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L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

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L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

ASKANI, Hans-Christoph

Abstract

Les étrangers sont à nos portes. Leur laissons-nous une place? Leur donnons-nous une place? D'où vient le refus de l'étranger et de l'étrangeté? Parmi les multiples réponses possibles, on va penser à la peur. A une peur non seulement de l'étranger, mais de l'étrangeté. Cette étrangeté nous concerne, nous met en question: ne sommes-nous pas étrangers à nous-mêmes? Comment penser cette étrangeté? Et comment penser face à elle l'identité d'un être humain? Une identité dans la diversité et face à elle.

ASKANI, Hans-Christoph. L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté.

Revue d'éthique et de théologie morale , 2017, no. 14, HS 2017, p. 29-50

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:97241

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Revue d'éthique et de théologie morale 1 Hors-série

les plus traversés et aussi les plus transgressés du monde, car il existe un système migratoire, formel (européen) et surtout infor- mel, lié à l'histoire et à la géographie, qui se joue des frontières de l'Europe et de sa fermeture au niveau de la rive sud. Il en va de même entre les États-Unis et le Mexique, la frontière la plus contrôlée mais aussi la plus traversée du monde, où les frontières recoupent souvent des espaces qui correspondent à des systèmes de circulation bien établis.

Les systèmes régionaux de liberté de circulation (Union euro- péenne, marché nordique du tr::vail et, à un moindre degré, CEDEAO - Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest -, Mercosur - Marché commun sud-américain -, TTT A - Trans- Tasman Travel Agreement entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande), qui abolissent les frontières intérieures, produisent de nouvelles normes qui s'imposent avec plus ou moins de force aux États.

HANS-CHRISTOPH ASKANI

L'homme à la recherche de son identité la rencontre de l'étrangeté

«Songe que ce n'est pas rien d'être toujours le même1»

INTRODUCTION

L'Europe, qui pourtant est fière de sa tradition humaniste et chrétienne, réagit face à 1' afflux de réfugiés avec un refus et un rejet irritants. Que va dire - dans vingt, trente ans - la génération de nos enfants et petits-enfants face à une politique qui fait tout pour que l'Europe reste un bastion où ceux qui sont dans la plus grande détresse ne peuvent pas entrer ? Pour un tel comportement, on peut évoquer des raisons politiques, sociales, économiques, sociologiques, démographiques ... Toutes ces raisons ont-elles la force de faire oublier l'« aspect » humain ?

De nombreuses analyses ont été faites pour expliquer la situa- tion et les attitudes. Une raison en est, bien sftr, la croissance en pouvoir des mouvements de droite qui - avec des polémiques et des discours simplistes et radicaux - ont le potentiel de prendre le dessus et qui de plus en plus déterminent 1' ambiance sociale et politique .. En France le FN, en Allemagne l' AfD. On peut penser à d'autres pays : l'Autriche, la Hongrie, la Pologne ... Mais est-ce que ce sont seulement les groupements radicaux qui attisent le feu de la peur? J'ai lu récemment un article d'un journaliste libéral qui s'est glissé parmi les adhérents de l' AfD pour voir de plus près comment fonctionne la dynamique psychologique

1. « Magnam rem puta unum hominem agere » :SÉNÈQUE, Epist. 120, cité par Michel DE MONTAIGNE, Essais, Œuvres complètes, A Thibaude! et M. Rat (éd.), Paris, Gallimard, la Pléiade, 1962, p. 321.

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Revue d'éthique et de théologie morale 1 Hors-série

et politique de ce mouvemene. Il a montré non seulement que des gens tout à fait «normaux» (aisés, modérés, ouverts, etc. : des médecins, des artisans, des avocats) se sont laissé entraîner dans ce mouvement, mais aussi comment lui-même risquait de plus en plus de succomber à la fascination de la radicalisation, de la simplification, de la peur, de l'agression et de la diab_olisa- tion de ceux qui viennent comme étrangers de l'étranger- pour

«menacer, pour mettre en question notre identité et finalement pour nous enlever notre "chez-soi" (notre "chez-nous")». ll ne suffit donc pas de renvoyer aux extrémistes pour rencontrer l'atti- tude du refus, du rejet, de la « défense » par rapport à ce qui est étranger. Nous-mêmes nous sommes dans le jeu. De quelle manière et pourquoi ? C'est à cette question que sont consacrées les réflexions qui suivront.

LES RÉFU GIÉS ET LES M IGRANTS COMME DÉFI D E L'ÉT RANGETÉ

EXCITATION, IRRITAT ION, PE U R

Par rapport à l'étranger et à l'étrangeté, les dispositions ne sont pas les mêmes- ni à travers l'histoire ni dans des contextes sociaux et politiques d'une même époque. Néanmoins, il y a des similitudes. Il y a quelques années, un slogan - pour une fois un slogan contre la peur - a été formulé : « Nous sommes tous des étrangers - presque partout3 ! » Cela fait du bien d'entendre ces paroles, car elles ouvrent un horizon inattendu. Non seulement les autres sont des étrangers par rapport à nous, mais nous aussi nous sommes des étrangers par rapport à «eux». Évidemment c'est vrai. Cependant, contre cette évidence, il faut dire que c'est faux aussi. Le slogan est vrai si on regarde la terre d'en haut. Alors je vois que les pays qui ne sont pas les « miens » sont beaucoup plus nombreux que «le mien». Mais il faut voir l'autre côté aussi : dans la vie quotidienne, cela ne m'intéresse pas; là je suis chez moi, et si je suis chez moi, je ne suis pas étranger ; cependant,

2. Malte HENKE, « Wie ich auszog, die AfD zu verstehen », Oie Zeit, 10 mars 2016, p. 13-15.

« Wir sind alle Auslander-fast überall ! »

L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

si quelqu'un entre dans le terrain de mon «chez-moi», il est étranger - contrairement à moi ! Que veut-il ici ? Pourquoi est-il venu? Pourquoi n'est-il pas resté chez lui? Combien de temps va-t-il rester? Veut-il chez moi être chez lui comme moi je suis chez moi chez moi? Les questions se succèdent l'une l'autre à une vitesse si grande qu'aucun temps ne reste pour chercher ou pour écouter une possible réponse. Et cela n'est-ce pas déjà un phénomène d'étrangeté? L'étranger est trop étranger pour que je puisse entendre ses réponses ou pour que je veuille les entendre.

