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socioscientifiques : quelles perspectives ?

1. Quels positionnements face aux problèmes socioscientifiques ?

1.2 Appuis et obstacles au traitement des problèmes socioscientifiques

Il est vrai que si le traitement par les musées et centres de sciences des problèmes socioscientifiques n’est pas impossible, certaines caractéristiques de ces établissements le rendent difficile (Macdonald and Silverstone 1992) : héritage positiviste, impératifs institutionnels, contraintes des formats muséographiques. Cependant, deux aspects pourraient venir appuyer la prise en charge de ces problèmes : non seulement les publics semblent demandeurs d’expositions ou autres types de productions sur ces sujets (Le Marec 2001-2002 ; Mazda 2004) mais les musées et centres de sciences, en tant que fournisseurs d’information, bénéficient aussi d’un degré de confiance important (Cameron 1971 ; Natali 2006).

a) Héritage épistémologique : dépasser le deficit model ?

Le principal obstacle au développement de nouvelles approches contextualistes et participatives est l’héritage positiviste sur lequel se sont constitués les musées et centres de sciences. Nous avons montré que le deficit model a marqué à diverses époques les représentations sur la médiation des sciences, y compris dans ces établissements (chapitre 2). Les nouvelles approches proposées sont en opposition épistémologique totale avec ces schémas. Elles imposent aux musées et centres de sciences de revoir et modifier leurs missions en matière d’éducation et de représentation des sciences. Aborder la science en termes de controverses menace l’idée largement répandue que la médiation des sciences est une simple question de transmission de connaissances factuelles des scientifiques vers des individus ignorants (Macdonald and Silverstone 1992). En changeant de perspective et en abordant les débats, erreurs, incertitudes, passions et idéologies, les musées et centres de sciences sortiraient de la position rassurante sur laquelle ils se sont constitués. Par ailleurs, beaucoup de professionnels du secteur sont persuadés du bien fondé de l’entreprise vulgarisatrice suivant le deficit model et de l’existence d’une science pure (Toon 1996). La critique de la science pure serait même devenue un interdit, un tabou dans les centres de sciences (Hughes 2001). Les approches contextualistes constitueraient une véritable révolution culturelle. Certains sont strictement opposés à la présentation d’aspects extrascientifiques. A titre d’illustration, lorsqu’interrogé sur les possibilités de présenter les aspects sociaux, économiques, politiques du changement climatique dans une exposition permanente sur le climat présentée au Palais de la découverte depuis 1997, l’un des concepteurs de l’exposition répondait:

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Non. On avait décidé que non, on voulait pas tout mélanger. Il s'agissait déjà au Palais de donner les cartes scientifiques. Point. Tout ce qui est discussion politique et autre, c'était ailleurs.

Médiateur du département Science de la Terre du Palais de la découverte, entretien réalisé en mars 2007 L’exposition a en effet pour ambition de présenter le discours de la science sur le sujet à travers les données scientifiques dans le but, selon ce médiateur, de « permettre au citoyen de base de se faire

une idée sur ce réchauffement, à partir de mesures »135. Girault et Debart, à partir d’une enquête auprès de commissaires scientifique et de concepteurs muséologiques au Muséum National d’Histoire Naturelle, notent que si ces professionnels sont parfois persuadés de l’importance de traiter des aspects controversés d’une question, cela reste du domaine des déclarations d’intention (Girault and Debart 2001-2002)136. Il peut exister un débat au sein de l’institution mais l’approche de l’exposition sera consensuelle. Certains souhaiteraient une mise en scène des controverses internes à la communauté de recherche, pour d’autre ces conflits n’ont pas lieu d’être présentés aux publics. Les commissaires scientifiques cherchant le consensus de leurs pairs, refuseraient de traiter publiquement les questions en débat au sein de leur communauté. Comme le dirait Shapin : « not in

front of the children!» (Shapin 1992). Cependant, si les controverses ne sont pas portées aux yeux

des visiteurs dans les expositions, elles ne sont pas absentes des réflexions des concepteurs. Par exemple, lors de la création du département de physique nucléaire et énergie atomique au Palais de la découverte dans les années 1950, les débats publics sur l’utilisation de l’atome ne sont pas présentés dans l’exposition mais ils structurent l’approche des concepteurs. Ceux-ci considèrent que face aux peurs irrationnelles générées par Hiroshima, il convient d’instruire le public afin qu’ils saisissent les enjeux de l’énergie nucléaire (Boudia 2003). On est alors pleinement dans le schéma positiviste du deficit model.

