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3.3 L’entrée dans la modernité

9.2 Analyse du thème de la famille

Pour débuter, nous nous pencherons sur l‟exploration du thème de la famille dans les écrits de Singer. À ce stade de notre analyse, nous pensons qu‟une définition précise du terme de la famille est pertinente dans le cadre de notre étude. Celle tirée de l‟Introduction à la

sociologie de la famille d‟Émile Durkheim nous apparaît pertinente:

Il y aurait eu lieu de distinguer tout d'abord les personnes et les biens ; puis, parmi les personnes, il aurait fallu compter, outre les époux et des enfants, le groupe général des consanguins, des parents à tous les degrés ; ce qui reste en un mot de l'ancienne gens dont l'autorité était autrefois si puissante et qui, maintenant encore, a souvent à intervenir dans le cercle restreint de la famille proprement dite.104

Consciente de la complexité de ce thème, nous étudierons d‟abord les liens du sang, nous nous concentrerons ensuite sur les liens familiaux formés par les relations matrimoniales, puis nous nous pencherons sur la signification de l‟absence de progéniture chez les protagonistes féminins.

Contrairement aux auteurs de sa génération, qui idéalisent la famille juive, Isaac Bashevis Singer, rebelle des belles-lettres yiddishophones, raconte l‟anéantissement de celle-ci dans la société traditionaliste du shtetl. Dans ses textes, il met en scène des personnages féminins vivant de nombreuses difficultés dans leurs relations interpersonnelles. La famille, située véritablement au cœur de la vie juive, n‟est plus en mesure de fournir des unions significatives et durables permettant aux protagonistes d‟évoluer dans une communauté centrée sur elle-même. Certaines jeunes femmes, conscientes de cette impasse familiale, iront chercher les réponses à leurs questionnements identitaires dans les diverses sphères de la connaissance. Cet éloignement des normes classiques du shtetl trouble la construction traditionnelle de l‟identité féminine juive. Dans la modernité indexée par l‟œuvre, les femmes doivent quitter la cellule familiale afin de chercher l‟essence de leur individualité. Les protagonistes féminins, par diverses expériences formatrices, explorent les voies qui leur permettent d'accéder à celle-ci. La famille juive traditionnelle et l‟univers du shtetl ne sont plus les seuls éléments nécessaires à une réalisation à part entière des êtres sociaux.

104Émile Durkheim, Introduction à la sociologie de la famille, [en ligne],

http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/textes_3/textes_3_1/socio_de_la_famille.html [Site consulté le 22 mai 2010].

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Dans les cinq nouvelles sélectionnées, les personnages féminins entretiennent des relations minimales, voire pratiquement nulles, avec les membres de leurs familles. Parmi ceux-ci se trouvent surtout des orphelines hantées par le vif souvenir d‟un père aimant, compréhensif et présent. Cette absence de lien du sang est expliquée par le besoin fondamental d‟individualité et d‟indépendance des jeunes femmes. Celles-ci ne peuvent assumer leur personnalité, leurs choix ainsi que leur destinée en vivant sous le joug familial. Elles doivent obligatoirement se défaire de cette emprise afin de réaliser leur destin et leur plein potentiel. Ainsi à travers les courtes nouvelles de Singer, les protagonistes féminins tentent de se libérer de l‟autorité de l‟ensemble des membres de leur cellule familiale.105 Cette libération est généralement attribuée à la défaillance de l‟autorité et elle est conforme à la réalisation personnelle attribuée par le narrateur à ses protagonistes.

