Math´ematiques pour
Informaticiens
Ernst Hairer
Universit´e de Gen`eve Juin 2004
Section de math´ematiques Case postale 240
CH-1211 Gen`eve 24
Contents
I Topologie de et fonctions continues 4
I.1 Distances et normes . . . 4
I.2 Convergence de suites de vecteurs . . . 6
I.3 Voisinages, ensembles ouverts et ferm´es . . . 8
I.4 Fonctions continues . . . 12
I.5 Convergence uniforme et la courbe de Peano-Hilbert . . . 14
I.6 Exercices . . . 16
II Calcul matriciel 17 II.1 Rappel de l’alg`ebre lin´eaire . . . 17
II.2 Forme normale de Schur . . . 19
II.3 Formes quadratiques . . . 22
II.4 Matrices d´efinies positives . . . 24
II.5 Norme d’une matrice . . . 25
II.6 Applications bilin´eaires et multilin´eaires . . . 27
II.7 Exercices . . . 28
III Calcul diff´erentiel (plusieurs variables) 29 III.1 D´eriv´ees partielles . . . 29
III.2 Diff´erentiabilit´e . . . 31
III.3 D´eriv´ees d’ordre sup´erieur . . . 34
III.4 S´erie de Taylor . . . 36
III.5 Th´eor`eme des accroissements finis . . . 39
III.6 Deux th´eor`emes importants de l’analyse . . . 40
III.7 Surfaces et sous-vari´et´es . . . 43
III.8 Espace tangent . . . 46
III.9 Exercices . . . 47
IV Optimisation 48 IV.1 Minima relatifs . . . 48
IV.2 Minima conditionnels – multiplicateurs de Lagrange . . . 50
IV.3 Contraintes en forme des ´equations et in´equations . . . 54
IV.4 Programmation lin´eaire . . . 55
IV.5 L’algorithme du simplexe . . . 59
IV.6 Exercices . . . 63 2
V Calcul int´egral 64
V.1 Primitives . . . 64
V.2 Applications du calcul int´egral . . . 65
V.3 Techniques d’int´egration . . . 67
V.4 Int´egration de fonctions rationnelles . . . 70
V.5 Substitutions importantes . . . 73
V.6 Exercices . . . 74
VI Equations diff´erentielles ordinaires 75 VI.1 Exemples historiques . . . 75
VI.1.1 La tractrice . . . 75
VI.1.2 La cat´enaire . . . 76
VI.2 Quelques types d’´equations int´egrables . . . 77
VI.2.1 ´Equations `a variables s´epar´ees . . . 77
VI.2.2 ´Equations lin´eaires homog`enes . . . 77
VI.2.3 ´Equations lin´eaires inhomog`enes . . . 77
VI.2.4 ´Equations diff´erentielles d’ordre 2 . . . 78
VI.3 Equations diff´erentielles lin´eaires . . . 79´
VI.3.1 ´Equations homog`enes `a coefficients constants . . . 80
VI.3.2 ´Equations lin´eaires inhomog`enes . . . 82
VI.4 Syst`emes d’´equations diff´erentielles – exemples . . . 84
VI.4.1 Le probl`eme de Lotka–Volterra . . . 84
VI.4.2 Le probl`eme de Kepler . . . 85
VI.4.3 Le syst`eme solaire (probl`eme `a corps) . . . 86
VI.4.4 R´eactions chimiques . . . 87
VI.5 Existence et unicit´e du probl`eme de Cauchy . . . 87
VI.5.1 Prolongement des solutions et existence globale . . . 90
VI.6 Syst`emes d’´equations diff´erentielles lin´eaires . . . 90
VI.6.1 Equations lin´eaires homog`enes . . . 91
VI.6.2 Equations lin´eaires inhomog`enes . . . 92
VI.7 Syst`emes lin´eaires `a coefficients constants . . . 93
VI.8 Exercices . . . 94
VIIS´eries de Fourier 95 VII.1 D´efinitions math´ematiques et exemples . . . 95
VII.2 Etude ´el´ementaire de la convergence . . . 99
VII.3 Noyau de Dirichlet et convergence ponctuelle . . . 101
VII.4 Convergence en moyenne quadratique . . . 103
VII.5 Exercices . . . 104
Remerciements
Ce polycopi´e accompagne le cours “Math´ematiques pour informaticiens” ( heures par se- maine et heures d’exercices) donn´e au semestre d’´et´e 2004.
Chapter I
Topologie de et fonctions continues
L’´etude des fonctions d’une variable r´eelle est un des sujets du cours “Analyse I” (semestre d’hiver).
