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L’éducation des femmes dans les textes avant le XVe siècle en Espagne : des reflets fragmentaires

futures Griselidis

3. L’éducation des femmes dans les textes avant le XVe siècle en Espagne : des reflets fragmentaires

Comme nous venons de le voir, la production de traités didactiques destinés aux femmes n’a guère connu d’interruption en France, chaque siècle du Moyen Âge voyant naître un certain nombre de textes, qu’ils soient rédigés en latin ou en langue vulgaire. Bien que nous l’ayons évoqué beaucoup plus brièvement, cela est vrai, également, pour d’autres territoires européens, notamment la Toscane, mais aussi l’Angleterre ou le Saint Empire. Dès lors, les territoires de la péninsule Ibérique font figure d’exception, puisqu’on n’y écrit que très peu sur l’éducation des femmes133.

132 Éric Hicks et Thérèse Moreau notent ainsi, dans leur introduction à la Cité des dames, que la Querelle des femmes resurgit au XVIe siècle, notamment à travers les échanges poétiques qui sont menés à Lyon et à Toulouse, remettant l’œuvre de Christine de Pizan au goût du jour (C.

DE PIZAN, op. cit., p. 17). Par ailleurs, le Livre des Trois Vertus a connu deux traductions en portugais, dont la deuxième, intitulée Espelho de Cristina, fut imprimée en 1518 sous l’égide de la reine Leonor, femme de Jean II de Portugal.

133 Il convient de préciser que nous ne nous sommes intéressée qu’à la littérature didactique écrite en latin ou dans les langues vernaculaires d’origine latine, et pas aux textes rédigés en

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a. L’opuscule de Léandre de Séville pour sa sœur : un texte

longtemps resté sans suite

Cependant, la production textuelle destinée à éduquer les femmes, si elle connaît un véritable développement dans les dernières décennies du Moyen Âge, n’est pas totalement inexistante tout au long des siècles précédents. Il est toutefois intéressant d’observer que plus de huit siècles séparent l’opuscule que Léandre de Séville134 dédie à sa sœur du Libre de les dones de Francesc Eiximenis, qui marque, dans la péninsule Ibérique, la fin d’une longue période durant laquelle aucun texte spécifiquement destiné à l’éducation des femmes n’a été produit. Cette absence ne peut manquer de susciter l’interrogation du chercheur. On peut, bien sûr, arguer que l’invasion arabe a désorganisé pour un temps les royaumes chrétiens, et empêché les esprits de se tourner vers une question qui, compte tenu des circonstances, pouvait apparaître comme secondaire. Mais, dès lors que des cours brillantes ont vu le jour, que certaines femmes ont joué des rôles importants dans la destinée des différents territoires sur lesquels elles exerçaient un pouvoir, le silence des textes semble encore plus difficile à comprendre. Ce silence est, toutefois, relatif, dans la mesure où il existe bien, dans l’esprit des hommes de l’époque, un modèle auquel les femmes doivent se conformer, modèle que l’on peut reconstituer, notamment, à partir des chroniques135, mais aussi de certains textes littéraires. De même, la question de l’éducation des femmes apparaît, comme nous le verrons, dans les textes qui visent à définir les fondements juridiques du royaume comme les Partidas d’Alphonse X, ou les modalités d’exercice du pouvoir, comme les Castigos del rey don Sancho IV ou la Glosa castellana al « Regimiento de príncipes » de

arabe.

134 Il s’agit du De institutione virginum et contemtu mundi (De la instrucción y desprecio del mundo), composé en 577-578. Le Libre de les dones sera, lui, écrit en 1396.

