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Géographie Économie Société : Article pp.289-314 du Vol.17 n°3 (2015)

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économie société économie société

Géographie, Économie, Société 17 (2015) 289-314

Loisirs de pleine nature et utilisation des territoires : le cas des activités équestres diffuses

Céline Vial

a

*, Magali Aubert

b

et Philippe Perrier-Cornet

b

a Institut Français du Cheval et de l’Équitation (IFCE) et INRA, UMR 1110 MOISA1, 34000 Montpellier

b INRA, UMR 1110 MOISA, 34000 Montpellier

Résumé

Le développement des loisirs équestres en France est en partie porté par des particuliers indé- pendants, qui s’occupent eux-mêmes de leurs équidés, indépendamment des structures équestres professionnelles. Or, leur multiplication au sein des espaces ruraux et périurbains s’effectue de façon peu connue. Notre méthodologie, qui couple relevés de terrains exhaustifs et modélisations économétriques, met en évidence des premières caractéristiques et facteurs explicatifs de cette nouvelle utilisation des territoires. Ainsi, la présence de ces équidés et leur accès au foncier résultent d’une combinaison de facteurs, liés aux transformations du monde du cheval et des cam- pagnes françaises. Un essai de projection des résultats au niveau national apporte de premières indications concernant les territoires susceptibles d’offrir le plus d’opportunités ou de résistances au développement de cette pratique équestre. Ce travail, tout en soulignant l’importance de la prise en compte du développement des loisirs de nature dans l’aménagement des territoires, pro- pose une méthode originale pour appréhender ces activités diffuses, qui se développent souvent en marge des institutions professionnelles.

Mots clés : équidés, cavaliers amateurs indépendants, loisirs diffus, activités de pleine nature, terri- toire, espaces ruraux et périurbains. © 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés

1 Unité Mixte de Recherche Marchés, Organisations, Institutions et Stratégies d’Acteurs.

doi :10.3166/ges.17.289-314 © 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Auteur correspondant : vialc@supagro.inra.fr

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Summary

Outdoor leisure activities and land utilization : study case of diffuse equestrian activities. The development of equestrian leisure in France is partly due to individual horse owners, who take care of their horses themselves, outside any professional equestrian structure. Besides, little is known about the growth of their number in rural and suburban areas. Our methodology, which combines exhaustive inventories and econometric modeling, highlights first features and determining factors of this new use of the territories. Thus, the presence of these horses and their access to land is explained by a combination of different factors that are related to the current transformations of the horse industry and of the French countryside. A projection test of the results at the national level highlights first elements about areas that could offer the highest opportunities or threats to the development of this equestrian activity. This work underlines the importance of taking into account the development of outdoor activities in land management. Moreover, it offers an original methodology to understand these diffuse activities, which often develop on the fringe of professio- nal institutions.

Keywords: horses, amateur independent rider, diffuse leisure, outdoor activities, land manage- ment, rural and suburban areas. © 2015 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés

Introduction

Le développement actuel des sports et loisirs en France est marqué par un besoin gran- dissant de nature et une tendance propre à notre société de loisir de massification, diversi- fication et désinstitutionalisation des pratiques (Gouguet, 1998). On estime actuellement qu’environ 25 millions de personnes âgées de 15 ans ou plus pratiqueraient, au moins occasionnellement, un sport de nature. Avec plus de 1,5 million de cavaliers réguliers en France, les loisirs équestres2 occupent la sixième place des sports de nature les plus pra- tiqués (Gouguet et Hénaf, 2006) et connaissent un développement important depuis une vingtaine d’années (Tourre-Malen, 2006).

Ces effectifs croissants d’équidés sont consommateurs d’espace. On s’interroge de ce fait sur les conséquences de leur présence dans des territoires ruraux et périurbains qui connaissent actuellement des mutations importantes : s’ajoutant aux fonctions produc- tives historiques des espaces ruraux - agricoles, forestières et localement industrielles -, les fonctions résidentielles et récréatives liées à l’utilisation de ces espaces pour l’habitat et pour les loisirs se sont imposées, de même que les fonctions écosystémiques se sont affirmées (Perrier-Cornet, 2002).

Les évolutions des campagnes françaises et des activités équestres participent donc glo- balement d’un objectif commun : la satisfaction des besoins de loisirs des Français. Or, peu de données sont actuellement disponibles sur la façon dont se développent les loisirs équestres et sur leur insertion dans les territoires ruraux et périurbains. À l’image des autres

2 Nous considérons ici que les loisirs équestres comprennent toutes les utilisations des équidés par les prati- quants amateurs, qu’elles soient ou non encadrées par des professionnels de l’équitation. Ils englobent les dis- ciplines sportives d’équitation, ainsi que les loisirs en lien avec les équidés, allant de la pratique de promenades à cheval à la possession d’un équidé de compagnie.

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sports de plein air, de plus en plus de cavaliers amateurs pratiquent l’équitation pour le

« plaisir », recherchant « indépendance » et « liberté » (Digard et al., 2004). Parmi eux, un nombre croissant investit dans l’achat de son propre équidé. Certains choisissent de confier leurs animaux à des prestataires de services appelés « pensions », entraînant un regroupe- ment des animaux dans des lieux détenus et gérés par des professionnels. D’autres préfèrent au contraire s’occuper eux-mêmes de leurs équidés, indépendamment de toute structure équestre professionnelle. Nous les appelons ici des « particuliers indépendants ». Ces indi- vidus, leurs équidés et les lieux de détention de leurs animaux sont disséminés sur le terri- toire et mal connus des institutions équestres. C’est pourquoi nous nous interrogeons sur la façon dont se développe cette détention d’équidés par des particuliers indépendants au sein des territoires et sur les moyens d’appréhender ce phénomène.

Dans une première partie, nous reviendrons sur le contexte dans lequel s’insèrent ces recherches, relatif au développement des loisirs équestres dans les espaces ruraux et périurbains. Puis nous exposerons notre méthodologie, qui s’appuie sur la combinai- son de relevés de terrains exhaustifs et de modélisations économétriques. Nos résultats se présenteront en trois points, analysant l’importance des particuliers indépendants, les facteurs explicatifs de cette nouvelle utilisation des territoires et une première tentative de projection de leur répartition au niveau national. Enfin, nous conclurons sur la portée de ce travail, tant du point de vue des résultats que de la construction d’une méthodologie.