Dans ce chapitre, nous discutons des notions qui permetteront une g´en´eralisation aux fonctions de plusieurs variables. De telles fonctions apparaissent partout en pratique. Par exemple, la temp´erature dans une salle est une fonction qui d´epend de l’espace (trois coordonn´ees) et du temps.
Elle est donc une fonction de quatre variables.
Ce chapitre suit de pr`es la pr´esentation des paragraphes IV.1 et IV.2 du livre “L’analyse au fil de l’histoire” de Hairer & Wanner (Springer-Verlag 2002). Pour plus d’informations (remarques historiques, d´emonstrations d´etaill´ees,), la lecture de ce livre est vivement conseill´ee.
I.1 Distances et normes
Nous consid´erons des couples de nombres r´eels, et des -uples . L’ensemble de tous les couples est
(1.1)
et l’ensemble de tous les -uples est
"!# %$
'&
()* (1.2)
Avec l’addition (composante par composante) et avec la multiplication par des nombres r´eels, cet ensemble devient un espace vectoriel (voir le chapitre II du cours “Alg`ebre I”, semestre d’hiver).
Les ´el´ements de sont donc des vecteurs. Dans ce chapitre, nous ne distinguons pas les vecteurs colonnes et les vecteurs lignes.
G´eom´etriquement, l’espace peut ˆetre interpr´et´e comme un plan; les composantes et
´etant les coordonn´ees cart´esiennes. Par le th´eor`eme de Pythagore, la distance +, -, entre deux points . et- - .-/ est donn´ee par (figure I.1, gauche)
+, -,
-0 213 4 65
-/713
(1.3)
On voit que cette distance ne d´epend que de la diff´erence-819 . Ceci justifie l’´ecriture :.-;1<=: , o`u :>: > 5 > si> ?>@ > .
Pour calculer la distance entre .A et - - .-/-/A dans l’espace A , nous appliquons deux fois le th´eor`eme de Pythagore (d’abord au triangle DEF et ensuite `a ABC, voir figure I.1, droite) et nous obtenons +" -, :.-B13=: , o`u :>: > 5 > 5 > A .
Topologie de et fonctions continues 5
-
-/
-0 13
-/C13
D
E F G
A
H
I
-0 4-/-/A
&
-0 1J
-KC1J -KA*13A
Figure I.1: Distances dans et dans A Dans l’espace de dimension , nous d´efinissons par analogie
:>0:
> 5 >
5
5 > (1.4)
et nous appelons cette expression la norme euclidienne de > ?>@ >@L> . La distance entre
M et-N est alors donn´ee par+" -, :.-B13=: . Th´eor`eme 1.1 La norme euclidienne (1.4) satisfait :
(N1) :.=:OQP et :.=: PSRT P ,
(N2) :UC=: WVU VX :.=: pour UY ,
(N3) :. 5 -Z:%[\:.=: 5 :.-6: (in´egalit´e du triangle).
D´emonstration. Les propri´et´es (N1) et (N2) sont triviales. La d´emonstration de (N3) est bas´ee sur l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz
V^]
-`_
V
[\:.=:
X
:.-Z:2 (1.5)
o`u ] -a_6b !c0
"!d-*! d´esigne le produit scalaire de deux vecteurs et- (voir le chapitre VI du
cours “Alg`ebre I”). L’in´egalit´e du triangle est maintenant une cons´equence de
:.
5
-Z:
W]
5 -`.
5
-`_
:.=:
5 ]
-a_
5
:.-Z:
[\:.=:
5
":.=:
X
:.-6:
5
:.-Z:
e
4:.=:
5
:.-6:L
Par la suite, nous utiliserons tr`es rarement la formule explicite de l’´equation (1.4). Souvent, il est confortable d’utiliser d’autres expressions satisfaisant les propri´et´es (N1), (N2) et (N3).
D´efinition 1.2 (norme) Une norme sur est une application : X :b gf satisfaisant (N1), (N2) et (N3). L’espace muni d’une norme s’appelle un espace norm´e.
Exemples. En plus de la norme euclidienne (1.4), nous consid´erons
:.=:
!c0
V
"!
V normehK , (1.6)
:.=:i
j8kLl
!c0 nmpopopom V
"!
V norme maximum. (1.7)
La v´erification des propri´et´es (N1), (N2) et (N3) pour ces normes est facile. La notation (c.-`a-d.
les indices & *q ) n’est pas choisie par hasard. En effet, les trois normes sont des cas particuliers de
:.=:4r
!c0
V
"!
Vr tsur
normehLr , & [wvyxzq (1.8)
et :.=:i Q{}|}j r(~ei:.=:4r .
