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Géographie Économie Société: Article pp.159-175 of Vol.17 n°2 (2015)

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géographie économie société géographie économie société

Géographie, Économie, Société 17 (2015) 159-175

La « location abordable » comme objet politique au Portugal.

Regards sur la gouvernance urbaine et la politique du logement

Isabel Pato* et Margarida Pereira

CICS.NOVA - Centro Interdisciplinar de Ciências Sociais Faculdade de Ciências Sociais e Humanas - Universidade Nova de Lisboa

Av. de Berna 26 C, 1069-061 Lisboa

Résumé

À l’heure où le logement locatif prend de l’ampleur dans les discours politiques, l’article propose des pistes pour la formulation d’un modèle d’intervention favorable à la « location abordable », en soulignant les contradictions et les obstacles à une politique de logement juste et équitable.

Une analyse critique de l’évolution des fondements politiques qui guident l’intervention de l’État depuis les années 1990 est menée.

Trois régimes de gouvernance sont identifiés qui prennent en considération les différentes

« rationalités politiques » dans l’exercice du pouvoir et leurs effets sur le marché de la loca- tion : l’incitation à l’achat ; l’encouragement à la réhabilitation urbaine ; et, plus récemment, l’intensification des mesures d’austérité dans le cadre des Programmes d’ajustement économique et financier convenu entre le FMI, la BCE, « les gouvernements forts » de l’UE (la Troïka) et le gouvernement portugais. La « location abordable », jusqu’alors un objet politique inexistant ou mal défini, parce que dépourvu d’un cadre juridique opérationnel, évolue vers un objet qui, bien qu’encore vague, émerge comme instrument de résolution du problème des créances dou- teuses qui menaçaient les banques. Cette nouvelle approche est fortement soumise à des logiques d’intervention marquées par les fondements d’une politique néolibérale depuis 2011 au Portugal.

doi :10.3166/ges.17.159-175 © 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Auteur correspondant : isabelpato@fcsh.unl.pt

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Mots clés : politique urbaine, politique du logement, financiarisation de la gouvernance urbaine, location abordable, Portugal.

© 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés

Summary

«Affordable leasing» as a political object in Portugal. Perspectives on urban governance and housing policy. In a time where the leasing market expands its prominence in political discourse and formulation, the article proposes guidelines for the formulation of a model of urban and hou- sing intervention that favors « affordable leasing », highlighting the contradictions and obstacles to a just and equitable housing policy. It is a critical analysis of the evolution in the political foun- dations that have been guiding the urban and housing intervention since the 1990s.

Considering the « political rationalities » in the exercise of power and its effects on the rental market, three regimes of governance are identified : the support for the purchase ; the encourage- ment of urban regeneration, and, more recently, the intensification of austerity measures contained in the Programs for economic and financial adjustment agreed between the IMF, the ECB, the

« strong governments » of the EU (the Troika) and the Portuguese government.

The « affordable leasing », so far a non-existent or poorly defined political object, as it is devoid of political and operational frameworks, evolves to an object, still vague in its definition, but solid as a means of answering to the non-compliance and foreclosure problems that threaten banks. This new approach is largely subjugated to the logics of intervention marked by the foundations of a neoliberal policy, increasingly present in the government since 2011.

Keywords : urban policy, housing policy, urban government financialization, affordable housing, Portugal. © 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés

Introduction

Nous assistons en Europe à une transformation de la politique du logement sans précé- dent depuis 40 ans. La manière dont les mesures d’austérité affectent les conditions d’ac- cès au logement demeure à étudier. Ce problème est important dans les pays d’Europe du Sud et en Irlande, où la Troïka est intervenue et où l’austérité engendre le chômage et remet en cause la « rigidité des salaires » (Krugman, 2012). Au Portugal, le problème prend des contours beaucoup plus graves, étant donné le poids des dépenses de logement sur les revenus moyens des ménages, l’absence d’un système de protection en cas de rupture financière des familles et « l’ajustement » des salaires en cours1 sans garantie de recul de l’austérité (Krugman, 2012).

Au Portugal le logement est l’un des secteurs de l’État Social les moins développés (Guerra 2011 ; Guerra et al., 2008). L’ajustement entre l’offre et la demande sur le marché de la location a été assuré par les propriétaires privés dans un contexte de blocage des

1 Nous nous reportons aux baisses dues aux mesures en faveur de la flexibilité de l’emploi déjà à l’œuvre (11 % dans les chiffres officiels, Banque du Portugal, 2012) ou à la chute des salaires dans la fonction publique de près de 19 %, depuis 2010, selon l’estimation du consultant PricewaterhouseCoopers (PwC) (journal Sol, 18/1/2014).

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loyers. Le premier régime de régulation du loyer urbain sous la période démocratique a été publié en 1990 visant, sans succès, à réglementer l’actualisation des loyers. Pourtant aucun système de compensation à destination des propriétaires de logements dont le loyer est demeuré figé n’a été adopté. L’échec de cet instrument a fini par légitimer politique- ment la distorsion du marché fondée sur une structure segmentée : un marché des loyers bloqué et un marché de la location libéralisé.

Par ailleurs, les familles aux plus faibles revenus ne bénéficiaient pas de l’aide au logement, ce qui a eu pour conséquence des hauts taux d’effort des ménages liés à l’occupation de leur résidence. Jusqu’en 1990 le soutien aux familles à faibles reve- nus s’est limité à une politique, insuffisante et souvent mal appliquée, d’offre de loge- ment social, uniquement à destination de la catégorie des « pauvres insolvables », ou des « groupes à risque ». Toujours considéré comme secondaire par les gouverne- ments successifs, le parc locatif a considérablement diminué entre 1970 et 2001, et a connu une reprise de 6,3 % pendant la dernière décennie intercensitaire (2001-2011).