1. Le contexte : le monde du cheval aujourd’hui et l’importance croissante des particuliers indépendants

Alors que les effectifs d’équidés étaient estimés à environ trois millions au début des années 1900, le tournant du XXe siècle a sonné la fin des utilisations tradition- nelles du cheval pour l’armée, l’agriculture et les transports, conduisant à un cheptel d’environ 350 000 équidés en 1995. Le statut du cheval a ensuite évolué au cours du XXe siècle avec la naissance de l’équitation sportive, et plus récemment des loisirs équestres qui sont à l’origine d’un regain important des effectifs d’équidés, notamment depuis une vingtaine d’années (Tourre-Malen, 2006). Ainsi, leur nombre a ré-augmenté de façon constante pour atteindre près d’un million à l’heure actuelle (REFErences, 2011). Il s’agit de la seule filière herbivore française qui connaisse un développement constant depuis une vingtaine d’années. Les équidés utiliseraient très approximative- ment 0,5 million d’hectares de pâturages (soit 5 % des surfaces toujours en herbe) et seraient à l’origine de la valorisation de 2 millions d’hectares de fourrages et céréales, ce qui représente au total 0,5 % de la surface du territoire métropolitain (REFErences, 2011). On estime grossièrement que le segment des sports et loisirs représente plus des deux tiers des équidés aujourd’hui présents en France3 (Vial, 2009). Ainsi, l’engoue- ment croissant de la population pour le cheval et l’équitation est en grande partie res- ponsable du retour du cheval dans les territoires ruraux et périurbains français, comme cela a également été constaté en Suède (Bomans et al., 2011 ; Elgaker et al., 2012), en Belgique (Viaene et al., 2003), en Ecosse (Quetier & Gordon, 2003) ou au Royaume-Uni

3 Les équidés aujourd’hui présents en France se répartissent dans quatre segments d’activités : le travail, la viande, les courses et les sports et loisirs (REFErences, 2011).

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(Bailey et al., 2000). Certains de ces auteurs vont jusqu’à utiliser des néologismes tels que “horsification” ou “horsiculture” (Bomans et al., 2011 ; Quetier & Gordon, 2003).

Ces termes font référence à la multiplication du nombre d’équidés et à leur présence croissante dans les paysages européens, induisant des changements dans l’utilisation de l’espace. Quelques données sont disponibles quant à l’importance de ce développement pour la partie la plus structurée des loisirs : les centres équestres français détiennent environ 190 000 équidés, soit 20 % des effectifs nationaux, et le nombre de licenciés de la FFE (Fédération Française d’Équitation) a plus que doublé en 20 ans, passant de 266 000 en 1992 à environ 700 000 à l’heure actuelle (REFErences, 2011). Elle est aujourd’hui la troisième fédération sportive nationale en termes d’effectif d’adhérents, après le football et le tennis. Mais, dans leur ensemble, les loisirs équestres sont encore considérés comme une « nébuleuse mal connue » (Boyer et al., 2005). Notamment, les propriétaires d’équidés amateurs, qu’ils soient clients de pension ou particuliers indé- pendants, sont à l’heure actuelle une des catégories d’acteurs du monde du cheval les plus méconnues.

Une source de données mobilisable à ce sujet est la base SIRE (Système d’Identifica- tion Répertoriant les Équidés), dont l’objectif est de recenser tous les équidés présents en France. Elle est néanmoins soumise à de nombreuses limites : non-identification de certains animaux, notamment d’une partie de ceux situés chez des particuliers indépendants, non- renseignement du lieu de stationnement de certains équidés (lieu où se situe l’animal, qui peut être différent de l’adresse du propriétaire qui, elle, est bien renseignée) et mauvaise actualisation des données concernant les changements de propriétaires, les déclarations de mort d’équidés… En outre, il n’est pas possible de distinguer dans ces données les équidés placés en pension de ceux appartenant à des particuliers indépendants. Or, il nous est apparu intéressant de pouvoir isoler ces derniers pour étudier et comprendre leur développement. En effet, leurs propriétaires ont rarement le statut agricole. Ainsi, de par leur qualité d’amateurs et de particuliers, ces individus sont difficiles à recenser et ne respectent pas toujours les procédures obligatoires d’inscription de leurs équidés au SIRE. À leur sujet, J.-P. Digard parle de « l’inconnue de l’équitation hors structure » (Digard et al., 2004).

Ainsi, en l’état actuel des connaissances, il est impossible d’estimer l’importance exacte des équidés de particuliers indépendants et leur localisation. Nous savons qu’ils sont de plus en plus nombreux et occupent donc une part croissante du territoire fran- çais : espaces de stationnement et de pâturage, surfaces bâties ou aménagées (écuries, boxes, aires de travail des chevaux…), tout en étant localisés de façon très diffuse car ils se répartissent en très petits groupes. Leur dissémination et le fait qu’ils soient détenus par des amateurs (contrairement aux équidés placés en pension) rendent leur appréhen- sion complexe mais nous laissent supposer que ces équidés sont une des composantes des transformations du monde rural au sein d’une société urbanisée accordant de plus en plus de place aux lieux de résidence et de récréation recherchés pour leur cadre de vie (Jeannaux et Perrier-Cornet, 2014).

L’originalité de ce travail repose sur une focalisation, parmi les équidés de proprié- taires amateurs, sur ceux appartenant à des particuliers indépendants. Son objectif est d’étudier la façon dont se développe cette possession d’équidés de loisirs au sein des campagnes françaises.

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2. La méthode pour dénombrer et comprendre l’importance des activités équestres diffuses dans les territoires

Le manque d’informations disponibles et le caractère diffus de notre objet d’étude nous ont conduit à construire une méthodologie originale, combinant deux apports : i) la production de données propres par des recensements exhaustifs réalisés sur de petits ter- ritoires « modèles » et ii) le traitement de ces données par modélisations économétriques.

2.1. Le recueil primaire de données : des zooms territoriaux exhaustifs

Tout d’abord, une récolte de données primaires a été menée. Des recensements exhaus- tifs, comptabilisant l’ensemble des équidés présents, leurs propriétaires et les espaces qu’ils occupent (par leur pâturage et leur stationnement, de façon permanente ou en alternance) ont été menés au sein de six petits territoires français, soit 49 communes (figure 1).

Figure 1 : Zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural, ZAUER (délimitation au recensement de la population de 1999) et situation des six zones d’étude

Ces six zones ont été choisies selon différents critères : présence de zones périurbaines et rurales, développement contrasté des secteurs agricoles et touristiques, activités équines diffé- rentes et plus ou moins ancrées dans les traditions locales et enfin présence de personnes-res-

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sources locales intéressées par l’étude et facilitant les conditions pratiques du travail de terrain.