6 Topologie de et fonctions continues Th´eor`eme 1.3 Pour toutM , on a
:.=:i[\:.=:[:.=: 7[w
X
:.=:i (1.9)
D´emonstration. Nous ne d´emontrons que la deuxi`eme in´egalit´e. En prenant le carr´e :.=: dans l’´equation (1.6), nous obtenons la somme des carr´es ! (c’est-`a-dire:.=: ) et les produits mixtes
V
"!
VXV
"
V, tous non n´egatifs. Ceci implique que :.=: O\:.=: .
Ce r´esultat montre que les normes :.=: , :.=: et :.=:i sont ´equivalentes dans l’esprit de la d´efinition suivante.
D´efinition 1.4 (´equivalence de normes) On dit que deux normes : X :4r et : X :4 sont ´equivalentes s’il existe des constantes positivesF etF telles que
F
:.=:4r[\:.=:4e[
F
=:.=:4r pour tout (1.10)
I.2 Convergence de suites de vecteurs
Au cours “Analyse I”, nous avons vu des suites de nombres r´eels ainsi que les notions de conver- gence, de suites de Cauchy, etc. Il s’agit maintenant d’´etendre ces d´efinitions et r´esultats `a des suites de vecteurs. Nous consid´erons donc "0 , o`u chaque" est un vecteur, c.-`a-d.
"
t.n( ?
W&
*L*6 (2.1)
D´efinition 2.1 (convergence de suites de vecteurs) On dit que la suite "?0 , donn´ee par (2.1), converge vers le vecteur @( 7 si
0B
P O &
=O
:."01,:x
Comme pour des suites dans , nous ´ecrivons " f ou bien {}|j
~ei
"
.
La seule diff´erence par rapport `a la d´efinition pour des suites de nombres r´eels est que les
“valeurs absolues” sont remplac´ees par des “normes”.
La figure I.2 montre la suite " P* 5 P*}K KL/ P*} 5 P*2aP/} 5 P*2 K | P* 5 P*}244
dans avec P* / . Elle converge vers P**P*/ .
u ^
^A (
u
uA
A
¡
Figure I.2: Illustration d’une suite convergente dans
Topologie de et fonctions continues 7 Attention Dans la d´efinition 2.1, nous n’avons pas encore pr´ecis´e quelle norme il faut prendre.
Nous observons que si : X :4r est ´equivalente `a : X :4 , alors on a
convergence avec : X :4r ¢¤£ convergence avec : X :4 (2.2) En effet, :."`1za:4r;x
et (1.10) impliquent que :."`1za:4¥x F
. Puisque¦ P est arbitraire dans la d´efinition 2.1, nous pouvons le remplacer par¨§ F , et nous voyons que la convergence avec : X :4r implique celle avec : X :4 .
Nous savons d´ej`a (th´eor`eme 1.3) que : X : , : X : et : X :i sont ´equivalentes ; nous verrons plus loin (th´eor`eme 4.6) que toutes les normes dans sont ´equivalentes. Par cons´equent, on peut se servir de n’importe quelle norme dans la d´efinition 2.1.
Th´eor`eme 2.2 (crit`ere de convergence) Pour une suite de vecteurs (2.1), on a
{}|}j
t~i
"
¢g£
{|}j
t~i
"!
@! pour $ '& L*()
i.e. la convergence dans est ´equivalente `a la convergence composante par composante.
D´emonstration. Prenons la norme maximum (1.7) pour laquelle
:."1©,:izx
¢¤£
V
"!401¨!
V x
pour $ W& *L)
Avec cette norme dans la d´efinition 2.1, le r´esultat est imm´ediat.
Avec l’observation qu’il faut seulement remplacer “valeurs absolues” par “normes”, on peut
´etendre beaucoup de d´efinitions et r´esultats du cours “Analyse I” `a une dimension sup´erieure. Par exemple, nous disons qu’une suite des vecteurs "t0 est born´ee, s’il existe un nombre
E
OQP tel
que :."ª:«[
E
pour tout¬O & . De nouveau, la propri´et´e d’ˆetre born´ee ne d´epend pas de la norme choisie. Comme dans , nous voyons que toute suite convergente est born´ee.
On dit qu’une suite "?0 est une suite de Cauchy si
0;
P O &
O
h®O
&
:."013"¯/°:x
(2.3)
En utilisant la norme maximum dans (2.3), on constate que cette d´efinition est ´equivalente au fait que, pour$ '& . , les suites r´eelles "!0 sont des suites de Cauchy. Par cons´equent, nous obtenons directement la g´en´eralisation du crit`ere de Cauchy.
Th´eor`eme 2.3 (crit`ere de Cauchy dans ) Une suite de vecteurs dans est convergente si et seulement si elle est une suite de Cauchy.