Ou, qui plus est, il est trop étranger pour que je puisse ou veuille entendre les questions qui seraient peut-être les siennes, comme si un mécanisme se mettait en route dont je suis d'un côté le sujet, mais qui d'un autre côté me saisit et me prend avec lui. Pour un peu mieux comprendre ce mécanisme, j'ai indiqué dans le titre de ce paragraphe trois mots clés: l'excitation, l'irritation, la peur.

Nous le savons tous, l'étrangeté n'est pas seulement négative. Si nous voyageons, c'est parce que nous aimons ce qui est étranger.

«Ah, un colloque à Sète ! La mer, le soleil, le muscat, les olives, la: vie facile, l'accent du Sud, le robinet qui goutte ... Qu'est-ce que cela fait du bien ! » Ce qui est étranger nous excite ! Il existe autre chose que mon petit monde; on peut vivre autrement ! «Si j'étais prof à Montpellier ... , je serais un type charmant ... ! » N'avons- nous pas besoin de ce qui n'est pas comme nous? Sinon notre

« monde » serait trop serré, trop limité. En effet, nous aimons ce qui est étranger, nous l'admirons comme exotique, à une condition cependant : que nous allions à l'étranger pour le découvrir et que ce ne soit pas l'étranger qui vienne à nous pour nous octroyer (c'est notre impression) son altérité.

Or ce qui est étranger - avec un mot artificiel, mais précis

«l'étrangeté» -nous irrite aussi, nous ébranle, nous «attaque».

L'étranger est autre, il fait, il gère autrement. ~tre chez soi signi- fie : «Chez nous, c'est comme ça!» Par exemple, on mange de cette manière. « Chez nous, on fait comme ça ! » J'aurais pu dire :

«Chez nous, nous faisons comme ça.» Mais non! Non seulement nous faisons comme ça, mais chez nous, on fait comme ça. Si des invités viennent à la maison, on fait pour un moment autrement et on les laisse (les invités) faire à leur manière. On se retient. On les a quand même invités ; ils vont partir ... à minuit au plus tard.

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Le réfugié, on ne l'a pas invité et on n'a pas prévu qu'il fasse autrement. Et d'ailleurs, quand va-t-il repartir? À partir de quand alors fera-t-on « chez nous » de nouveau comme « chez nous » tout simplement, sans se poser de questions, seulement parce qu~

«c'est comme ça» ? Quand? Peut-être plus jamais. J'appelle cela une « irritation » dans le large spectre sémantique de ce mot.

Nous venons de l'apercevoir, il y a un seuil, mais aussi un glissement entre l'excitation et l'irritation. Or il y a aussi un glis- sement qui va de l'irritation vers autre chose :la peur. Le moment de cette transition glissante est facilement identifiable. « À partir de quand alors sera-t-on "chez nous" de nouveau comme "chez nous" ? » - « Peut-être plus jamais. » La peur a affaire avec la mise en question d'une évidence ou des évidences qui ne reviendront peut-être plus jamais.

n

s'agit donc d'une mise en question nous concernant nous-mêmes, nous concernant« personnellement» ! Et néanmoins je ne suis pas sûr que nous puissions exactement dire

~'où vient la peur (cette peur). L'étrangeté« m'attaque», ai-je dit tl y a quelques instants. Dans quel sens ? Elle m'attaque dans son étrangeté, par son étrangeté. Les Grecs appelaient tous ceux qui ne parlaient pas comme eux fJapfJapoz - des «Barbares». Pourquoi fJapfJapoz ? Parce qu'ils ne parlaient pas une langue ; ils parlaient un« bla-bla» (incompréhensible, sans sens), donc pas une langue.

Il est banal de constater qu'il s'agit là d'une erreur. D'ailleurs, les Grecs eux-mêmes savaient bien sûr aussi que le préjugé était faux. Mais, sur un autre plan, ils n'avaient pas complètement tort. Il y a dans l'étrangeté quelque chose d'incompatible. C'est

~e qui s'exprime dans le mot« barbare». L'étrangeté est étrange.

A partir de moi, je ne comprends pas vraiment l'étranger et, qui plus est, j'ai le droit de ne pas le comprendre. D'ailleurs, cette

«in-compréhension» n'est-elle pas pour ainsi dire le sens de cette étrangeté : de ne pas se laisser comprendre ? Or, s'il en est ainsi la catégorie de «sens» commence à se dissoudre. Un sens don~

le sens serait de ne pas se laisser comprendre ! Rimbaud parlait d'un «dérèglement de tous les sens» par rapport à la poésie4•

Un «dérèglement» n'a-t-il pas lieu aussi ici - dans la rencontre

«Je dis gu'il faut être voyant, se laire voyant. Le poète se lait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens •> : Arthur RIMBAUD, La lettre du voyant, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871.

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avec l'étrangeté de l'étranger : un dérèglement des coordonnées de « toute » notre compréhension ?

Si l'étrangeté se définit ( ... ) par son inaccessibilité, alors l'étranger n'est pas incomparable, car cela serait encore une qualification com- parative ; il est plutôt soustrait à la comparaison, il est au-delà de toute comparaison.

écrit le philosophe B. Waldenfels5Le mot grec fJapfJapoz exprime exactement cela - avec l'intention de rejeter, d'exclure la menace de ce type d'altérité.« Avec eux (les Barbares), on n'a rien à faire 1 » Cependant, si dans la rencontre avec l'étrangeté, la comparaison elle-même ne fonctionne plus, est-ce que c'est seulement celui qu'on aimerait comparer, c'est-à-dire l'étran- ger, ou est-ce que c'est aussi celui avec lequel automatiquement nous le comparons, c'est-à-dire nous-mêmes - nos mœurs, nos convictions, notre culture, etc., avec lesquelles la comparaison ne fonctionne plus? Si l'étranger est différent de moi, jusqu'à un degré d'incompatibilité, alors est-ce seulement lui qui ne se laisse pas intégrer dans un schéma préétabli, n'est-ce pas moi aussi? En d'autres termes, est-ce que je ne m'avère pas moi-même différent de moi? Est-ce que ce «bastion» -le moi, le «chez-moi»- ne commence pas à bouger, à être ébranlé ?

