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L'APPROCHE LIMITEE AU RATTACHEMENT JURIDIQUE DES RESSOURCES NATURELLES

« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l’entend pas » Victor Hugo166

« Si nous prenons la nature pour guide, nous ne nous égarerons jamais. » Cicéron167

166 HUGO Victor, Voix intérieures, citations, éditions Eugène Renduel, 1837, 320 pages, page 158 167 CICERON, Lucullus o Academia Priora, 45 avant JC, citations, éditions Aldus, Venise, 1555

La genèse du régime juridique du droit international de l'environnement trouve ses sources dans les textes du XIXème siècle et ceux de la première partie du XXème siècle168. Le cœur du droit international de l'environnement repose sur l'encadrement juridique de la protection du vivant, défini comme « toutes les formes de vie qui ne dépendent pas de l'homme169 ». La gestion intra-générationnelle des ressources naturelles mondiales repose sur le caractère utile des espèces et espaces indispensables à la vie des hommes.

L'évolution géopolitique contemporaine a bouleversé l'équilibre entre États en prenant en compte les nouveaux besoins des pays émergents. Cette prise en compte a placé les ressources naturelles au cœur d'une gestion de pression, juridique et politique déséquilibrée.

Si les discours politiques170 énonçaient que «les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d’asservissement par des minorités armées, ou des pressions venues de l’extérieur... », et que «l' aide doit consister essentiellement en un soutien économique et financier171», les conséquences de cette interaction politique et économique ont instauré une gestion optimale d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles mondiales. Les tensions nées autour des ressources naturelles mondiales reposent aujourd'hui sur des politiques d'indépendance et de reconquête de la biodiversité locale.

Un paradigme juridique s'est alors installé entre d'une part, l'absence de codification du caractère dynamique des milieux endémiques et leur fragilité et d'autre part, la clarification des limites données à une gestion d'exploitation optimale des ressources naturelles. Ce paradigme se retrouve notamment dans la reconnaissance d'un patrimoine mondial culturel et naturel visant à protéger des espaces et espèces menacés dés 1972, tout en affirmant la notion de souveraineté nationale et le droit des peuples à disposer de leur ressources, pouvant permettre une gestion optimale des ressources naturelles172. L'approche intra-générationnelle des ressources naturelles mondiales a donc généré indirectement des conflits internes au sein des pays émergents avant de s'étendre à des conflits supra nationaux avec les pays développés. La montée de l'Afrique, des pays latino-américains, puis de la Chine et de l'Inde, en trente ans, ont permis le basculement du statut de pays sous-développés, en pays émergents.

La fin des années soixante a propulsé cette même gestion des ressources naturelles au cœur des premières problématiques liées aux notions de gaspillage, de surconsommation et leurs limites. Ces notions, non juridiques, ont contribué au renforcement du cadre réglementaire international, à la base d'une véritable inflation juridique. C'est dans ce contexte que Michel Prieur explique la «vague173 » de textes internationaux avec plus de trois-cent traités multilatéraux et de neuf-cent traités bilatéraux.

168 DE MALAFOSSE Jehan, La genèse du régime juridique de l'environnement, urbanismo y medio ambiente, coleccion ciencias sociales Barcelone 1973

169 KISS Alexandre-Charles et BEURIER Jean-Pierre, Droit international de l'environnement, 4ème édition, Pédone, 2010, 588 pages, page 313

170 TRUMAN Harry, Président des USA , Extrait de la Déclaration au Congrès, 11 et 12 mars 1947 doctrine de Containment ou endiguement

171 Cf n°170, page 2

172 Principe 21 de la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972

173 PRIEUR Michel, Droit de l'environnement, Éditions Dalloz. 6ème édition 2011

La Conférence de Stockholm174 va acter, pour la première fois, sur le plan international l’essentiel des orientations actuelles en environnement, en reconnaissant une responsabilité de l'Homme, dés son préambule : « l'homme a une responsabilité particulière dans la sauvegarde et la sage gestion du patrimoine constitué par la flore et la faune sauvages et leur habitat.175..».

Elle reprend la notion juridique de patrimoine naturel d'un territoire, et met l'accent, non plus sur de la simple conservation des espèces et espaces, mais sur leur sauvegarde.

Cette amorce juridique énonce donc un changement de cap, au profit d'une nouvelle forme de gestion des ressources naturelles, axée sur le principe de précaution.