L’ensemble forme une gamme de situations qui nous semble assez bien refléter la diversité des espaces ruraux et périurbains français, comme il est possible de le constater à travers les variables présentées dans les tableaux 2, 3 et 4. En effet, les moyennes, minimums et maxi- mums au sein de notre échantillon sont relativement proches de ces mêmes valeurs pour la France entière, sachant que l’exclusion des communes les plus urbanisées de notre échantillon (celles-ci comprenant très peu d’équidés de par une indisponibilité de l’espace dédié priori- tairement à l’urbanisation) explique certaines différences (par exemple, dans les communes sélectionnées, les maximums pour la valeur du foncier agricole et la densité de population sont inférieurs aux valeurs nationales). Néanmoins, 49 communes ne peuvent prétendre être représentatives de l’ensemble du territoire français, ce qui invite à une certaine prudence quant à la lecture des résultats. Les six zones étudiées sont les suivantes :

Trois terrains d’étude sont périurbains : aires urbaines (hors pôles urbains) de Montpellier et de Caen et Pays d’Auray (Bretagne Sud). Les deux premiers connaissent un développe- ment résidentiel important mais présentent des contrastes au plan des activités équestres présentes : la zone de Montpellier a été choisie pour son orientation vers l’équitation tou- ristique et de loisir, alors que celle de Caen est marquée par une tradition d’élevage équin orienté vers le sport et les courses. Le Pays d’Auray connaît un développement résidentiel moins dense mais particulièrement marqué par la présence de résidences secondaires et d’infrastructures touristiques.

Trois autres terrains d’étude sont ruraux : le Pays de l’Auxois, le Parc National des Cévennes et le Pays Centre Bretagne. Le Pays de l’Auxois (Bourgogne) est une région agricole caractérisée par l’élevage extensif de troupeaux charolais allaitants et la poly- culture. Bien que zone rurale, il est rendu accessible par le réseau autoroutier le reliant à Dijon. Le Parc National des Cévennes présente une dominante environnementale et touristique (tourisme vert). Il est caractérisé par la présence d’élevages ovins tradi- tionnellement pastoraux et il est, de façon plus récente, considéré comme le berceau de l’endurance équestre. Enfin, le Pays Centre Bretagne est une zone rurale où l’agri- culture est principalement tournée vers la production laitière et l’élevage intensif. Il est également marqué par une tradition d’élevage de chevaux de trait.

L’étude de terrain a reposé sur un important travail de repérage par observations directes, en « labourant » systématiquement le terrain, commune par commune. Cette collecte de données a été suivie d’entretiens auprès de personnes-ressources locales connaissant bien leur territoire (élus, gardes champêtres, agriculteurs…) et d’enquêtes téléphoniques auprès de propriétaires équins permettant de compléter les observations de terrain pour obtenir des recensements les plus exhaustifs possible. Ces « zooms » couvrent environ 10 000 à 20 000 ha et correspondant à des grappes de 4 à 12 communes contiguës (tableau 1). Ils ont été réalisés sur des secteurs restreints et représentatifs de l’ensemble de la zone :

communes de l’espace à dominante urbaine (hors pôle urbain) : éloignées du littoral et situées sur un gradient urbain-rural pour les terrains de Montpellier et Caen, littorales et touristiques dans le Pays d’Auray,

communes de l’espace à dominante rurale : agricoles et soumises à l’influence modérée du pôle urbain dijonnais dans le Pays de l’Auxois, agricoles et éloignées de toute influence urbaine dans le Pays centre Bretagne et le Parc National des Cévennes.

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Tableau 1: Description des six zones d’étude et résultats des recensements exhaustifs

Périurbain de Montpellier (région du Pic Saint Loup)

Périurbain de Caen (V

allée de l’Odon)

Pays d’Auray (région de Carnac)

Pays de l’Auxois (région de Bierre- les-semur)

Pays Centre Bretagne

(région de Merdrignac)

Parc National des Cévennes (région de Florac) Nombre de communes étudiées91271246 Superficie de la zone d’étude (ha)9 4487 08813 65012 69024 86015 440 Densité d’habitants au km²220195116*514615 Résultats des recen- sements exhaustifs

Nombre d’équidés recensés466466536509254404 Pourcentage** d’équidés relevant du segment des loisirs, dont :1007088709477 - pourcentage** d’équidés apparte- nant à des amateurs685948549433 - pourcentage** d’équidés apparte- nant à des particuliers indépendants474838349133 Surface utilisée par des équidés (ha)3262272174311 483225 Surface utilisée par des équidés de particuliers indépendants (ha)249112120196452209 Pourcentage de la surface com- munale utilisée par des équidés de particuliers indépendants2,61,60,91,51,81,4

* La densité d’habitants au sein des communes du Pays d’Auray est plus faible que celle des deux autres zones périurbaines analysées car c’est un territoire touristique qui voit sa population fortement augmenter en saison estivale. ** Les pourcentages sont donnés par rapport au nombre total d’équidés recensés. Sources : INSEE, 1999 ; RGP, 1999 ; SIRE, 2007 ; recensements exhaustifs, programme “cheval et territoire”, 2007-2010.

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2.2. Hypothèses de recherche

Afin de comprendre le développement des particuliers indépendants au sein des terri- toires, nous recherchons des facteurs explicatifs d’une part du nombre de leurs équidés et d’autre part de la surface qu’ils utilisent. Ces deux variables expliquées (nombre d’équi- dés et surface utilisée) ne sont pas nécessairement proportionnelles. En effet, les équidés de particuliers indépendants peuvent stationner sur de très petites parcelles et être com- plémentés en foin et céréales, ou bien pâturer de façon extensive sur de grandes surfaces.

Les variables influençant le nombre d’équidés et la surface qu’ils utilisent ne sont donc pas nécessairement les mêmes.

Nous nous tournons tout d’abord vers deux éléments susceptibles d’expliquer la pré- sence de ces équidés : la population en présence et l’importance locale du monde du che- val professionnel. Puis, nous interrogeant sur les liens pouvant exister avec les récentes mutations des campagnes françaises, nous considérons les caractéristiques locales du développement résidentiel et du monde agricole.

