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Partie II Validation interne 77

4.1.1 Proportionnalité

La séquence proposée ne prétend pas à une étude complète de la proportionnalité mais à une meilleure compréhension du concept. La situation relative à la variation des hauteurs admet, selon la classification de Vergnaud, une structure de pro-portion simple. La situation met effectivement en jeu des quantités appartenant à deux espaces de mesure différents : la hauteur en cm et le volume en « nombre de mesurettes ».

Les données obtenues par les élèves suite aux expériences sont organisées de manière particulière dans leur tableau, elles sont ordonnées. Cela est dû aux observations qu’on demande aux élèves de réaliser sur l’évolution du volume de l’eau contenue dans un cylindre en fonction de la progression des hauteurs.

Nous avons repris, à la page 11 de ce texte, la liste des procédures de résolution d’un problème de proportionnalité identifiées par Boisnard & al. Les activités de la séquence expérimentale permettent de rencontrer, parmi elles, les tableaux de proportionnalité ainsi que quelques-unes de leurs propriétés : écarts constants, propriétés d’additivité et de multiplicativité scalaire. Ces auteurs citent également les coefficients de proportionnalité mais la situation initiale proposée dans cette séquence didactique ne favorise pas leur rencontre. En effet, la première hauteur étant fixée en fonction d’un nombre de mesurettes donné, il est peu probable que les élèves remarquent un rapport externe « simple ». C’est pour cette raison que la séquence a été complétée par une activité consacrée à la découverte du coefficient de proportionnalité (section 3.2.4). On revient à l’analyse de cette activité à la section 4.7.5.

Le CREM soulignait dans une recherche de 2002 (pp. 112-113) que « la richesse d’un tableau de proportionnalité est telle que les élèves ne peuvent en percevoir toutes les propriétés sur un seul exemple : le choix de chaque situation est donc parti-culièrement important pour favoriser l’émergence de telle ou telle propriété ». Ces propos nous confortent dans l’idée d’avoir séparé la procédure liée aux coefficients de proportionnalité des autres.

Boisnard & al. ont également répertorié les différents langages utilisés pour

ex-primer des propriétés de la proportionnalité (voir page 12 de ce texte). L’activité permet d’aborder le langage des proportions et celui des opérateurs à travers les

ta-bleaux lorsque les élèves pointent par exemple que, quand la hauteur est multipliée par un nombre, le volume est multiplié par ce même nombre ou lorsqu’ils repèrent les écarts constants. La représentation graphique est encore un autre langage qui per-met aux élèves de repérer la propriété d’alignement des points. À ce sujet, Géron & al. ont pointé l’absence des graphiques dans les compétences (page 15) et, dans un même ordre d’idées, Simard catégorise la procédure graphique comme anecdotique (page 16). La séquence didactique dont il est question dans cette thèse a tenu à donner une place importante à ce cadre car il permet notamment d’avoir un autre regard sur la proportionnalité comme nous venons de le souligner. Douady et

Du-valont d’ailleurs tous deux pointé l’importance de diversifier les cadres et registres

de représentation afin d’améliorer l’apprentissage.

Boisnard & al. ont également souligné que ces différentes procédures permettent

des changements de cadres (page 12). En effet, en partant du domaine empirique, les élèves utilisent les données contenues dans un tableau pour placer des points dans un graphique. Ils passent ainsi du cadre des grandeurs au cadre numérique puis au cadre géométrique.

Les situations relatives à la variation des dimensions d’un cylindre permettent ainsi aux élèves de réfléchir à des propriétés de tableaux, à différentes particularités des graphiques mais pourraient également mener à raisonner avec des formules.

Nous avons signalé que la variation de la hauteur d’un cylindre suit une structure de proportion simple et amène à un tableau organisé de données. Cette réduction du champ de travail lié à la proportionnalité a été choisie afin de centrer les élèves sur la confrontation des modèles proportionnel et non proportionnel.

Les graphiques qui découlent des deux situations donnent la possibilité de s’inter-roger sur le caractère discret ou continu de la situation. Notons que le passage de l’un à l’autre ne va pas de soi (Artigue, 2008), comme l’ont relevé Brousseau et Robert, dans le contexte de l’apprentissage des décimaux (Brousseau, 1980b) et des suites (Robert, 1982) respectivement.

Lors des phases de formulation ou de validation, les élèves pourraient s’appuyer

sur la formule du volume d’un cylindre Vcyl = π r2h. Elle fait effectivement partie

de leurs connaissances antérieures et, bien qu’elle n’ait pas été démontrée, si ce n’est expérimentalement, elle peut constituer un élément de validation du caractère proportionnel de la variation du volume d’un cylindre en fonction de sa hauteur et de la non-proportionnalité entre volume et diamètre d’un cylindre. Dans ce dernier contexte, elle peut également conduire à identifier le modèle quadratique.