Dans la nouvelle intitulée Yentl, l’étudiante de Yeshiva, Singer met en scène une jeune femme élevée par son père comme si elle était de sexe masculin. La figure du père, homme très docte, l‟éloigne totalement de son statut de fille et de son rôle féminin en la poussant à acquérir des connaissances intellectuelles typiquement masculines. Cette confusion identitaire sera au cœur même d‟un questionnement existentiel ayant des portées religieuses. À quelques reprises, Reb Todros (le père) invoque l‟erreur divine pour expliquer la physionomie féminine de sa fille: «Yentl, tu as l‟âme d‟un homme. — Alors pourquoi je suis née femme? — Même le Ciel peut faire des erreurs.»106 Cette méprise identitaire leur paraît si considérable que la seule possibilité envisagée pour expliquer cette anomalie est un impair céleste. Les codes normalisant la conduite des membres des deux sexes sont tellement imprégnés dans la culture du shtetl qu‟il est inconcevable de les remettre en cause. Ceux-ci sont d‟ailleurs dictés par Dieu dans les livres sacrés, qui font figures d‟autorité suprême au sein du peuple juif. Reb Todros, le père de la protagoniste féminine, ne rejette nullement la classification sociale des comportements selon l‟appartenance sexuelle. Au contraire, il affirme que l‟erreur se trouve du côté de l‟attribution d‟organes reproducteurs féminins chez sa fille et non du côté des tâches assignées selon le sexe. Cette nuance est nécessaire puisqu‟elle permet de dévoiler certaines

105 Le genre court de la nouvelle limite cependant le traitement détaillé du thème de l‟affranchissement

familial des personnages; il sera repris par Singer dans ses romans.

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intentions de Singer quant à la subtilité de sa critique à l‟égard de sa culture natale. Il n‟a pas comme objectif de rejeter l‟ensemble des normes de la société du shtetl mais bien d‟en dévoiler les particularités, les avantages et les injustices.

En outre, après la malheureuse disparition de son père, Yentl doit prendre en main sa destinée en accomplissant une quête intellectuelle. Cette poursuite du savoir ne peut se faire qu‟à condition de revêtir de façon permanente les habits masculins, symboles de l‟intégrité de son identité. La jeune femme ne prend les chemins de l‟exil qu‟après la mort de la figure paternelle. En effet, le personnage du père doit absolument mourir afin de donner le champ libre à sa fille et à ses recherches identitaires. Cette mort nécessaire du père dévoile toute l‟importance de cette figure d‟autorité traditionnelle.

L‟influence paternelle est astucieusement expliquée par le théoricien Philippe Hamon dans son recueil intitulé Texte et idéologie (1984), qui affirme que la morale107 est principalement transmise par les normes familiale, sociale et éducationnelle. Selon ce concept d‟Hamon, la conduite sociale d‟un personnage est principalement façonnée par l‟éducation qu‟il a reçue au cours de sa vie par les différentes instances éducatives environnantes. Notamment, dans la nouvelle intitulée Yentl, l’étudiant de Yeshiva, le père du personnage principal (Yentl) lui a graduellement transmis des valeurs, des normes et des codes appartenant à l‟identité masculine : « Son père, Reb Todros, qu‟il repose en paix, cloué au lit pendant de longues années, avait étudié la Torah avec sa fille comme il l‟aurait fait avec un fils. »108 L‟éducation de la jeune femme est construite sur cette divergence sexuelle et celle-ci l‟aliène socialement de la communauté yiddishophone. Cette construction identitaire entraîne une pluralité de systèmes normatifs construits à l‟aide du procédé de la polyphonie. Les différents ensembles normatifs dialoguent et créent un baromètre moral dans l‟esprit critique de la protagoniste. Dans les nombreuses nouvelles de Singer, les personnages principaux doivent faire le partage entre les valeurs enseignées par la communauté et celles reçues par l‟éducation familiale. Ces différents codes de conduite dialoguent entre eux au sein même du personnage et façonnent la construction de son individualité.

107 Le concept de la morale d‟Hamon est défini aux pages 28 et 29 de ce mémoire. 108 Isaac Bashevis Singer, La couronne de plumes et autres nouvelles, op. cit., p. 17.

