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des risques ?

1.3 Apports et limites de la psychologie sociale et environnementale

1.3.1 L’ouverture à des dimensions subjectives

avec la santé perçue et la santé psychosociale

La santé mentale est une des composantes importantes de la santé globale et son étude a longtemps été le domaine exclusif de la psychologie et de la psychiatrie. Les présupposés de la psychologie considéraient globalement que ce qui se passait dans la tête pouvait être étudié par l’interrogatoire. Le problème d’une telle conception c’est qu’elle isole les individus et leur psyché de l’expérience sociale incarnée. Le champ psy- chosocial reconnaît au contraire l’existence de ces connexions (Steffgen et Recchia, 2008) et le fait qu’il existe une forme d’incorporation psychologique de phénomènes sociaux, ce qui constitue une invitation fondamentale à décaler le regard vers ces dimensions sociales précisément. En ce qui concerne la relation au cadre de vie, certains travaux ont été menés pour explorer l’existence de corrélations entre certains paramètres sub- jectifs comme la perception de sa situation, le contexte social et plus particulièrement la qualité de son environnement de vie, et les effets sur la santé. Les enquêtes de santé perçue faisant intervenir des instruments d’évaluation comme les modèles MOS SF-36 ou SCL-90-R permettent par exemple d’étudier les variations dans la perception de la santé des personnes en fonction de situations d’expositions environnementales. De manière tout à fait contre- intuitive certains travaux montrent que certaines populations accordent une valeur à leur cadre de vie alors- même qu’elles se trouvent objectivement dans des situations d’expositions à des nuisances environnementales. C’est ce que suggèrent par exemple les travaux de l’équipe de Côme Daniau (Daniau et al., 2018) au sujet des rive- rains de la plateforme industrielle et chimique de Salindres : une partie de la population

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PRemièRe PaRTie – Chapitre 1 est exposée à de multiples risques et nuisances, et tendent pourtant à évaluer plus favo- rablement leur santé que la population française en général. Pour les auteurs, les dispa- rités régionales et les inégalités socio- économiques sont susceptibles d’influencer plus fortement la santé perçue que réalité physique de la proximité de la source de pollution.

Dans ces approches de santé perçue, il est possible de capter une part de subjectivité qui apporte un regard bien différent des approches descriptives plus classiques. Tou- tefois, elles posent aussi un certain nombre de limites. Les dimensions collectives qui interviennent pourtant dans la gestion individuelle de la santé et de la maladie ne sont pas toujours prises en considération (Jodelet, 2006). Par ailleurs, ces approches de santé perçue tendent à plaquer la conception de la santé que la santé publique considère a priori comme objective. Mais que nous dit cette santé perçue du sentiment de bien- être des populations ? Si les problématiques et chaînes causales employées concernent des enjeux classiques de la gestion des risques en santé comme la pollution de l’air ou le bruit, comment appréhender la santé comme complet bien- être physique mental et social des habitants d’un territoire ? Sommes- nous certains que les habitants se posent les mêmes questions et dans les mêmes termes que la santé publique ?

1.3.2 L’étude des rapports à l’environnement de vie

et les apports de la psychologie environnementale

Nous avons déjà évoqué le concept de lieux de vie habilitants (enabling places) et ses apports dans la perspective d’une approche d’urbanisme favorable à la santé. C’est un concept qu’il aurait également été possible d’introduire ici en raison des liens avec d’autres travaux de psychologie sociale et environnementale. Dans ce champ nous avons trouvé de nombreuses inspirations pour explorer l’étude de ce qui fait bien- être dans son cadre de vie. Ainsi, certains travaux croisant qualité de vie et évaluation du lieu de vie nous ont mené successivement aux concepts de congruence et d’attachement au lieu de

vie.

