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Première partie : Cadre théorique

2. Chapitre 2 : Education aux médias et approches mises en œuvre pour l’étude des médias l’étude des médias

2.1. L’éducation par et aux médias

« Lorsqu’on parle d’éducation par les médias, on entend l’utilisation de films, émissions de télévision et de radio, journaux, magazines, affiches publicitaires, etc. comme auxiliaires d’enseignement : projection d’un documentaire scientifique, visionnement d’un film en classe d’histoire, de religion ou de morale pour traiter d’un thème particulier, utilisation d’articles de journaux pour aborder certains aspects de l’apprentissage de la langue maternelle ou de la langue seconde, etc. L’éducation par les médias renvoie ainsi à une pédagogie du soutien, où les productions médiatiques sont au service de l’enseignement des matières scolaires » (Piette, 20066). Dans ce sens, l’éducation par les médias désigne l’utilisation des médias dans une perspective d’acquisition de savoirs formels disciplinaires dont l’enjeu n’est pas de manière systématique la compréhension des modes de production et de représentation des langages médiatiques. Dans cette perspective, les médias sont utilisés comme un outil pédagogique d’apprentissage. L’éducation par les médias remplit alors des besoins cognitifs d’apprentissage. La démarche d’utilisation des médias via une approche de l’éducation par les médias a davantage une visée didactique que critique. A ce titre, Jacquinot (2008, p. 198-199) montrera en prenant l’exemple de deux travaux de recherches7, que les démarches d’utilisation des médias peuvent être distinctes selon que la perspective est technique, didactique et sémiotique. Néanmoins, elle souligne « la nécessité de connaître le fonctionnement non seulement

5 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, Annexe, La refondation de l'école de la République : objectifs et moyens, Apprendre à l'ère du numérique, récupéré de https://www.clemi.fr/fr/formation/se-former-a-leducation-aux-medias-et-a-linformation.html

6 Dans Cahiers pédagogiques, n° 449 de 2007, repéré à http://www.cahiers-pedagogiques.com/Education-par-les-medias-ou-aux-medias

7 L’usage des vidéogrammes didactiques sur les apprentissages des activités sportives (Bironneau, 1994) et l’analyse des effets d’un dispositif médiatique sur les interactions sociales et cognitives entre élèves (Cerisier, 2000).

technique mais sémiotique (les processus de signification) du média utilisé pour transmettre des informations : et en particulier la nécessité de l’éducation « aux » médias pour rendre plus efficace une éducation « par » les médias » (Jacquinot, 2008, p. 199). Nous pourrions aussi entendre par éducation par les médias, l’usage des médias comme un moyen d’acquisitions de connaissances dans une perspective de compréhension critique ou non d’une question publique inhérente aux processus de choix démocratiques à l’instar des campagnes électorales présidentielles. Le décodage d’idées véhiculées par les médias peut également générer différentes formes d’interprétations ou d’attitudes par les lecteurs que nous pourrons examiner au travers de l’analyse des entretiens auprès d’étudiant-e-s. L’éducation aux médias intègre à la réception des messages médiatiques, la conscience des représentations, fonctions et enjeux de ces instances intermédiaires. Ainsi, l’éducation aux médias désigne : « une éducation critique à la lecture des médias, quel que soit le support (écrit, radio, télévisé). L’objectif est de faciliter une distanciation par la prise de conscience des fonctionnements des médias, de leurs contenus comme de la mise en perspective des systèmes dans lesquels ils évoluent » (Gonnet, 1999, p.15). A la pratique de consultation ou de lecture des médias (éducation par les médias) s’ajoute celle d’un discours sur leurs visées et les formes de représentation des phénomènes. L’éducation aux médias permet « de s’interroger sur les modalités de réception des messages des différents médias et chercher à comprendre la nature de leurs effets en commentant et en se prononçant sur les idées, les valeurs et les points de vue qu’ils véhiculent » (Piette, 2007).