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De plus, les personnages féminins, dans l‟univers de Singer, ne trouvent aucune réalisation personnelle dans les liens sacrés du mariage ou dans les relations parallèles à ce sacrement. En ce qui concerne le terme «mariage», nous faisons référence au sacrement religieux exercé par une autorité religieuse et célébré dans un lieu de culte par un chef d‟une congrégation religieuse. Historiquement, dans la société juive d‟Europe de l‟Est, les parents de filles en âge de prendre mari utilisaient les services de marieuses professionnelles. Ces femmes chargées de trouver un fiancé enclin à plaire aux parents ainsi qu‟à la jeune femme. Traditionnellement, un mariage d‟amour était considéré comme une fantaisie frivole et superficielle, influence d‟un monde moderne perverti. Conscient de cette particularité matrimoniale, Isaac Bashevis Singer se fait fort de critiquer finement cette pratique archaïque en formant des couples des plus improbables.

Pour ce qui est de l‟union conjugale, les personnages féminins ne retrouvent pas en celle-ci un milieu équilibré qui leur permettent de s‟accomplir pleinement. Autrefois fortement liées à la réalisation personnelle et sociale, les relations matrimoniales sont présentées, dans certaines œuvres de Singer, comme des unions marquées par la déception, le silence et la solitude. Excessivement pessimiste, cette vision du mariage ne prévoit aucune possibilité de bonheur, de descendance ou même d‟amour pour les protagonistes, et ce, dans les cinq nouvelles à l‟étude. Dans la nouvelle La sorcière, par exemple, Singer met en scène les déboires matrimoniaux d‟un couple: « Mais l‟échec de son mariage était indiscutable. […] Mais en réalité, Lena ne se contentait pas de se disputer avec lui : elle était son plus mortel ennemi. »109 Aucun avenir n‟est possible dans cette relation délétère qui empoissonne tranquillement les deux personnages principaux. D‟ailleurs, Lena sera mystérieusement atteinte d‟un cancer dont elle succombera. Les figures féminines demeurent prisonnières de cette alliance qui, peu à peu, les appauvrit intellectuellement et socialement.

Dans les cinq nouvelles de notre corpus, le personnage du mari ingrat ou absent revient fréquemment puisqu‟il fournit un cadre nécessaire pour représenter des personnages féminins hors normes. Par exemple, dans la nouvelle intitulée Zeitl et Rickel, les deux personnages principaux, qui donnent leur nom à la nouvelle, n‟ont connu que désillusions dans leur union conjugale. Dans les deux cas, la relation s‟est soldée par un échec, l‟époux

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choisi par la famille s‟étant montré faible et indigne. Les deux mariages ratés unissent les deux femmes et les poussent à se questionner sur différents thèmes tels l‟amour, la liberté et les normes sexuelles propres à leur communauté. Ces questionnements sont menés parallèlement à une profonde crise existentielle centrée principalement sur la religion. Le fiancé sélectionné par la marieuse n‟est pas en mesure d‟assurer le bonheur, la prospérité et la continuation au sein du foyer familial. Rickel est abandonnée par son mari et devient victime de cette désertion. L‟acte d‟abandon d‟une épouse sans qu'il y ait prononciation d'un divorce empêche celle-ci de pouvoir se remarier et de connaître le bonheur matrimonial. Par la description des déboires conjugaux des personnages de Zeitl et de Rickel, Singer se questionne sur cette pratique infâme de l‟univers du shtetl, lequel n‟a jamais agi pour protéger les femmes d‟une telle injustice. Dans la communauté juive d‟Europe de l‟Est, les femmes abandonnées par leur époux avaient l‟option de payer un individu qui tâcherait de trouver le mari fautif. Cependant, cette voie n‟était pas souvent suivie puisque l‟argent nécessaire pour financer les recherches servait principalement à assurer le confort des enfants du couple. 110

Dans la société du shtetl, la réputation s'avère une chose primordiale, spécialement pour la femme. La respectabilité et l‟honorabilité sont nécessaires pour assurer la prospérité économique ainsi qu‟une place de choix à la synagogue.111 Lors du divorce de Zeitl et du départ soudain du mari de Rickel, les gens du village sont outrés. Ils ne peuvent accepter que l'un et l'autre hommes aient volontairement quitté leur femme, appréciable et appréciée. La situation leur semble tellement étrange qu‟ils se questionnent longuement sur les motifs qui auraient poussé Zeitl et son mari à rompre leurs engagements après une brève vie commune de six mois: «Personne ne sut pourquoi le mariage avait si mal tourné.»112 La communauté pose un jugement de valeur sur la vie privée des êtres de l'entourage. Les raisons expliquant les causes du divorce ne sont jamais rendues publiques, ce qui encourage bien évidemment les ragots et les rumeurs de toutes sortes. Au cours des nombreuses discussions concernant les raisons de cette rupture conjugale, plusieurs hypothèses sont