2.2.1. La population en présence, un réservoir potentiel de particuliers indépendants ? Les particuliers indépendants recherchent une proximité immédiate entre leur lieu d’habitation et le lieu de détention de leurs équidés, d’une part pour minimiser leurs coûts de transactions (Vial et al., 2011a), s’occuper eux-mêmes de leurs équidés nécessitant des visites régulières (surveillance, apport d’eau et de nourriture), d’autre part car une par- tie d’entre eux considère ses équidés comme des « animaux de compagnie » et s’inscrit délibérément dans un rapport patrimonial à l’espace domestique, intégrant les équidés et les parcelles qu’ils occupent à l’espace résidentiel (Vial et Soulard, 2010). Ainsi, nous partons de l’hypothèse que le lieu d’habitation d’un particulier indépendant et le lieu de détention de ses équidés se situent dans la même commune. Ce postulat étant posé, il devient possible d’établir un lien entre les caractéristiques de la population d’une com- mune et le nombre d’équidés de particuliers indépendants qu’elle détient.

Les propriétaires amateurs font le choix d’être indépendant ou d’utiliser une pension en fonction des ressources dont ils disposent (en temps, compétences, foncier et revenu) (Vial et al., 2011a). Or, l’équitation a jusqu’à maintenant été plutôt considérée comme une pratique élitiste (Tourre-Malen, 2006). De plus, s’occuper soi-même de son équidé demande de disposer de temps pour les tâches quotidiennes indispensables, temps dont disposent les retraités, qui sont par ailleurs fortement représentés au sein des proprié- taires indépendants (après les étudiants et les employés) (Vial, 2009). Nous décidons donc de considérer deux variables illustratives des ressources (financières et en temps libre) des individus : le « revenu net imposable moyen » des habitants de la commune et le « pourcentage de retraités » au sein de la population (tableau 2). Nous supposons que ces éléments influencent les effectifs d’équidés mais n’ont en revanche pas d’effet sur la disponibilité de l’espace pour ces animaux et donc sur la surface qu’ils utilisent.

2.2.2. Quelle influence du monde professionnel du cheval local ?

L’existence d’une filière sportive locale, professionnelle et dynamique, a généralement un effet d’entraînement sur la pratique de ce sport pour le loisir (Bolotny, 2005). Cette rela- tion a été confirmée dans le cas des propriétaires amateurs (Vial et al., 2011b) mais nous

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Tableau 2: Description des variables quantitatives du modèle pour les communes de France et de notre échantillon France entière*Zones étudiéesTest d’égalité VariableNMoyenneETMinMaxNMoyenneETMinMax Nombre d’équidés de particuliers indépendants4923,719,5088  Surface utilisée par les équidés de particuliers indépendants (ha)

   4926,832,70188  Revenu net imposable moyenc (€)352971,40E+074,70E+0702,10E+09491,90E+072,70E+075,10E+051,40E+08*** Pourcentage de retraitésb ( %)3529723,89,601004923,410,16,950*** Nombre d’équidés SIRE a352974,413,80522498,614,4066ns Distance hippodromed (km)3529738,326,801794935,125,95113ns Distance harasd (km)3529744,525,602524956,921,51286ns Densité de populationb (par km²)3529774,311202510,249134,8166,75,9671,2ns Distance à la grande ville la plus proched (km)3529744,659,402524916,111,6032,9ns

Pourcentage de logements de type maison

b ( %)3529791,611,73,11004985,91447,1100ns Pourcentage d’emplois agri- colesb ( %)3529730,627,501004916,919,6080,2ns

Prourcentage du territoire en terres agricoles

e ( %)352977026,601004961,329,30100* Valeur du foncier agricolef (€/ha)352973377,31719,250024000492142,2879,25004 150ns * : Sont ici représentées les 36 570 communes de France métropolitaine auxquelles sont soustraites les 1 273 communes exclues de l’analyse car trop urbaines pour pouvoir potentiellement accueillir des équidés de particuliers indépendants. Les tests d’égalité de moyenne sont mentionnés via les niveaux de significativité. Les tests non significatifs (ns) indiquent que les deux populations ont des caractéristiques différentes. Dans le cas contraire, les niveaux de significativité sont indiqués comme suit : ***, **, * respectivement significatif à 1 %, 5 % et 10 %. Sources : a SIRE (Système d’Identification Répertoriant les Équidés), 2011 b INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), RGP (Recensement Général de la Population), 2006 c INSEE, impôts 1998. d Odomatrix, INRA, UMR1041, CESAER, Dijon, 2010 (logiciel permettant de calculer la distance routière entre deux points). eCORINE Land Cover, 2006 (la base de données géographique CORINE Land Cover est un inventaire biophysique de l’occupation des terres). Selon cette nomenclature, les terres agricoles comprennent les terres arables, cultures permanentes, prairies et zones agricoles hétérogènes f Agreste, Enquête sur la valeur vénale des terres agricoles, 2007.

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nous demandons si cela était uniquement le fait des pensions, qui permettent la pratique amateur encadrée par un professionnel, ou si cette présence de professionnels du monde du cheval pourrait aussi encourager la possession d’équidés par des particuliers indépendants.

Pour répondre à cette question, nous considérons quatre variables illustratives de l’im- portance du monde équestre professionnel local :

Premièrement, nous avons recours à la base de données SIRE. Entre autres informa- tions, cette base enregistre le lieu de stationnement4 des équidés d’élevage. La plus grande partie de ces équidés appartient à des professionnels, les particuliers indé- pendants éleveurs étant moins nombreux et disposant de cheptels moins importants (REFErences, 2011). Nous considérons donc que la variable « Nombre d’équidés SIRE » (c’est-à-dire le nombre d’équidés pour lesquels la base de données SIRE contient une information sur le lieu de stationnement) (tableau 2) est illustrative de l’importance du monde professionnel de l’élevage équin.

Nous nous demandons ensuite dans quelle mesure la proximité de structures équestres professionnelles pourrait offrir aux particuliers indépendants des services (formation, enseignement de l’équitation, accès à des structures de travail des chevaux, manifesta- tions…) qui les inciteraient à s’installer à proximité :

Distance routière séparant la commune de l’hippodrome5 le plus proche : « Distance hip- podrome » (tableau 2).

Distance routière séparant la commune du Haras national6 le plus proche : « Distance haras » (tableau 2).

Présence ou non dans la commune d’au moins un centre équestre7 : « Présence d’un centre équestre » (tableau 3). Parallèlement à son influence positive supposée sur le nombre d’équidés, nous faisons l’hypothèse que cette dernière variable aura aussi un effet négatif sur la disponibilité du foncier pour les particuliers. En effet, on suppose que les centres équestres, qui sont détenus pas des professionnels, ont un accès prioritaire au foncier au détriment des particuliers indépendants.