TENTATIVES POUR PENSER LE << jE>>

On peut aborder le« problème» de l'étrangeté sous de multiples aspects, car il nous concerne de multiples manières. Au-delà ou en deçà de la sociologie, de la politique, etc., la psychologie a son mot à dire. Comme on le sait, la psychanalyse s'intéresse depuis longtemps au phénomène de l'étrangeté. Aussi le rejet face à l'étranger hors de nous-mêmes n'est-il pas vraiment surprenant dans sa perspective. Ce refus, une hostilité qu'on peut identifier aujourd'hui «partout», mais qui a aussi existé à d'autres époques,

Bernhard WALDENFELS, Topographie de l'étranger, Paris, Van Dieren, 2009, p. 63. Ëd. alle·

mande : Topographie des Fremden. Studien zur Phanomenofogie des Fremden 1, Francfort-sur·

le-Main, Suhrkamp, 1997, p. 50.

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ne vient-il pas d'une peur; une peur qui au fond est une peur de nous-mêmes, de l'étranger, de l'étrangeté en nous? Que serait cette étrangeté en nous-mêmes? On va penser immédiatement aux catégories freudiennes. Le « Ça » « en moi » (je mets le « en moi » entre guillemets, car le « Ça » est-il en moi ou pas, est-il hors de moi ou non? Est-il «mon Ça»? N'est-il pas le Ça qui m'appartient et ne m'appartient pas en même temps?) Ou le «Sur-moi». Ce n'est pas seulement le «Sur-moi» avec ses exigences à jamais irréalisables qui pose problème, c'est le fait que le Je se déploie, se diversifie et se décale de lui-même. Le Je n'est plus simplement ce qu'il est. Mais il n'est pas nécessaire de parler un discours scientifique ou psychanalytique, il suffit de penser à des expériences tout à fait quotidiennes et qui sont en même temps tout à fait non quotidiennes. Des situations, des événements, des phénomènes qui nous poussent à expérimenter un décalage par rapport à ce qui semblait être une identité reposant en elle-même, décalage qui ouvre un espace, une fente ifissure), un vide qui ne se ferme pas. Les rêves qui viennent sans que je leur aie demandé de venir, qui sont les miens et pas les miens ; mon corps qui quelquefois veut comme je veux et quelquefois ne veut pas ou veut autre chose (dormir par exemple). Ou mon corps qui me fait mal quand j'ai des douleurs. Mais comment peut-il me faire mal ? N'est-il pas moi? Ou l'âge. Expérience très intéressante : je me regarde dans le miroir. Si je ne le fais pas trop souvent, ça parle. De manière spécifique : «C'est moi, ces rides? C'est moi, la zone grise au-dessous des yeux ? » Qui pose cette question ? Et qui regarde? Est-ce moi qui regarde mon image (dans le miroir) ? Ou est-ce mon image qui me regarde? Le Je n'est pas tout sim- plement un Je, le Je. Autrefois, on parlait de fantômes qui nous habitent. Nous nous croyons trop « éclairés » pour cela, mais des cauchemars existent toujours. Et la prochaine nuit va venir. J'ai parlé des rêves, du corps, de l'âge. On pourrait aussi bien parler du désir, de l'angoisse, de la culpabilité, etc. Le désir qui désire toujours plus, qui - à la limite - désire son « propre » désirer.

Pourquoi? Pour combler peut-être un vide qui ne sera jamais com- blé. Pourquoi pas ? Parce que ce vide est peut-être moi. Ou « en moi» - un décalage avec moi-même. L'angoisse dont on ne peut identifier aucune raison et qui pourtant ne se laisse pas persuader

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de s'en aller pour manque de raison, qui au contraire s'intensifie justement à cause de ce manque, à cause de l'impossibilité de le circonscrire, de le délimiter. Ou la culpabilité. La culpabilité qui ronge en moi, qui ronge « mon moi ».

Cependant, je ne veux pas poursuivre ces pistes quelque peu dramatiques de l'éclatement du moi ou du Je. Je propose une piste plus détendue, que je voudrais ouvrir par une simple question : où est-ce que mon Je commence? Et où est-ce que mon Je se limite ? Dans notre conception habituelle, nous avons une idée bien claire à ce sujet : moi, je suis moi ; toi, tu es un autre ; le monde qui nous entoure est autre encore. Je sais donc très bien - peut-être pas qui je suis -, mais du moins où je suis et où ~ont les limites de celui que je suis. En contraste avec cette perceptwn, je voudrais formuler une hypothèse : le Je est un équilibre fragile et complexe, un équilibre entre extension et rétrécissement. Contre toute intuition habituelle, je prétends donc que le Je n'est pas une entité stable, mais flexible, qu'il s'étend et qu'il se contracte.

· Essayons de nous rapprocher de cette idée par quelques obser- vations. Dans une dispute avec ma femme, je défends et j'affirme mon Je autrement que dans une dispute de notre famille avec la famille d'à côté. Pourquoi? Parce que dans le deuxième cas, je m'engage pour ma famille? Bien sür. Cependant, est-ce tout?

Est-ce que je reste vraiment le même Je restreint ou est-ce que mon Je s'étend? Est-ce qu'il n'y a pas une transition réelle entre mon Je individuel et le Je, le Nous de« ma» famille? Et, une fois cette sorte de transition commencée, est-ce qu'elle ne devient pas hautement flexible et applicable à des niveaux divers ? Je viens de la ville de Gex, je suis donc « gexois ». Je suis né en Allemagne, je suis donc.allemand. «Nous avons gagné la Coupe du monde! »

«Nous avons gagné quatorze médailles d'or.»« L'État islamique nous attaque ! » Est-ce que toutes ces formulations relèvent tout simplement d'un discours métonymique au fond duquel il y aurait le vrai Je (pur et authentique) ou est-ce que j'ai besoin de ces élargissements pour vraiment parler de moi et pour vraiment me concevoir comme celui que je suis ? Le langage métonymique serait donc ici le langage le plus précis possible.

