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L’ÉCOLE NORMALE, UN INSTRUMENT ÉDUCATIF CONFIRMÉ U NE ÉVOLUTION QUI SUIT L ’ ÉVOLUTION SOCIOÉCONOMIQUE DU CANTON

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EXCLUSIVITÉ DE LA FORMATION DU PERSONNEL ENSEIGNANT A la pénurie du 19e siècle et du début du 20e succède, dès 1923, une pléthore d’enseignants que le DIP cherche à juguler à travers l’adoption de plusieurs mesures, telle la limitation des subventions attribuées aux candidats admis aux Écoles normales. Cette limitation des candidats officiels dans l’établissement cantonal n’empêche pas les candidats de partir « se préparer au brevet dans d’autres établissements ou même hors du canton, liberté qui ne peut pas être contestée » (Interprétation de la décision du Conseil d’État du 12.5.1923 ; 8.6.23. AEV, 4150-7/41). Un problème émerge alors. Le Conseil d’État réalise que la réduction du nombre des admissions, décrétée le 12 mai 1923, sera « insuffisante à remédier à la surabondance momentanée du personnel enseignant attendu qu’il serait loisible aux candidats refusés de se former dans d’autres établissements similaires en dehors du canton». Le subside accordé par L’État aux aspirants désargentés tombe définitivement en 1923/1924, afin de diminuer le nombre des candidats sans manquer d’instituteurs et de réaliser des économies (Décision du Conseil d’État, le 23.6.1923. AEV, 4150-7/41). Pourtant, malgré cette absence de bourses d’études accordées aux normaliens, les jeunes gens ne se découragent pas et demandent toujours à entrer à l’École normale.169

Des mesures drastiques sont alors envisagées par la commission cantonale de l’enseignement primaire. Cette dernière propose, « au risque de créer des aigris et des mécontents », de fermer les Écoles normales pour quelques années, de restreindre les admissions, de ne délivrer les permis d’enseignement qu’au fur et à mesure des besoins, de n’engager que du personnel ayant fréquenté les Écoles normales officielles, de renvoyer le personnel enseignant étranger au pays et les maîtresses mariées (École normale des instituteurs à Sion, nouvelle orientation. AEV, 4150-7/8AEV, 4150-7/8). Mais la première solution paraît compliquée, vu la révision des conventions liant l’État aux trois congrégations religieuses chargées de la formation des enseignants, la réduction trop forte des admissions constituerait une erreur,

169 A ce propos, voir la lettre du 20.5.1930. AEV, 4150-7/10.

« attendu que les frais d’enseignement resteraient à peu près les mêmes »et les autres solutions ne semblent pas non plus envisageables à court terme sans dommage.

Une mesure est immédiatement prise. Elle concerne « les jeunes gens qui auraient suivi des cours considérés par le Département comme équivalents des cours de l’École normale »170 : cette possibilité de se présenter aux examens pour l’obtention du droit d’enseigner est supprimée. L’exclusivité de la formation des enseignantes et enseignants du canton est clairement attribuée aux Écoles normales officielles :

Les aspirants instituteurs et les institutrices ont l’obligation de se préparer dans les Écoles normales officielles du canton. D’ailleurs, on ne peut remplacer la formation qui se donne en Valais spécialement au point de vue agricole et éducation civique (Le CE au GC du canton du VS. Sion, le 3.5.1938. AEV, 4150-7/10).

En 1939, le Département laisse encore la possibilité de « suivre le cours en dehors des Écoles normales officielles. Mais cet antécédent ne pourra pas être invoqué au moment où entreront en vigueur les mesures accordant aux Écoles normales le monopole de la formation » (lettre datée d’avril 1939. AEV, 4150-7/57). La mesure, pour appréciable qu’elle soit, ne touche pas particulièrement l’École normale des instituteurs, la seule de son genre en Valais à délivrer le diplôme.

Mais les jeunes filles ont le choix : le pensionnat Sainte-Marie-des-Anges à Sion (Lycée-collège cantonal de la Planta, 1985) et les religieuses de St-Maurice forment également de futures institutrices d’après les programmes officiels. L’École normale des institutrices tenue par les Ursulines peut souffler à présent. L’exclusivité valaisanne de la formation des institutrices, depuis longtemps réclamée, lui est enfin accordée :

Vu les temps difficiles, on conçoit qu’il y ait des sacrifices à faire de part et d’autre […]. Ce que nous regretterions davantage serait de voir réduire le nombre des admissions à l’École normale. A notre humble avis, il serait regrettable de refuser aux jeunes filles valaisannes l’éducation et l’instruction que leur procurent les cours normaux, faits entièrement à leurs frais, ou de les obliger à se former hors du canton.