Le recours à la formule permet d’envisager un troisième cas qui n’a pas été abordé dans la séquence didactique. Plutôt que de s’intéresser aux rapports entre les dimen-sions volume et longueur d’un cylindre, la question de la proportionnalité entre les dimensions volume et aire d’un cylindre peut être posée. Il est effectivement possi-ble de s’intéresser à la variation de la base d’un cylindre. L’analyse de la formule

Vcyl = base × h permet de mettre en évidence la proportionnalité entre les grandeurs

Remarquons qu’il est encore possible d’examiner d’autres dimensions du cylindre. Si on considère les longueurs, nous pouvons réfléchir au caractère proportionnel de la variation du volume en fonction du périmètre de la base. En optant pour la dimension aire, la réflexion peut se poursuivre avec la surface latérale d’un cylindre. Ces observations n’ont pas été exploitées dans la séquence didactique.

4.1.2 Modélisation

Comme évoqué plus haut, la notion de proportionnalité en tant que telle n’est pas le seul savoir visé par la séquence. La question de percevoir que le modèle proportionnel ne s’applique pas à toute situation est également en jeu. Notre séquence est ainsi proposée avec l’objectif d’amener les élèves à questionner l’adéquation du modèle proportionnel.

Nous rejoignons ainsi les propos de Brousseau (1989b, p. 68) qui affirme qu’« une des fonctions de la didactique pourrait être alors [. . .] de contribuer à mettre un frein, enfin, à un processus qui consiste à transformer le savoir en algorithmes utilisables par des robots ou des humains sous-employés et à diminuer la part de réflexion noble dans toutes les activités humaines pour en faire dévolution à quelques-uns ». La situation correspondant à la variation du diamètre d’un cylindre mène les élèves à postuler que le modèle n’est pas proportionnel. La simple expérience du rem-plissage des cylindres de diamètres double et triple les place face au constat que les grandeurs diamètre et volume d’un cylindre ne sont pas proportionnelles mais c’est l’enchaînement des situations et la justification de ce modèle non proportionnel qui accompagnent les élèves dans la compréhension du concept de proportionnalité. L’expérience met donc en défaut leur réflexe du choix, parfois inconscient, du modèle proportionnel pour cette situation.

À ce propos, Bernard dit que « la science ne s’établit que par voie de comparaison » (1865, p. 26). Plus loin dans le texte, il écrit : « Mais l’homme ne se borne pas à voir ; il pense et veut connaître la signification des phénomènes dont l’observation lui a révélé l’existence. » (Ibid., p. 33). Bernard parle ici des expériences menées dans des laboratoires de sciences. Ce raisonnement s’adapte tout à fait à notre séquence, notamment parce qu’elle a été conçue dans l’esprit des laboratoires décrits par Borel, mentionnés dans le premier chapitre.

Suite à une réunion de travail, Rouche a écrit qu’un caractère principal de la science expérimentale correspond à cette suite d’épisodes : « on a un savoir qui fait problème sur certains points, on se pose des questions, on fait des hypothèses sur les réponses possibles, on travaille à concevoir une ou des expériences qui permettent de trancher, puis on réalise ces expériences. En général, on repart avec de nouvelles questions » (2007). La séquence didactique a été élaborée dans cette optique. Elle s’appuie sur des activités qui, dans un premier temps, suscitent le questionnement chez les élèves (choses qui ne fonctionnent pas, qui ne sont pas claires), qui, dans un deuxième temps, aident à comprendre clairement la question de départ et qui, dans

un troisième temps, amènent à des réponses, produites par les élèves avec l’aide de leur enseignant, et qui ont un avenir mathématique en ce sens qu’elles seront réinvesties dans le cursus. Cette dernière étape correspond au réinvestissement de la question de l’adéquation ou non d’un modèle proportionnel dans le cadre de la résolution d’un problème.

Au cours de la séquence, les élèves sont amenés à approcher d’autres apprentis-sages que ceux directement visés lors de son élaboration. Par exemple, la séquence didactique permet aux élèves de rencontrer des fonctions des premier et second de-grés, sans pour autant en faire une étude approfondie.

La séquence donne également la possibilité d’étendre les activités à la rencontre d’autres fonctions. En effet, si le travail sur la variation du volume en fonction du diamètre ou de la hauteur d’un cylindre permet de rencontrer la fonction linéaire et celle du second degré, une simple modification de l’expérience de départ permettrait de rencontrer une fonction affine par exemple. Il suffirait de partir d’un cylindre contenant de l’eau avant même de verser le nombre initial de mesurettes. Cette variante n’a pas été exploitée.

Par contre, un autre apprentissage qui fait partie intégrante de la séquence concerne le cadre graphique. Si les élèves recourent aux systèmes d’axes placés sur les feuilles de travail, ils doivent intégrer que la hauteur initiale et le diamètre initial sont représentés par 1 centimètre par convention et adapter leurs graphiques en consé-quence. Les élèves sont ainsi amenés à se familiariser à l’utilisation de conventions de représentation graphique.

Un dernier point concerne des apprentissages ultérieurs. Il est lié à l’activité de réinvestissement dans laquelle on demande aux élèves de repérer les solides pour lesquels volume et hauteur sont proportionnels. Cette activité donne des images mentales (sections parallèles à la base) qui pourraient être mobilisées plus tard lors du calcul d’un volume par intégrale définie.