• Aucun résultat trouvé

Affronter les problèmes pratiques de l’action

Dans le document Citoyenneté et réconciliation au Rwanda (Page 38-41)

3.1.3 Cinq pôles de la recherche-action et cinq défis

3.1.4.6 Affronter les problèmes pratiques de l’action

Que signifie le mot action en RAI et quel a été notre propre rapport à l’action ? Il arrive souvent que la recherche-action se rapproche du modèle de la

méthodo-logie de projet telle qu’elle est développée par exemple par Boutinet (1990). Dans

ce modèle, le projet est défini comme « anticipation opératoire, individuelle ou collective d’un futur désiré » (Boutinet, 1999). On part d’une préoccupation dif-fuse ou consciente, d’une vision de l’avenir, on établit un diagnostic de situa-tions, le problème que l’action doit résoudre pour réaliser une partie au moins de la vision, un programme d’action que l’on met en œuvre et que l’on évalue.

3. LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA DÉMARCHE 

Ce modèle repose donc sur l’anticipation et l’opérationnalisation. Pour parler comme Habermas, on est alors entièrement dans l’agir stratégique. Nous aurions pu dire, si la mise en œuvre de notre programme de formation avait été notre (unique) but, que nous étions sur ce modèle. Nous aurions ainsi répondu à une seule de nos questions de départ: comment contribuer à la formation des acteurs des associations ?

Ce n’était pas notre modèle : l’action qui était au centre de notre attention était à la fois l’action passée, l’action future et peut-être essentiellement l’action présente. Elle revêtait la dimension globale de l’action d’un groupe sur lui-même et dans la société.

A la question que signifie le mot action en RAI ? Morin (2003) répond qu’il s’agit d’un processus plus que d’une « action planifiée et prédéterminée », qu’elle n’est pas purement « instrumentale » au sens de la résolution de problèmes, qu’il s’agit d’une « conduite globale incapable de se penser uniquement dans des rapports de moyens-fins » (Morin, 2003). Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’une action collec-tive qui vise à devenir communautaire au sens où elle vise l’élargissement dans un ensemble social plus vaste. De plus, ajoute-t-il, « toute RAI visant un change-ment s’oriente égalechange-ment vers l’efficacité de son action qu’elle envisage comme

incitatrice, se multipliant dans d’autres actions de la société » (Morin, 2003 : 49).

Nous pouvons nous retrouver sur l’ensemble de ces caractéristiques ; le der-nier point est peut-être le plus important pour nous. La dimension de l’action qui était au centre de notre attention était l’action quotidienne des associations au

sein de la communauté, et c’est à ce titre que, en tant que chercheurs, nous

assu-mions, de façon prudente et respectueuse, un rôle de co-auteurs de l’action. La préoccupation stratégique et la recherche d’efficacité n’était certes pas absente de notre travail : la négliger eût été se satisfaire de nos seules discussions riches et encourageantes.

Mais ce n’était pas la seule dimension. L’action des sites nous concernait en tant que chercheurs non seulement quant à ses modalités et son efficacité, mais avant tout dans sa capacité à explorer des expériences sociales nouvelles et de servir d’exemples dont on peut s’inspirer. Morin appelle cela des « leçons de vie ». Elle nous intéressait également dans sa capacité à révéler des virtualités sociales présentes dans toute la société, même s’il était prématuré de parler de mouve-ment social.

 CITOYENNETÉ ET RÉCONCILIATION AU RWANDA

Co-auteurs, nous l’étions auprès de nos partenaires avec qui nous pouvions contribuer à développer la pensée dans l’action, la part de réflexion et de conscien-tisation, et parfois la projection dans l’avenir.

Nous étions co-auteurs dans un autre sens encore : nous étions engagés nous-mêmes (le CCM et la HETS) dans une intervention communautaire plus large où, en englobant une pluralité d’expériences, nous cherchions à articuler exercice de la citoyenneté démocratique et réconciliation. Il y avait, dans l’esprit de notre Convention, une circulation entre nos engagements respectifs.

Nous avons utilisé le concept d’agir stratégique, ce concept nous renvoie à Habermas : un auteur qui nous sera utile, à côté d’André Morin, pour préciser encore notre rapport à l’action. A un type d’action appelé précisément agir stra-tégique, orienté vers le succès, Habermas oppose l’agir communicationnel, orienté vers l’inter-compréhension. L’agir communicationnel est par excellence le domaine de l’action citoyenne et partout le politique souffre de sa réduction à une dimen-sion d’agir stratégique.

Cette distinction était fondamentale dans la conception des dialogues que nous avons adoptée : plutôt que de hâter les discussions vers des synthèses rapides ou des décisions, nous avons privilégié l’appropriation progressive, et parfois en spirale, des objets de discussion.

D’une manière générale, il était évident que l’on ne pouvait séparer du domaine de l’action ce qui s’est joué en termes de communication au cours de nos rencontres : les dialogues, les témoignages, les débats à thème, les moments d’écriture, le débat sur le sens des mots chargés de valeur pour tous, le rituel des réunions, les concertations en petits groupes, l’expression poétique spontanée et les danses, tout cela appartient au domaine de l’interaction humaine. La pré-occupation d’authenticité, de parole vraie, de normes partagées et de rapports sociaux réparateurs étaient au cœur de l’action, elles étaient action.

Lorsqu’il s’agissait de la mise en activités ou en projets de ces préoccupations, à l’intérieur de l’association ou de la communauté élargie, qu’il s’agisse de la par-ticipation aux gacaca, de la mise sur pied d’un groupe d’expression culturelle chez les jeunes de Gahini, ou encore de l’activité agricole en coopérative, nous étions, en tant que chercheurs, disponibles en qualité de conseillers stratégiques ou pratiques, attentifs surtout aux dynamiques sociales que cela mettait en mou-vement. Nous ne nous mettions jamais en position de codécideurs de l’action.

3. LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA DÉMARCHE 

Dans le document Citoyenneté et réconciliation au Rwanda (Page 38-41)