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Chapitre 2 : Approches thématiques de la collection d’art vidéo

2.3 L’empathie au cœur de la collection

2.3.2 Des architectures et des hommes

L’architecture dans les œuvres de la collection occupe une place toute particulière. Elle y est notamment le réceptacle des émotions et l’incarnation d’une mémoire historique (Enrique Ramírez557,

Uriel Orlow558). Dans cette recherche de l’empathie qui anime les collectionneurs, le bâtiment lui-

même dans lesquelles évoluent les corps semble être le vecteur émotionnel du discours de l’artiste. L’architecture figure également parmi les rares axes thématiques que les collectionneurs reconnaissent, a postériori, avoir suivis. Dans cette thématique architecturale de la collection, il faut tout d’abord noter des références nombreuses à des bâtiments iconiques dans lesquelles les artistes tournent leurs œuvres.

555 Lola Gonzalez (née en 1988), Veridis Quo, 2016, vidéo numérique HD, projection à canal unique, son, couleurs, 15

minutes, exemplaire 1/5. Capture d’écran reproduite en annexe 16, p. 68.

556 Née en 1988. 557 Supra, p. 95. 558 Supra, p. 74.

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a. De grandes références

Plusieurs œuvres prennent place dans des architectures modernistes ou célèbres. Il faut notamment penser à la piscine Royal du Commonwealth à Edimbourg The Bath House559 de Henna-

Riikka Halonen, à la maison en verre, la Casa das Canoas, construite par Oscar Niemeyer dans

Cinelandia560 de Loudigi Beltrame, aux habitations utopistes montrées dans A Necessary Music561

par Beatrice Gibson ou encore au Barbican Center film par Collectif_fact dans encore The Fixer562.

Dans ces références nombreuses, d’autres œuvres auraient également pu être pointées. À chaque fois, ces architectures célèbres sont explorées comme des lieux de création propices, mis en scène pour eux-mêmes et parfois personnifiés.

b. L’exploration du paysage moderne

Certaines œuvres sont aussi, dans lignée du goût pour le paysage urbain qui s’exprime dans la première collection de gravures, des explorations du paysage moderne, des villes et de leurs infrastructures, en perpétuelle évolution. Dans cet ensemble, il faut distinguer les œuvres qui explorent le paysage urbanisé et celles qui scrutent plus directement les villes. Les deux œuvres performatives de Christoph Rütimann, Handlauf Peking563 et Hanlauf um und nach stans

(Switzerland)564 , permettent une exploration physique d’un territoire nationale qui traduit son

organisation, tant urbanistique qu’architecturale. L’œuvre de Rachel Reupke565 Infrastructure566

témoigne de l’importance grandissante des infrastructures liées aux moyens de communication dans les paysages naturels.

Si l’œuvre d’Arash Nassiri567, retraite une vue aérienne et nocturne de Los Angeles comme une

manière plastique à travailler, d’autres œuvres ont une approche plus incarnée de l’exploration des

559 Henna-Riikka Halonen (née en 1975), The Bath House, 2009, Vidéo numérique HD, projection à canal unique, son,

couleurs, 12 minutes et 50 secondes, exemplaire 1/5. Capture d’écran reproduite en annexe 16, p. 67.

560 Luidigi Beltrame (né en 1971), Cinélandia, 2012, film super 8 numérisé, projection à canal unique, son, couleurs, 30

minutes et 30 secondes, exemplaire 1/5. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 15, p. 56.

561 Beatrice Gibson (née en 1978), A Necessary Music, 2008, video numérique, projection à canal unique, son, couleurs,

29 minutes, exemplaire numéro 1. Capture d’écran reproduite en annexe 15, p. 63.

562 Collectif_fact, The Fixer, 2013, vidéo numérique, vidéo projection à canal unique, son, couleurs, 8 minutes et 24

secondes, exemplaire 1/5. Capture d’écran de l’œuvre disponible en annexe 15, p. 57.

563 Christoph Rütimann (né en 1955), Handlauf Peking, 2001, vidéo numérique à canal unique, projection, son, couleurs,

60 minutes, exemplaire 10 /20. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 13, p. 50.

564 Christoph Rütimann (né en 1955), Hanlauf um und nach stans (Switzerland), 2001, vidéo numérique à canal unique,

projection, son, couleurs, 61 minutes et 13 secondes, exemplaire 6 /20.

