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L’ ANCRAGE TERRITORIAL DES CAPACITES D ’ ADAPTATION COMME GRILLE DE LECTURE DES DYNAMIQUES AGRICOLES DANS UN

Section 1. Concepts et outils pour appréhender les dynamiques territoriales liées à l’évolution des activités agricoles liées à l’évolution des activités agricoles

1. Le système famille-exploitation, un niveau de fonctionnement

1.2. Approches de la dynamique du système famille-exploitation

1.2.1. Trajectoires d’évolution

Les exploitations agricoles sont des systèmes dynamiques qui connaissent des changements, du fait de plusieurs facteurs, en particulier de leur dynamique propre en fonction des objectifs et de l’évolution démographique de la famille et des relations entre ses membres. Des changements de l’environnement écologique et social immédiat voire des évolutions du contexte économique régional, national ou mondial, peuvent aussi avoir des répercussions sur la dynamique des exploitations.

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Pour comprendre le fonctionnement actuel des exploitations agricoles et les projets des chefs d’exploitation, il est important de replacer ce fonctionnement dans la logique d’évolution des exploitations qui est traduite par le concept de « trajectoire d’évolution ».

L’analyse de l’évolution d’un ensemble d’exploitations soulève deux difficultés (Landais, 1996) :

- La première est d’articuler le temps du système famille-exploitation, fait d’une succession de phases qui marquent le cycle de vie et le temps long de l’évolution historique. Le temps long est celui qui fait apparaitre des trajectoires d’évolution porteuses de logiques de construction par opposition au temps « rond » qui rythme l’activité agricole suivant les cyclicité liées aux saisons (Landais, 1987). La trajectoire d’évolution «traduit le résultat observable d’interactions complexes entre des

tendances évolutives (souvent en liaison avec une transformation de l’environnement) et des phénomènes cycliques. » (Lericollais et Milleville, 1997).

- La seconde difficulté est la prise en compte des interactions entre exploitations.

1.2.2. Cycle de vie et succession

Le principal facteur naturel d’évolution des exploitations est la transformation de la famille avec le temps ou « cycle de vie » (Chia, 1987).

La notion de cycle de vie d’une famille se réfère à la période comprise entre le démarrage ou installation (bien souvent, initié par le mariage) et son transfert à la descendance. Elle passe par le développement, la mobilisation et la stagnation des moyens de production. L’existence tout au long de ces phases d’un arbitrage entre les besoins de la famille, ses aspirations, ses moyens et les exigences du système de production structure le système famille-exploitation avec l’évolution de la composition du groupe domestique, de l’âge du chef de famille, des projets individuels et collectifs, des facteurs de production disponibles.

L’évolution du groupe familial crée des changements dans les besoins du groupe et dans ses capacités de mobilisation de force de travail familiale pour l’exploitation et à l’extérieur de celle-ci (Arnalti et al, 1996). On assiste alors à la modification des objectifs du groupe et par là-même de la stratégie mise en œuvre.

Le chef d’exploitation commence par s’installer et à stabiliser petit à petit son exploitation. Puis il consolide ses projets et vieillit ; il prépare alors la succession pour ses enfants. A l’occasion de la succession, l’exploitation peut être divisée en de nouvelles entités.

En prenant en considération le rapport entre les besoins et les apports de la famille en main d’œuvre lors de cette évolution, plusieurs phases peuvent être identifiées (Chia, 1987 ; Génin et Elloumi, 2004, p.138 ; Figure 11) :

- Une phase d’installation : les besoins faibles sauf pour la construction du logement, mais cette décision peut être retardée selon la logique et les choix d’investir dans l’appareil de production ou dans celui du confort et donc du logement. Cette phase se caractérise par la faiblesse de la force de travail familial mobilisable (au mieux 2 UTH, unité de travail/homme). Le plus important dans cette phase est la nature du projet : développement de l’appareil de production ou amélioration du niveau de vie.

- Une phase de croissance (ou de transition) : la scolarisation des enfants peut faire apparaitre de nouveaux besoins incompressibles. La force de travail n’augmente pas sauf

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grâce à des appuis ponctuels des enfants ; les cultures installées sont en général peu demandeuses de main d’œuvre. Il s’agit de stabiliser la construction de l’exploitation.

- Une phase de maturité (ou stabilité) : elle est liée à l’entrée en activité des enfants et dépend donc de la durée de la scolarisation. Cette phase se traduit par une adaptation du système de production avec la disponibilité de la main d’œuvre et sa nature ; l’exploitation a atteint une « vitesse de croisière » et peut réaliser des investissements.

- Une phase de succession (ou déclin): préparation de la succession avec modifications dans la nature du système de production et réalisation d’investissements pour rendre l’exploitation viable et attractive pour la nouvelle génération. Il peut aussi y avoir un blocage en présence de deux générations … en général la succession est tardive, à la mort du père alors que le ménage est déjà dans la phase de croissance ou de maturité. S’il n’y a pas de successeur, c’est une phase de déclin avec non renouvellement de l’appareil de production.

Figure 11 : Cycle de vie d’une exploitation (d’après Chia, 1987)

Comme tous les modèles, celui-ci ne couvre pas l’ensemble des situations individuelles mais constitue un cadre explicatif suffisamment significatif pour être mobilisé dans divers types d’agriculture familiale.

Compte tenu du fait que la main d’œuvre dans les exploitations familiales africaines est essentiellement familiale, et que les niveaux de mécanisation sont faibles, les événements susceptibles d’influer sur la démographie de la famille (maladies, épidémies) jouent un rôle de premier plan dans l’évolution des exploitations.

Les migrations sont aussi à prendre en compte : il peut s’agir de migration de travail saisonnière ou de recherche de nouvelles terres (pâturages ou terres à défricher). Si l’exploitation perd de la main d’œuvre elle peut aussi y gagner des revenus non agricoles susceptibles de renforcer sa trésorerie ou assurer son extension pour nourrir de nouvelles bouches.

Actuellement, il est constaté une tendance à l’éclatement et à la nucléarisation des exploitations agricoles, même dans les régions où traditionnellement une exploitation correspondait à une grande famille (Gafsy et al, 2007).

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1.2.3. Interactions entre exploitations

Une seconde difficulté posée par l’analyse des changements qui affectent une exploitation agricole est la prise en compte des interactions avec les autres exploitations : concurrence pour l’accès aux ressources (problèmes fonciers) et aux marchés, entraide (échange de travail et d’équipement), circulation des informations, etc.

Les changements s’opèrent toujours au sein d’un groupe ce qui nécessite de replacer les changements observés dans une exploitation au sein de l’unité sociale qui a du sens pour elle (le lignage, la famille élargie, une association, une communauté villageoise, etc.) et de faire des allers-retours entre analyse de cas et études transversales.

Par exemple, dans les populations forestières traditionnelles, le droit foncier coutumier porte à la fois sur les terres de culture et le territoire forestier, et est régi par une unité clanique ou lignagère (Delvingt, 2001) La terre est un bien collectif inaliénable et le droit d’exploitation est imprescriptible. Les lignages exercent un droit de propriété sur le terroir forestier de leur village. Des modifications de ce régime sont observables suite à la moindre mobilité des familles (sous l’influence coloniale), à l’augmentation démographique et surtout à l’adoption de cultures de rente. Plus la pression démographique se fait sentir, plus le mode d’accès à la terre se précise.

Ainsi tout processus de changement concernant le système d’activité ou le mode d’usage des terres au niveau d’une exploitation agricole doit s’appréhender au sein d’une unité sociale. La seule analyse des caractéristiques internes des exploitations n’est pas suffisante.

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