À partir de 2004, le cadre législatif de la « stratégie de qualification » du tissu urbain est basé sur un modèle d’intervention public-privé, qui met en évidence le rôle des Sociétés de Réhabilitation Urbaine (SRU). Le fonctionnement des SRU prévoit l’intervention d’acteurs ou d’organismes privés, des Fonds d’Investissement Immobilier de Logements Locatifs (FIIAH) et des Fonds de Développement Urbain (FDU). Les SRU sont devenues des acteurs centraux dans la création de mécanismes d’incitation à la réhabilitation urbaine. Toutefois, l’articulation entre, d’une part, ce nouveau dispositif et les ressources d’aide à la réhabilitation qui y sont associées et, d’autre part, les grands objectifs de la politique du logement, n’a pas été assurée.

Ces innovations législatives reflètent la transformation du cadre politique et institu- tionnel de référence en matière de gouvernance urbaine opérée au cours des deux der- nières décennies. L’on assiste à l’externalisation des fonctions précédemment exercées par l’État vers des entités privées qui agissent comme des extensions de l’État-providence (Jouve, 2005). L’État cherche à créer des conditions pour formaliser des partenariats favorisant l’intervention à plusieurs échelles de la gouvernance. De nouveaux acteurs sont invités à réfléchir et à opérer sur les problèmes de la transformation urbaine.

L’élaboration de politiques en matière d’aménagement urbain et de logement se pro- duit dans un contexte de néo-libéralisation de la gouvernance urbaine. La transformation urbaine se concentre de plus en plus sur des critères d’efficacité (ensemble d’incitations et de sanctions à la réhabilitation) et de rentabilité. Elle est basée sur un modèle qui contribue à redéfinir le rôle des institutions financières dans les plans et les programmes pour la ville. Mais le lien entre ces nouvelles dynamiques de transformation et la politique nationale du logement est resté faible.

Entre 2008 et 2013, sous le prétexte des programmes d’austérité, l’État portugais a déclenché une série de mesures conformes à l’agenda néolibéral et développées dans d’autres pays au fil des décennies (Harvey, 2005, Romero et al. ; 2012; Roch, 2008).

Pour faire face aux défis posés par la crise, l’État a démantelé les politiques d’aide à l’accession à la propriété, supprimant tous les avantages fiscaux qui y étaient liés jusqu’en 20162. Dans la même optique, il a cherché à diversifier ses sources de revenus en mettant

2 Au cours de la période de révision de ce texte, qui a coïncidé avec la conclusion du budget 2015, ont été rétablies les déductions fiscales concernant les loyers et les intérêts des prêts bancaires.

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l’accent sur la taxation du patrimoine. Les changements parallèles découlant de la libéra- lisation du marché de la location (Loi 31/2012), aussi bien que les réponses politiques aux fluctuations du marché, ont contribué à accentuer la demande dans le secteur des loge- ments locatifs à bas prix, créant une pression sur les dépenses publiques à moyen terme.

À partir de 2008, et plus particulièrement après 2011, le Portugal a suivi la tendance des pays de l’Union Européenne de soutien à l’accès au logement locatif (Cuerpo et al., 2014 ; Andrews et al., 2011), stratégie inévitable face à la crise financière et à la fin du modèle d’« aménagement urbain expansionniste » (Roch, 2008). Le marché locatif s’est imposé comme une alternative à l’accession à la propriété, étant institutionnellement considéré comme efficace, autant pour sa valeur sur le marché immobilier que pour son rôle de stabilisateur des prix de l’immobilier (Cuerpo et al., 2014).

Nous présentons ici une partie des résultats d’une recherche plus vaste qui problé- matise l’intervention actuelle de l’État portugais dans les politiques urbaines à l’heure du renforcement du transfert de responsabilités en matière de politique du logement aux autorités locales (Pato et al., 2013). Cela fait suite à la mise en œuvre progressive de

« l’aménagement urbain expansionniste » qui était à la base de l’urbanisation massive au cours des dernières décennies (Roch, 2008 ; Romero et al., 2012). D’autres études ont porté sur les dispositifs et les processus ayant généré de « nouveaux délogés » et sur le sort fait aux logements récupérés par les banques à la suite de recouvrements judiciaires découlant de la crise des subprimes et du défaut de paiement des prêts hypothécaires (Pereira et al., 2013).

Nous faisons référence à la législation, aux programmes, aux évaluations des pro- grammes, et utilisons des entretiens réalisés auprès d’organismes financiers, de municipa- lités et de l’Institut pour le Logement et la Réhabilitation Urbaine (IRHU) pour tracer un diagnostic des démarches menées par les municipalités3 concernant l’accès au logement décent et abordable pour tous.

Pour ce faire, nous identifions et analysons les instruments législatifs de la politique urbaine capables d’induire des changements dans le marché de la location. Notre ana- lyse nous amène à proposer trois régimes de gouvernance dans l’exercice de la politique urbaine et du logement :

1. La première période se situe entre les années 1990 et 2003, et se caractérise par une politique d’encouragement à l’achat, et l’octroi d’emprunts à des familles à faibles revenus. Ce régime comprend également la première phase du Programme Spécial de Relogement (PER, 1993-2003), qui met l’accent sur le logement social pour les groupes défavorisés devant être relogés. Ce premier modèle s’inscrit, finalement, dans la conti- nuité du programme « d’aménagement urbain expansionniste ».

2. La deuxième période correspond aux années 2004 à 2009. C’est, par le biais d’un ensemble d’innovations législatives orientées vers la réhabilitation, une étape de refor- mulation des principes d’intervention urbaine, désormais basée sur un modèle d’action public – privé, par des entreprises municipales et par l’augmentation du poids des banques

3 Dans les municipalités d’Odivelas, d’Almada, d’Amadora (Pato et al., 2013) en ce qui concerne la gestion du logement social, et dans d’autres municipalités qui ont joué auprès du marché libre un double rôle : d’une part, récupérer des locaux pour les introduire sur le marché de l’immobilier et, d’autre part, fournir un logement à des populations ne bénéficiant pas jusque-là d’un accès au logement social (Braga, Coimbra).

