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3.4 Instruments et stratégies d’analyse

3.4.2 Analyse concomitante et au cas par cas

Comme toute analyse, l’information recherchée ne semble pas s’exposer à tout venant et au premier abord. Il nous a fallu, non seulement revenir sur la lecture, l’écoute, voire la retranscription, mais passer, en plus, d’un acteur à un autre pour espérer, par l’analyse, identifier des informations et des significations communes et pertinentes.

De plus, contrairement aux autres techniques, l’enquête ethnosociologique ne se charge pas, au préalable, de collecter un corpus qui est, par la suite, analysé. Comme l’indique Bertaux (2010, p. 68) au sujet de ce type d’enquête, « l’analyse commence très tôt et se développe parallèlement au recueil de témoignages ». Elle repose aussi sur une pluralité de matériaux tels que les observations et l’analyse de contenu des textes législatifs et réglementaires, pour ne nommer que ceux-là (cf. annexes 6 et 7).

Le premier élément de cette analyse, au cas par cas, a été l’écoute des entretiens réalisés dans la journée et la transcription dans le cahier, après au moins deux phases d’écoute, des idées principales. Ces étapes respectées ont été d’une grande utilité dans l’avancement et la compréhension de notre sujet. L’objectif était non seulement de tenter de stabiliser et d’enrichir un modèle en construction, mais aussi de réorienter ou de

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fortifier notre guide d’entretien évolutif et de nous donner, par la même occasion, d’autres informations déterminantes à soulever durant les autres entretiens narratifs. La consolidation du modèle en construction s’est faite par croisement des récits de vie (récits de pratique) et par la quête de récurrences.

Il est vrai que les récits de vie semblent constituer un corpus sur des cas individuels. Cependant, ils ont l’avantage de laisser glisser, sous forme d’indices, des éléments capitaux, voire insoupçonnés, des contextes sociaux inhérents à l’expérience ou au vécu des acteurs concernés. Il était quasi difficile pour nous d’aborder en profondeur ce travail sans recourir à ces acteurs compétents ou ces ressources.

L’analyse, au cas par cas, a pris deux formes. Qu’avons-nous retenu de ces deux formes d’analyse au cas par cas?

La première était la récoute continue des enregistrements sonores afin de ressortir les idées principales à consigner dans notre cahier de recherche. Cette analyse globale nous a permis de produire un modèle suffisamment articulé et susceptible de porter l’architecture d’un autre travail de recherche. Cependant, nous pensions aussi que cette situation ne nous aurait pas certainement permis de préserver la confiance témoignée envers nous. Cette première analyse concomitante et au cas par cas visait, en somme, l’inscription dans le cahier des idées fortes de chaque entretien narratif, de leur articulation et la construction d’un modèle comparatif.

Pour mieux avancer, nous avons utilisé, dans le cadre de la seconde phase de l’analyse, au cas par cas, le schéma d’analyse des politiques sectorielles de Muller (1985) pour renforcer notre analyse. Il s’agissait de rester dans certains pans de Bertaux, tout en recherchant dans chaque trame transcrite les composantes du référentiel des politiques publiques que sont les valeurs, les images, les normes et les algorithmes. En quoi consistait l’analyse, au cas par cas, du corpus transcrit?

Avant d’y arriver, il a fallu, au préalable, boucler la phase de traitement des entretiens narratifs transcrits.

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Cette phase d’analyse consistait, selon notre entendement et notre interprétation, à identifier dans chaque corpus, d’abord, ce qui, à notre avis, faisait office de valeurs, d’images, de normes et d’algorithmes. L’identification était marquée au crayon et les lignes correspondantes étaient aussi indiquées. Comme dans le cas des précédentes phases, celle-là requiert plus d’attention et une certaine souplesse dans la compréhension (Rumpala, 2008) ou l’interprétation (Hassenteufel et Smith, 2002) des définitions proposées par Muller. Sans cette imagination canalisée ou cette interprétation, les analyses auraient été figées, pauvres et moins construites. Il était question, à cet effet, de retrouver dans les corpus transcrits ce qui pouvait être considéré et accepté comme tel72,

d’où le mariage entre l’attention et la cohérence, pour préserver l’imagination et l’interprétation (Bertaux, 2010).

Comment y arrive-t-on? Nous avons constitué une compilation de valeurs, d’images, de normes et d’algorithmes pour chaque corpus et pour chaque bloc. Cela se faisait dans l’ordre suivant : il fallait parcourir chaque corpus transcrit et retirer, au fur et à mesure, les différents extraits numérotés afin de les loger dans les cadres prévus. L’extrait présenté ci- dessous illustre parfaitement la procédure retenue.

Tableau 6 : Extrait d’une composante relative aux images construites à partir des entretiens narratifs des directeurs

Extraits des images compilées du bloc des directeurs

EHANDA :J’ai été très honoré, j’ai été content d’être un jeune chercheur jusqu’à ce qu’on me nomme.

Mais, tout de suite, je me suis rendu compte qu’il y avait des problèmes quant à la gestion au quotidien de cette fonction. (L.53-56).

YÔMBI : Donc, le législateur a bien fait son travail. Supprimer le CENAREST sera pour moi un danger. Il

faut plutôt que nous regardions la bonne gouvernance et, pour moi, garder le CENAREST et mettre les hommes qu’il faut et que l’État regarde bien la bonne gouvernance de cette structure. (L.198-201).

TSALO : Monsieur, quand vous parlez du bon fonctionnement de la recherche, moi, je viens de vous

démontrer qu’il n’y a pas de bon fonctionnement. (L.158-159).

72En effet, ce qui est pour nous une valeur peut ne pas l’être pour un autre chercheur qui utiliserait nos corpus.

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Après chaque compilation des extraits de l’entretien de chaque directeur, nous avons pu constituer un premier croisement des composantes (valeurs, images, normes et algorithmes) du bloc, donc de l’ensemble des directeurs. Ce même travail a été élargi à l’ensemble des blocs transcrits.

Si on s’arrêtait à l’exemple des images, nous aurions eu, en fin de compte, un cadre à deux colonnes. Celui que nous avons est uniquement rempli sur la colonne de gauche, en y présentant le croisement des images du bloc de chercheurs, du bloc de financiers, du bloc de directeurs et du bloc de coordonnateurs. Cette même logique est reprise pour les valeurs, les normes et les algorithmes. Tout compte fait, nous avons quatre cadres fusionnés à l’intérieur des blocs et entre ceux-ci. La fiabilité des cadres est préservée par les noms ou les prénoms codés et les numéros des lignes.

La première phase de cette analyse comparée est donc le croisement intra et extra blocs de chaque composante.

Cette étape, étendue à l’ensemble des corpus transcrits, marquait la fin de ce que nous pouvons considérer comme l’analyse au cas par cas. Avant d’aborder le long processus d’analyse comparative, quelques rappels méritent d’être faits pour mieux sérier ce que nous recherchons dans les phénomènes à l’étude.