L’expérience nous a prouvé que cette mesure ne remédierait en rien à la pléthore du personnel enseignant puisque chaque année des diplômes doivent être délivrés à des jeunes filles qui ont fait leurs études hors de l’École normale.

Nous vous prions donc instamment de prendre en considération notre requête et nous vous en remercions d’avance (lettre du 14.3.1935. AEV, 4150-7/56).

La pléthore est cependant passagère : dès 1947, le personnel enseignant n’est plus en nombre suffisant. L’amélioration des ressources économiques du canton, due à l’essor très rapide de ses industries, dont le tourisme, creuse à nouveau les rangs des instituteurs. Ce mouvement régulier entre pénurie et pléthore suit d’assez près l’évolution économique cantonale. En situation prospère, peu de jeunes gens se pressent devant les tableaux noirs des écoles primaires. Mais lorsque le canton plonge vers la récession économique, la profession retrouve quelques attraits.

La 19e siècle a peu connu de situations de pléthore. Mais le 20e siècle voit alterner périodiquement pénurie et pléthore, et la question du monopole de la formation des enseignants suit ces fluctuations. Ainsi, en 1942, le DIP signifie au

170 Règlement concernant les Écoles normales, 1910. Recueil des lois…., vol 23, pp. 185-186.

pensionnat du Sacré-Cœur d’Estavayer-le-Lac que les étudiants sont autorisés à subir les épreuves prévues au règlement pour obtenir l’autorisation d’enseigner à l’école primaire valaisanne (lettre du 5.5.1942. AEV, 4150-7/57). Revirement en 1955 : le même Département rend attentif la direction de l’établissement fribourgeois au fait que le diplôme fribourgeois ne permet pas d’enseigner en Valais (voir la lettre du 9.4.1955. AEV, 4150-7/58). Ni la réciprocité de la reconnaissance des diplômes, ni le monopole de la formation n’obéissent à des règles stables et linéaires. La situation conjoncturelle semble décider, d’année en année, du sort des enseignants.

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NE SECTION ADMINISTRATIVE À L

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COLE NORMALE DES INSTITUTEURS

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La création d’une section administrative à l’École normale des instituteurs est sérieusement étudiée pour combattre la pléthore en 1935 (AEV, 4150-7/8). Ces études, sanctionnées d’un certificat d’études secondaires comme à St-Gall, n’auraient pas pour vocation de concurrencer l’école industrielle supérieure, ni l’école de commerce. Les parents désireux d’orienter leurs enfants dans la voie des emplois fédéraux (postes et douanes) pourraient leur donner « un excellent complément à la formation primaire : ils seront bien servis en raison de l’excellente réputation dont jouit notre École normale ». Quelques cours seraient communs aux élèves des sections industrielle et pédagogique : religion, langue maternelle, histoire, géographie… Seuls huit élèves seraient admis à l’École normale, les places libres étant occupées par des élèves de la section administrative.

Le projet est présenté au Grand Conseil en janvier 1935 en vue de créer au plus vite cette section. Bien que la commission cantonale de l’enseignement primaire et la conférence des inspecteurs scolaires y soient favorables, le directeur de l’école industrielle s’y oppose fermement.171 La pléthore n’existe pas que chez les instituteurs : les jeunes gens préparés en vue d’entrer dans l’administration la subissent aussi. De plus, la loi sur l’enseignement secondaire de 1910 pourrait être violée par l’organisation de ce cours. La presse se fait également l’écho de propos peu enthousiastes au sujet de ce projet « discutable ».172 Le directeur de l’École normale préférerait lui aussi abandonner le projet de section administrative et introduire le cours préparatoire obligatoire. Raison lui est finalement donnée. Le projet d’école administrative semble abandonné. En 1937 cependant, une étude de faisabilité complète est réalisée (AEV, 4150-7/8), sans qu’aucune suite lui soit donnée. De fait, l’École normale des instituteurs n’accueillera jamais de section administrative.