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dans les prises de décisions concernant la transformation urbaine. La fin de ce régime est marquée par des mesures anti-crise qui viennent créer et réglementer les Fonds d’Inves- tissement Immobilier de Logements Locatifs (FIIAH). Cette période est aussi caractéri- sée par l’intention d’améliorer l’articulation des politiques de logement, notamment en élaborant le Plan Stratégique de Logement (PEH, 2007-2013).

3. À partir de 2011 et jusqu’à aujourd’hui, un nouveau régime de pouvoir est imposé par le Programme d’ajustement économique et financier convenu entre le Fonds moné- taire international (FMI), la BCE, « les gouvernements forts » de l’UE et le gouverne- ment portugais. Dans cette phase, le pragmatisme domine les discours politiques et un ensemble de mesures traduit une dépréciation de la conception et de l’exercice du droit constitutionnel au logement.

Ces régimes sont étroitement liés aux cadres de référence structurant les choix poli- tiques qui guident la production législative de l’aménagement urbain et du logement mis en marche depuis les années 1990 : i) les orientations des politiques sociales et urbaines de l’Union Européenne, visant des possibilités d’action définies en fonction du contexte mais dont le format d’action est proposé par la politique européenne ; ii) les politiques d’austérité imposées par la Troïka et, plus récemment, iii) les tentatives de gouvernance pour assurer la continuité et prévenir les impacts sociaux (extrêmes) du programme néo- libéral, liés à la libéralisation du marché locatif et au défaut de paiement, indissociables des pressions sur la demande de logements locatifs à bas prix.

1. La période 1990 – 2003 : priorité à l’achat

On peut distinguer, au cours du XXe siècle, trois types de réponse politique à l’insuffisance du nombre de logements à louer, qui ont eu des répercussions sur le marché locatif actuel : i) le blocage des loyers, ii) le faible engagement dans l’offre de logements publics associé à l’absence d’une politique de location équitable et iii) une politique d’encouragement à l’acces- sion à la propriété avec un fort impact sur les marchés du logement et du crédit bancaire.

Le blocage des loyers a été instauré sur l’ensemble du territoire pendant l’entre-deux- guerres et s’est maintenu, uniquement dans les deux principales villes (Lisbonne et Porto), jusqu’en 1948. En 1974-1975, le blocage a été de nouveau appliqué à l’ensemble du pays.

Le faible niveau de l’offre publique en matière de logements sociaux s’est accompagné d’un manque d’intérêt politique pour tout autre type de soutien à la location. Les mesures d’aide directe à la location4 ont eu aussi peu de place que les mesures d’aide à la location sociale et protégée, par le biais de l’« aide à la pierre », décrite ci-dessous.

En 2011, seulement 3 % des 5,8 millions des logements existants étaient publics.

Construits soit par l’État central et local soit par des entités tierces missionnées par lui, ils étaient réservés à des ménages à très bas revenus dont le loyer était et est toujours subventionné par l’État et/ou les municipalités. C’est ce que l’on appelle le « logement social ». Dans une perspective historique, il convient de différencier le régime autoritaire qui a fait du logement social un instrument de peuplement des zones rurales et de fixation des cadres supérieurs dans les centres urbains, et le régime démocratique (avec une inter-

4 Les aides directes à la location ont été créées en 1992, surtout comme un moyen de financer la location pour les jeunes et pour les populations ayant des besoins spécifiques de logement.

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vention de type keynésienne), où le logement social promu par l’État, pour les groupes les plus vulnérables a contribué à la concentration des familles les « plus pauvres ». Plus récemment, la construction de lotissements sociaux a été une politique municipale soute- nue par le gouvernement central et par l’Europe.

Au Portugal, le régime d’accès au logement social est théoriquement universel, mais cette universalité a été remise en cause par une offre insuffisante et par le fait que le finan- cement des logements publics a été principalement dirigé vers les deux régions métropo- litaines du pays et pour le relogement des populations vivant dans des quartiers précaires (avec le Programme Spécial de Relogement–PER). Avec la publication du PER en 1993 et sa révision en 2003, a commencé la phase expansionniste dans l’histoire du logement social. Entre 1996 et 2000, plus de 5 500 logements ont été construits par an.

Mais la principale politique du logement est demeurée le soutien à l’achat. La création en 1976 du Régime d’aide à l’accès à un logement à usage personnel et permanent (RAAHPP) a joué un rôle déterminant dans l’évolution de la construction des 40 dernières années, avec des effets sur le statut d’occupation des logements et la configuration spatiale du bâti (construction de lotissements5). Ce dispositif est au centre d’un modèle d’urbanisation basé sur l’expansion, la densification et la segmentation du marché résidentiel, au détriment des interventions sur la ville dense, et a conduit à la construction de zones urbaines spécifique- ment destinées aux foyers à faibles revenus et à faible mobilité résidentielle.

Depuis sa création, le RAAHPP a toujours combiné plusieurs types d’incitations à l’achat. Initialement, il a associé des prêts bonifiés pour les jeunes (supprimés en 2002) et un dégrèvement d’impôt sur le revenu (IRS). Puis, il a canalisé l’aide financière de l’État destinée à stimuler le marché vers la demande, entraînant un désintérêt politique pour le régime de Logements à coûts contrôlés (HCC)6 et minant le marché de la location.