Le th´eor`eme de Bolzano-Weierstrass reste aussi vrai dans . Sa d´emonstration, par contre, n´ecessite quelques id´ees suppl´ementaires.
Th´eor`eme 2.4 (Bolzano-Weierstrass dans ) Chaque suite born´ee de vecteurs dans admet une sous-suite convergente.
D´emonstration. Soit "?0 une suite born´ee dans . La suite de ses premi`eres composantes
t0 est born´ee et on peut appliquer le th´eor`eme de Bolzano-Weierstrass dans . Elle admet
alors une sous-suite convergente, disons
nm nm±@ nm² nmu@ nmA(³ nm±u´@ nmuAu´@ nm±(³^µ@¶= (2.4)
8 Topologie de et fonctions continues Passons aux deuxi`emes composantes. L’id´ee essentielle est de ne consid´erer que celles qui corre- spondent `a la sous-suite (2.4) et non pas celles de la suite toute enti`ere. Cette suite est born´ee, et nous pouvons de nouveau appliquer le th´eor`eme de Bolzano-Weierstrass dans pour obtenir une sous-suite convergente, disons,
Lm Lm²Lm±u´@Lm±(³^µ@Y (2.5)
Maintenant, les premi`eres et les deuxi`emes composantes de la suite ,² ,±u´ ,±(³^µ@ conver- gent. Pour , la d´emonstration est termin´ee. Pour , nous examinons les troisi`emes composantes avec des indices correspondant `a (2.5), et ainsi de suite. Apr`es ´etapes, il reste une suite dont toutes les composantes convergent.
I.3 Voisinages, ensembles ouverts et ferm´es
Pour des ensembles
D
et
E
dans , nous utilisons les notations
D¸·
E
si les ´el´ements de
D
appartiennent `aE (sous-ensemble)
D<¹ E
º
» M
D
et M E (intersection)
D<¼ E
º
» M
D
ou M E (r´eunion ou union)
D<½
E
º
» M
D
mais ¾ E (diff´erence)
¿ D
º
» ¾
D (compl´ementaire) Le rˆole de l’intervalle ouvert est jou´e par
E%À
?*
M Á:.Y1©,:ex
/ (3.1)
appel´e disque (ou boule) de rayon et de centre (voir la figure I.3).
v
W&
v v q
Figure I.3: Disques de rayon
W&
&LÂ
/
&Â
pour :.=: , :.=: et :.=:i ,
D´efinition 3.1 (voisinage) Soit ¦ donn´e. Un voisinage de est un ensemble Ã
·
qui contient un disque de rayon positif centr´e en , i.e.,
à est voisinage de ¢¤£ 8 P E%À * · à Le disqueE%À ?* d´epend de la norme utilis´ee (: X : 4*: X : ou : X
:i) ; la d´efinition d’un voisinage, par contre, est ind´ependante de la norme utilis´ee, `a condition que les normes soient ´equivalentes.
Chaque E=À C pour une norme contient un E%ÀÄ ?* pour l’autre norme (voir le dessin `a cot´e).
D´efinition 3.2 (ensemble ouvert) Un ensembleÅ
·
est ouvert s’il est un voisinage de chacun de ses points, i.e.
Å ouvert ¢¤£ 9Å 8 P E%À
·
Å6
Topologie de et fonctions continues 9 D´efinition 3.3 (ensemble ferm´e) Un ensemble I
·
est ferm´e si chaque suite convergente
"t0 avec" I a sa limite dans I , i.e.
I
ferm´e ¢g£ Æ{}|j
~ei
" et " I impliquent B I
Exemples dans .
L’intervalle dit “ouvert” ¡Çd È É e;xwÉxÇd est un ensemble ouvert. En effet, pour
un»?CǪ , le nombre bQj8|} )1;¡Ç1« est strictement positif, et nous avonsE%À
·
?CǪ .
Par contre, la suite 5 & ª (pourO & ) est convergente, ses ´el´ements sont dans CǪ `a partir d’un certain , mais la limite n’est pas dans CǪ . Donc, l’ensemble CǪ n’est pas ferm´e.
L’ensemble dit “ferm´e” ÊËCÇªÌ T ¥9[Í[TÇd est ferm´e (faire la d´emonstration `a l’aide d’un th´eor`eme du cours “Analyse I”). Cependant, ni ni Ç n’ont un voisinage enti`erement inclus dans ÊË¡ÇdÌ. L’intervalle ÊË¡ÇdÌ n’est donc pas ouvert.