Comme le note Durant, les interprétations muséologiques de la signification sociale des sciences et technologies sont potentiellement conflictuelles dés qu’elles dépassent les termes strictement scientifiques et techniques (Durant 1996). Dès lors comment gérer les multiples références ? Quels sont les savoirs et opinions légitimes pour être représentés ? En présentant des positions contradictoires comment conserver l’idéal de neutralité du musée (Girault, Quertier et al. 2008) ? Le musée scientifique, s’est en effet construit historiquement comme un lieu calme, sûr, impartial et apolitique (Cameron 2005; Cameron 2007). La neutralité est-elle possible voire même souhaitable (Pedretti 2002) ? De son expérience au Science Museum, Xerxes Mazda tire la conclusion que malgré toutes les précautions possibles, une exposition sera toujours perçue comme biaisée par les visiteurs car chacun appréhende l’exposition de manières différentes selon un processus qui est tout sauf univoque (Mazda 2004). Il est donc vain de se poser la question de la neutralité mais cela ne signifie pas qu’il faille abandonner toute norme d’équilibre dans la présentation des contenus137.

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Notons que le visiteur, ici citoyen, serait donc à même de tirer les conclusions qui s’imposent sur le sujet à partir des courbes et graphiques qui ne sont pourtant pas ceux construits par les chercheurs :

« On passe par une courbe, je veux dire, mais la courbe elle va être enjolivée, on va pas la donner... ces

incertitudes et tout et tout » Médiateur du département Science de la Terre du Palais de la découverte,

entretien réalisé en mars 2007 136

Notons que cette enquête a été en partie renouvelée lors d’une étude sur le projet culturel et pédagogique du parc zoologique de Paris dans le cadre de rénovation (Quertier 2007)

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La question de la gestion des multiples références se pose également dans le cadre scolaire de l’enseignement des questions socialement vives, d’autant plus difficile que dans ce cas les logiques disciplinaires sont prégnantes (Legardez 2006 ; Albe 2008). Cette difficulté est atténuée pour les musées et

76 Par ailleurs, dans la lignée de l’idéal participatif, si le musée veut se positionner comme espace public, la parole doit être partagée entre le public et l’institution (Davallon, Grandmont et al. 1992). Or historiquement, le musée s’adresse à un visiteur passif et respectueux, silencieux dans les musées d’objet, acclamatif dans les centres de sciences. Comment sortir d’un processus de communication unidirectionnelle ? Pour Cameron, il convient de partager l’autorité à travers un partage des connaissances et opinons entre l’institution, les visiteurs et les acteurs d’un problème socioscientifique (Cameron 2005). Les écomusées138 développés dans le courant des nouvelles muséologies139, constituent une tentative d’un tel partage. Il s’agit d’intégrer la population d’un territoire à la conception et au fonctionnement du musée : le public n’est plus visiteur venant consommer une visite mais acteur à part entière de l’institution. L’écomusée se conçoit comme le miroir d’une communauté, un lieu où les gens viennent se voir, reconnaitre leur histoire et leur mémoire. Les écomusées concernent des patrimoines le plus souvent industriels ou ruraux. D’autres expériences d’intégration des communautés à des processus de conception muséale ont été développé comme par exemple dans le cadre de la rénovation du musée de l’Éducation Gabriela Mistral à Santiago du Chili (Orellana Rivera 2007). Nous venons d’évoquer les difficulté que peut poser l’héritage positiviste des musées et centres de sciences. Outre ces obstacles épistémologiques, le traitement des problèmes socioscientifiques pose également des problèmes très concrets de format.