2.2.3. Les équidés de particuliers indépendants trouvent-ils d’avantage leur place dans les territoires ruraux ?

La périurbanisation se traduit par l’arrivée de nouvelles populations potentiellement concernées par la pratique de l’équitation et offre des possibilités de prestation de services de pension (Quetier et Gordon, 2003). Néanmoins, elle est aussi synonyme d’une trans- formation de la physionomie des campagnes. Une urbanisation croissante et trop dense pourrait donc être défavorable à la présence d’équidés de particuliers indépendants : aug- mentation des prix du foncier, diminution des espaces disponibles, conflits d’usage et arrivée d’une population peu encline à supporter les nuisances que peuvent susciter des

4 Le lieu de stationnement correspond au lieu de saillie pour les étalons en activité, au lieu d’identification du poulain sous la mère pour les juments poulinières et au lieu d’identification pour les poulains de l’année.

5 La France compte 345 hippodromes répartis sur l’ensemble de son territoire.

6 Vingt-trois sites des Haras nationaux sont répartis sur l’ensemble du territoire français. Il s’agit de struc- tures d’appui à l’élevage et proposant diverses formations dans le domaine équin.

7 Ces structures impactent directement la dynamique équestre locale par la formation des cavaliers et des chevaux et l’organisation de compétitions.

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équidés (odeurs, insectes…) (Elgaker et al., 2012 ; Ravenscroft et Long, 1994 ; Buxton et Low Choy, 2007). Nous faisons donc l’hypothèse que la présence d’équidés de particu- liers indépendants et leur utilisation du foncier entrent en partie en concurrence avec le phénomène résidentiel. Nous observons l’effet des variables suivantes :

« Commune de l’espace à dominante rurale ou urbaine » (au sens que l’INSEE donnait à Tableau 3 : Répartition des communes de France et de notre échantillon en fonction de la présence ou non d’un ou plusieurs centres équestres sur leur territoire

France entière* ** Zones étudiées**

Présence

d'un centre équestre N Répartition ( %) N Répartition ( %)

Non (= 0) 28 978 82,1 35 71,4

Oui (= 1) 6 219 17,9 14 28,6

Total 35 297 100 49 100

* : sont ici représentées les 36 570 communes de France métropolitaine auxquelles sont soustraites les 1 273 communes exclues de l’analyse car trop urbaines pour pouvoir potentiellement accueillir des équidés de particuliers indépendants.

** : Le test de Chi2 indique que les répartitions des deux populations sont différentes.

Source : FFE (Fédération Française d’Équitation), 2010.

Tableau 4 : Répartition des communes de France et de notre échantillon entre communes de l’espace à dominante rurale et communes de l’espace à dominante urbaine

France entière* ** Zones étudiées**

Type de commune N Répartition ( %) N Répartition ( %)

Commune de l’espace à

dominante rurale8 (= 0) 18 496 52,4 28 57,1

Commune périurbaine (communes de l’espace à dominante urbaine, hors pôles urbains)10 (= 1)

16 801 47,6 21 42,9

Total 35 297 100 49 100,0

* : sont ici représentées les 36 570 communes de France métropolitaine auxquelles sont soustraites les 1 273 communes exclues de l’analyse car trop urbaines pour pouvoir potentiellement accueillir des équidés de particuliers indépendants.

** : Le test de Chi2 indique que les répartitions sont identiques au seuil de 5 %.

Source : ZAUER (zonages en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural), INSEE 1999 et IGN 1999.

Communes de l’espace à dominante urbaine = communes appartenant à un pôle urbain, communes périurbaines monopolarisées et communes périurbaines multipolarisées selon le ZAUER.

Communes de l’espace à dominante rurale = communes appartenant à un pôle d’emploi de l’espace rural, communes appartenant à la couronne d’un pôle d’emploi de l’espace rural et autres communes de l’espace à dominante rurale selon le ZAUER.

8Au sens que l’INSEE donnait à cette expression dans le Zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural de 1999.

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cette expression dans le Zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural de 1999, le ZAU 2010 n’a pas été utilisé dans cette étude, la plupart des collectes de données et des traitements ayant été réalisés avant cette date) (tableau 4).

« Densité de population » (tableau 2).

« Distance (routière) à la grande ville (commune centre d’un pôle urbain) la plus proche » (tableau 2).

« Pourcentage de logements de type maison » parmi le total de logements (tableau 2). Nous supposons que la présence d’équidés de particuliers indépendants sera facilitée dans les communes présentant davantage de logements de type maison, relativement aux logements de type appartement, où on trouve d’avantage d’espaces libres ou en attente de construction, et un plus grand nombre de jardins. Toutefois, ces parcelles étant très restreintes, nous sup- posons que la surface utilisée par les équidés n’est pas influencée par cette variable.

2.2.4. Concurrences ou complémentarités avec l’agriculture locale ?

Nous nous interrogeons sur l’influence que peut avoir le secteur agricole sur les deux variables expliquées. Nous supposons que la complémentarité observée avec la présence d’agriculteurs non-professionnels (Vial et al., 2012b) pourrait être liée à un plus fort intérêt de ces derniers pour les opportunités de diversification agricole que peuvent repré- senter les équidés : prise en pension d’équidés (Bailey et al., 2000 ; Zasada et al., 2011), vente ou location de parcelles aux propriétaires équins (Quetier & Gordon, 2003) ou pro- duction de fourrages et céréales pour les équidés (Bailey et al., 2000). En revanche, agri- culteurs et particuliers indépendants convoitent les mêmes espaces et pourraient donc se retrouver en concurrence pour leur occupation. Nous observons donc l’effet des variables suivantes (tableau 2) à la fois sur le nombre d’équidés de particuliers indépendants et sur les surfaces qu’ils utilisent :

« Pourcentage d’emplois agricoles » par rapport au total des emplois.

« Pourcentage du territoire en terres agricoles », c’est-à-dire proportion du territoire total occupé par des terres agricoles selon la nomenclature CORINE Land Cover (terres arables, cultures permanentes, prairies et zones agricoles hétérogènes).

« Valeur du foncier agricole ». Nous supposons toutefois que cette variable n’influence que les surfaces utilisées par les équidés et non pas le nombre de ces animaux.