L’intervalleD ÊÎCǪ n’est ni ouvert ni ferm´e, puisque n’a pas de voisinage dans ÊÎCǪ et la limite de la suite convergente Ç1 & ª n’est pas dansÊËCǪ .
Enfin, l’ensemble ?1#q 5 q© est ouvert et ferm´e, ainsi que l’ensemble videÏ . Lemme 3.4 Soit : X : une norme arbitraire de .
a) L’ensemble D Q M #:.=:¬x & est ouvert.
b) L’ensemble D M ®:.=:[ & est ferm´e.
v
'&
v v q v
W&
v v q
Figure I.4: Ensembles ouverts ¥:.=:4r«x & (gauche) et ferm´es S:.=:4r[ & (droite) D´emonstration. a) Pour »
D
prenons Æ& 1W:,: qui est positif. Avec ce choix, nous avons
E%À
?*
·TD
(voir figure I.4, gauche). En effet, par l’in´egalit´e du triangle, nous avons pourQ
E%À
?*
:.=:
:.¤1
5
a:e[\:.y1,:
5
:,:x
5
:a:
'&
Donc,
D
est ouvert.
b) Consid´erons une suite "0 v´erifiant" D (pour tout ) et convergeant vers . L’in´egalit´e de triangle implique
:,:
:."013"
5
,:e[:."ª:
5
:."1©,:e[
& 5
:."01,:x
& 5
pour7O . Ceci est vrai pour tout
;
P . Par cons´equent, :,:[ & et
D
est ferm´e.
Autres exemples.
Le demi-plan
D
Ð
9
Z
5
/ est un ensemble ouvert; par contre, le demi-plan
D
Q
»
a
5
OQ* est un ferm´e (mˆeme d´emonstrations que tout `a l’heure). On verra plus tard que l’ensemble
D
È
„Z 4
P* est ouvert et que
D
È
„) O
P* est ferm´e siÑ) 4 est une fonction continue.
L’ensemble
D
M
Ò« ®:.=:e[
& n’est ni ouvert ni ferm´e, car chaque disque
contient des points irrationnels; et une limite de points rationnels peut ˆetre irrationnelle.
10 Topologie de et fonctions continues Le c´el`ebre ensemble de Cantor (figure I.5) est donn´e par
D
ÊpP*
& Ì ½
&Â
/
Â
/
¼
&LÂKÓ
ÂÔÓ
¼
ÂKÓ
L ÂKÓ
¼
N
i
tc0
@?*Õ
%@
P*/
(3.2) Cet ensemble n’est pas ouvert (par ex. W&Â n’a pas de voisinage dans
D
) mais il est ferm´e (voir la remarque apr`es la d´emonstration du th´eor`eme 3.6).
P
&Â
 &
&ÂKÓ
Figure I.5: Ensemble de Cantor
Le triangle de Sierpi ´nski et le tapis de Sierpi´nski (figure I.6) sont des g´en´eralisations bidimen- sionnelles de l’ensemble de Cantor. Ces dessins ne nous plaisent pas seulement par leur beaut´e, mais nous rappellent que les ensembles peuvent ˆetre des objets bien compliqu´es.
Figure I.6: Triangle de Sierpi´nski et tapis de Sierpi´nski Th´eor`eme 3.5 On a
i)
I
ferm´e £
¿ I
ouvert, ii) Å ouvert £
¿ Å ferm´e.
D´emonstration. i) Supposons que
¿ I
ne soit pas ouvert. Il existe alors un M
¿ I
(i.e. ¾ I ) tel que, pour toutY P , on ait E=À C¥¾
· ¿ I
. En prenant Ö&Â , nous pouvons choisir une suite
"t0 satisfaisant"7
I
et :."a1a:®x
&Â
. Comme
I
est ferm´e, nous obtenons y
I
, d’o`u une contradiction.
ii) Supposons que
¿ Å ne soit pas ferm´e. Il existe alors une suite "×
¿ Å (i.e. "3¾TÅ ) convergeant vers un M¾
¿ Å , (i.e.YÅ ). Comme Å est ouvert, nous avons E%À ?* · Å pour un certain; P . Par cons´equent,"=¾ E%À * pour tout , d’o`u une contradiction.
Th´eor`eme 3.6 Pour un nombre fini d’ensembles, on a
i)Å7 4Å2@LÅØ ouverts £ Å7
¹
Å2
¹
¹
Å Ø est ouvert, ii)I I L I Ø ferm´es £ I
¼ I ¼
¼ I Ø est ferm´e.