Si de tels élargissements étaient incontournables, d'où viendrait le besoin ou la volonté (ou les deux) de nous dépasser pour deve-

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nir nous-mêmes ? Nous connaissons en psychologie les schémas d'identification et leur importance pour l'évolution de l'enfant et de l'adolescent. Cependant, s'agit-il ici seulement de ce niveau psychologique et pédagogique (psychopédagogique), qui est bien cadré, car la pédagogie poursuit un but qu'elle connaît, en vue duquel elle conçoit ses concepts et ses stratégies ? Un adolescent qui n'estjamais sorti de son cadre familial va-t-il pouvoir se débrouiller dans un monde ouvert, hostile, «inter-national», marqué par la concurrence, le combat, etc. ? N'avons-nous pas affaire, dans la problématique qui nous intéresse ici, à un niveau (que nous pou- vons peut-être appeler~~ philosophique») sur lequel les questions se posent de manière beaucoup plus ouverte ? J'essaie de résumer, de rassembler ces possibles questions en une seule : N'ai-je pas

«besoin» d'être ce que je ne suis pas pour être ce que je suis, celui que je suis ? Cela commence très doucement : ce que je suis est décrit en termes qui indiquent des relations : je suis un enfant de ... ; un frère de ... ; un Européen; un chrétien; un homme; je suis célibataire ou marié ... ; je suis ma nationalité ... Quelle est la raison d'être de ce «jeu» d'identifications et d'élargissements?

N'est-ce pas la question de savoir : quelle place dois-je occuper, dois-je remplir, pour que je devienne, pour que je sois un Je?

Je propose de formuler ce que nous avons vu jusqu'ici sous la forme d'une thèse :je suis «ontologiquement» (il s'agit de mon être, il s'agit de ma place dans l'« être ») inquiet, si je ne suis pas plus que ce que je suis. Le Je s'étend alors. Mais - et c'est une deuxième thèse - je suis aussi « ontologiquement » inquiet, si je ne suis pas tout près de moi-même, aussi près qu'aucune fissure ne puisse plus s'ouvrir entre moi et moi. Le Je se contracte donc. Il est vrai, si je suis un Je dans le monde, je le suis dans une réciprocité dans laquelle j'appartiens au monde et en même temps le monde m'appartient, dans laquelle je donne (de moi) et je reçois - pas moins que moi. C'est donc le côté «élargissement». D'un autre côté, si mon Je s'élargit et est finalement toutes les relations qui me déterminent, est-ce que la question ne surgit pas de savoir où est le centre de ce Je, c'est-à-dire mon vrai Je? Il est assez facile de donner une description rudimentaire d'une personne. Il suffit de regarder un passeport et de voir les informations qu'il contient : le nom, la date de naissance, la nationalité, la confession, le sexe, 36

L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

autrefois peut-être le métier, une photo, l'empreinte digitale, etc.

Si l'on me pose la question : est-ce que vous êtes né le 20 avril 1954, je dis oui; si l'on me pose la question, est-ce que vous vous appelez ... , je dis oui; est-ce que vous .êtes alle~and, je .dis oui.

Mais est -ce que je me retrouve dans ces mformat10ns ? Out et non.

Elles sont exactes, je dois le reconnaître, mais en même temps je le sais: ce n'est pas moi. Même pas ma photo, même pas l'empreinte de mon doigt. Même pas la somme de toutes ces informations.

Où est-ce que je trouve le Je que je suis vraiment ? N'est-ce pas mon corps qui le circonscrit ? Je l'aime ou non ; il me plaît ou n?n.

C'est le mien, c'est incontestable. N'est-ce pas là-à cet endr01t- mon Je? Cela me démange. Évidemment c'est moi! J'ai faim.

Évidemment c'est moi! Je suis fatigué. Évidemment c'est moi, ce moi identique avec mon corps. D'un autre côté, cela me démange, mais je continue quand même ma conférence. Je suis fatigué, je lis quand même encore une page ... Y aurait-il alors un Je qui serait encore plus mon Je que celui qui est collé à mon corps? Un Je qui d'un côté est infiniment plus large, car ses p~n~ées et ses rêves, ses aspirations le portent avec eux au-delà des hmttes du corps ; et un Je qui d'un autre côté est en même temps plus étroit que mon corps, comme si celui qui touche mon corps, qui le voit: ~ui c_:oit le connaître, ne m'a pas encore vraiment touché, vu, satst. Meme si je ne joue pas un rôle Ge ne suis d'ailleurs pas silr que ce soit possible), si je suis tout simplement celui que je suis, est-e~ que ~e ne suis pas à vrai dire quand même autre, un autre que celut que Je prétends être, que je présente, que je représent~ ? Comme ~i « mo~

vrai Je» (expression particulière : «mon vrai Je» !) étatt enf~u~

au plus profond de moi-même (on s'aperçoit que le langage a 1~1 du mal à suivre et à atteindre la réalité qu'il veut refléter). Mats est-ce que je suis caché seulement aux autres ? Est-ce que je ne suis pas caché à moi-même? Je sais que je suis Je, mais ce ~e, où se trouve-t-il ? Dans un passé lointain, on avait une expresston pour cette réalité : l'âme. Elle était- incontestablement- le Je. Nous sommes devenus hésitants par rapport à ce mot. Comme s'il disait trop, comme s'il portait avec lui inévitablement un imaginaire plus large : métaphysique peut-être ou théologique. Cependant, comme notion de recherche, comme mot qui nous met sur la piste de la recherche, de la recherche du vrai Je, ce mot est peut-être toujours 37

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Revue d'érhique er de rhéologie morale 1 Hors-série

le plus précis possible. Quelque part ce Je doit se trouver, quelque part je dois être - en un sens ultime - vraiment moi.