La politique de soutien au crédit immobilier a eu des effets considérables. À la fin du millénaire, près de la moitié des ménages portugais, soit plus de deux millions d’entre eux, avaient acquis un logement à crédit. Au départ, le régime s’est appuyé sur les Établissements spéciaux de crédit (institutions financières avec un fort poids de capital public). Le soutien dépendait de la disponibilité des ressources provenant du ministère des Finances. En 1991, le système de prêts au logement a été étendu aux banques privées, bénéficiant des mêmes conditions que dans le public (Pereira et al., 2013, 2014). Les procédures administratives sont devenues plus rapides et efficaces et une forte concurrence s’est développée entre les banques, déterminées à séduire la clientèle par le biais de « campagnes de crédit » ou, plus récemment, de « l’innovation des produits hypothécaires » (Scanlon et al., 2010).

L’éventail de familles endettées s’est élargi, intégrant de plus en plus de familles à faibles revenus. Le Portugal est devenu un pays de propriétaires. Dans la pratique, grâce au prêt bonifié et compte tenu des déductions fiscales, depuis la création du RAAHPP et jusqu’à l’heure actuelle, le coût d’un loyer sur le marché libre est devenu plus élevé que les mensualités correspondant au crédit immobilier. Par conséquent, l’acquisition est devenue la principale option, contribuant à l’augmentation du poids de la dette de loge- ment sur le total de la dette privée des ménages (80 % en 2012).

5 Forme d’urbanisation basée sur l’émission de permis de construire non encadrés par les plans d’urbanisation.

6 Grosso modo il s’agit d’un mécanisme peu utilisé qui soutenait l’investissement foncier en contrepartie de la garantie de prix de vente des logements contrôlés.

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Dans ce système de gouvernance, le logement a été considéré comme un moteur du secteur de la construction, impliquant le capital financier des banques et des sociétés immobilières.

Quant au marché de la location et à celui de la réhabilitation, ils ont été relégués au second plan.

2. La période 2004-2008 : vers un modèle de cofinancement des politiques de l’habitat Dans le régime de gouvernance qui a prévalu entre 2004 et 2008, des conditions attrac- tives pour la réhabilitation urbaine et des mesures pour atténuer les effets de la crise ont été prévues, en particulier en soutenant les Fonds d’Investissement Immobilier de Logements Locatifs (FIIAH) destinés à résoudre les problèmes des ménages en défaut de paiement.

En 2007, a été créé le programme Porte 65 qui apporte une plus grande cohérence aux instruments d’aide à la location établis depuis 1990, associant l’aide à la pierre et l’aide à la personne (Guerra et al., 2008). Il repose sur deux volets : la réglementation de la location pour les jeunes, augmentant le pourcentage du montant du loyer couvert par les subventions mensuelles allouées aux jeunes de moins de 30 ans ; la définition des condi- tions d’accès au volet Porta 65 Cohabitation subventionnée7. Dans ce dernier dispositif les municipalités peuvent jouer un rôle central.

Parmi les dispositifs de contrôle des loyers, un seul, le blocage, a été appliqué, les autres, prévus pour promouvoir l’habitat coopératif, ayant servi, en fin de compte, à faire la promotion de logements pour la vente (Coelho et al., 2009). En conséquence, dans la totalité du pays, la location a considérablement diminué, passant de plus de 50 % en 1970 à environ 20 % en 2001.

Plus directement liés aux dispositifs d’aide au logement social, deux programmes sont fondamentaux : i) le PER (2003-2013) destiné au relogement, déjà mentionné plus haut et ii) le Programme de financement pour l’accès au logement (PROHABITA), établi de 2004 à 2013. La révision du PER pour 2003-2013 élargit les modalités d’accès au loge- ment social, proposant la réhabilitation pour le relogement, très peu utilisée, et étend les conditions d’accès à l’achat, une mesure réglementée en 2008.

La mise en œuvre de ce programme est toujours en cours et, en dépit de l’augmentation de l’offre disponible, il demeure insuffisant pour répondre à la demande. D’autre part, la part de 20 % de l’investissement qui incombe aux municipalités dépasse le montant que celles-ci souhaiteraient allouer au relogement. En dehors des métropoles, dans les muni- cipalités qui n’ont pas été couvertes par le PER, l’intérêt a été plus grand pour d’autres formes d’intervention, comme la « réhabilitation pour la promotion du loyer abordable », subventionnée de façon différente des logements sociaux, et la location de logements sur des fonds financiers destinés à la sous-location. Les régimes d’aide se sont diversifiés ainsi que les moyens pour calculer les mises à jour des loyers.

Le programme PROHABITA, établi en 2004, a institué des lignes de crédit dans les budgets municipaux pour la réhabilitation de logements locatifs ou en sous-location. Le programme a restreint les aides aux seuls organismes publics et a maintenu la dichotomie entre le logement social traditionnel et les régimes de loyers subventionnés limités aux jeunes et aux personnes ayant des besoins spécifiques de logement.

7 Cela correspond à l’aide transférée aux institutions « d’assistance et de solidarité sociales » visant l’héber- gement collectif des personnes ayant des besoins particuliers et / ou temporaires de logement (les « sans-abri », les « personnes âgées » ou les « immigrés », essentiellement des réfugiés).

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Le terme « logement social » utilisé dans le cadre du programme s’applique aux diffé- rents segments du marché (achat, vente, sous-location). Dans la pratique le système peut devenir assez différent du « logement social » classique et peut être compris comme une forme de « logement abordable ». Le « logement social » prévu par le programme n’a jamais fait l’objet d’une réglementation, laissant une grande marge de manœuvre aux municipalités pour déterminer les montants et les formes de soutien. D’autre, dans la pra- tique, la plupart des fonds attribués au PROHABITA ont été dirigés vers la requalification des quartiers de logements sociaux.

Les innovations législatives de ce régime de gouvernance révèlent une évolution de l’aménagement urbain, notammenten ce qui concerne la façon d’envisager les interven- tions sur la ville dense. Ces innovations sont inscrites dans le débat sur la ville durable et le retour à la ville dense comme stratégie de cohésion sociale et territoriale et d’usage raisonné des ressources (CE, 2011).