Les facteurs comme la pollution, le bruit ou la sécurité ne sont qu’une partie de ce qu’il se joue réellement dans un lieu de vie, et par le concept de congruence entre personnes et environnement de vie, Gabriel Moser (2009) suggère de voir la manière dont les condi- tions objectives et subjectives de la relation au lieu de vie influencent la perception de la qualité de vie et l’attachement au lieu de vie. Lorsque les personnes possèdent des attaches importantes et qu’il existe une identité forte sur le territoire de vie, l’expression de sentiments de gênes vis-à- vis de nuisances objectives comme le bruit des transports se font plus pressants. C’est aussi ce que montrent Faburel et Gueymard dans certains travaux autour des inégalités environnementales (2008) où ils suggèrent l’intérêt qu’il faut porter à l’intégration des ressentis, vécus et satisfactions en complément des constats statistiques habituels sur les territoires centrés sur les seules expositions à des nuisances environnementales. Ces travaux montrent l’influence de paramètres subjectifs qui jouent un rôle considérable dans le vécu d’un fait évalué par ailleurs par des mesures objectives (comme par exemple le bruit environnemental) : la satisfaction environnementale serait alors liée à la capacité de ce lieu de vie à procurer un sentiment de se sentir chez soi,

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mais aussi les rapports à l’action publique (Faburel, 2012). Au regard des enjeux de sou- tenabilité actuels, les travaux de Moser (2009) et de Uzell et Moser (2006) suggèrent des approches respectant les spécificités locales et ancrées dans une compréhension des mécanismes psychosociaux à l’œuvre dans la relation au cadre de vie.

En ce qui concerne l’attachement au lieu de vie, il s’agit d’un concept qui englobe des aspects cognitifs, comportementaux et motivationnels (liés aux objectifs personnels dans la vie) et qui montrent une tendance à évaluer positivement son lieu de vie, la moti- vation à s’investir pour l’améliorer ou encore l’envie de ne pas en partir (Moser, 2009). Il ne faut pas considérer le concept de place-attachment comme un objet sédimenté car différentes approches peuvent exister, mais on retrouve de manière assez systématique la référence à des dimensions relationnelles, affectives, subjectives et la nécessité de s’in- téresser aux rapports ou aux processus de relations lieux- personnes (Scannel et Gifford, 2009).

Nous avons déjà cité les inspirations des lieux de vie habilitants qui emprunte des concepts de la psychologie environnementale et de la santé publique. Ce qu’il nous semble important de souligner ici, c’est le basculement majeur dans la manière d’ap- préhender le sujet du bien- être dans son cadre de vie à travers certaines dimensions psychosociales et environnementales puisqu’elles nous exhortent à considérer l’expé- rience même du lieu de vie, et non pas l’espace et ses dispositions comme une série d’influences sur la santé ou d’autres paramètres intermédiaires.

1.3.3 Quelques apports issus de la psychologie sociale

Le travail de Albert Bandura, précurseur du courant de la psychologie sociale a un retentissement majeur au xxe siècle. Parmi les concepts clés qu’il a apporté, sa théorie

sociale cognitive et le concept d’auto- efficacité peuvent avoir un sens pour notre étude ce qui fait bien- être dans son cadre de vie. En effet, Bandura a montré la manière dont les comportements humains s’ajustent par l’observation des autres (voir aussi Summers, 2017, p.24), et l’existence de liens profonds et réciproques entre certains facteurs environne- mentaux (dans le sens d’environnement social), comportementaux et cognitifs (Bandura, 1986). Si certains ont cru voir chez Bandura des liens avec la pensée behavioriste puisqu’il étudie les liens entre les aspects sociaux et psychologiques, sa pensée est en rupture avec les conceptions classiques et réductrices de la psychologie et du behaviorisme dont il a contesté la nature réductrice et illusoire au regard d’autres mécanismes plus subtils combinant déterminants sociaux, dimensions inconscientes du psychisme et questions de volonté ou d’agentivité (Carré, 2004). Mais le champ de la psychologie sociale n’est pas un domaine homogène, et des auteurs comme Greenwood (2004) ont avancé que de nom- breux travaux ont gardé une posture centrée sur l’individu malgré l’incitation de la psycho- logie sociale à des considérations collectives et sociales précisément. Dans l’ensemble, la psychologie sociale interpelle aussi les pratiques de la santé publique et des modèles de la santé comme par exemple celui proposé par Engel et sa vision biopsychosociale ont tenté de dépasser le dualisme classique corps/esprit. Cependant, de nombreuses cri- tiques ont été soulevées quant à son implication concrète dans la pratique (Chamberlain,

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PRemièRe PaRTie – Chapitre 1 2009). Les pratiques de santé publique reposent encore majoritairement sur des traditions et des hypothèses behavioristes et les dimensions normatives et culturalistes omnipré- sents dans ses discours, savoirs et pratiques (Dozon et Fassin, 2001).

1.4 Les inégalités sociales et environnementales et leurs

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