2.3. Analyse : le modèle et sa projection au niveau national

La base de données initiale est constituée de 49 communes. Or, même si les communes étudiées forment une gamme de situations illustrative de la diversité des espaces ruraux et périurbains français, leur nombre est insuffisant pour qu’une analyse économétrique soit robuste. Pour pallier à ce manque d’observations, lié à la lourdeur du travail de ter- rain, nous avons choisi d’utiliser comme méthode de ré-échantillonnage, le bootstrap (Cf.

Encadré 1).

Dans la mesure où les variables endogènes considérées sont toutes deux quanti- tatives, une modélisation linéaire de type OLS (Ordinary Least Squares) ou MCO (Moindres Carrés Ordinaires) a été réalisée pour chacune d’elle. Chacun des items identifiés comme facteurs explicatifs l’est alors pour le nombre d’équidés de particu- liers indépendants et/ou pour la surface qui leur est dédiée. Ainsi, nous croisons les

(13)

résultats des zooms exhaustifs avec les caractéristiques socio-économiques et territo- riales des communes identifiées ci-avant.

Les modélisations mises en œuvre peuvent être formalisées comme suit :

1  

y

i=α+βpopulationi+δmonde_professionneli+γurbanisationi+ηagriculturei+εi avec

y

i indique respectivement :

- le nombre d'équidés de particuliers indépendants dans la commune i - la surface allouée aux équidés de particuliers indépendants dans la commune i

α, β, δ, γ, η sont les coefficients à estimer relatifs à chacun des blocs de variables explicatives identifiées ε est le terme d'erreur

Encadré 1 : Méthode de ré échantillonnage – le Bootstrap

Le Bootstrap est une méthode de ré-échantillonage dont le principe est : “to put oneself up by one’s bootstrap”. Autrement dit, c’est une procédure qui permet d’uti- liser les informations contenues dans l’échantillon initial pour inférer des propriétés statistiques. Le bootstrap est utilisé dans le cadre de données empiriques (Davidson et MacKinnon, 1993) et les échantillons artificiels créés permettent de réaliser des inférences statistiques via le ré échantillonnage d’un échantillon initial.

Le ré-échantillonnage est construit sur la base d’un triage aléatoire, avec remise, dans l’échantillon initial sur lesquels les inférences statistiques seront réalisées. Le procédé, avec remise, autorise ainsi la sélection de chaque observation une fois, plu- sieurs fois ou de ne pas être sélectionnée dans le nouvel échantillon.

Les données peuvent être constituées d’une ou plusieurs variables. Que l’échantillon initial soit un vecteur ou une matrice, nous considérerons l’écriture suivante : x=

(

x1...xn

)

avec

x

i potentiellement un vecteur de dimension p, avec p le nombre de variables.

Pour un échantillon initial constitué de n observations, on a créé B nouveaux échan- tillons tels que : x=

(

x1...xk

)

. On note ainsi B le nombre total de ré échantillonnage effectué sur la base de l’échantillon initial et k un de ces échantillons, soit k = 1…B.

Soit

q

, un paramètre de la population initiale, tel que : q=f

(

x1...xn

)

=f(x). Pour chaque nouvel échantillon, on peut calculer une nouvelle valeur de ce paramètre, tel que q ˆ k=f(xk).

Si q est la moyenne de la population initiale, avec : q=1ni=1n xi - on obtient pour tout k : q ˆ k, la valeur moyenne pour un nouvel échantillon. La moyenne estimée par bootstrap est alors une moyenne calculée sur la base de chacune des valeurs obtenues pour les k nouveaux échantillons. Soit : q ˆ =1

B q ˆ k

k=1

B .

Efron et Tibshirani (1993), ont établi une règle empirique qui permet de définir le nombre de B optimal. Pour avoir une première vision des résultats, il faut avoir réalisé 25 échantillons et pour avoir une bonne estimation, il préconise de réaliser 50 échantillons.

Dans notre cas, nous avons considéré 50 échantillons, constitués dans un premier temps de 100 réplications et dans un second temps de 150 réplications des observations de l’échantillon initial. À partir des simulations réalisées sur la base de ces réplications, nous avons comparé les résultats obtenus afin de valider la stabilité de nos résultats.

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ges.revuesonline.com

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Les résultats de ces modélisations ont un double objectif : i) mettre en évidence des facteurs explicatifs du nombre d’équidés de particuliers indépendants recensés ainsi que de la surface qui leur est allouée, ii) estimer le nombre d’équidés et la surface qui leur est dédiée au niveau national. Dans la mesure où nous posons l’hypothèse que les zones recensées sont représentatives de la diversité des pratiques équestres françaises, un premier essai de projection des résultats au niveau national est mené, afin d’estimer le nombre d’équidés de particuliers indépendants ainsi que la surface qui leur est dédiée.

Si les recensements réalisés permettent d’apprécier la diversité des pratiques équestres, ils ne permettent pas de mesurer précisément les proximités de pratiques entre les diffé- rentes communes d’une même zone. Plus précisément, le faible nombre de communes pris en compte dans chacune des zones ne permet pas de tester la présence d’autocorréla- tion spatiale. Celle-ci est définie comme l’existence d’une « relation fonctionnelle entre ce qui se passe en un point de l’espace et ce qui se passe ailleurs » (Le Gallo, 2002). Pour la tester, il faut être en mesurer d’apprécier « la ressemblance des valeurs prises par une variable, exprimée en fonction de leur localisation géographique » (Aubry et Piégay, 2001). Or, la répartition des observations au sein de chaque zone ne nous le permet pas.

Par ailleurs, les indicateurs relatifs au monde professionnel du cheval, à l’urbanisation et à l’agriculture permettent de contrôler en partie cette autocorrélation spatiale.

Par ailleurs, le faible nombre d’observations total ne permet pas une projection fine du nombre d’équidés et des surfaces dédiées estimés. Les résultats obtenus sont projetés et définis dans des intervalles (++, +, -, --) afin d’apprécier les zones dans lesquelles le nombre d’équidés et la surface qui leur est dédiée sont les plus ou moins importants. Le niveau d’analyse communal est un niveau fin permettant d’appréhender la spécificité de chacune des communes recensées. Toutefois, dans la mesure où celles-ci représentent moins de 0,2 % des communes françaises, la projection est estimée au niveau des com- munes mais agrégée au niveau départemental.

La projection des résultats repose sur deux hypothèses implicites. La première est que les facteurs identifiés comme pertinents pour les communes recensées le sont égale- ment pour l’ensemble des communes françaises. Tout facteur identifié comme pertinent, c’est-à-dire significatif du point de vue économétrique, l’est pour toutes les communes françaises. La seconde hypothèse est que coefficient associé estimé est transposable. La valeur du coefficient estimé est la même, quelle que soit la commune considérée.