135 Charles Garcia affirme ainsi que l’image contrastée donnée par les chroniques et chartes qui évoquent la reine Urraque – dont il dit d’ailleurs qu’elle fut, en tant que femme de pouvoir, « une exception durant ce mâle Moyen Âge hispanique » – permettent de construire une représentation de la femme idéale au Moyen Âge (Charles GARCIA, « Le pouvoir d’une reine. L’image d’Urraque Ière (1109-1126) dans les Crónicas anónimas de Sahagún », in : E-Spania, Revue électronique d’études hispaniques médiévales, n°1, Paris : Université Paris-Sorbonne, 2006, § 20). Par ailleurs, Patricia Rochwert-Zuili, après avoir étudié la façon dont apparaissent, notamment, Bérengère et Sancie dans l’historiographie du XIIIe siècle, définit trois qualités essentielles pour la femme politique de l’époque : elle doit être capable de donner de bons conseils à celui qui gouverne, doit préserver la mémoire du lignage et la transmission héréditaire du pouvoir et s’institue comme médiatrice entre le spirituel et le temporel, en contribuant notamment à la fondation d’établissements pieux (Patricia ROCHWERT-ZUILI, « De Sancie à Bérengère. Les femmes et le pouvoir dans l’historiographie alphonsine et néo-alphonsine (XIIIe-XIVe) », in : E-Spania…, § 46).

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Egidio Romano de Juan García de Castrogeriz. On ne peut donc certes pas parler d’un désintérêt total pour la question mais, alors qu’il a paru utile d’écrire des textes spécifiquement destinés à l’éducation des jeunes gens et, notamment, des princes, la question de l’éducation des femmes n’a été traitée que de façon succincte. L’opuscule de Léandre de Séville est donc resté longtemps sans successeur.

Il s’agit d’ailleurs d’un texte relativement peu connu, ce qui peut sembler étonnant compte tenu de la personnalité de son auteur et du rôle qu’il a joué dans l’implantation du catholicisme en Espagne136. Léandre a écrit ce texte pour sa sœur Florentine dont il a pris en charge l’éducation dès son plus jeune âge, et qui se dispose à devenir religieuse. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un texte destiné à guider le comportement d’une laïque, comme ceux qui nous ont intéressée dans notre corpus, mais d’une sorte de règle destinée à aider la destinataire au moment où elle entame sa carrière monastique. L’auteur commence par lui faire part de son désir de lui offrir un cadeau, sans trouver quel bien temporel choisir, puisque tous éloignent de Dieu : il choisit donc de lui faire présent du traité, selon une formule que l’on retrouvera au tout début des Castigos e doctrinas que un sabio daba a sus hijas137. Cependant, la dot par excellence de la vierge est le sang du Christ, et Léandre commence son texte par un éloge de la virginité, selon des modalités que nous avons déjà rencontrées dans les discours des Pères de l’Église138. On peut toutefois noter qu’il insiste davantage sur la fonction d’intercession des vierges, et demande d’ailleurs à sa sœur de plaider sa cause139. De même, la vierge est considérée

136 Léandre est en effet l’aîné d’une famille de quatre enfants, qui ont ensuite tous été canonisés, ses frères et sœur étant : Florentine (pour laquelle il écrit le traité dont nous allons à présent parler), Isidore (le célèbre auteur des Étymologies) et Fulgence. Il devint l’évêque métropolitain de la Bétique puis s’employa à faire abandonner l’arianisme aux Goths pour les convertir au catholicisme. Il y parvint, non sans difficultés, puisqu’en 589, au IIIe concile de Tolède, les tenants de l’arianisme furent déclarés hérétiques.

137 Dans ce dernier cas, le traité est considéré comme la meilleure chose que le sabio puisse transmettre à ses filles (Castigos…, p. 91). De même que dans le texte de Léandre de Séville, les biens matériels sont donc méprisés au profit d’enseignements considérés comme plus précieux, lesquels constituent dans les deux cas la dot de la jeune fille, que celle-ci soit destinée au couvent ou au mariage.

138 Condamnant celles qui se laissent entraîner par les atours et les plaisirs du siècle, il affirme également que la femme mariée cherche à plaire à son mari et au monde, tandis que la vierge ne cherche à plaire qu’à Dieu, et que le mariage ne vaut que tant qu’il produit des vierges. Par ailleurs, sa condamnation sans appel de tous les artifices de la séduction, considérés comme des ruses peccamineuses, le rapproche de Tertullien.

139 Léandre DE SÉVILLE, De la instrucción de las vírgenes y desprecio del mundo/De institutione virginum et contemtu mundi, traduction, étude et notes de Jaime Velázquez, Madrid : Fundación universitaria española, 1979, p. 182.