565 Née en 1971.

566 Rachel Reupke (née en 1971), Infrastructure, 2002, Betacam numérique, projection à canal unique, noir et blanc, son,

14 minutes, exemplaire 2/6. Capture d’écran de l’œuvre disponible en annexe 16, p. 68.

567 Supra, p. 73. Arash Nassiri (né en 1986), Téhéran-Geles, 2014, vidéo projection à canal unique, 2k, fichier numérique,

son 5.1 Dolby Digital, couleurs, 18 minutes et 9 secondes, exemplaire 1/3. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 14, p. 44.

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villes. C’est notamment le cas de Klara Liden dans Der Mythos des Fortschritts (Moonwalk)568 mais

aussi de Luz Maria Bedoya569 dans Direccion570 . Dans cette dernière vidéo, l’image accompagne

l’errance d’un conducteur de voiture qui demande, en vain, son chemin à plusieurs personnes de la ville de Lima. Cette pièce donne l’image d’une ville labyrinthique où celui qui lui est étranger ne peut qu’errer sans fin.

Ces vues de villes ou de paysages urbanisés accordent, contrairement aux premières gravures, une place beaucoup importante aux figures humaines.

c. Les lieux incarnés

Plus que d’explorer certains lieux avec leur caméra ou en y plaçant une figure humaine, certains artistes placent véritablement l’architecture au cœur du propos au point qu’elles en deviennent l’élément, le personnage presque, des vidéos.

Dans Maeve Connoly571, Charlotte Moth572 propose une évocation intime des lieux. La vidéo

est un diaporama de photographies personnelles qui représentent des architectures qu’elle a visitées au fil des années. Une voix off donne l’histoire des lieux imaginée par Maeve Connolly, historienne des images, qu’elle imagine seule face aux images, sans légendes ni contexte. Le commentaire à la fois subjectif et déductif invite à regarder l’architecture dans ses moindres détails et permet au spectateur de tisser des liens analogiques entre les architectures et avec celles de sa propre collection visuelle.

Les architectures futuristes, enfin, dans des œuvres qui tendent parfois vers la science-fiction, se prêtent particulièrement bien à être l’incarnation, presque personnifiée d’une émotion. Dans

Achrone573 notamment, Cécile Hartmann574 filme des ouvriers qui creusent sans fin le sable sous terre

pendant, qu’au-dessus de leurs têtes, d’immenses tours inachevées, de verre et de métal semblent tomber en ruines. La ville toute entière incarne alors le sentiment d’impuissance et de fatalité face au passage du temps qui semble abattre les ouvriers. Plus proche de la science-fiction, Sébastien

568 Supra, p. 102. Klara Liden (née en 1979), Der Mythos des Fortschritts (Moonwalk), 2008, vidéo numérique, projection

à canal unique, son, couleurs, 3 minutes et 30 secondes, exemplaire 5/5. Capture d’écran reproduite en annexe 15, p. 64.

569 Née en 1969.

570 Luz Maria Bedoya (née en 1969), Direccion, 2006, vidéo numérique à canal unique, projection, son, couleurs, 4

minutes 48 secondes, exemplaire 1/5. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 16, p. 69.

571 Charlotte Moth (née en 1978), Maeve Connoly, 2010, vidéo numérique, installation sur moniteur Trinitron avec un

casque, son, noir et blanc, 13 minutes et 16 secondes, exemplaire 1/3. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 16, p. 69.

572 Née en 1978.

573 Cécile Hartmann (née en 1971), Achrone, 2008-2011, vidéo numérique HD, projection à canal unique, son, couleurs

et noir et blanc, 12 minutes et 11 secondes, exemplaire 2/3. Capture d’écran de l’œuvre reproduite en annexe 16, p. 70.

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Caillat575 dans Une histoire sans gravité576 présente un bâtiment mobile, en plein cœur du quartier de

la Défense à Paris, dans lequel la position des habitations dépend du cours en bourse de la société qui les possède. Une jeune fille malade vit dans l’un deux. Prisonnière de sa maladie, elle l’est aussi de cette architecture dont elle ne peut s’échapper et du succès boursier de la société pharmaceutique qui les logent et qui l’empêche de voir le monde extérieur.

Les architectures dans ces œuvres de la collection sont le réceptacle d’histoires personnelles fortes, subjectives et incarnées.