110 Paul Kriwaczek, Yiddish Civilisation, The Rise and Fall of a Forgotten Nation, New York, Borzoi Book,

2005, p. 76.

111 Iris Parush, Reading Jewish Women, Marginality and Modernization in Nineteenth-Century Eastern European Jewish Society, Waltham, Brandeis University Press, 2004, p. 38.

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avancées afin de résoudre l'énigme. La raison la plus vraisemblable, mais également la plus chérie de tous, est l‟appartenance de l‟ancien mari à une secte satanique dirigée par un faux messie. Cette raison semble assez curieuse pour un lecteur n‟étant pas au fait des fondements historiques de la communauté juive. Aux cours des siècles, plusieurs candidats, dont le plus connu se nomme Sabbataї Tsevi, ont prétendu être le messie venu sur terre pour guider le peuple juif. Ces faux messies entraînaient avec eux plusieurs disciples qui propageaient l'hystérie religieuse aux quatre coins de l‟Europe.113 Singer se sert de cette imposture messianique, qui fut longtemps un traumatisme dans la communauté du shtetl, pour expliquer la rupture du couple. La seule raison valable justifiant, selon les villageois, le divorce d‟une femme aussi honorable que Zeitl serait l‟appartenance à une secte messianique.

Concernant la protagoniste Rickel, elle est abandonnée, une nuit, par son mari qui disparait et ne revient plus jamais au shtetl. Selon la loi juive, une femme mariée abandonnée par son époux ne peut se remarier que si elle prouve que ce dernier est officiellement décédé.114 La narratrice de la nouvelle, dont le prénom n‟est jamais symboliquement mentionné puisqu‟elle représente la figure anonyme de la communauté, explique que cette situation est relativement fréquente puisque l‟époux en question correspond à un certain type d‟homme de leur communauté: «Il y a des hommes comme ça. Ils se marient et ils se fatiguent d‟être mariés. »115 Le mariage est alors considéré comme une prison dorée que les hommes peuvent fuir en prenant les chemins de l‟exil. La majorité des femmes ainsi abandonnées restaient seules, sans ressources financières et incapables de se remarier. Dans les œuvres d‟Isaac Bashevis Singer, cette situation matriarcale particulière est souvent dénoncée par l‟entremise de personnages féminins qui vivent une telle réalité. Comme nous l‟avons vu précédemment, Hamon définit la figure d‟autorité morale comme la personnalisation de la norme et de la morale par un personnage ou un groupe de personnages.116 Dans la nouvelle, la narratrice représente anonymement l‟autorité de la communauté sur les événements passés. Son monologue véhicule les normes et les valeurs de la communauté yiddishophone. Selon Singer, le mariage, loin d‟assurer la continuité de la culture, aliène

113 Paul Kriwaczek, Yiddish Civilisation, The Rise and Fall of a Forgotten Nation, op cit., p. 251. 114 Ibid. p. 256.

115 Isaac Bashevis Singer, La couronne de plumes et autres nouvelles, op. cit.,p. 159. 116 Nous avons défini le concept de l‟autorité morale à la page 31

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les personnages féminins en les emprisonnant dans un rôle réducteur. Celui-ci affirme que le mariage n‟est pas nécessairement la solution pour toutes les femmes puisqu‟il met en scène des unions ne produisant aucune descendance. Dans les cinq nouvelles à l'étude, aucun des personnages principaux ne donnera vie à un héritier. Tous les protagonistes féminins trouveront des voies moins conventionnelles telles que les études ou le célibat pour accomplir leur destin et leur épanouissement. Les femmes qui décident de suivre les chemins plus traditionnels se heurtent à des difficultés jugées insurmontables dont l‟abandon, le rejet et la mort.