Pour une famille arbitraire d’ensembles (index´ee par l’ensembleÙ ), on a iii)ÅÚ ouvert pour toutU £ Ú¨ÛdÜ
ÅÚ Q
M 0UY3Ù= M3Å ÚC est ouvert,
iv)I Ú ferm´e pour toutU £ Ú¨ÛªÜ I Ú
Q
»
UY9Ù= M
I
ÚC est ferm´e.
Topologie de et fonctions continues 11 D´emonstration. Commenc¸ons par la d´emonstration de (i). Soit9©Å7
¹
¹
ÅØ , donc3©Å!
pour tout$ Ö& .Ý . CommeÅ! est ouvert, il existe un ! P tel queE%ÀÞ
·
Å! . Prenons
jß|}
L
Øe ; alors
8
P et
E%À
·
Å7
¹
¹
ÅØ .
La d´emonstration de (iii) est encore plus simple ; nous l’omettons. Les ´equivalences (i) R (ii) et (iii)R (iv) sont une cons´equence des “r`egles de Morgan”
¿
?Å7
¹
Å2
¿
Å7 4
¼ ¿
Å2
¿
Å7
¼
Å2
¿
Å7
¹ ¿
Å2
et du th´eor`eme 3.5.
Remarque. Ce th´eor`eme nous permet de d´emontrer que l’ensemble de Cantor d´efini par (3.2) est ferm´e. En effet, son compl´ementaire
¿ D
?1#qP/
¼ &
q©
¼
&Â
/
Â
/
¼
&LÂKÓ
ÂÔÓ
¼
ÂKÓ
L ÂKÓ
¼
est une union infinie d’intervalles ouverts. Le th´eor`eme 3.6 implique donc que
D
est ferm´e.
Å2
ÅA
Å2à
ű
I I A I à I ±
Figure I.7: Ensembles ouverts d’intersection ferm´ee (gauche) et ensembles ferm´es d’union ouverte (droite)
Remarque. Les affirmations (i) et (ii) du th´eor`eme 3.6 ne sont, en g´en´eral, pas vraies pour un nombre infini d’ensembles.
Consid´erons par exemple la famille d’ensembles ouverts
(1.26) Å M ®:.=:x & 5 &Â
dont l’intersection Å2 ¹ ÅA ¹ Å2à ¹ º Q Y:.=:¶[ & n’est pas ouverte (figure I.7, gauche).
De fac¸on analogue, la famille d’ensembles ferm´es (figure I.7, droite)
(1.27) I M Á:.=:[ & 1 &Â
a une unionI ¼ I A ¼ I à ¼ Q M #:.=:ex & qui n’est pas ferm´ee.
12 Topologie de et fonctions continues
I.4 Fonctions continues
Soit
D
un sous-ensemble de . Une fonction
ÑYb
D f Ø
(4.1)
envoie le vecteur L 8
D
sur le vecteur- - .L-*ج8 Ø . Chaque com- posante de- est une fonction de variables. Nous ´ecrivons alors
-
ÑZ ou
-
Ñ/
...
-*Ø
ÑØ# L 4
(4.2)
-
- -/
Figure I.8: Parabolo¨ıde (gauche) et h´elice (droite) Exemples
a) Une fonction Ý á& de deux variables / peut ˆetre interpr´et´ee comme une surface dans A . Par exemple, la fonction- 5 repr´esente un parabolo¨ıde (figure I.8, gauche).
b) Deux fonctions Ý K d’une variable & repr´esentent une courbe dans A . Par exemple, l’h´elice de la figure I.8 (droite) est donn´ee par - / & P , -/ |}¥& P . Si nous projetons la courbe sur le plan - 4-K , nous obtenons une “repr´esentation param´etrique” d’une courbe dans (un cercle dans cet exemple).
D´efinition 4.1 (continuit´e) Une fonctionÑYb
D f Ø
,
D·
est continue enâ
D
si
0;
P 0ã
P
D
b×:.y13â:¬xQã :ÑZ1Ñ)â:x
C’est pr´ecis´ement la d´efinition de la continuit´e d’une fonction `a une variable avec les valeurs absolues remplac´ees par des normes. Cette d´efinition ne d´epend pas des normes choisies, pourvu qu’elles soient ´equivalentes. En utilisant la norme maximum dans Ø , nous obtenons le r´esultat suivant (`a comparer avec le th´eor`eme 2.2).
Th´eor`eme 4.2 Une fonctionÑNb
D f Ø
,
D·
donn´ee par (4.2) est continue enâ«
D
si et seulement si chaque fonctionÑä%b
D f
est continue enâ (å '& Ý ).
Topologie de et fonctions continues 13 Une cons´equence de ce th´eor`eme est qu’il suffit de consid´erer le casÝ & pour l’´etude de la continuit´e.