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comme une exception à son sexe puisque, oublieuse de la fragilité féminine, elle fait preuve d’un caractère viril en s’opposant à la faiblesse de la chair140. Libre par rapport aux conséquences du Péché Originel qui ne pèsent pas sur elle, elle l’est également par rapport à la tutelle masculine, dans la mesure où elle n’est pas mariée : Léandre se situe donc dans la lignée de saint Ambroise, en conférant à celle qui choisit de renoncer à la vie mondaine une liberté que les auteurs de la fin du Moyen Âge ne reconnaîtront que difficilement141. Après cette première partie consacrée, comme nous venons de le voir, à un éloge de la virginité, l’auteur formule ensuite des conseils plus concrets, qui ne diffèrent guère de ceux élaborés par les auteurs que nous avons étudiés plus haut. Notons toutefois qu’il démontre une hostilité plus prononcée envers le mariage et la femme mariée, puisque celle-ci n’est vue que comme une corruptrice potentielle142 : en d’autres termes, Léandre ne semble pas envisager qu’une femme mariée puisse être un modèle de vertu. De même, il adopte une position plus dure que celle, par exemple, de saint Jérôme, en affirmant que la vierge doit éviter tout contact avec les hommes, fussent-ils exemplaires143. Par ailleurs, la vie qui attendait Florentine n’est plus la vie de vierge solitaire que pouvaient mener les femmes de la fin du IVe siècle, mais déjà une vie en

140 Elle acquiert ainsi, au même titre que l’homme, liberté et autorité, qui doivent néanmoins être bridées par la pudeur, faute de quoi elles deviennent un vice (ibid., p. 192). De ce point de vue, la vierge est une virago, un esprit masculin incarné dans un corps féminin, selon une conception de la femme exceptionnelle que nous retrouverons de façon répétée dans plusieurs textes de notre corpus.

141 Il est ainsi intéressant de voir comment Hernando de Talavera définit la liberté des religieuses dans la Suma y breve compilación qu’il dédie aux cisterciennes d’Ávila : « La obedientia haze al alma bivir muy libre y muy descansada, porque ningund cuidado tiene de pensar lo que hará, la que ha de hazer lo que le mandaren, y no lo que quisiere. […] Pues sed, hijas mías, muy obedientes si querés ser muy libres […]» (H. DE TALAVERA, Suma y breve compilación, in Cécile CODET, « Edición de la Suma y breve compilación de cómo han de bivir y conversar las religiosas de sant Bernardo que biven en los monasterios de la cibdad de Ávila de Hernando de Talavera, (Biblioteca del Escorial, ms. a.IV-29) »,

Memorabilia, 14, 2012, p. 1-57, plus particulièrement p. 39). On mesure tout l’écart qui s’est creusé entre le début du Moyen Âge où, du moins dans les discours, le choix de la vie religieuse pouvait être indépendant et ne pas supposer la soumission à une hiérarchie autre que celle du Christ, et la fin de cette période, où la vie conventuelle féminine est, au contraire, strictement encadrée.

142 Une vierge et une épouse ne peuvent donc rien avoir en commun, et la seconde, même si elle manifeste de l’admiration pour la première, ne manquera pas de l’entraîner, par ses conversations, vers les plaisirs du siècle (voir L. DE SÉVILLE, op. cit., p. 188).

143 Impossible, donc, pour Florentine, de demander conseil à un savant homme lorsqu’elle ne comprend pas un passage des Écritures, comme saint Jérôme le recommandait à Eustochie. C’est peut-être la raison pour laquelle Léandre prend les devants, en conseillant à sa sœur de ne pas prêter attention aux cas de mariages multiples, de bigamie, de meurtres, etc., mentionnés dans l’Ancien Testament, et de donner à tout cela un sens spirituel plus que charnel. De même, il lui donne la clé de l’interprétation spirituelle du Cantique des cantiques, afin qu’elle ne se laisse pas tenter par les amours charnels en prenant le texte au pied de la lettre (ibid., p. 199-200). En d’autres termes, il ne se contente donc pas de recommander à sa sœur lecture et prière perpétuelle (p. 199), mais oriente également sa perception du texte biblique.