LE jE ET SES OUVERTURES SPÉCIFIQUES

Le philosophe Ernst Bloch commence sa célèbre Tübinger Ein- leitung in die Philosophie avec trois phrases : « Ich bin. Aber ich habe mich nicht. Darum werden wir erst6» «Je suis. Mais je ne me possède pas. Du coup, nous sommes en train de devenir. » Je ne pourrai évidemment pas donner une interprétation exhaustive de ce passage, qui est le point de départ d'une philosophie de l'espé- rance qui ne conçoit ses catégories - à la différence d'une longue tradition philosophique - ni à partir du passé ni à partir du présent, mais à partir de l'avenir. Ce qui est intéressant dans le passage cité, ce sont les transitions entre la première et la deuxième phrase et entre la deuxième et la troisième phrase. L'impasse provoquée par la juxtaposition des deux premières phrases devient une ouverture grâce au passage au « nous » à la place du «je » dans la troisième et grâce à l'irruption d'un avenir qui se promet et qui se donne comme non encore déterminé. La force de Bloch est de dévelop- per dans une philosophie, à laquelle il a consacré toute une vie, le potentiel de cet avenir qui est fondamentalement ouvert, car le seul facteur qui saura vraiment le déterminer est l'engagement dans lequel il entraîne- grâce au potentiel de son utopie -l'être humain.

Je m'intéresse ici à autre chose. Au lieu de passer assez vite à la troisième phrase, je m'efforce de m'arrêter après la deuxième : «Je suis. Mais je ne me possède pas.» Et si même dans l'avenir le plus prometteur je ne me possédais jamais ? Si le Je ne coïncidait jamais avec lui-même? En l'occurrence, la question du Je serait ouverte et il faudrait l'accepter comme une question ouverte, peut-être plus ouverte encore - ou autrement ouverte - que Bloch ne le pensait.

Nous sommes tous de lopins et d'une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque mornant, faict son jeu. Et se trouve autant de différence de nous à nous mesmes, que de nous à autruy

6. Ernst BLOCH, Tübinger Einleitung in die Philosophie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1963, vol. 1, p. 11.

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a écrit Montaigne7• Cette réflexion de l'auteur des Essais porte l'esprit critique dans une autre direction que celle que Bloch a envi- sagée. Le « Je » qui - malgré tout - est présupposé chez Bloch est soumis à un soupçon radical. Je me demande pourtant: est-ce que nous devons en rester là ou est-ce que nous pourrons pousser la réflexion entamée par Montaigne plus loin? En d'autres termes,« une contex- ture si informe et diverse», est-ce vraiment le dernier mot concernant le Je? TI me semble incontestable que l'affmnation de Montaigne représente un progrès et une ouverture par rapport à des conceptions du Je qui le comprennent comme une entité reposant en elle-même dans une identité inébranlable et en même temps opaque. La question est pourtant de savoir si la compréhension contraire, c'est-à-dire celle qui reconnaît la diversité aux dépens de toute identité, rend justice à la complexité d'un Je qui est, malgré sa diversité, une instance de référence. On aurait donc affaire à un Je qui ne contredit pas sa propre diversité, mais qui se conçoit à partir d'elle et face à elle.

C'est exactement ce que plusieurs philosophes des xx• et xXI• siècles ont envisagé et essayé de penser. Je ne peux ici que donner des exemples : Paul Ricœur et «l'identité narrative» ; Martin Buber et le rapport entre« Je et Tu» ; Bernhard Waldenfels et «l'identité responsive8 ».

Aussi bien dans Temps et récit III que dans Soi-même comme un autre, Ricœur parle de «l'identité narrative». Dans les deux cas, les réflexions concernant ce concept et cette thématique se situent dans des contextes plus larges que nous ne pouvons pas prendre en considération ici. Ce qui nous intéresse, parce que cela concerne exactement l'état actuel de notre réflexion, c'est ce que Ricœur formule tout au début de Soi-même comme un autre :

Notre thèse constante sera que l'identité au sens d'ipse n'implique aucune assertion concernant un prétendu noyau non changeant de la personnalité9

Michel DE MONTAIGNE, Essais Il,\, p. 321. Voir:« Notre faict, ce ne sont 9ue de pièces.rap- portées [ ... ] et voulons ac9uérir un honneur à fauces enseignes. » : p. 320. Le mot « loptns »

désigne des morceaux éparpillés et informes. . .

8. Je souligne d'ailleurs

9ue l'ordre dans \e9uel je présente ces« exemples» pourratt être dtf- lérent. Des aspects mis en avant chez les uns peuvent être reconnus -sous une lumière et avec une pondération différentes -aussi chez les autres.

Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, Paris, Ëd. du Seuil, 1990, 13.

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Pour comprendre cette affirmation, il est nécessaire de renvoyer à la distinction fondamentale que Ricœur entreprend entre une identité « idem » et une identité « ipse » :

D'un côté l'identité comme mémeté (latin: idem; anglais: sameness;

allemand : Gleichheit), de 1 'autre 1 'identité comme ipséité (latin : ipse ; anglais : seljhood; allemand : Selbstheit)10

Ce n'est pas seulement à cause du même mot ( « identité » ), mais à cause d'une certaine tendance à concevoir chaque identité comme étant basée sur un substrat, que les deux formes sont sou- vent méconnues et confondues. En effet, penser une identité qui ne se réfère pas à une sorte de substance identique à elle-même et qui est préalablement présupposée comme point de référence - «un prétendu noyau non changeant de la personnalité » - est une entreprise complexe. Car le risque est indéniable, si, à la place d'une identité substantielle, on concède une diversité originale, d'abandonner complètement l'idée de l'identité. Pour échapper à ce risque, Ricœur se tourne vers «l'identité narrative».

Le concept et l'idée d'une «identité narrative» ne vont cepen- dant pas de soi, notamment si la tâche leur revient de contribuer à penser une identité personnelle. Chaque narration (en tout cas chaque narration classique) prétend à une certaine unité qui se constitue en se basant sur un début et en se référant à une fin. La vie humaine ne connaît ni son début ni sa fin, et néanmoins elle a besoin d'une certaine unité d'elle-même pour se concevoir dans son identité et dans la constance du temps qu'elle prétend être sienne.