Cependant, si la régénération urbaine dotée d’un investissement public fort est centrale pour la qualification et la revitalisation des villes, force est de constater que, à l’excep- tion de certaines municipalités localisées hors des régions métropolitaines, la réhabilita- tion n’a pas fonctionné comme facteur de développement du parc de location abordable.

Quant à la réhabilitation financée sur fonds privé (avec ou sans fonds de développement urbain), elle n’a jamais été destinée à la promotion des logements abordables, mais à la réhabilitation des bureaux et des logements de haut standing.

Ainsi, l’intérêt de l’analyse des instruments qui régulent la rénovation urbaine n’est pas lié à l’étude des mesures en faveur de la réhabilitation ou de l’augmentation de l’offre du parc en elles-mêmes, mais à ce que ces dispositifs révèlent sur le « logement social » en tant qu’objet politique. L’analyse de ces instruments montre une interpénétration crois- sante des interventions des différents acteurs de l’action urbaine, avec des effets pervers sur l’offre de logement social.

Deux processus participant à la reformulation du cadre législatif des politiques urbaines ont eu lieu depuis les années 1990 : la transformation du rôle de l’État et le rôle central de l’économie urbaine comme instrument de cohésion sociale. Nous ne nous attarderons pas ici sur le débat autour de ces transformations. Aujourd’hui le modèle de coordination entre le système de production (la construction) et les « pres- tations sociales » (l’« aide au logement » et la « prime locative ») intègre une diversité croissante de partenaires et de dispositifs. Pour gérer la complexité de ces systèmes, les politiques publiques intègrent le principe de la territorialisation dans l’intervention (Pato et al., 2013a ; 2013b).

Les lois qui régissent ce régime montrent une volonté politique d’intervenir dans le tissu urbain, tout en créant des conditions pour surmonter les obstacles à la réhabilitation résultant de différents régimes réglementaires, du retrait de l’investissement public et de l’imposition de partenariats public-privé pour l’accès aux financements. À l’instar de ce qui s’est passé en France, ces changements ont eu lieu dans un contexte de trans- formation de l’État, qui travaille désormais à différentes échelles et à partir de multiples centres de décision. Manifestant le passage du gouvernement urbain à la gouvernance urbaine, « cette transition s’est effectuée en mobilisant autour de ces nouvelles structures des acteurs aux statuts très différents » impliqués dans des décisions qui, auparavant, étaient centrées uniquement sur les États (Jouve, 2005).

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Pour caractériser le changement de modèle mis en œuvre dans l’opérationnalisation des politiques urbaines de cette période, prenons le Régime de Location Urbain (RAU), le Régime juridique de la réhabilitation et la régulation des formes de fonctionnement des fonds.

Le DL 104/2004 du 7 mai (maintenant abrogé) et plus tard la Loi nº 67-A/2007, qui prévoyait le Régime juridique extraordinaire de soutien à la réhabilitation urbaine, illustrent le début d’un processus d’articulation financière de l’État à différents niveaux.

Dans ce cadre, sont créées les conditions spécifiques pour la réhabilitation des zones stra- tégiques de la ville8. La loi de 2004 a favorisé la création des Sociétés de Réhabilitation Urbaine (SRU). Elle a donné des compétences aux municipalités dans les procédures de contrôle des opérations de réhabilitation urbaine, pour classer les zones d’intervention et pour définir le type d’opération de réhabilitation à entreprendre. Les dispositifs et les principes d’intervention localisée liés à des opérations de réhabilitation ont été renfor- cés, approfondis et associés à un ensemble d’incitations fiscales concernant le patrimoine ainsi qu’à l’acquisition de matériel pour les travaux de réhabilitation.

Les SRU sont des entreprises municipales dotées de pouvoirs d’intervention accrus, car elles peuvent délivrer des permis et autoriser des travaux, entreprendre des opérations d’expulsion, d’inspection et d’expropriation. Elles sont financées par l’investissement public. En 2007, ce cadre législatif a été approfondi. La loi a établi un cadre réglemen- taire pour les opérations de réhabilitation intégrées, étendant sensiblement les incitations fiscales déjà prévues. Elle a renforcé la coordination entre les acteurs privés chargés de la réhabilitation des bâtiments et les acteurs publics chargés de la réalisation des équipe- ments et des infrastructures urbaines.

En 2009, est entré en vigueur le nouveau Régime juridique extraordinaire de soutien à la réhabilitation urbaine inscrit dans la Loi-budget de l’État pour 2009 (Loi 64-A/2008).

Les principales mesures d’incitation de nature fiscale ont été maintenues. Un ensemble de principes fondamentaux pour la gouvernance urbaine a été appliqué, incluant le principe de coordination des actions publiques et privées, le principe de l’intervention intégrée et le principe d’équité. Les responsables de la réhabilitation des bâtiments sont les proprié- taires, tandis que le maître d’ouvrage de l’opération cesse d’être la municipalité et est désormais une SRU au capital public ou public – privé.

Les SRU ont souvent recours aux Fonds Structurels (de l’UE), gérés par des FDU dont la réglementation communautaire a imposé la création pour la gestion du financement non remboursable9. Ces fonds opèrent dans des zones urbaines plus valorisées sur le mar- ché et sont davantage consacrés aux opérations de relogement (dans certains cas, il s’agit d’un relogement forcé) qu’à l’expansion du « logement social ».

Enfin, une autre innovation législative importante pour la gouvernance urbaine en matière de logement a été la publication du Régime de financement de fonds d’investisse-

8 Cette réhabilitation implique la déclaration des zones en question comme Zones critiques de récupération et de reconversion urbanistique (ACRRU).

9 Les FDU sont des mécanismes d’ingénierie financière qui soutiennent des projets urbains dans le cadre de « plans intégrés de développement urbain durable » et visent à stimuler l’activité économique au niveau local. (Art.º 7º du Règlement (CE) n° 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil de l’Union Européenne, 5 juillet 2006).

