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Partie II Validation interne 77

5.2 Apports didactiques des expérimentations

5.2.2 Écarts constants et liens multiplicatifs

Grâce aux diverses observations réalisées au cours de l’activité introductive, la suite de la séquence didactique se déroule comme attendu, sans incident lié au milieu matériel. Après le remplissage d’un tube cylindrique à différentes hauteurs et l’indi-cation des résultats dans leur tableau de données, les élèves identifient des liens qui

permettent de passer des éléments d’une ligne à ceux d’une autre. L’expérience se déroule en petits groupes mais la recherche de liens se fait individuellement pour en favoriser la diversité.

Dans toutes les classes, des liens de type additif et multiplicatif ont été trouvés. Prenons l’exemple d’un groupe d’élèves munis d’une petite mesurette à verser trois fois dans le cylindre pour la détermination de la première hauteur.

Hauteur Nbre (en cm) de mes. initiale = 4,5 3 double = 9 6 triple = 13,5 9 ×2 ×2 ×3 ×3 Hauteur Nbre (en cm) de mes. initiale = 4,5 3 double = 9 6 triple = 13,5 9 +3 +4,5 +3 +4,5

Un rapport externe a rarement été repéré. Lorsqu’il l’a été, c’est parce que les données de l’expérience donnaient un tableau avec des va-leurs particulières comme celui-ci (une grande mesurette à verser deux fois pour identifier la première hauteur).

Hauteur (en cm) Nbre de mes.

6 2

12 4

18 6

L’expérience ne se prêtant pas à rencontrer naturellement le coefficient de propor-tionnalité, le choix de consacrer une autre activité de la séquence à cet outil nous paraît donc avoir été le bon. Nous y revenons à la section 5.2.6.

Bien que les deux types de liens aient été repérés dans toutes les classes, notons la prégnance de l’addition face à la multiplication. La formulation de la question (« Combien faudra-t-il de mesurettes pour atteindre le double, puis le triple de la hauteur de départ ? ») oriente les élèves vers la multiplication et pourtant, ils sont nombreux à remarquer d’abord les écarts constants. Ils relatent l’expérience en disant par exemple « j’ai ajouté deux mesurettes en plus ». Cette prégnance du modèle additif est également relevée par Brousseau pour la situation du puzzle (1998, pp. 237-241).

Dans une classe (Bx2), beaucoup d’élèves avaient remarqué l’écart constant de deux

mesurettes pour passer d’une ligne à la suivante. L’une des élèves avait observé qu’on pouvait également dire qu’on multipliait par deux pour passer d’une ligne à l’autre mais, suite à l’interruption produite par la sonnerie et des réflexions de ses camarades, elle s’est rétractée et a affirmé par après qu’elle s’était trompée. Cette situation a été très frustrante car, étant à la fin du cours, nous n’avons pas eu la possibilité de revenir plus longuement sur la première réflexion de l’élève. Elle avait pourtant une idée très intéressante : « quand on doit faire quelque chose d’un côté, on doit faire pareil de l’autre ».

Dans cette classe, au cours suivant, les résultats et liens apparus jusque là (les écarts constants) ont été affichés au tableau noir. Pour que les élèves élargissent leur réflexion, des flèches supplémentaires ont été placées de part et d’autre du tableau afin d’illustrer et de faire remarquer les liens de type multiplicatif aux élèves. Le lien

entre la manipulation qui avait été réalisée (doubler la hauteur) et le « × 2 » que les élèves retrouvaient dans le tableau a alors pu être établi.

Dans un premier temps, nous n’avons pas imaginé l’inconvénient de laisser les élèves prendre note des différents liens envisagés. Au fur et à mesure des expérimentations, il est devenu évident qu’ils identifiaient les écarts constants à une caractérisation de la proportionnalité. Deux enseignantes nous ont d’ailleurs interpellés en fin d’an-née car plusieurs de leurs élèves utilisaient cette caractéristique pour repérer des grandeurs proportionnelles.

Face à ce constat, il a été impératif d’adapter l’écriture de la séquence didactique. Il n’est pas pertinent d’empêcher le repérage des écarts constants mais il est important de mettre en évidence des arguments en faveur des liens multiplicatifs.

Cette réflexion nous a paru primordiale à partager avec les enseignants qui s’appro-prieront la séquence. Nous avons alors décidé d’attirer l’attention sur le fait que des écarts constants apparaissent lorsque les valeurs de deux grandeurs proportionnelles sont organisées comme dans le tableau de gauche, mais également dans des tableaux comme celui de droite qui concerne des grandeurs liées par une fonction affine et non par une fonction linéaire.

Hauteur Nbre de mes.

4 2 8 4 12 6 16 8 +4 +4 +4 +2 +2 +2 Grandeur 1 Grandeur 2 1 2 5 4 9 6 13 8 +4 +4 +4 +2 +2 +2

Les points du graphique représentant les grandeurs du deuxième tableau ne sont d’ailleurs pas alignés avec l’origine et il est impossible d’inscrire le couple (0,0) en conservant ces écarts constants, contrairement aux données du tableau de gauche. Le repérage des écarts constants n’est ainsi pas une condition suffisante pour que les grandeurs soient proportionnelles. De même, il suffit de permuter des lignes dans le tableau de gauche pour remarquer que cette condition n’est pas non plus nécessaire. Il n’est pas envisageable de présenter ces arguments aux élèves de cet âge, d’autres ont ainsi été envisagés pour les encourager à privilégier le modèle multiplicatif. Il s’agit notamment de remarquer que les écarts constants repérés dans un tableau organisé dépendent des valeurs initiales et que l’utilisation de liens de type additif nécessite parfois des étapes intermédiaires.

Il n’est pas toujours nécessaire d’intervenir, certains élèves s’aperçoivent de ces désa-gréments et les partagent avec le reste de la classe. Par exemple, lors d’une mise en commun de résultats où de nombreux élèves avaient trouvé des liens multiplicatifs, un élève est intervenu : « moi, j’ai fait plus mais c’est pas la même chose des deux

côtés » (Sa2). Un autre exemple vient d’un élève qui a utilisé les écarts constants

pour remplir le début de son tableau et est passé à un lien multiplicatif (× 2) pour calculer la hauteur décuple à partir de la hauteur quintuple. Il a été fier d’exposer

Dans la classe Bx2 où les élèves n’avaient repéré que les écarts constants (et avaient donc calculé les états intermédiaires entre les hauteurs quintuple et décuple), l’en-seignante a ajouté une ligne au tableau.

hauteur 123 = cm

C’est cet exemple qui semble avoir convaincu les élèves que les liens de type multi-plicatif étaient plus efficaces.

La synthèse et les exercices proposés ensuite par les enseignants des classes dans lesquels la nouvelle version de la séquence didactique a été mise à l’épreuve (en 2013 : St, WB et Ni) se sont ainsi mieux déroulés.