Selon Ricœur, c'est justement dans la «narration» de soi-même qu'une «permanence dans le temps» s'établit, «qui ne soit pas réductible à la détermination d'un substrat »11, et qui néanmoins fonde ce que Dilthey a appelé une «connexion de vie12 ». Il est vrai que pour penser cette« connexion de vie», en d'autres termes l'identité« ipse »,on ne peut pas présupposer une« permanence»

qui existerait d'avance, car elle serait justement celle de l'identité

«idem». Il est vrai aussi que nous ne disposons jamais de cette

10. Ibid., p. 140.

11. Ibid., p. 143.

12. Cité par RICŒUR: ibid., p. 139, passim ; en allemand : << Lebenszusammenhang ».

L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

«permanence» car, d'un côté, la narration de notre propre identité est entrelacée avec celle de beaucoup d'autres et, d'un autre côté, elle n'est jamais accomplie parce que nous ne pourrons jamais raconter notre propre mort. Néanmoins, ne convient-il pas de constater que cette forme d'identité fragile et ouverte représente mieux les enjeux de l'existence humaine qu'une des deux solutions extrêmes : a) de fonder l'identité de la personne sur l'idée d'une substance qui serait d'emblée ce qu'elle est et se maintiendrait telle quelle à travers le temps, ou b) d'abandonner tout simplement cette idée de l'identité en ce qui concerne la vie personnelle?

En tant que créance sans garantie, mais aussi en tant que confiance plus forte que tout soupçon, 1 'herméneutique du soi peut prétendre se tenir à égale distance du Cogito exalté par Descartes et du Cogito proclamé déchu par Nietzsche [ ... ].

postule Ricœur13Il est essentiel pour notre réflexion de constater la fragilité (voulue) des deux points d'appui que Ricœur intro- duit. Qui donnera un crédit sans garantie et qui s'appuiera sur une confiance qui n'a aucune autre base que son opposition à la méfiance ? Cette fragilité est cependant la caractéristique - pas seulement négative - d'une narration qui, au lieu de présupposer l'identité dont elle parle, la constitue, et qui, au lieu de pouvoir former un tout, est incitée à anticiper une fin qu'elle ne saura jamais atteindre. C'est ici que la fiction entre en scène et joue son rôle à la fois incontournable et précaire. Loin d'être un élé- ment trompeur et loin de se laisser réduire à la dimension d'un embellissement qui contrebalancerait le sérieux de la vie, elle en fait partie, et elle en fait partie dans un sens fondamental. Le Je, pour se constituer, a besoin d'une fiction de lui-même.

Quant à la notion d'unité narrative de la vie, il faut [ ... ] y voir un mixte instable entre fabulation et expérience vive. C'est précisément en raison du caractère évasif de la vie réelle que nous avons besoin du secours de la fiction pour organiser cette dernière rétrospectivement dans l'après-coup14.

13. Ibid., p. 35·

14. Ibid., p. 191 ; voir p. 75, où Ricœur parle d'une « synthèse concordante-discordante •·

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Revue d'éthique et de théologie morale 1 Hors-série

L'organisation de la cohérence de vie de celui qui se raconte dépend donc de la fiction, et cette fiction est liée à une rétrospective (car sans elle aucune unité de la vie n'apparaîtrait). Cependant, le point à partir duquel cette rétrospective serait possible ne sera jamais atteint. Et pourtant la vie humaine se raconte et, en se racontant, elle arrache à la fugitivité de son propre temps - un bout de sens.

Au cours de l'histoire de la philosophie, le Je comme instance indiscutable a été ébranlé de maintes manières. Avec son célèbre livre Je et Tu, Buber a introduit ce qu'il appelle lui-même le

«principe dialogique» (« das dialogische Prinzip »)15. Le mot

« principe » indique déjà la revendication fondamentale de cette approche. Est-ce que tout acte de connaissance et du rapport au monde doit avoir comme point de départ, comme référence pre- mière et ultime, le Je qui construit autour de lui son monde? N'y a-t-il pa~ une distinction radicale à faire entre la relation qu'un Je peut avoir avec le monde des objets et la relation de ce même Je- est-il cependant encore le même en l'occurrence?- avec un Tu. Selon Buber, la réponse est clairement positive.

Le monde est double pour l'homme, car l'attitude de l'homme est double en vertu de la dualité des mots fondamentaux, des mots- principes qu'il est apte à prononcer. Les mots-principes ne sont pas des mots isolés, ce sont des couples de mots. L'un de ces mots-principes, c'est le couple Je-Tu [ ... ]. [L] e Je du couple verbal Je-Tu est autre que celui du couple verbal Je-Cela16

Le rapport entre le Je et le Tu as donc un statut spécifique;

il n'est pas seulement un cas particulier subordonné au schéma

15. Comme on le sait, Martin Buber n'était pas le seul représentant d'une pensée dialogale.

On peut renvoyer à d'autres penseurs comme Franz Rosenzweig, Eugen Rosenstock-Huessy, Ferdinand Ebner, Eberhard Grisebach. Buber lui-même, dans son article « Zur Geschichte des dialogischen Prinzips », a d'ailleurs mentionné d'autres philosophes des XVIII' et XIX' siècles, notamment Friedrich Heinrich Jacobi, Ludwig Feuerbach. (voir Martin BuBER, Werke, t. 1. Philo- sophische Schriften, Munich- Heidelberg, Kësel-Lambert Schneider, 1962, p. 291-305, 293.

16. Martin BUBER, Je et Tu, traduit de l'allemand par G. Bianguis, Paris, Aubier, 1969, p. 19 (traduction légèrement modifiée par moi). En allemand: • Die Welt ist dem Menschen zwiefaltig nach seiner zwiefaltigen Haltung. Die Haltung des Menschen ist zwiefaltig nach der Zwiefalt der Grundworte, die er sprechen kann. Die Grundworte sind nicht Einzelworte, sonde rn Wortpaare.

Das eine Grundwort ist das Wortpaar !ch-Du. Das andre Grundwort ist das Wortpaar lch-Es [. .. ].

[D] as lch des Grundworts !ch-Du ist ein andres ais das des Grundworts lch-Es. >>(M. BuBER, /ch und Du, dans Martin BuBER, Werke, t. 1., Philosophische Schriften, p. 79.)