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NE QUATRIÈME ANNÉE D

ÉTUDES POUR LES INSTITUTEURS La durée de l’École normale, fixée à trois ans par la loi de 1903, ne suffit bientôt plus à préparer les régents à leur tâche. Une prolongation est annoncée au Grand Conseil dès 1913. Les quatre années d’études deviennent effectives en 1920, pour les institutrices avec l’introduction d’un cours préparatoire (RG CE, DIP, 1920, p. 51).

171 Voir la lettre du DIP au directeur de l’École normale des instituteurs, 26.2.1936, 4150-7/10.

172 Voir les articles de presse conservés dans le même dossier AEV, 4150-7/8.

Mais pour les jeunes gens, cette année supplémentaire est remise, faute de place.173 Elle prend la forme d’un cours préparatoire. L’insuffisance de la préparation des candidats venant « directement de l’école primaire, où la scolarité annuelle générale de six mois ne peut leur conférer une préparation suffisante » la rend nécessaire. De plus, l’École normale des élèves institutrices en étant déjà dotée à la satisfaction générale, « l’École des élèves instituteurs, à moins de tomber en état d’infériorité, ne saurait en être privée plus longtemps » (BGC, nov. 1921, p. 33). Mais ce n’est qu’en 1936 que ce cours, devenu obligatoire par un décret complémentaire à la loi de 1907, est introduit à l’École normale des instituteurs, avec force louanges : « Grâce au cours préparatoire, le direction et le corps professoral pourront juger du caractère et des qualités pédagogiques des aspirants. Ce cours remplacera l’examen psychotechnique que recommande la pédagogie moderne » 174. L’augmentation de la durée de la formation ne doit pas induire un accroissement des dépenses issues de l’augmentation du nombre d’élèves. Dans cette optique, le nombre total des places offertes doit rester stable et réparti sur les quatre ans. Les effectifs de chaque cours sont donc réduits. Ce dispositif devrait permettre de juguler la pléthore tout en assurant, du moins l’espère le DIP, la qualité des candidats à l’enseignement.

En 1937, le programme du cours préparatoire est prêt à entrer en vigueur à titre provisoire (RG CE, DIP, 1937, p. 13). En 1938 paraît un réglement concernant les admissions au cours préparatoire et en première année. Le cours préparatoire est rendu obligatoire.175 Douze garçons et douze filles de langue française, six garçons et six filles de langue allemande y sont admis. Seuls les huit meilleurs de langue française et les quatre meilleurs de langue allemande seront admis à l’École normale.

Aucun élève n’y sera admis sans avoir fréquenté le cours obligatoire. Pour justifier de l’admission, il sera tenu compte à part égale des notes de l’année préparatoire et de celles obtenues à l’examen de fin de cours préparatoire (lettre du DIP à un père de famille, 22.1.1941. AEV, 4150-7/11).

Les débats autour de cette limitation sont ardus : certains députés souhaitent que les candidats admis au cours préparatoire soient plus nombreux que les douze prescrits, d’autres, au contraire, souhaitent n’y laisser entrer que le nombre destiné à suivre les cours de l’École normale. Sollicité à ce sujet, le directeur de l’École normale des instituteurs pense que limiter à huit les candidats au cours préparatoire désavantagerait les élèves venus des montagnes, alors qu’étendre les admissions augmenterait les déconvenues en fin d’année. D’ailleurs, ajoute-t-il non sans ironie,

« les portes auront beau être ouvertes, les candidats se font rares ! » (lettre du 12.5.1938. AEV, 4150-7/10).

D’après Métrailler (1978b, p. 49), ce cours obligatoire est considéré dès 1940 comme étant une année régulière d’École normale, dont la durée est de fait portée à quatre ans. Faute de place à Sion, ce cours est placé à Martigny, au collège Ste Marie que dirigent aussi les Marianistes (Tableau horaire, 1944, École normale des instituteurs, AEV, 4150-7/11). En ce qui concerne la formation des institutrices, les Ursulines introduisent la quatrième année. Elles n’abandonnent pas pour autant le concept du cours préparatoire, à nouveau organisé dès 1940-1941, en sus des

173 RG CE, DIP, 1921, p. 50 ; BGC, session prorogée de mai 1921, p. 31 ; RG CE, DIP, 1923, p. 42 ; RG CE, DIP, 1924, p. 44.

174 Message concernant la création d’un cours obligatoire aux Écoles normales. AEV, 4150-7/10.

175 Réglementation […], 23.2.1938. Décision du DIP.