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Le couplage de l’université et d’Eureka passe d’abord par NTE. C’est un service né des « tensions » ayant comme origines les registres organisationnels et décisionnels MAOD et MEOD. Ces tensions à la PUCPR conduisent cycliquement à des mouvements « politico- personnels » de réagencement de l’organisation des différents services autour des TICe. Elles sont en général liées à des changements de gestion de niveaux hiérarchiques NH1 et/ou NH2. C’est pour cette raison que fin 2000, la CEAD se divise et donne naissance au NTE – Service de Technologie Éducationnelle. Au niveau de l’organisation pédagogique une scission se produit entre les activités de formation tournées vers l’extérieur et les activités tournées vers l’intérieur des campus universitaires qui sont déléguées au NTE. Il est à noter que les activités externes dépendent du pro-rectorat Recherche et Post-graduation et interne du Pro-rectorat de Graduation (voir : Figure 3 – Organisation de l’université, profils hiérarchiques décisionnaires et services liés à l’environnement numérique.).

En 2000, le NTE est donc officiellement créé. Ses attributions sont la gestion de l’intégration des TICe et le développement et l’accompagnement de l’opérationnalisation d’Eureka dans la salle de classe. Le service est divisé en deux groupes de travail : un se dédie aux contenus

numériques et l’autre à l’intégration de l’usage d’Eureka dans la praxis des enseignants. Tout comme pour la CEAD, la majeure partie de l’activité de NTE se concentre sur Internet. Cet axe est induit par l’héritage des précédentes expériences qui simplifie l’accès qu’ont ces services à Eureka. Jusqu’en 2002 l’usage est encore fragile – même si environ 8 000 utilisateurs s’inscrivent dans l’année (sur la qualité de ce nombre voir Partie I. 4.7.7 Essaimage d’Eureka vers l’université, p. 151).

L’usage d’Eureka continue à dépendre de deux services, NTE lance un nouveau projet pour gérer et distribuer les contenus numériques qu’il produit en collaboration avec des enseignants. Pour faciliter leur production et la diffusion, est inventé un format d’Objets d’Apprentissage – OA, qui sont diffusés dans un environnement numérique, ainsi naît le Système d’Aide à l’Apprenant via Web – SAAW. À partir de ce moment cohabitent deux environnements numériques qui ne communiquent pas, développés et gérés par deux services de l’université, présentant une certaine complémentarité et des recouvrements fonctionnels. Nous verrons que les deux environnements convergeront en 2005.

En 2003, l’université est accréditée auprès du MEC pour l’offre de formations de post- graduation à distance. Le modèle se base sur l’usage d’Internet, Eureka est au centre des activités pédagogiques comme outil de communication, de médiatisation et de support à la médiation.

Eureka passage d’un projet de laboratoire à un projet institutionnel 4.8.2.1

Nous identifions la transition opérée entre les années 2000 et 2003, comme le passage d’un « projet de laboratoire » à un programme institutionnel. Eureka est en phase d’intégration, un nouvel écosystème se constitue autour de lui dans l’université au-delà du LAMI. L’usage d’Internet commence à se répandre dans toutes les classes sociales qui accèdent à la PUCPR. À cette époque, l’usage de la messagerie électronique se banalise. Le Projet Pédagogique Institutionnel incite au travail de groupe, à l’étude par projet et à la communication entre tous les participants. Dès lors, un dispositif est formé, marqué par l’adéquation entre changements sociétal, communicationnel et pédagogique.

Eureka potentialise cet espace d’étude, ses concepteurs ont comme intention de faire « évoluer le campus traditionnel d’un environnement purement physique vers un centre d’apprentissage qui mélange opportunités d’apprentissage virtuel à des expériences de socialisation et d’apprentissage présentiel. » (Barone & Hagner, 2006, p. 18) Il est clairement envisagé une intégration progressive, sans imposition, du bas vers le haut (voir : Entretien NH2 multimédia – pédagogie/concepteur pédagogique, p. 655). L’objectif est que tous

les enseignants et les étudiants puissent s’identifier au dispositif universitaire instrumenté par Eureka, la volonté est de concevoir un dispositif flexible, pérenne et explicite.

Ces lignes directrices de la stratégie de « dissémination de l’usage des TIC » sont décrites dans un texte de Gomes et al (Gomes P. V., Vermelho, Silva, & Hesketh, 2003, p. 72). Les auteurs identifient les principales raisons de rejet par l’institution de l’environnement numérique comme l’incompatibilité avec la structure de l’université, des désaccords sur la proposition, le manque de consultation de la communauté concernée. Eureka tient donc désormais compte de ces écueils. Les mesures en ce sens sont : le respect des spécificités de chaque domaine, le respect de la liberté de choix de l’enseignant, une présentation réaliste de l’usage des technologies et surtout la responsabilisation et l’implication des instances de décisions et de pouvoir dans les projets qui le concernent ou qui mobilisent sa structure. Pour cela des chercheurs, des professeurs et des stagiaires, qui s’appuient sur le Projet Pédagogique Institutionnel pour introduire de nouvelles propositions éducatives et les appuyer, sont impliqués dans le processus d’implantation (Gomes P. V., Vermelho, Silva, & Hesketh, 2003, p. 73).