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L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

/ch-Es (Je-Cela). Il a un statut qui lui est propre et qui ontologi- quement diffère de tout autre type de relations. Comme Buber l'a dit: «Les mots fondamentaux (les mots-principes) ne sont pas des mots isolés, ce sont des couples de mots17» Le Je est toujours Je par rapport à ... , Je en relation avec ... Le Je devient Je, et ce qu'il devient dépend du rapport dans lequel il se trouve, du rap- port qu'il engage ou dans lequel il se laisse engager. Aussi Buber peut-il dire: «Je m'accomplis au contact du Tu, je deviens Je en disant Tu18» Dans l'histoire de la philosophie du xx• siècle, on a enregistré et classé cette affirmation comme une des phrases phares d'une philosophie du dialogue. Ce n'est pas faux. Cependant, le potentiel innovateur de l'affirmation risque de cette manière d'être neutralisé. «Je m'accomplis au contact du Tu», ce n'est pas sim- plement une autre manière - en contraste avec l'autoconstitution du sujet par exemple - de me constituer en tant que Je. Non;

cela signifie autre chose encore, à savoir que je ne serai jamais totalement constitué en tant que Je, car je ne reposerai jamais en moi-même. Je serai toujours -dans mon être (et non seulement accidentellement) - en relation et dépendance (interdépendance !) avec autrui. Je suis, pour le dire de façon paradoxale, toujours Je en me situant, en me constituant entre le Je et le Tu. Je suis donc «en» moi et «hors» de moi (mon Je se reçoit et se forme à partir du Tu auquel je m'adresse et qui s'adresse à moi). Ce que nous pouvons retenir des réflexions de Buber, c'est que le Je se forme dans le rapport avec un vis-à-vis dont la spécificité consiste dans le fait qu'il n'est jamais intégrable dans le Je, qu'il ne se laisse jamais réduire à un complément de son être. Cette structure a été particulièrement élaborée en langue française par Emmanuel Levinas et en langue allemande par Bernhard W alden-

17. Ibid., p. 19.

18. Ibid., p. 30. En allemand : «!ch werde am Du; lch werdend spreche ich Du» (85).

Voir: «Il n'y a pas de Je en soi; il y a le Je du mot-principe Je- Tu et le Je du mot-principe Je-Cela. Quand l'homme dit Je, il veut dire l'un ou l'autre: Tu ou Cela. Le Je auguel il pense est présent guand il dit Je.[. .. ] Dire Je et dire l'un des mots-principes, c'est la même chose», ibid., p. 20.) En allemand : « Es gibt kein lch an sich, sondern nur das lch des Grundworts lch-Du und das lch des Grundworts lch-Es. Wenn der Mensch lch spricht, meint er eins von beiden. Das lch, das er meint, dieses ist da, wenn er lch spricht. [. .. ] lch sein und !ch sprechen sind eins » (79).

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Revue d'éthique et de théologie morale 1 Hors-série

fels. Ce dernier a consacré plusieurs ouvrages au phénomène de la « responsivité19 ».

Normalement, nous partons du principe - notamment en phi- losophie - que tout raisonnement commence avec nos questions.

Waldenfels exprime par rapport à ce point de départ- et la confi- guration sous-jacente à celui-ci : celle d'un rapport préétabli entre questions et réponses -un soupçon. « Ne serait-il pas possible que le questionnement, inséré dans son schéma dialogal, ait sa propre chaleur du nid20? » Comme si c'était nous qui déterminions le début, le point de départ, mais aussi la direction de nos pensées.

Mais est-ce que cela n'a pas déjà commencé longtemps avant? Ne sommes-nous pas confrontés à une revendication« d'extériorité qui fait éclater les cercles de nos questions » bien formulées et bien maîtrisés21 ? Une revendication qui nous devance radicalement, à laquelle nous devons répondre, malgré le fait qu'elle ne se laisse ni encadrer, ni prévoir, ni circonscrire complètement, « comme si nous devions répondre à une lettre à laquelle manque l'expéditeur22 ».

Waldenfels appelle cette structure« responsivité ».Il ne s'agit pas de donner (ou de ne pas donner ou de ne pas pouvoir donner) telle ou telle réponse à une quelconque question ! Il s'agit de la situation de devoir répondre, avant même que la configuration entre question et réponse ne se soit établie. Dans ce sens, W aldenfels parle avec un mot très surprenant en allemand de « Antwortlich- keit » pour indiquer une dimension dans laquelle « nos réponses ne sont pas d'emblée soumises à un ordre dans lequel l'étrangeté de la revendication23 serait condamnée à se taire24 ». «Le monde qu'est-ce que cela veut dire? Que signifie ce mot? Qui m'a ' joué le tour de m'y jeter et de m'y laisser maintenant?» a écrit

19. Le plus important est Antwortregister, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1994.

20. « Vielleicht hat auch das Fragen seine dialogische Nestwarme » : ibid., p. 13. Les citations tirées de ce livre sont traduites par moi.

21. « [...] ein Draul1en, das alle Fragekreise sprengt und in dessen Bann wir bereits stehen, wenn wir nach ihm fragen * : ibid., p. 319.

22. « [. .. ] ais hatten wir einen Briel zu beantworten, dessen Absender fehlt. » 23. Quelle revendication ? On ne peut justement pas le dire 1

24. « Um das Antworten nicht von vornherein einer Ordnung zu unterwerfen, in der die Fremdheit des Anspruchs zum Schweigen gebracht wird [. .. ] » : ibid., p. 320.

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L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

Kierkegaard25 • Je suis donc là et je dois répondre à la question de mon être, question qui me dépasse fondamentalement et dont je ne suis pas l'auteur.

Nous sommes peut-être trop influencés par un schéma (marqué par le fonctionnement scolaire ou scientifique) selon lequel il y a d'un côté des questions, de l'autre les réponses et entre les deux un rapport dans lequel les deux se correspondent ou sont destinés à se« co-respondre ». Sur le plan qui nous intéresse ici-celui de la constitution du Je - ce schéma ne suffit pas. Dans le contexte humain qui n'est pas atténué par le cadre scientifique, cela se passe autrement. En tant qu'êtres humains, nous répondons déjà toujours. Même si nous n'avons pas pris la décision explicitement, nous devons répondre et nous répondons (plus précisément, nous avons toujours déjà commencé à répondre) à de multiples situations.