Les données mobilisées au niveau national sont les mêmes que celles mobilisées pour les analyses économétriques afin de n’introduire aucun biais lié à l’échantillonnage ou au mode de calcul de ces données. Il est à noter que les grandes villes françaises, qui répondent à des approches en termes d’équidés différentes et qui n’ont pas pu être appré- ciées dans le cadre de nos enquêtes, ne sont pas considérées (Cf. Encadré 2).

3. Résultats

3.1. Les résultats bruts de l’enquête de terrain : une importance sous-estimée des équidés de particuliers indépendants

Notre échantillon comprend 49 communes au sein desquelles 2 635 équidés ont été recen- sés. Ils occupent une surface de 2 909 ha, soit 1,5 à 6 % de la surface totale des communes

(15)

selon le terrain d’étude (tableau 1). Ces recensements exhaustifs ont permis d’illustrer l’im- portance du segment des loisirs au sein de l’ensemble du monde du cheval, quelle que soit la zone considérée, celui-ci représentant systématiquement plus des deux tiers des équidés recensés. D’autre part, les particuliers indépendants détiennent 30 à 90 % de l’ensemble des équidés recensés selon la zone, soit un total de 1 187 équidés recensés. Ils utilisent 40 % des surfaces totales dédiées aux équidés, soit 1 118 ha au sein des 6 terrains d’étude. Ces surfaces représentent entre 0,9 et 2,6 % de la surface totale des communes selon la zone (tableau 1). Ces derniers chiffres démontrent l’importance qu’ont prise à ce jour les particu- liers indépendants, importance qui est encore sous-estimée par les chiffres officiels.

3.2. Vers une compréhension des logiques de développement des particuliers indépendants Les indicateurs considérés dans le cadre des modélisations mises en œuvre sont indé- pendants les uns des autres (tableaux 5a et 5b), chacun apportant une information unique et complémentaire aux autres.

Les modélisations mises en œuvre permettent de voir dans quelle mesure chacun de ces indicateurs impacte tout à la fois le nombre d’équidés de particuliers et la surface qui

Encadré 2 : Des équidés absents des communes les plus urbaines Au 01/01/2010, la France métropolitaine comptait 36 570 communes. La répartition des effectifs d’équidés entre ces communes dépend de plusieurs facteurs et notamment de la disponibilité du foncier. Les équidés de particuliers indépendants ne peuvent pas être situés dans des villes très peuplées et artificialisées, où peu d’espace est disponible pour leur stationnement et où leur présence est à l’origine de conflits de voisinage importants (insectes, odeurs, équidés qui s’échappent…) (Vial, 2009b). Nous avons donc décidé d’exclure ces communes de notre travail. Afin de déterminer un critère de prise en compte des communes, nous nous appuyons sur deux variables :

- Le taux d’artificialisation des sols (base de données CORINE Land Cover 2006). Ce taux varie de 0 à 99 % selon les communes de France, pour une moyenne de 7 % (il s’agit des surfaces bâties, à bâtir, terrains d’agrément et jardins, chemins de fer et voies de communication…).

- La densité de population, qui varie de 0 à 26000 habitants/km² selon les com- munes de France, pour une moyenne de 151 habitants/km².

Dans le but de fixer des seuils pour ces variables, nous avons effectué des obser- vations de terrain dans des communes présentant des profils variés et nous avons consulté des experts, prenant des communes types en exemple. Il est ainsi apparu que les communes dans lesquelles se trouvent des équidés de particuliers indépendants répondent simultanément aux deux critères suivants : un taux d’artificialisation du sol strictement inférieur à 30 % et une densité de population strictement inférieure à 6 habitants/hectare (hab/ha). Nous considérons donc dans ce travail que seules ces communes sont susceptibles d’accueillir des équidés de particuliers indépendants.

De ce fait, 1 273 communes, soit 3,5 % des communes de France métropolitaine, sont exclues de notre analyse.

(16)

Tableau 5a: Corrélations entre les variables explicatives retenues pour le modèle expliquant les effectifs d’équidés de particuliers indépendants Nombre équidés (variable expliquée) Nombre d’équidés SIRE Densité de populationPourcentage du territoire en terres agricoles Pourcentage d'emplois agricoles Pourcentage de retraitésDistance à la grande ville la plus proche Pourcentage de logement de type maison Revenu net imposable moyen Distance hippo- drome

Distance haras Nombre équidés (variable expliquée)1.0000         Nombre d’équidés SIRE0.23881.0000        Densité de population-0.20390.00181.0000       Pourcentage du territoire en terres agricoles

0.05810.1334-0.12391.0000      Pourcentage d'emplois agricoles-0.0303-0.0702-0.4478-0.20241.0000     Pourcentage de retraités0.1077 -0.0759-0.1987 0.0087 -0.08051.0000 Distance à la grande ville la plus proche0.06930.0931-0.36300.18940.21750.45231.0000   Pourcentage de loge- ment de type maison-0.0649-0.2195-0.09670.37200.1866-0.2747-0.14871.0000  Revenu net imposable moyen0.21360.09590.6664-0.2483-0.38240.0142-0.0516-0.33621.0000 Distance hippodrome-0.0307-0.0784-0.1720-0.87570.3145-0.0238-0.1025-0.24030.05971.0000 Distance au haras-0.4796-0.0515-0.1330-0.33150.1464-0.03740.2901-0.0051-0.10130.39241.0000

(17)

leur est dédiée. Le premier résultat issu des modélisations est le faible pouvoir explicatif des indicateurs pris en compte, apprécié via le R2.

Ce faible pouvoir explicatif ne traduit pas une non-pertinence des indicateurs consi- dérés mais la complexité des phénomènes étudiés. En effet, de nombreux autres facteurs entrent en compte mais ne peuvent pas être mesurés et de ce fait introduits dans nos analyses. L’acceptabilité de la présence d’équidés par la population, la perception des activités équestres ou encore l’engouement de la population, plus ou moins marqué pour certaines pratiques équestres sont autant de facteurs clefs qui ne peuvent pas être objecti- vement mesurés au niveau d’une commune.