Pourtant, la définition du terme éducation aux médias fait l’objet de controverses dans son évolution. On peut recenser consécutivement trois approches historiques correspondant à différentes acceptions de l’éducation aux médias. Une première approche de l’éducation aux médias était envisagée comme l’apprentissage des moyens de communication. Cette approche se centre alors sur la connaissance et l’utilisation des médias comme une forme d’instruction/apprentissage des connaissances sur le monde. La formule " éducation aux médias" « se réfère à un usage né autour des années soixante dans les milieux internationaux traitant des problèmes d’éducation, en particulier à l’Unesco » (Gonnet, 1999, p. 14). L’étude des médias s’est d’abord focalisée sur l’étude de la télévision en particulier. « Pêle-mêle on abordait aussi bien la capacité de ce nouvel outil magique d’alphabétiser à grande échelle des populations privées de structures d’enseignement et de personnels qualifiés ; la réticence des enseignants à accepter la télévision comme une approche légitime du savoir ; la nécessité de démarches critiques face à des risques de manipulation des médias en général » (Gonnet, 1999, p.14-15). Cette approche comprenait non seulement l’étude du dispositif télévisuel mais en outre celle des réserves ou critiques émises par les enseignants au sujet de ce moyen de

47 communication. Cependant, l’apprentissage des médias s’est étendu à d’autres moyens de communication et de production culturelle et artistique dont le cinéma. Le Conseil international du cinéma et de la télévision (CICT) proposera en 1973 la définition ci-après de l’éducation aux médias : « par éducation aux médias, il convient d’entendre l’étude, l’enseignement et l’apprentissage des moyens modernes de communication et d’expression considérés comme faisant partie d’un domaine spécifique et autonome de connaissances dans la théorie et la pratique pédagogiques, à la différence de leur utilisation comme auxiliaire pour l’enseignement et l’apprentissage dans d’autres domaines de connaissances tels que celui des mathématiques, de la science et de la géographie » (Gonnet, 1984, p. 7). Dans cette deuxième acception du terme éducation aux médias, les dispositifs de communications sont à la fois objet d’étude et objet d’usage (d’apprentissage). Ces outils sont alors étudiés dans leurs modalités d’usage, de compréhension et d’appropriation de leurs contenus. On y retrouve à cet effet une dimension technique et pédagogique de l’usage de moyens de communications de masse. Enfin, on peut mentionner une définition complémentaire mettant en plus l’accent sur l’influence sociale et psychologique (mode de pensée) des médias sur les représentations et les rapports sociaux entre les individus. Ainsi, l’éducation aux médias signifiera en 1979 « toutes les manières d’étudier, d’apprendre et d’enseigner à tous les niveaux[…] et en toutes circonstances l’histoire, la création, l’utilisation et l’évaluation des médias en tant qu’arts plastiques et techniques, ainsi que la place qu’occupent les médias dans la société, leur impact social, les implications de la communication médiatisée, la participation, la modification du mode de perception qu’ils engendrent, le rôle du travail créateur et l’accès aux médias » (Gonnet, 1999, p. 10).

Les termes éducation aux médias et éducation par les médias ont une acception différente selon les écoles qui s’intéressent à l’usage et l’appropriation des médias. En ce sens, la notion d’éducation aux médias est appréhendée parfois comme étant proche de la notion de media litteracy. Néanmoins, Buckingham (cité par Corroy, 2003, p. 39) précise que « si dans les usages anglo-saxons, littératie médiatique et éducation aux médias sont parfois utilisées de façon synonymique, l’éducation aux médias représente davantage un processus, au sein duquel la pensée critique et la créativité paraissent fondamentales, plaçant au cœur de ses recherches la question des acteurs et de leur engagement créatif ». Par éducation aux médias, on entend l’utilisation des médias à des fins de connaissance ou d’apprentissage. On peut parler ici d’une éducation par les médias. Cependant, à l’acception éducation aux médias est aussi associée la capacité à avoir une compétence critique face aux discours et aux supports médiatiques.

D’abord, la formalisation historique et institutionnelle du champ de l’éducation avec ses diverses approches démontre également une diversité, voire une ambiguïté dans la définition du secteur de l’éducation aux médias. Ensuite, le développement de l’approche des littératies médiatiques questionne cette distinction entre éducation aux médias comme compétence critique et de décodage et éducation aux médias en tant que compétence technique incluant la création et la production de médias et discours d’informations. L’éducation aux médias peut être traduite de manière similaire en anglais par le terme media literacy au point que Corroy (2012, p. 67) se demande d’ailleurs si « il y a un sens à séparer aujourd’hui l’éducation par et aux médias à l’ère du numérique au 20ième siècle bien qu’il ne faille pas confondre les deux acceptions ». En France, l’essor de l’éducation aux médias se traduit par une analyse des effets et du rôle des médias par le biais des théories de l’agenda setting de McCombs et Shaws (Corroy, 2016, p. 35).