La déclaration de l'environnement, découlant de cette conférence, est composée d’un préambule en sept points, suivi de vingt six principes. Son Principe 1 énonce un droit fondamental de l'homme à un environnement, « dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et bien-être176 ». La déclaration fait aussi appel aux notions « d' exploitation prudente et équitable des ressources non renouvelables » et à celle de

« limitation de la pollution177 », sans pour autant les rendre juridiquement opposable.

Elle fait également référence aux principes de «conciliation entre le développement économique et social avec la préservation des ressources naturelles » et de « la qualité de l’environnement et des moyens à mettre en œuvre par les États pour y parvenir178 ».

Malgré ce grand pas juridique, la déclaration n'ayant qu'une portée juridique limitée, on continue de parler de «conservation179 » et de «mise en valeur d'un patrimoine180 » pour asseoir une gestion conservatoire et valorisante des ressources naturelles.

Avec l'évolution du droit intellectuel et notamment le droit des brevets, s'est crée un quasi monopole d'exploitation des inventions réalisées à partir d'extraction des ressources naturelles. Les déclarations de principe entre 1992 et 2002 ont apporté leur contribution environnementale181 mais en ciblant d'avantage un encadrement juridique dans les domaines d'exploitation des ressources naturelles.

Ainsi, la Convention sur la Diversité Biologique, issue de la conférence de Rio182, réaffirme « la valeur intrinsèque de la diversité biologique », et établit un instrument juridique global, servant d'assise juridique pour la réglementation internationale. Mais tout en prenant en compte la « préoccupation commune à l'humanité », elle réaffirme le caractère souverain des États en matière de gestion des ressources naturelles.

Pour tendre sur ce délicat équilibre entre les deux notions, ont été retenues les notions de responsabilité juridique des États, au travers d'obligations de moyen et de résultat, ainsi que celle d'utilisation durable de leur ressources naturelles183. Pour autant, ce texte demeure l'un des premiers textes juridiques à reconnaître un droit aux communautés

174 Cf note n°166

175 Préambule de la déclaration de Stockholm du 16 juin 1972 176 Principe 1 de la Déclaration sur l'Environnement du 16 juin 1972 177 Principes 2 à 7 de la Déclaration sur l'Environnement du 16 juin 1972 178 Principes 8 à 26 de la Déclaration sur l'Environnement du 16 juin 1972 179 Article 192 de la Convention de Montego Bay de 1982 , cf note n°104 180 Article 4 de la Convention de l 'UNESCO du 16 novembre1972

181 Déclaration de Rio du 3 au 14 juin1992 ; déclaration de Johannesburg du 4 septembre 2002 ; Charte européenne des ressources en eau du 17 octobre 2001

182 Convention sur la Diversité Biologique, CDB, Conférence de Rio du 3 au 14 juin1992 183 Article 3, CDB, Conférence de Rio du 3 au 14 juin1992, cf note n°13

locales et autochtones, et évoque déjà la notion de « partage juste et équitable » de l'exploitation des ressources naturelles, sans le définir juridiquement, faisant ainsi déjà appel indirectement à la notion de pater familias.

S'agissant de l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles génétiques, est aussi évoqué pour la première fois la notion de libre accès au « partage » des ressources génétiques184. La Convention sur la Diversité Biologique reste avec la déclaration de Stockholm, un des premiers textes à qualifier juridiquement des notions scientifiques185. Complété et enrichi par d'autres textes fondateurs186, mis en œuvre dans certains traités et conventions187, le mode de gestion intra-générationelle, traditionnelle des ressources naturelles, au départ conservatoire puis optimal, évolue. Les notions d'exploitation excessive et d'épuisement188 sont retenues, et on parle en matière d'exploitation des ressources naturelles, vivantes ou pas, de « niveau optimal admissible189 ». Les réglementations internationales relatives aux méthodes de chasse, de pêche, dans des espaces internationaux fragiles190 sont posées.

L'an deux mille ouvre le troisième millénaire sur l'accent porté à la fragilité juridique de la réglementation internationale contemporaine. Cette fragilité repose notamment sur la difficulté d'applicabilité des normes internationales. L'accès et le partage des avantages tirés de l'exploitation des ressources naturelles sont donc confrontés à des inégalités endémiques entre les États et leur conséquence sécuritaires. Ces situations portent notamment sur les difficultés d'accessibilité pour les populations de proximité aux ressources naturelles locales.

