prière, la réflexion et le dialogue avec Dieu participent pleinement à la préparation de son sermon. C’est le fait de rapporter sa prière dans un style direct, telle qu’il pourrait la formuler dans l’intimité, qui rend Dieu, d’une certaine manière, plus proche de ses auditeurs. Par ailleurs, en s’exprimant ainsi, le prédicateur dévoile un tant soit peu la nature de sa relation avec Dieu, qui peut être source d’inspiration pour ses fidèles.

C’est suite à sa réfutation d’Arius que Sévère interpelle son public à propos de Sabellius en s’écriant à propos des propriétés : « Arrête la confusion des Juifs et de Sabellius, celle des trois, et la division païenne d’Arius, celle de l’un »178. Alors qu’il qualifie Eutychès d’athée179, Sévère accuse Arius d’être polythéiste180 ou païen et le situe ainsi en dehors du christianisme. Par ailleurs, au travers des réfutations d’Arius et de Sabellius, Sévère vise les Juifs et les assimile aux « adversaires dogmatiques qu’il juge irrespectueux de la divinité de Jésus »181. Plus loin, dans le sermon, le patriarche mentionne d’autres hérétiques mais sans les mettre en lien avec Arius et Sabellius.

177 HC 109, PO 25/4, p. 736.

178 HC 109, PO 25/4, p. 748.

179 HC 35, PO 36/3, p. 447 et HC 59, PO 8/2, p. 231.

180 HC 70, PO 12/1, p. 19.

Conclusion

Ainsi donc, si le patriarche ne rédige pas de traités dogmatiques pendant son ministère à Antioche, il n’en transmet pas moins sa doctrine au travers de ses homélies. Les fêtes liturgiques autour de Noël et de Pâques lui donnent l’occasion d’enseigner sa christologie et sa sotériologie et de débattre autour des controverses, notamment à titre de prévention à l’égard de ses catéchumènes. Dans ses sermons de commémoration, il associe les saints et les martyrs à son combat christologique et enracine ce dernier dans la piété populaire. Ses homélies exégétiques, où les péricopes sont habituellement commentées verset par verset, lui permettent aussi d’aborder ses positions christologiques en les fondant sur l’Écriture. De plus, les sermons de circonstances, notamment l’anniversaire de son ordination et les visites pastorales, sont autant d’occasions, pour Sévère, de réaffirmer ses convictions doctrinales et de prononcer des anathèmes. Ainsi, le débat christologique traverse le corpus homilétique d’une manière constante sans une concentration particulière à une époque donnée ou à un type d’homélie.

Tout au long de son patriarcat à Antioche, Sévère se voue tout entier à sa tâche d’enseignant et, en particulier, à la transmission de sa christologie. Bien conscient de sa responsabilité devant Dieu, il s’applique à nourrir convenablement son auditoire avec un souci constant de prendre en compte l’ensemble de ses fidèles. Ainsi, lorsqu’il est en présence d’un public diversifié, notamment dans ses catéchèses, il veille à apporter tant du lait que de la nourriture solide selon la maturité spirituelle de chacun.

Par ailleurs, le patriarche est attentif aux réactions de ses auditeurs et, pour souligner l’attention qu’il leur porte, intègre leurs interrogations dans ses sermons. Il reprend l’une ou l’autre question posée en privé lorsqu’il estime que sa réponse contribue à l’édification de l’Église dans son ensemble. En outre, le pasteur anticipe les objections et, par des questions rhétoriques, répond aux interrogations qu’il a lui-même posées, soit