Si les premières approches historiques de l’éducation aux médias se sont centrées sur l’utilisation des médias comme des outils de connaissance, certaines des approches qui se sont développées ultérieurement lui ont octroyé un sens complémentaire. La définition attribuée au terme éducation aux médias que donnent les acteurs en charge de la valorisation ou de la promotion de l’éducation aux médias au niveau international, national et scolaire a plusieurs fois été complétée. L’analyse des médias sera centrée en particulier sur l’éducation aux médias comme transmission des connaissances d’abord via l’analyse de leurs outils de langage à propos des campagnes présidentielles de 2007 et 2012. Cependant, l’analyse de la représentation que se fait le public des messages médiatiques prendra en compte l’éducation par et aux médias (compréhension des messages et de leurs enjeux et formation, compétences et prérequis d’analyse des énoncés médiatiques).

Les différentes approches théoriques de l’éducation aux médias (à savoir l’approche vaccinatoire, l’approche du jugement critique et l’approche du décodage des médias) permettront d’analyser et d’interpréter les représentations et l’appropriation des messages médiatiques au sujet des campagnes présidentielles par les dits recueillis auprès du public étudiant interrogé. D’abord, l’approche vaccinatoire se penche sur la dimension déterministe des médias et notamment le rôle que peuvent jouer les médias dans la modification des manières de penser. Elle met en exergue la possibilité d’une présence au sein de journaux de fausses informations (Gonnet, 1999, p. 19). Ensuite, l’approche du jugement critique entretient un paradoxe sur la valeur des informations dans la mesure où celle-ci consiste à analyser les médias non pas du point de vue de leur dimension controversée ou contestable mais du point de vue de la portée de leurs caractéristiques. « Une telle approche reposait, en fait, pour Masterman, sur

49 une conception extrêmement naïve de la notion de « valeur » (Gonnet, 1999, p. 20) ». Bien que fondée sur le principe d’une analyse critique ou distanciée des médias Masterman signale que : « [l]es enseignants appréciaient réellement les différentes formes de la culture populaire-et en particulier le cinéma-, ils en voyaient les qualités et étaient peu enclins à les présenter comme sources inévitables de corruption. Le sens critique-cette aptitude à émettre des jugements subtils- demeurait l’objectif premier. Mais il devint dès lors une qualité dont il fallait user non plus contre les médias, mais contre leur contenu » (Masterman cité par Gonnet, 1994, p. 23). Enfin, l’approche du décodage des médias (Masterman, 1994) a comme objectif d’étudier non seulement les fonctions des médias en rapport avec leurs contextes sociaux de production mais également leur dimension sémiologique (la configuration des messages médiatiques ainsi que les significations qui s’y rapportent) et idéologique (croyances, savoirs, normes et valeurs diffusées). « […] ce qui leur permit [aux enseignants] d’avoir une appréhension conceptuelle plus cohérente du rôle et de la fonction des médias dans leur ensemble, et de la manière de les enseigner » (Masterman cité par Gonnet, 1994, p. 33). Les travaux de Barthes en l’occurrence en sémiologie de l’image ont permis d’approfondir l’analyse du discours médiatique comme une forme de perception, de description et d’interprétation des phénomènes sociaux et non pas comme un reflet de la réalité sociale. « Dans Mythologies, publié en 1957, traduit en anglais en 1972, Barthes insistait surtout sur le concept de représentation, et introduisit dans les études sur les médias un discours particulier dans lequel professeurs et élèves ne parlaient pas, disons, des femmes de la pauvreté, des prisons, de l’Afrique ou des classes sociales, telles que les médias les leur révélaient ou les décrivaient, mais de la représentation de ces concepts » (Gonnet, 1999, p. 22). L’analyse de la perception des futurs professeurs des écoles permettra de problématiser la représentation médiatique des campagnes présidentielles au regard du rôle des médias dans le débat public ainsi que la compréhension et l’explication des problèmes publics, ici le choix du président de la République.

2.2. Quelques précisions sur l’éducation aux médias en France et dans d’autres

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