b) Difficultés muséographiques

L’idée selon laquelle les problèmes socioscientifiques seraient difficiles à traiter dans les formats qui sont ceux du musée semble partagée. Aux difficultés épistémologiques s’ajoutent ainsi des difficultés muséographiques, liées aux formats et modes de production. Le premier problème est celui de la temporalité face à des sujets relevant des évolutions actuelles de la recherche (Farmelo 2004). Contrairement à d’autres médias comme la radio ou la télévision qui peuvent facilement proposer de nouveaux contenus et de nouveaux angles d’approches, le musée doit faire face avec ses expositions au problème de la mise à jour (Macdonald and Silverstone 1992). Les modes de productions expographiques habituels ne sont pas adaptés au rythme de l’actualité (Yaneva, Rabesandratana et al. 2009). Par ailleurs, sur le fond, il est plus difficile de rendre compte d’approche relativiste et constructiviste que de muséographier des certitudes dans une épistémologie de l’objectivité (Toon 1996). Formulé autrement, le musée ou centre de sciences sait parfaitement mettre en scène des faits établis et des démonstrations scientifiques, il lui est plus délicat d’aborder la science telle qu’elle

se fait, dans le sens que lui donnent les STS. Il ne s’agit plus de mettre en évidence des phénomènes

à l’aide d’interactifs du type hands-on (Pedretti 2002). Les concepteurs doivent en particulier centres de sciences mais pas forcément absente. En effet, certaines intitutions muséales sont organisée sur un schéma disciplinaire.

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Varine forge le terme d’écomusée lors de la création du musée de l’Homme et de l’Industrie qui deviendra par la suite l’écomusée du Creusot (Rasse 1999). On peut noter que la même année est ouvert l’écomusée de Marquèze dans les Landes. Pour Cachin, on a alors symboliquement avec ces deux écomusées, un musée industriel et un musée rural (Cachin 2005).

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Face au musée temple hérité du 19ème siècle et remis en question dans les années 1960-1970, plusieurs auteurs -Duncan Cameron, Hugues de Varine, André Desvallées, Georges-Henri Rivière- actifs dans le champ muséal, promeuvent de nouvelles conceptions du musée. Ces diverses contributions peuvent être rassemblées sous l’appellation de nouvelles muséologies. En opposition au musée temple, l’idée d’un musée forum émerge. Il s’agit de réaffirmer le rôle social du musée.

77 imaginer des façons de montrer des discours contradictoires dont la muséographie se révèle délicate (Girault and Debart 2001-2002). Il s’agit de révéler le désordre et la complexité du sujet abordé sans pour autant perdre le visiteur dans un discours confus (Meyer 2010). Le risque principal est de se rabattre sur des formats classiques revisités tels que les bornes multimédias, rassemblant un amas de contenus textuels peu engageant pour le visiteur (Pedretti 2002, Mazda, 2004 #254). Pour Hughes, il ne s’agit pas forcément d’inventer une nouvelle forme de médiation comme cela a pu être le cas avec l’approche hands-on, mais simplement de changer de perspective et de représentations sur les sciences, en utilisant les outils actuels (Hughes 2001). Le défi est donc de taille mais comme nous le verrons dans la partie suivante, les muséologues ont tenté d’y répondre avec de nouvelles perspectives et parfois de nouveaux formats de communication, si tant est qu’ils aient eu la possibilité d’expérimenter et innover au sein de leur d’institution. En effet, aux obstacles épistémologiques et muséographiques s’ajoutent des freins d’ordre institutionnels.

c) Freins institutionnels

Certaines difficultés du développement d’approches contextualistes sur des problèmes socioscientifiques tiennent au positionnement des établissements en termes d’identité et de publics. Celui-ci se résume pour beaucoup de centres de sciences par la formule : la science en s’amusant pour toute la famille (science is fun for the family) (Hughes 2001). Des sujets comme la vache folle, les OGM, le tabagisme, l’épuisement des ressources naturelles, etc. ne sont pas particulièrement amusant et s’adressent plutôt à un public adulte ou adolescent140, du moins pas aux jeunes enfants, et seraient en cela antinomiques du positionnement des centres de sciences (Pedretti 2002). Une offre sur ces thématiques peut toutefois être l’occasion d’attirer de nouveaux publics selon de nouveaux mode de visite (jeunes actifs et sans enfants, adulte en dehors de la visite familiale) suivant une logique d’augmentation de la fréquentation dans le contexte concurrentiel des industries culturelles (cf p.60). Mais cela peut aussi brouiller l’identité de l’établissement dans laquelle les publics habituels ne se reconnaitront peut-être plus. Il ne s’agit cependant pas de remplacer totalement « science is fun for family » par « science is controversy and uncertainty in society ». Les deux approches peuvent cohabiter et se compléter, le tout étant de négocier le virage et cette cohabitation en termes d’identité et de positionnement pour l’établissement. Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué à propos du développement des approches marketing dans les institutions muséales, la contrainte de l’audience peut entrainer une banalisation des propos dans le but de satisfaire avec un même produit le plus grand nombre possible de visiteurs (Davallon 1992)141. Un traitement lisse, omnibus, ne serait pas adapté à un problème socioscientifique et avant même cela, la crainte de déplaire à une partie des publics avec des sujets trop polémiques peut conduire à les évacuer de la programmation.