Par ailleurs, le R2 relatif à la modélisation des effectifs d’équidés est supérieur à celui de la modélisation des surfaces utilisées par les équidés, signifiant que les indicateurs considérés permettent d’appréhender plus largement le nombre d’équidés que la surface Tableau 5b : Corrélations entre les variables explicatives retenues pour le modèle expliquant les surfaces allouées aux équidés de particuliers indépendants

Surface (variable expliquée)

Présence d'un centre équestre

Densité de population

Pourcentage du territoire en terres agricoles

Pourcentage d'emplois

agricoles

Distance à la grande ville la plus

proche

Valeur du foncier agricole Surface

(variable

expliquée) 1.0000        

Présence d'un centre

équestre 0.1890 1.0000      

Densité de

population -0.2806 0.0951 1.0000    

Pourcentage du territoire en terres agricoles

-0.4663 0.0109 -0.1421 1.0000  

Pourcentage d'emplois

agricoles 0.2309 -0.1861 -0.4275 -0.2212 1.0000 Distance à

la grande ville la plus proche

-0.0432 0.1673 -0.3762 0.2221 0.1843 1.0000

Valeur du foncier

agricole -0.2692 -0.0089 0.0700 0.4788 -0.0855 -0.3097 1.0000

(18)

qu’ils utilisent. D’autres indicateurs non considérés ici auraient donc un effet sur la sur- face dédiée à ces équidés sans affecter le nombre d’équidés. Il s’agirait notamment de la topographie ou encore de la qualité du couvert végétal.

3.2.1. Des particuliers indépendants appartenant à des classes plutôt aisées

Les communes dont la population présente un revenu plus élevé ont une plus forte probabilité de compter des particuliers indépendants parmi leurs habitants. Ainsi, toute augmentation de 1 % du revenu net imposable moyen se traduit par une augmentation du nombre d’équidés de 3 % (tableau 6). En effet, avoir un équidé se traduit par diffé- rentes contraintes dont celle de prendre en charge les frais associés. Ce résultat démontre que posséder son propre équidé ne concerne pas les populations les moins aisées, même lorsque les individus prennent en charge leurs équidés eux-mêmes, ce qui reste moins coûteux que de les placer dans une pension.

En revanche, le poids des retraités dans la population n’a pas d’effet significatif sur le nombre d’équidés de particuliers indépendants (tableau 6). D’autres variables illustratives du temps disponible avaient également été testées, telles que la proportion de chômeurs au sein de la population, mais n’avaient pas non plus d’effet significatif. Cette question mériterait d’être approfondie à travers des enquêtes qualitatives complémentaires auprès de particuliers indépendants, permettant l’identification d’autres indicateurs plus fins de la disponibilité en temps des individus.

3.2.2. Effet d’entraînement du monde professionnel du cheval sur la présence d’équidés de particuliers indépendants

Tout d’abord, on observe une relation positive entre le nombre d’équidés d’élevage présents selon le SIRE et le nombre d’équidés de particuliers indépendants (tableau 6).

Ainsi, lorsque le nombre d’équidés d’élevage selon le SIRE augmente de 1 %, le nombre d’équidés de particuliers augmente de 0,4 %. Ce lien tient à plusieurs effets. Tout d’abord, certains équidés de particuliers indépendants, si leurs propriétaires pratiquent l’élevage, peuvent être compris dans ces effectifs du SIRE. De plus, la présence d’éleveurs pro- fessionnels accroît l’offre d’équidés et peut donc en faciliter l’achat par des particuliers indépendants. Enfin, la présence d’élevages professionnels, souvent ancrés dans le terri- toire de façon traditionnelle depuis des décennies, peut inspirer les amateurs et les inciter à devenir des propriétaires indépendants.

La proximité avec un hippodrome ne conditionne pas la présence d’équidés de particu- liers indépendants (tableau 6). Ce résultat confirme la fracture qui existe entre le secteur des courses et celui des loisirs équestres.

En revanche, la proximité avec le site des Haras nationaux le plus proche a un effet positif sur le nombre d’équidés (tableau 6). Toute distance au Haras qui augmente de 1 % se traduit par une diminution de près de 4 % du nombre d’équidés de particuliers. Ces structures sont à l’origine d’un environnement favorable, proposant un appui en termes d’élevage, de for- mation et de conseils, et organisant des manifestations équestres et compétitions.

Enfin, on constate que la présence d’un centre équestre dans la commune n’a pas d’effet, ni sur le nombre d’équidés de particuliers indépendants, ni sur les surfaces qui leur sont dédiées (tableau 6), contredisant l’hypothèse d’une attractivité particulière résultant de la prestation de service par les centres équestres ainsi que celle d’une possible concurrence

(19)

Tableau 6 : Facteurs explicatifs du nombre d’équidés de particuliers indépendants et des sur- faces qu’ils utilisent

Nombre d'équidés de particuliers

indépendants Surface utilisée par les équidés de particuliers indépendants Coef. Std. Err. Elasticités Coef. Std. Err. Elasticités

Population

Revenu net

imposable moyen 5.41e-07* 1.19e-07 3.32088 Pourcentage de

retraités -.4137569 .2877253 -14.26167

Monde professionnel

du cheval

Nombre d’équidés

SIRE .4314004* .1576441 .439138

Distance

hippodrome -.1139362 .201102 -15.59231

Distance haras -.5452572* .1130925 -3.863424 Présence d'un

centre équestre -8.689566 6.057867 -5.960109 -2.521867 12.57584

Urbanisation

Commune de l’espace à dominante rurale ou urbaine(Au sens que l’INSEE donnait à cette expression dans le Zonage en aires urbaines et en aires d’emploi de l’espace rural de 1999)

-17.49269** 7.352692 -7.992126 13.65776

Densité de

population -.0828179* .0213012 -2.596072 -.0685525** .0384275 -.4085008 Distance à la

grande ville la

plus proche .0435686 .2752168 4.801382 -.334623 .5042551 -.1323775 Pourcentage

de logements

de type maison .5130101** .1949516 1.462761

Agriculture

Pourcentage d’emplois

agricoles -.2956586** .1394295 -1.38483 -.0944302 .2752643 .0163256 Pourcentage du

territoire en terres

agricoles -.2684792 .1920666 -16.87745 -56.06423* 30.68549 -.3032884 Valeur du foncier

agricole .0004701 .006582 -.3253759

Constante 52.72648 23.02373 80.57155* 29.42903

R2 56.33 % 35.34 %

Nombre d'observations 49 49

Test de Breusch-Pagan

(hétéroscédasticité) 0.0000 0.0000

Test de normalité des résidus 0.0361 0.0042

Respectivement significatif à 1 % ***; 5 % **, 10 % *

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