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ment immobilier pour le logement locatif (cf la Loi 64-A/2008 citée plus haut)10. À partir de 2008, il est devenu possible pour les banques et les municipalités d’avoir recours aux FIIAH dans le cadre d’opérations de réhabilitation.

Dans ce deuxième régime de gouvernance, l’investissement des zones stratégiques des villes est devenu un élément important des politiques de transformation urbaine des municipalités et a représenté aussi un argument électoral. La revitalisation du tissu urbain va de pair avec un changement du parc immobilier, mais dans le contexte des interven- tions publiques, le « loyer social » ou « abordable » est resté limité à un moyen d’at- teindre l’équilibre financier des opérations. Dans la pratique, les incitations financières pour l’accès au logement en direction des organismes publics, dont les municipalités, n’ont pas généré d’augmentations significatives du parc de locations abordables.

Au Portugal, comme ailleurs en Europe « [e]n ce qui concerne le financement par l’endet- tement, des changements significatifs sont intervenus, qui conduisent à considérer que la mon- dialisation modifie la nature du logement social. Les marchés financiers sont désormais déré- glementés et le financement du logement fait partie de ce cadre global. » (Whitehead, 2007 : 22). Le mode de financement du logement social, pour la construction comme pour la réha- bilitation, se trouve pourtant déconnecté de sa base matérielle, se transformant en emprunts

« sur des actifs existants » pour assurer la maintenance d’un bien et élargir l’offre (ibidem).

Au travers du financement par l’endettement, les banques ont un rôle croissant dans les processus de décision en matière de transformation urbaine, et prennent part, désormais, aux programmes de financement de la réhabilitation. Elles disposent en effet d’un pouvoir de vérification de la conformité aux exigences des différents programmes, ainsi que de compétences pour la validation des investissements privés, voire, dans certains cas, une participation au capital financier, beaucoup plus importante dans la construction que dans les « opérations intégrées de réhabilitation » (CGD, jan. 2014).

3. La période 2011-2014 : vers un modèle néolibéral

Le choix de l’accession à la propriété peut s’expliquer par des facteurs sociodémo- graphiques, culturels et économiques. L’augmentation du revenu des ménages, base de la fluctuation des prix des logements, et l’influence de l’évolution des politiques du loge- ment sur les règles du marché, ont été décisives dans ce développement (Boelhouwer et al., 2005 ; Doling et al., 2003, López, 2012).

Le boom immobilier des deux dernières décennies a été accompagné d’une augmenta- tion du nombre de logements vacants - qui représentaient environ 12,5 % du parc en 2011 - et de logements saisis par les banques. Le sort de ces logements est une préoccupation cen- trale des pouvoirs financiers, mais a été laissé aux mains des marchés financiers et immobi- liers. La valeur des saisies immobilières pratiquées par la banque a dépassé les 2,4 millions d’euros en septembre 2013 (la plus haute valeur connue à ce jour). À ce chiffre s’ajoute le montant résultant des procédures engagées par l’État contre des tiers, entreprises et particu-

10 La création de ces fonds était (et est encore) supportée par des déductions fiscales sur les transactions immobilières de la part des emprunteurs de contrats de crédit aux FIIAH et des taxes d’exploitation résultant de leur fonctionnement.

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liers (qui est passé de 4,8 à 22,1 millions d’euros, entre 2011 et 2012)11 qui conduisent dans de nombreux cas à la saisie des logements. Les media, citant l’autorité fiscale, parlent de plus de 20 000 logements saisis par l’État et mis en vente par les autorités fiscales en 2013 et de presque 50 000 au cours des sept premiers mois de 2014.

Cependant, en octobre 2013, la Banque du Portugal (désormais BdP), s’est inquiétée de l’exposition des banques aux risques du secteur immobilier (BdP, 2012, 2013). Face à la surévaluation des biens, elle a recommandé aux banques de se défaire de leur por- tefeuille immobilier et a annoncé sa décision de réduire la valeur de ces propriétés, si les banques ne procédaient pas à une évaluation selon les règles définies par la Banque Centrale Européenne (BCE)12. Or le danger de contagion de cette dévaluation sur les marchés de l’immobilier et du crédit est important. Pourtant les banques continuent de résister à ces changements qui représentent une diminution de leur marge de négociation en vue de la renégociation ou de la saisie (Pereira et al., 2014).

Par ailleurs, depuis 2012 (Loi 58/2012), les banques sont obligées d’exercer leur pou- voir de saisie dans des conditions spécifiques limitées à des cas extrêmes, sans qu’aucun système de protection ne soit prévu pour les délogés non couverts par la loi sur l’endette- ment. Dans la pratique, l’exercice de la possibilité de saisie hors de ces limites est évité, même lorsque le taux d’effort des familles dépasse des limites établies par les institutions financières. Les banques évitent à tout prix d’augmenter leur portefeuille.

Le maintien de ces actifs a été vu par la BCE comme une menace pour les banques, de sorte que celles-ci ont cherché à réintroduire ces logements dans le marché, au moyen d’enchères, de la vente à des tiers, et, depuis 2013 et par une décision administrative, aux agences immobi- lières. Le processus de dévaluation est déjà en cours, mais il a été passé sous silence et minoré face aux annonces de reprise du secteur, avec des coûts sociaux incontournables lors des rené- gociations ou des recours hypothécaires menés par les banques (Pereira et al., 2013, 2014).

Pour faire face à la crise, le « Mémorandum d’entente » de la Troïka prévoyait un ensemble de mesures visant « à promouvoir le marché du logement, facilitant l’accès au logement, la qualité du logement et l’utilisation du parc de logements » tout en diminuant l’investissement public. Actuellement, le gouvernement a déjà mis en œuvre les deux instruments qu’il juge fondamentaux pour y parvenir : réduire et à brève échéance supprimer les avantages fiscaux pour l’accession à la propriété ainsi que revoir le régime juridique de la location.