Ensuite, compte tenu des difficultés muséographiques, les concepteurs se trouvent face à la nécessité d’innover tant sur la forme que sur le fond. Or l’innovation ne peut être portée par une seule personne, cela demande l’engagement d’une équipe soutenue par une politique d’établissement en ce sens. C’est par exemple, ce qui s’est passé au Science Museum de Londres

140 A propos des publics adolescents voir les travaux de Lemerise et ceux de Timbart (Lemerise and Lussier-Desrochers 2005 ; Timbart 2007)

141 Comme nous le verrons dans la seconde partie de cette thèse, un phénomène similaire explique en partie, leur traitement journalistique omnibus, déconflictualisé et dépolitisé du changement climatique (Comby 2008).

78 après l’arrivée de Neils Colson à la tête de l’établissement en 1986. Reconnu comme ‘The

Experts’Expert’ of science museum directors’ dans le milieu muséal (Macdonald 2002), il entreprend

une réorganisation des départements et services de l’établissement (cf p.295). Par ailleurs, il instaure la notion de Public Understanding of Science comme nouvelle ligne directrice142. Même si personne au Science Museum ne semble pouvoir réellement définir ce dont il s’agit, cela permet à l’établissement de se démarquer vis-à-vis des autres établissements et d’instaurer une identité originale : « Public understanding of science was thus a label – even a kind of guarantee of quality

and worthy intentions – under which a variety of ‘products’ could be ‘sold’» (Macdonald 2002). Le Science Museum se distingue ainsi des autres grands musées nationaux dans la concurrence pour

l’attribution des fonds publics, si cruciale dans les années 1980-1990 (Macdonald 2002)143. Neils Colson va s’adjoindre les compétences de John Durant, figure incontournable des courants PUS puis PUR144, pour mettre en œuvre ce concept. John Durant initiera une série d’expositions légères intitulée Science Box. De 1991 à 1998, ces expositions ont couvert des sujets tels que le trou dans la couche d’ozone, les OGM ou encore le tabagisme passif. Cette expérience a nourri les réflexions sur le Wellcome Wing, une nouvelle aile du musée ouverte en 2000145 et dédiée aux sciences contemporaines (Mazda 2004). Au rez-de-chaussée, l’espace Antenna traite de l’actualité scientifique, dans les étages, on trouve plusieurs expositions sur des sujets comme la génétique et l’informatique. Nous traiterons de cet espace dans le chapitre 11. En parallèle, le Science Museum expérimente des formes d’évènements participatifs -Naked Science- à la suite desquels le Dana centre sera créé. Au cours de notre enquête, il est apparu que l’impulsion donnée par Neils Cosson et John Durant avait été déterminante. Ce dernier, à la fois, praticien et chercheur dans le domaine

Public Understanding of Science, a permis de relayer les travaux du domaine afin de nourrir la

réflexion des décideurs et concepteurs de contenus, relais qui semble manquer dans bien des cas. Les études et évaluations nourriraient en effet rarement la réflexion des décideurs des institutions muséales (Girault and Debart 2001-2002).