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communauté, puisqu’il est fait plusieurs fois allusion à ses « sœurs », qui vivent ensemble dans un monastère144. De règle de vie individuelle, le texte se transforme donc, dans les derniers paragraphes, en règle de vie monastique, Léandre donnant quelques pistes pour organiser la vie du couvent. Il convient de noter ici qu’il fait preuve d’un certain pragmatisme, puisque, reconnaissant que, si l’on traite de la même façon celle qui vient d’un milieu aisé et celle qui vient d’un milieu pauvre, la première se sentira humiliée, il recommande de respecter les hiérarchies sociales à l’intérieur du couvent et de traiter avec déférence celles qui avaient un rang plus élevé dans le monde145. On trouve enfin une autre preuve du pragmatisme de l’auteur et de son attention au cas individuel de sa sœur dans les consignes qu’il lui donne à propos de la nourriture : si le jeûne, l’absence de vin et de viande sont méritoires et doivent être la règle, Florentine, étant de santé fragile, pourra faire preuve de modération dans l’abstinence146. Léandre n’a donc pas cherché à former une femme abstraite, mais un individu particulier pour lequel il a tout spécialement adapté son enseignement. Après lui, la littérature didactique spécifiquement destinée aux femmes tomba en désuétude, du moins jusqu’à la fin du XIVe

siècle. Il fallait bien, pourtant, définir ce que l’on attendait d’une femme, les valeurs qu’on souhaitait lui inculquer et le comportement par lequel elle devait les illustrer. Si ces questions n’apparaissent pas dans des textes qui leur seraient entièrement dédiés, elles ne sont pas pour autant laissées en suspens pendant huit siècles : d’autres écrits peuvent apporter quelques réponses.

144Ibid., p. 208 et 209. Par ailleurs, Léandre condamne déjà sans ambiguïtés la vierge solitaire qui vit dans le monde, dans la mesure où, pour plaire aux regards mondains elle sera forcée d’adopter les atours adéquats et de délaisser le service de Dieu. On le voit, la vie en communauté est déjà, pour lui, la seule modalité possible d’une vie religieuse féminine, selon une opinion qui sera, au XVe siècle, des plus répandues. Cependant, l’aspiration à une vie religieuse solitaire restera, semble-t-il, une constante, puisque c’est encore le souhait du personnage d’Eulalie dans les Coloquios matrimoniales de Pedro de Luján, qui datent de 1550.

145Ibid., p. 210.

146 S’il est bon de s’abstenir de viande, afin que les repas de la vierge se distinguent de ceux du monde, sa sœur pourra, compte tenu de sa faiblesse, en manger, mais comme on prendrait un médicament, c’est à dire avec parcimonie (ibid., p. 207-208). Dans le même esprit, Léandre va même jusqu’à évoquer une pratique qui n’est que très rarement mentionnée dans les textes dont nous avons pu prendre connaissance, surtout s’agissant d’une femme qui se destine à la vie monastique : le bain (ibid., p. 203). Bien sûr, celui-ci n’est autorisé qu’à des fins thérapeutiques, mais il s’agit également, et l’auteur en est bien conscient, d’une pratique liée aux soins du corps et à la recherche de beauté.

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b. L’éducation des femmes et l’exercice du pouvoir

Parmi ceux-ci, nous avons choisi d’examiner en premier lieu certains des textes destinés à guider l’action politique. Il s’agit en l’occurrence, plus précisément, des Partidas d’Alphonse X (1252-1284), mais aussi des Castigos del rey don Sancho IV (fin du XIIIe-début du XIVe siècle) et de la glose faite par Juan García de Castrogeriz au De regimine principum de Gilles de Rome (ca. 1344), dans la mesure où ils permettent de comprendre comment ceux qui étaient chargés de diriger le royaume ou de penser l’action du souverain envisageaient la question de l’éducation des femmes.