Il est ´evident qu’une fonction constante ÑZ \æ est partout continue. La projection de
. sur sa $ i`eme coordonn´ee, i.e. v "! , est ´egalement continue en chaque point
â
^â@ â , puisque V"!¬13"!4â
V
[\:.y1Jâ: (choisirã dans la d´efinition 4.1).
Comme pour des fonctions `a une variable, on d´emontre que le produit et le quotient (si le d´enominateur est non nul) de fonctions continues est continue. Par cons´equent, les polyn ˆomes en plusieurs variables, par exempleÑZ 4.@A à ± 13 ? A A 5 ± 1 & , sont partout continus;
et les fonctions rationnelles sont continues aux points o`u le d´enominateur est non nul.
çÔè çÔè
ç@é ç@é
ê
ê
Figure I.9: St´er´eogramme de la fonction discontinueÑ) 4 de la formule (4.3) (tenir le dessin `a 20 cm des yeux et “loucher” `a travers le papier vers un objet situ´e 20 cm derri`ere. Alors, les deux dessins fusionnent et un dessin 3D apparaˆıt.)
Exemple 4.3 Consid´erons la fonctionÑYb f donn´ee par
Ñ) 4
?
5
si 5 P
P si P
(4.3) (voir figure I.9). Comme elle est une fonction rationnelle, elle est certainement continue aux points v´erifiant 5 P . Pour expliquer son comportement pr`es de l’origine, utilisons les coordonn´ees polaires Kë , |} ë ; il vient (pour
P )
ÑZ
/ë
ì
|
ë Kë8
|
ë
&
|}
ë
Par cons´equent, la fonction est constante sur les droites passant par l’origine, et cette constante d´epend de l’angleë . Dans tout voisinage de P/P/ , la fonction (4.3) prend toutes les valeurs entre
5
&Â
et 1 &Â . Elle ne peut donc pas ˆetre continue en P*PK .
D´efinition 4.4 (ensemble compact) Pour un ensembleí
·
, on dit que
í est compact ¢g£ í est born´e et ferm´e.
Beaucoup de r´esultats pour des fonctions continues `a une variable poss`edent une g´en´eralisation
`a plusieurs variables. Un r´esultat qu’on obtient de nouveau en remplac¸ant “valeurs absolues” par
“normes” est le suivant.
Th´eor`eme 4.5 Soit í
·
un ensemble compact et soit ÑÉb í f continue surí . Alors, Ñ est born´ee surí et admet un maximum et un minimum, i.e. il existeî»9í etÅ9í tels que
ÑZî6[Ñ)7[ÑZ?ÅÁ pour tout »9íY
14 Topologie de et fonctions continues Ce th´eor`eme conduit au r´esultat suivant, d´ej`a annonc´e au d´ebut de ce chapitre.
Th´eor`eme 4.6 (´equivalence de normes) Toutes les normes dans sont ´equivalentes. C’est-`a- dire que si b f est une application satisfaisant les conditions (N1), (N2) et (N3) du th´eor`eme 1.1, i.e.
(N1) OQP et P¥RT P ,
(N2) ?U* 'VU V pour UY ,
(N3) 5 -,6[ 5 -, (in´egalit´e du triangle), alors il existe des constantes
F P et
F P telles que
F
:.=:[
7[
F
%:.=: pour tout M (4.4)
D´emonstration. a) Ecrivons´ ï@ 5 @ï 5 5 ï , dans la base canonique ï@
&
P*LPK , ï P* & P/(P/ , etc. On d´eduit de (N3), (N2) et de l’in´egalit´e de Cauchy-
Schwarz (1.5) que
ªï@
5
5 ï 6[
ï@ .
5
5
ï
[ V VX
?ï@ 4
5
5 V
VX
ï 6[:.=:
X F
(4.5) avec
F
?ï@ 4 75
5
?ï
. La deuxi`eme in´egalit´e de (4.4) est ainsi d´emontr´ee.
b) Montrons ensuite que est continue (avec la norme euclidienne dans la d´efinition 4.1).
On a
1
â
y13â
5
â1
â@6[
Y1Jâ
5
â1
â7[
F
¡:.Y1Jâ:
et, de la mˆeme fac¸on, â1 <[
F
:.â713=: . On en d´eduit que
V
1
â@
V [ F
C:.Y1Jâ:
ce qui implique la continuit´e de .
c) Consid´erons la fonction sur l’ensemble compact í Ð 3 :.=: Ö& . Par le th´eor`eme 4.5, elle admet un minimum en unî»9í , c.-`a-d. il existeî 9í avec
î 7[
>K pour tout >S9íY
Posons
F
®b
î ; par (N1), on a
F P . Comme  :.=:gQí pour tout© (ð¾ P ), nous avons
F
î 7[
:.=:
&
:.=:
ce qui d´emontre la premi`ere in´egalit´e de (4.4).