L'exemple de l'accessibilité aux terres arables démontre cette fragilité juridique. La conjugaison de trois facteurs tel que l'augmentation des produits, une culture intensive et l'augmentation des coûts d'exploitations liés à la production intensive, a crée en l'espace de vingt-ans, à l'échelle mondiale, des phénomènes d'abandon des zones agraires non rentables. Des zones de désertification, faisant suite à des déforestations accrue et des irrigations déficientes, sont apparus. Or ce phénomène de désertification se produit en zone aride, semi-aride et sub-humide. L'ensemble de ces zones se trouvent ainsi sur presque la moitié de la superficie terrestre, mettant ainsi plus d’un milliard d’habitants en situation de dépendance agraire absolue.

L'exemple de la gestion des espèces menacées, inscrits à l'annexe I de la Convention de Washington191, démontre également cette fragilité. La gestion du thon rouge, mais également de l'ivoire démontrent que l'encadrement juridique en matière de transparence de gestion restent restreints. D'autres textes vont mettre en avant la notion

184 Article 1, CDB, Conférence de Rio du 3 au 14 juin 1992, cf note n°13 185 Cf note n°182 , article 2

186 Stratégie mondiale de la conservation, UICN, 1980

187 Accord sur la conservation de la nature et des ressources naturelles en Asie du Sud Est (ASEAN), Kuala Lumpur, 9 juillet 1985; Convention pour la protection de l'héritage culturel et naturel du monde, UNESCO, Paris, 16 novembre 1972

188 Préambule , alinéa 4, convention pour la protection des phoques de l’Antarctique, 1er juin 1972, entrée en vigueur le 1er décembre 1978

189 Pré cité note 163

190 Articles 1 et 2 de la Convention de Canberra sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique, décision 81/691/CEE du Conseil européen, du 4 septembre 1981

191 Convention sur le commerce international d'espèces menacées de faune et de flore sauvage, CITES, Washington, 3 mars 1973, entrée en vigueur le 1er juillet 1975

d'habitat et d'espèces en danger192.

Conjointement à l'émergence d'une réglementation internationale, d'autres outils, comme les programmes d'action193, vont accompagner les états dans leur démarche.

Mais la pression sociétale a accéléré le caractère international de la lutte pour la préservation des ressources, en 1989 avec la déclaration de l'UNESCO194. S'ensuivront des accords commerciaux internationaux195 poussant à la création d'une organisation mondiale du commerce196.

La protection de l'environnement, la promotion de la conservation et l'utilisation durable des ressources naturelles par une harmonisation des politiques se sont alors renforcés197.

A partir de 2000, une prise de conscience juridique globale permet d'entrevoir transversalement les phénomènes climatiques, la fragilité de la biodiversité mondiale ainsi que l'apparition d'une désertification des terres arables, dans le même objectif d'une plus grande sécurité juridique.

Car, pour faire évoluer le droit international de l'environnement, il est nécessaire de réfléchir en terme de globalité, transversalité, dans la capacité à préserver les ressources naturelles au sens de la déclaration de Stockholm198. Cette globalisation juridique de la protection de l'environnement, si elle n'est pas maîtrisée, peut faire émerger des régimes juridiques conflictuels entre la naissance de nouvelles garanties tel que le droit de vivre199, aux côtés de nouveaux concepts juridiques comme la protection d'un patrimoine commun génétique, ou encore l'intérêt général de l'Humanité.

L'encadrement juridique actuel, support de la gestion intra-générationelle des ressources naturelles mondiale, ne repose pas suffisamment sur une notion rattachée au droit naturel, alors les ressources naturelles devraient être perçues comme des res communes, rares et fragiles.

192 Convention sur la conservation des espèces migratrices, Bonn, 23 juin 1979, entrée en vigueur le 1er novembre 1983 ; Accord sur la conservation des chauves souris en Europe, Londres, 4 décembre 1991 ; accord sur la conservation des phoques de la mer des wadden, Bonn, 16 octobre 1990 ; accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique et de la mer du nord, New York, 17 mars 1992

193 Mémorandum sur l'éléphant d’Afrique de l'ouest du 22 novembre 2005, mémorandum du phoque moine de l'atlantique oriental et de la méditerranée du 18 octobre 2007 ; mémorandum des oiseaux de proie du 4 décembre 2008

194 Conférence de Yamoussoukro du 1er juillet 1989 195 Uruguat round du 15 décembre 1993

196 Institutionnalisation des accords de Gratt en création de l'OMC le 1 janvier 1995

197 Convention africaine sur les ressources naturelles, l'environnement et le développement, Maputo, 11 juillet 2003, entrée en vigueur le 15 novembre 2005

198 Principe 3 de la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972, Cf note n°166 199 Déclaration de Lahaye du 11 mars 1989

CHAPITRE I.

LE CARACTERE INSUFFISANT DE RATTACHEMENT AU