Dans la nouvelle intitulée Yanda, le personnage principal désire vivre les joies de la maternité. Afin de réaliser ce rêve, elle décide de prendre soin des enfants de son ancien fiancé, Wojciech, ainsi que de leur petite chaumière en ruines. Dans cette nouvelle, aucun des sujets de la nouvelle génération n‟est positivement représenté. Les enfants sont évoqués comme des créatures sales, égoïstes et vilaines. Loin de trouver la reconnaissance et le bonheur qu‟elle mérite et auxquels elle aspire, Yanda est cruellement rabaissée à son rôle d‟objet sexuel. Violée par Stefan, le fils de son ancien amant, elle comprend qu‟il lui est impossible d‟assurer la continuité postgénérationnelle: «Yanda ferma les yeux. De toute façon, je suis perdue, pensa-t-telle. Puis, elle dit tout haut: Malheur à moi, j‟aurais pu être ta mère!»117 Cette agression sexuelle est doublement condamnable puisqu‟elle vient pervertir la maternité tant désirée. La douleur et la honte qu‟elle ressent sont sans limites puisqu‟elle pense véritablement être en mesure de mettre son passé derrière elle et commencer une nouvelle vie en tant que mère adoptive de ces enfants. Pourtant, il lui est impossible de fuir sa condition et les abus de confiance dont elle est constamment victime. La maternité lui est-elle interdite, celle-ci étant associée à une génération pervertie, égocentrique et abusive. Parallèlement, Yanda, tout comme la majorité des personnages de prostituées, subit l'effet du plaisir corrélé au profit économique. Comme nous l‟avons vu précédemment, le savoir- faire sexuel englobe l‟identité et les pratiques sexuelles d‟un personnage. Selon Hamon, la sexualité est le système d‟évaluation qui polarise le plus de normes et de valeurs. Il regroupe cinq normes soit la norme hédonique, la norme juridique, la norme économique,

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la norme biologique et la norme érotique. 118 Le personnage de Yanda, à la fois prostituée et vertueuse, ne correspond pas pleinement au modèle mis en scène par Zola. Le narrateur omniscient de la nouvelle affirme que son besoin d‟amour l‟empêche de refuser les avances des hommes qui l‟entourent. Au fil de la nouvelle, la protagoniste éprouve du désir envers deux hommes, soit son ancien amant polonais, qui la trahit, et son patron juif, avec qui elle se prostitue. Son désir est manifestement lié aux émotions ressenties envers les deux hommes. Envers ses clients, Yanda ne manifeste ni dégoût ni plaisir. Assimilant la prostitution à une routine bien menée, elle semble être relativement indifférente à cet aspect de sa profession. Dans le but de préserver l‟auberge de la ruine, elle fournit tous les efforts nécessaires, incluant avoir des relations sexuelles avec les clients, cuisiner et accomplir les tâches domestiques. Elle est prête à de nombreux sacrifices, incluant la prostitution, pour assurer le bien-être physique et psychologique du couple d‟aubergistes qu‟elle considère comme sa famille. Dans les cinq nouvelles sélectionnées, Singer met en scène des relations sexuelles qui vont à l'encontre des normes de la communauté yiddishophone.

L‟évaluation normative est également présente dans Yentl, l’étudiant de Yeshiva. Cette nouvelle sera le seul texte du corpus présentant un enfant comme un être positif, qui assure la descendance de la famille. Cet enfant naîtra de l‟union sacrée de Hadass et d‟Avigdor, tous deux amoureux de Yentl. Ce mariage, même s‟il semble assumer la postérité, n‟assure nullement la continuation et la modernité de la communauté du shtelt. Ce nouveau-né, qui porte le prénom d‟Anshel, soit le prénom masculin de l‟héroïne Yentl, est le signe de la renaissance de Yentl, et ce, dans le corps qu‟elle aurait dû posséder: «Peu après le mariage,