I.5 Convergence uniforme et la courbe de Peano-Hilbert
Toutes les d´efinitions et les r´esultats du cours “Analyse I” concernant la convergence uniforme d’une suite de fonctions se g´en´eralisent imm´ediatement `a plusieurs dimensions. Rappelons qu’une suite de fonctionsÑL!b
D f Ø
,
D·
converge uniformement sur
D
versÑNb
D f Ø
, si
0;
P O &
$ßO
M
D
:Ñ! 1©ÑZ@:ex
Un exemple est le suivant.
Th´eor`eme 5.1 Si une suite de fonctions continuesÑL!®b
D f Ø
,
D¸·
converge uniform´ement sur
D
vers une fonctionÑNb
D f Ø
, cette fonction limite est continue.
Topologie de et fonctions continues 15 La courbe de Peano-Hilbert L’image d’une fonction continue ë beÊpP* & Ì f est une courbe dans . Par exemple, la fonction ë ñd ñ( & 1ñd donne un segment de droite et la fonction
ë
ñd
L/
ò`ñ(
|}
Lò`ñd un cercle. On peut se demander si l’image d’une fonction continue
ë
bNÊpP*
& Ì f
peut remplir tout le carr´e ÊpP* & Ì ÊpP* & Ì. Peano (1890) et Hilbert (1891) ont d´ecouvert que ceci est possible: on divise chaque carr´e en quatre sous-carr´es et on ´etiquette leurs centres r´ecursivement, en suivant la direction de la courbe pr´ec´edente (voir la figure I.10).
1
2 3
4
1 2
3 4
5
6 7
8 9
10 11
12
13 14
15 16
1
2 3
4 5
6 7 8 9
10 11 12 13
14 15 16 17
18 19 20 21
22 23
24 25
26 27
28
29 30
31
32 33
34 35 36 37
38 39
40 41
42 43
44
45 46
47 48
49
50 51
52 53 54
55 56
57 58
59 60
61
62 63
64
Figure I.10: La courbe de Peano-Hilbert Une autre construction. Soitë ñd ñd.-Zñd4»P¥[wñ¬[
&
une courbe continue arbitraire reliant les points
D
P*P/ pourñ P et E & P/ pourñ ó& (voir la figure I.11). Nous d´efinissons
alors une nouvelle courbeô ë par
ô
ë
ñd
-Zñd.ñd si PS[wñ%[ à
ñ)1
&
& 5
-)ñ1
&
si à
[wñ¬[
à
& 5
LñZ1w/4
& 5
-)ñ1©/ si à
[wñ¬[
Aà
13-Zñ1©/
&
13ñ1©/4 si Aà
[wñ¬[
&
.
Ainsi, nous avons `a nouveau une courbe continue reliantD P*PK pourñ P etE & P/ pour
ñ
õ&
(voir le deuxi`eme dessin de la figure I.11), et ainsi ce proc´ed´e peut ˆetre r´ep´et´e (troisi`eme
A B
ϕ ψ
ψ
Φϕ
Φψ Φψ Φϕ Φψ
Φψ
Φϕ Φψ
Φψ
Φϕ Φψ
Φψ
A B A B
Figure I.11: Cr´eation de la courbe de Hilbert
16 Topologie de et fonctions continues dessin dans la figure I.11). Ceci d´efinit une suite de fonctions ë â ë , ë ô ë â , ë ô ë , etc.
Si nous commenc¸ons avec une autre courbe initialeö;ñd avec : ë ñd*18ö;ñd@:iz[Èí pourñ¬©ÊËP* & Ì, alors :Lô ë ñd1©ô)ö;ñd@:i¸[Èí
 (voir la figure I.11). Par cons´equent,
: ë
!ìñd13öZ!ìñd@:¬[Èí
X
*Õ
! (5.1)
et, en prenantöBñd ë Ø#ñd etí '& , on a
: ë
!ñd1
ë
!¯/Ø#ñd@:¬[CÕ
! (5.2)
Par (5.2), la suite ë !ñd converge uniform´ement (crit`ere de Cauchy), et poss`ede donc une lim- ite continue ë iBñd (th´eor`eme 5.1). De plus, nous voyons avec (5.1) que la fonction limite est ind´ependante de la fonction initialeë âCñd .
Remarque. Il est int´eressant de mentionner que les deux coordonn´eesñd et-)ñd sont des exemples de fonctions continues, nulle part diff´erentiables (sans d´emonstration).