Le Portugal suit en cela la tendance observée dans une partie des pays européens au cours des dernières années, où il y a eu un boom constructif associé au soutien structurel du marché de crédit (Andrews et al., 2011 ; Cuerpo et al., 2014). La politique du logement a renforcé l’importance donnée à la location, tandis que la production scientifique d’aide à la décision développée par les organismes internationaux soutient cette évolution. Les analyses des politiques structurelles de l’État (OCDE, 2011) et de l’évolution récente du marché locatif (UE, Cuerpo et al., 2014) menées par les organisations internationales l’illustrent, promouvant de nouvelles formes d’intervention sur le marché du logement.

Au Portugal, la location gagne en importance dans les politiques du logement en tant

11 Rapport d’Activité du Ministère Public (Relatório Síntese da Atividade do Ministério Público), 2012.

12 Ces règles sont liées, grosso modo, à la rotation obligatoire des experts en cas de réévaluation, au nombre le nombre d’évaluations en fonction de la valeur de la propriété ; au procès-verbal de l’évaluation ; à la fréquence des évaluations et la mise en place de la notion de « valeur du bien hypothéqué », afin d’éviter la surévaluation.

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qu’outil de la reprise économique et en tant que moyen de réaliser des économies dans les processus de régénération urbaine. L’engagement politique en faveur de la location est consolidé par le lancement du programme Marché locatif social (MSA), prévu dans le Programme d’urgence sociale (août 2012).

Ainsi la Loi 31/2012 reflète une interprétation du problème du logement, qui peut se résumer ainsi : les principaux obstacles à l’accroissement du marché locatif sont la bipo- larité du marché (loyers bloqués et loyers libres) et la difficile réévaluation des anciens loyers (antérieurs à 1990) que les RAU de 1990 et de 2006 n’ont pas pu résoudre. Cette loi vise ainsi à libéraliser le marché locatif, tout en tenant compte des « besoins des ménages » locataires les plus vulnérables, et engage un ensemble de mesures destinées à renforcer la confiance des propriétaires : droit de refuser le renouvellement du contrat en cas de besoin ; suppression de la reconduction tacite des contrats de bail ; simplifica- tion des procédures d’expulsion pour impayés de loyers. Des règles de protection des locataires sont maintenues pour des situations économiques et sociales spécifiques et des valeurs maximales de loyer par tranche de revenu sont instaurées.

Toutefois ces dispositifs ne sont pas à la mesure du problème de fond de la politique de logement, lié à la faiblesse de l’État Social portugais en la matière, laquelle a été passée sous silence au cours des 40 dernières années. Même en tenant compte des plafonds de loyer, les revenus des ménages les plus vulnérables sont trop bas pour supporter la valeur du loyer réglementé, au moins dans les grandes villes. De plus, la loi ne prévoit pas les situations de perte d’emploi ou de baisse de revenus et se limite à renvoyer à un système de protection totalement inefficace en cas d’expulsion.

La suspension du système de révisions des loyers permet de repousser de cinq à dix ans la compensation visant à rembourser le propriétaire du loyer quand les locataires en situation de difficultés financières ne peuvent pas payer, mais l’application de la loi se traduira par une augmentation de la demande de logements à moindre coût, résultat de la mobilité forcée. Cette augmentation aura des effets sur la hausse des prix (López, 2012) qui, encore une fois, va peser sur les ménages qui ont atteint leur seuil de « solvabilité » ou qui risquent « l’insolvabilité ».

Les populations les moins favorisées qui n’ont pas encore subi une actualisation des loyers connaîtront, à terme, les problèmes qui touchent actuellement les locataires du marché libre. À l’heure actuelle, face à la hausse des loyers et sans système de protection, elles sont progressivement écartées des zones centrales, où les perspectives de rentabilité sur le marché locatif ont augmenté de façon exponentielle, et contraintes de vivre en situation de surpeuplement ou dans des logements inadaptés à leurs besoins13.

De son côtéle programme Marché locatif social renforce l’engagement politique en faveur de la location. Il vise les ménages qui ont un revenu supérieur à ceux qui sont traditionnellement orientés vers le logement social, et qui ne sont ni couverts par le pro- gramme en vigueur - le Porta 6514 - car ils ont dépassé la limite d’âge et n’appartiennent pas aux groupes ayant des besoins spécifiques de logement, ni en capacité financière de louer sur le marché libre.

13 À l’exception de situations qui interdisent la modification du bail, à savoir les cas qui associent âge et pauvreté.

14 le Programme Porta 65 comprenant le Porta 65 Jovem, destiné aux jeunes de moins de 30 ans et le Porta 65 Cohabitation subventionnée.

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Ce programme est le résultat d’un partenariat entre l’État, à travers l’Institut pour le Logement et la Réhabilitation Urbaine (IHRU), les municipalités et les banques adhé- rentes, qui n’a pas atteint son but de susciter l’intérêt des municipalités et des banques15. En janvier 2012 la Société des Fonds Norfin16 a lancé le Fonds de Solution Location pour gérer les propriétés destinées au marché locatif social. En août 2012 les unités du Fonds de la Solution Location ont été intégrées dans le programme Marché locatif social (MSA). Cela a marqué le début d’une nouvelle étape pour le gouvernement et les banques dans la lutte contre le problème des logements saisis. Dans le cadre du Programme, grâce au partenariat existant entre IHRU, la sécurité sociale17 et les banques, les logements sai- sis par les banques sont mis sur le marché à des loyers inférieurs. La baisse du loyer de ces logements est théoriquement de 30 %. En contrepartie, le propriétaire (les fonds) est exempté d’IRC et d’impôt sur la transaction.