Le Roi savant choisit d’aborder le problème dans le septième titre de la seconde Partie, qu’il consacre à l’éducation des enfants royaux147. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que, sur 13 lois, deux seulement concernent l’éducation des princesses, et que leurs titres donnent déjà une claire idée de l’orientation globale de l’éducation féminine : « Quáles amas deben haber las fijas de los reyes, e cómo deben ser guardadas » (loi 11) et « Cómo el rey et la reyna se deben trabajar en casar sus fijas » (loi 12)148. Il ne faudrait pas penser, néanmoins, que les souverains s’intéressent peu à l’éducation de leurs filles, et le contenu de la onzième loi prouve d’ailleurs le contraire : l’éducation des princesses serait, ainsi, plus étroitement assurée que celle des princes, dans la mesure où, à la différence de ceux-ci, elles ne peuvent avoir de contacts fréquents avec l’extérieur. Dès lors, aux yeux du législateur, il convient que les filles de sang royal n’apprennent que de leur père, de leur mère (dont il est dit qu’elle est particulièrement apte à s’occuper de cela149), ou de la compagnie que ceux-ci

147 Il faut en effet préciser que les Partidas ne s’intéressent qu’à l’éducation des filles de souverains, et ne disent rien de celle des autres. On peut tout de même remarquer que les jeunes filles pauvres sont l’objet de l’attention du législateur (Partida III, XXVIII, 12), mais uniquement pour éviter qu’elles ne tombent dans la prostitution, ce qui passait avant tout par des mesures d’aide financière (Carmen LÓPEZ ALONSO, « Mujer medieval y pobreza », in : Y.

R. FONQUERNE (éd), La condición de la mujer en la Edad Media, Actas del coloquio celebrado en la Casa

de Velázquez, del 5 al 7 de noviembre de 1984, Madrid : Editorial de la Universidad Complutense, 1986, p. 261-272, plus particulièrement p. 265).

148Las siete partidas del rey don Alfonso el Sabio, cotejadas con varios códices antiguos por la Real Academia de la Historia, t. 2, Madrid : Ediciones Atlas, 1972, p. 53.

149 De fait, dans la 4e Partie, II, 2, le matrimonio est défini comme l’association des termes

matris et munium, puisque c’est à la mère qu’incombe la plus grosse partie de l’éducation des enfants. Elle doit les aimer (mais ceci est dans la nature des choses), les éduquer, particulièrement jusqu’à leur troisième anniversaire, et leur transmettre le titre et les honneurs qui y sont liés. Dès lors, Reyna Pastor estime que le règne d’Alphonse X inaugure une conception de la maternité, non plus seulement comme fonction biologique, mais aussi comme source d’amour et d’honneur, et va jusqu’à dater du XIIIe siècle la naissance de l’amour maternel (Reyna PASTOR, « Para una historia social de la mujer hispano-medieval. Problemática

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voudront bien leur donner, c’est-à-dire les nourrices et les gouvernantes150. Quant au contenu de l’éducation, il s’agit, bien entendu, d’inculquer aux jeunes filles la tempérance dans le boire et le manger, l’art de se comporter en société et, plus généralement, les bonnes mœurs. L’auteur mentionne cependant plus précisément deux apprentissages : les travaux d’aiguille, d’une part, et, d’autre part, « desque hobieren entendimiento para ello, débenlas facer aprender a leer, en manera que lean bien cartas, y sepan rezar en sus salterios »151. Voilà donc résumés les enseignements que doit recevoir une princesse avant de se marier. Sont-ils vraiment distincts de ceux que doivent recevoir les princes ? De fait, ils partagent un socle commun : garçons et filles doivent ainsi apprendre à bien se tenir, notamment lors des repas (la 5e loi du titre 7 est tout entière consacrée à des prescriptions concernant les manières de table)152. Cependant, aux garçons est réservé plus particulièrement l’apprentissage de l’art oratoire153, celui de l’écriture (qui n’est pas expressément mentionné pour les filles), et, quand ils sont donceles, ceux de la chasse et du maniement des armes, mais surtout ceux qui sont liés à la politique154 : le prince doit par exemple apprendre à reconnaître le degré de noblesse de chacun, afin de pouvoir adapter son comportement en fonction155. Les renseignements fournis par les Partidas quant à l’éducation des jeunes filles sont donc assez minces, mais ils montrent la