Au sein de l’institution, la prise en charge de sujets controversés aux implications sociales fortes, pose également la question de la relation aux tutelles et sources de financement (Pedretti 2002). Par exemple, le problème s’est posé à la Cité des Sciences et d’Industrie pour une exposition sur le

142 Nous verrons qu’aujourd’hui c’est l’idée de Public Engagement with Science qui prévaut dans cet établissement.

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Comme nous l’avons déjà signalé, selon Macdonald on peut avancer une autre raison pour laquelle le directeur du Science Museum met ainsi en avant le concept de PUS. Celui-ci présente un important potentiel de recherche et permet ainsi de répondre à la crique selon laquelle le Science Museum en se détournant des collections délaissent sa mission de recherche. En favorisant la recherche sur ce thème au sein du musée, la direction désarme ainsi ses détracteurs (Macdonald 2002).

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Titulaire d’un doctorat en histoire et philosophie des sciences (Cambridge, 1977), il est en 1989, le premier professeur à occuper une chaire en Public Understanding of Science en Angleterre (Imperial College). La même année, il est nommé Assistant Director et Head of Science Communication au Science Museum. En 2000, il prendra la tête de At-Bristol avant de partir au MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 2005 où il est Professeur adjoint au sein du programme STS et directeur du musée du MIT. Il est également l’un des fondateurs de la revue Public Understanding of Science.

145 Cette aile du musée (wing) est nommée d’après la fondation qui l’a en partie financée, the Wellcome trust (www.wellcome.ac.uk). Le Wellcome Wing a par ailleurs bénéficié des financements mis en place à l’occasion de l’an 2000 par la Millenium Commission qui a permis la mise en place d’autre projet entre autres de centres de science comme le Life Interactive Centre à Newcastle (Quin 2003).

79 pétrole146 qui mobilisait « la participation financière d’un partenaire industriel de ce secteur *…+ en

butte à des accusations fortes quant à ses relations avec le gouvernement du pays qu’elle prospectait » (Natali 2006). Deux panneaux sur ce sujet ont été intégrés à minima : l’un émanant de

la société pétrolière, l’autre d’une ONG. Cependant, malgré une étude préalable qui montrait une demande forte des visiteurs vis-à-vis d’un traitement des responsabilités de l’industriel, « la

dimension sociétale liée à la thématique envisagée pour l’exposition ne pouvait être réellement prise en compte par le dispositif muséal » (Natali 2006). Natali évoque des difficultés quant au

positionnement de l’industriel, aux procédures de conception et à la cohérence du système de communication conçu pour l’exposition. Que ce soit pour ces raisons (rhétoriquement édulcorées) ou tout simplement par un manque d’audace de la part de l’établissement qui se serait spontanément autocensuré, le fait est que l’exposition évacuait ces aspects un peu trop dérangeants pour un centre de culture scientifique et technique.

Avec un tel sujet, le musée ou centre de sciences s’engage sur un terrain peuplé d’intérêts, valeurs, idéologies, opinons, conflits, etc. qui peuvent se cristalliser autour d’une exposition, et ce de manière très violente comme dans le cas du projet Enola Gay, au milieu des années 1990. Cette exposition initiée par la Smithsonian Institution de Washington, devait présenter l’avion (l’Enola Gay) avec lequel la bombe atomique a été larguée sur Hiroshima en 1945. Les concepteurs avaient choisi une approche historique contextualiste interrogeant l’utilisation de la bombe. Suite aux pressions exercées entre autres par des groupes de vétérans, le projet initial a été abandonné et l’avion est aujourd’hui exposé en dehors de toute contextualisation (Pedretti 2002). Enola Gay est devenu un cas d’école dans les travaux sur les musées pour l’étude des implications épistémologiques et politiques d’une exposition (Gieryn 1998). Malgré toutes ces difficultés épistémologiques, muséographiques et institutionnelles, les musées et centres de sciences bénéficient cependant d’un éventuel appui au traitement de problème socioscientifiques dans une approche contextualiste : une demande des publics en ce sens.

d) Demande des visiteurs

Non seulement les publics semblent demandeurs de contenus sur les problèmes socioscientifiques (Le Marec 2001-2002 ; Mazda 2004) mais les musées et centres de sciences, en tant que fournisseurs d’informations, bénéficient comme nous l’avons précisé d’un degré de confiance important (Cameron 1971 ; Natali 2006). Pour Natali, le visiteur est un curieux qui cherche à se distraire dans une démarche ludo-éducative mais devient de plus en plus un citoyen « cherchant des éléments de