En 2012-2013, l’importance des FIIAH n’a pas été significative car la saisie a continué à n’être appliquée que dans des situations extrêmes, les banques résistant à cette solution dans le cadre de la négociation de défaut de paiement. À partir de 2014, les FIIAH ont connu une expansion en raison de l’imposition par la Banque du Portugal de la vente de ces actifs. Ainsi au début 2014, le nombre de logements du programme MSA est passé de moins de 2 000 à 3 000 unités (dont 90 % étaient de FIIAH) (CGD, jan. 2014 ; IHRU, fév.

2014). Les propriétés intégrées dans le FIIAH ont continué d’être celles dont la rentabilité était la plus faible, alors que les banques continuent de connaître d’énormes difficultés pour écouler la majorité des logements à bas prix saisis18.

Si l’on s’en tient au principe de l’équité dans l’accès au logement, plusieurs critiques peuvent être adressées au programme : i) la libéralisation de la distribution par les agents immobiliers est dépourvue de tout contrôle juridique et s’avère trop ouverte à des formes d’inégalité et de discrimination, bien que les municipalités conservent un contrôle afin de garantir le « caractère raisonnable des priorités » ; ii) il exclut les petits propriétaires et les petits investisseurs, tout en protégeant les FIIAH ; iii) il y a une énorme ambiguïté dans la définition de la notion de « location sociale », ce qui compromet l’approche universelle et équitable de la politique de logement ; iv) il néglige l’existence de deux régimes de soutien (l’« aide au logement » et la « prime locative ») qui participent activement à un système de ségrégation urbaine (Pato et al., 2014).

En somme dans ce troisième régime de gouvernance, l’ensemble des mesures d’inci- tation à la réhabilitation dont le financement est public, ou public-privé dans le cadre des SRU, ne relève en rien d’une volonté de promotion du « logement social » (dans sa forme classique ou dans d’autres formes alternatives, comme le « logement abordable » ou l’« aide au logement »). Le logement social n’a pas été une priorité dans le cadre de la production législative destinée à encourager la régénération urbaine.

15 Le programme a eu des difficultés à démarrer. Les médias ont fait référence à environ 1 184 logements en mars 2013, alors que l’objectif défini pour 2012 était d’en obtenir environ 2 000 dans, au moins, 100 municipalités.

16 Créée en 1999 pour gérer les propriétés appartenant aux principales banques du pays.

17 Institut de Gestion Financière de l’Assurance Sociale qui gère le parc destiné aux populations les plus défavorisées.

18 Suivant la banque, les propriétés de ces fonds sont les plus sous-évaluées, mais les niveaux de rentabilité peuvent atteindre 2 % (CGD, Fév. 2014).

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Conclusion

Au Portugal, l’« austérianisme », entendu comme la croyance en la qualité intrinsèque de l’austérité (Krugman, 2012), n’a fait que contribuer à diminuer les montants de l’aide publique en matière de logement déjà traditionnellement bas. Les choix politiques face à la crise internationale et au déficit, imposés par la Troïka et préconisés par l’État, la dépendance excessive de l’économie du secteur du bâtiment (López, 2013), la pression des groupes économiques liés au bâtiment (Romero et al., 2012) et la confiance exagérée en « l’équilibre du marché » (Harvey, 2005) génèrent une transformation de la politique du logement sans précédent depuis 1974.

Les instruments législatifs préconisés en la matière par la Troïka contribuent à accen- tuer les difficultés d’accès au logement des ménages, dans la mesure où ces outils main- tiennent et exacerbent l’absence de garantie d’universalité et d’équité dans l’accès au logement. Les mesures mises en place ne permettent pas de corriger les inégalités et pro- meuvent des dispositifs qui accentuent la dégradation des conditions d’accès au logement abordable pour les ménages à bas revenus.

La dynamisation du marché locatif et de la réhabilitation apparaît comme une priorité, mais les moyens juridiques et financiers pour permettre la « location abordable » restent insuffisants. Dans le domaine de l’aide à la pierre, le Programme MSA n’est pas ajusté à la création effective d’un parc de location abordable. Ce Programme laisse la réglemen- tation de la gestion du stock de logements aux mains des agences immobilières. Enfin il reste à savoir si la localisation des propriétés en question correspond ou non à la géogra- phie des besoins.

La libéralisation graduelle mais efficace du marché de la location ainsi que les solu- tions trouvées pour « promouvoir le marché du logement, facilitant l’accès au logement, la qualité du logement et l’utilisation du parc de logements » révèlent la défense d’inté- rêts financiers et créent de nouveaux vides législatifs aux implications profondes pour la gouvernance urbaine.

La faible intervention municipale dans le logement abordable s’explique par le manque de dynamisme du marché locatif, provoqué, entre autres, par le blocage des loyers, par le manque d’intérêt pour la réhabilitation et par une politique du logement conçue comme politique locale. Aujourd’hui, les municipalités sont obligées d’intervenir en raison de la révision de la loi et de ses effets à moyen terme, de la hausse de la demande associée à des situations de difficultés économiques et du processus de déclin urbain (Fol et al., 2010) lié à un recul sur le plan démographique, économique et institutionnel dans certaines zones, et à la dégradation du bâti.

Les instruments législatifs analysés sont totalement inadaptés au développement d’un secteur social de masse, couvrant les besoins des catégories intermédiaires, à un moment où la gestion municipale devient plus complexe. Si le potentiel d’efficacité de la politique du logement réside en grande partie dans l’augmentation de la marge de manœuvre (et d’innovation) des municipalités (Guerra et al., 2008), le débat sur la mise en œuvre d’un modèle urbain local plus favorable à la promotion du logement abordable reste nécessaire.

Recherche subventionnée par des fonds publics : FCT —Fondation pour la Science et la Technologie— dans le cadre du projet « Pest-UID/SOC/04647/2013»

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Références

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