Eureka, une esquisse de son territoire 4.8.2.2

Par ces actions, Eureka gagne en visibilité, il commence à occuper un espace de pouvoir sur le métier de l’université. Les limites de ce pouvoir ne sont pas fixées, elles empiètent sur d’autres lieux, déjà occupés, structurés. Les acteurs en charge de ces autres lieux résistent soit par un déni de son existence, comme nous le voyons lors des formations d’extension qui ont été interdites par une École se considérant lésée, ou par des tentatives d’absorption comme simple infrastructure – par exemple, par le service dédié aux technologies informatiques – TI. En tant qu’infrastructure, Eureka se positionnerait dans la neutralité technique et politique de l’objet appropriable. Eureka du point de vue utilisateur serait perçu comme objet technique et n’affecterait pas les frontières territoriales existantes dans les formations. Toutefois, une autre voie est celle de l’intégration structurelle de l’environnement numérique comme un dispositif possédant sa propre identité, qui instrumente des pans métiers. Tel sera le point de vue privilégié par le pro-rectorat de recherche et d’extension puis le pro-rectorat de graduation. L’origine de ce choix provient d’un Eureka historiquement lié au monde de la pédagogie et à celui des enseignants – les concepteurs comme les pro-recteurs sont eux-mêmes enseignants. Le lien pédagogique prévaut sur celui de la technique. Même si Eureka n’est pas une demande formelle de l’institution, l’espace qu’il instrumente est perçu comme suffisamment critique pour que celle-ci considère comme nécessaire une formalisation. Cette formalisation

pérennise le projet, le finance et lui donne une consistance politique face à des pressions « prédatrices ». Ces pressions sont récurrentes jusqu’à aujourd’hui64.

C’est dans l’identification au niveau hiérarchique NH1 d’Eureka comme un dispositif adéquat à la pédagogie de formation interne à l’université que MATICE naît du NTE et représente une rupture.

Nous retraçons les premiers instants d’Eureka et de MATICE comme instrument institutionnel au travers de l’entretient avec le NH2 Sciences Sociales – Pédagogie (voir : Entretien NH2 sciences sociales – pédagogie, p. 658) :

« Quand la Pro-Rectrice Académique a pris ses fonctions en 2001, elle savait qu’il existait un projet de plate-forme qui avait été développé par le centre technologique, financé par Siemens. C’est le précédant NH2 responsable d’Eureka qui avait commenté auprès d’elle qu’était utilisée une plate-forme par des professeurs de la graduation. Je ne connaissais pas, et elle non plus, j’étais une de ses assesseurs et elle m’a appelée, […] elle m’a dit, fais une évaluation et vois si cela nous intéresse et si c’est important pour la graduation. » (Entretien NH2 sciences sociales – pédagogie, p. 658).

C’est à partir de cette évaluation que se produit officiellement l’émergence d’Eureka dans les formations offertes par l’université, le résultat sera MATICE comme principal moteur et marqueur de l’émergence d’Eureka. À partir de ce moment, l’université ne statue pas sur les attributions d’Eureka, mais sur son existence au sein d’un projet qui est ambitieux et qui affecte l’ensemble de l’université.

Introduction institutionnelle d’Eureka dans les formations

4.8.2.3

académiques

Le mode d’introduction d’Eureka dans les formations académiques de la PUCPR relève de la contingence plutôt que du besoin. L’interrogation de la NH2 sur le pouvoir décisionnel qu’a eu une personne sur la forme d’implantation d’Eureka à la PUCPR illustre cette contingence.

« Avec le temps, une chose a attiré mon attention, cette particularité du gestionnaire d’avoir le pouvoir, à partir d’une évaluation d’un subalterne si l’on va ou non implémenter une cassure dans un paradigme. […]. Si je n’avais pas évalué ? […] J’ai fait une recherche, j’ai discuté avec des personnes, et vu le potentiel, […] cela m’a pas mal interpellée. Je lui ai dit, « on peut faire beaucoup de choses ». Principalement parce que nous avions un parc technologique et des équipements, des laboratoires d’informatique, l’expertise de plusieurs professionnels qui travaillaient déjà avec ça, des formations déjà tournées vers les TIC et cet ensemble a attiré mon attention. Je lui ai dit que cela valait la peine et elle m’a dit, « bon alors vois pour quoi faire et comment on peut l’utiliser ». » (Entretien NH2 sciences sociales – pédagogie, p. 658).

64

Pour aboutir en 2016 à l'abandon de l’environnement numérique de formation Eureka dans le cadre académique.

L’émergence d’Eureka est portée par des professionnels qui prennent des décisions de façon autonome et isolée. Néanmoins, ces décisions ne sont pas disjointes d’un groupe ou tendance qui transporte des propositions corrélatives. La force d’émergence impulsée par la NH2 se situe dans sa capacité d’organiser des éléments et d’instrumenter une problématique. La décision d’aller de l’avant ne signifie donc pas pour elle que l’émergence est consommée, elle est encore au niveau du potentiel.

De la pratique enseignante – Cadre artisanal, le bricolage