Cela a une double implication, que W aldenfels a développée assez exhaustivement dans plusieurs de ses livres :

• « Ce à quoi nous répondons déborde toujours ce que nous donnons comme réponse26»Le défi auquel nous réagissons- non seulement avec notre intellect, mais avec notre être, avec notre huma- nité - est plus large et plus diffus que ce que nous pourrons relever par notre réaction. Cela implique cependant un deuxième aspect qui seulement apparemment semble aller dans le sens contraire.

• En répondant, nous donnons une « réponse créative dans laquelle nous donnons ce que nous n'avons pas27 ».Nous donnons une réponse

25. S0ren KIERKEGAARD, La répétition. Essais d'expérience psychologique par Constantin Constant/us, trad. de P.-H. Tisseau, Bazoges-en-Pareds (Vendée), Tisseau, 1948, P· 70. Voici le passage dans son contexte : « Comme on plonge son doigt dans la terre pour reconnaître le pays où l'on est, de même j'enfonce mon doigt dans la vie: elle n'a o~eur de rien. Où s~is:je?

Le monde, gu' est-ce gue cela veut dire ? Que signifie ce mot ? Qui m a JOUé le tour de my jeter et de m'y laisser maintenant? Qui suis-je? Comment suis-je entré dans le monde ; pourguoi n'ai-je pas été consulté, pourguoi ne m'a-t-on pas mis au courant [. .. ] ? » . 26. Bernhard WALDENFELS, Topographie de l'étranger, p. 66. En allemand:« Das, worauf Wlr

antworten, übersteigt stets das, was wir zu Antwort geben >>(Topographie des Fremden, p. 52). 27. Ibid. En allemand:« ... einè kreative Antwort, in der wir geben, was wir nicht haben »(p. 53).

Waldenfels distingue deux types de réponses. Un premier dans leguel le sens de la réponse est complètement prédéterminé par la question. Et un second dans leguella réponse dépasse, on doit dire • par principe », toute prédétermination par la guestion, car la guestion elle-même ne mesure pas sa portée. « [...] nous considérons la possibilité gue le répondre ne fait pas simplement gue restituer, transmettre et accomplir un sens déjà existant mais que, au contraire, le sens naît dans le répondre lui-même[...]» (p. 66). En allemand:« Wir [ ... ] berücksichtigen [. .. ] die Moglichkeit, daB im Antworten nicht bloB ein bereits existierender Sinn wiedergegeben, weitergegeben oder vervollst~ndigt wird, sondern daB im Gegenteil Sinn im Antworten selbst entsteht [. .. ) » (p. 53).

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Revue d'éthique et de théologie morale J Hors-série

qui dépasse notre maîtrise de réponse. Notre réponse se dépasse elle-meme, et nous nous dépassons nous-mêmes en la donnant.

Cela a des conséquences significatives pour notre problème de la compréhension du Je. ll est- pas seulement dans des cas e~trê~es et ex~eptionnels - m~is principiellement en décalage avec lut-meme. Je n est pas une entité opaque, substantie1le, reposant en el~e-mê~~· Le « Je » peut être tout proche de lui et très éloigné de lut. Mats Il faut le dire plus précisément : (le) «Je» est en même temps tout proche de lui-même et très éloigné de lui-même. II est proche de lui en étant éloigné, et il est éloigné en devenant - et en étant - tout proche.

CONCRÉTISATIONS

. Essayons de mieux comprendre les enjeux de ce qui vient d'être dtt en regardant deux ou trois exemples. J'ai commis un tort · j'ai offensé un autre homme ; je me suis comporté lâchement:

Est-ce que je suis celui qui s'est comporté de cette manière? En effet, il en est ainsi (et c'est justement en ceci que « consiste » le problème de ~es remords). Ce n'est donc pas un hasard que da~s 1~ ~econ~ats~~nce de ma culpabilité je sois tout proche de m01. J atmerats rn echapper, m'échapper à moi-même! Je désire ne pas avoir commis cette faute, ou plus précisément, je désire ne pas avoir été celui qui l'a commise. Mais en vain! C'était moi.

Je ne peux pa.~ m'e~fuir ... ?'u.n autre côté, je suis aussi celui qui regrette ce qu tl a fmt. CelUI qm a honte. Qui suis-je donc: l'un ou l'a~tre? Je ne sais pas le dire. Cependant, cela je le sais :je suis mat~tena~~ t~ut proche de moi. lndépassablement proche ? Et si

~elut que J. at offensé me pardonnait, si je recevais son pardon, si Je me savats pardonné, si j'étais pardonné, est-ce que je ne serais pas alors encore plus proche de moi que je ne 1' étais dans le cercle de ~a c.ulpabilit~? En l'occurrence, je ne serais pas seulement celut qut a blesse, et pas seulement celui qui regrette. Je serais -grâce au pardon--à nouveau moi, moi à nouveau. Si c'était vrai, je serai~ le pl~s p~oche de moi grâce à 1' éloignement le plus grand de mOI. Carl élOignement le plus grand de moi, n'est-ce pas une parole - en l'occurrence celle du pardon - que je ne pourrais 46

L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrange

jamais me dire moi-même? C'est pour cela que Ricœur introduit par rapport à l'événement et au mot du pardon la catégorie de la

« hauteur28 ». Cette hauteur n'est pas une distance plus ou moins grande ; cette hauteur est une distance toujours plus grande, une origine, un point de départ qui est toujours ailleurs, qui ne devient jamais un élément de ce qui est sa suite.

Autre exemple: Je dis« Je t'aime. »Qui suis-je en disant cela? Et la même question en d'autres termes : suis-je en disant cela ? Est-ce que je suis capable de mesurer et de circonscrire ce que je dis? Ou est-ce qu'en disant «Je t'aime» je dis plus que ce que je ne serai jamais capable de mesurer ? Où suis-je alors en disant cela? Dans ma décision de le dire? Si c'était le cas, je serais Je dans le moment exact qui devance ma prise de parole.

Je (me) décide de le dire. Je serais moi, ce Je qui est moi dans le moment où je réfléchis si je veux le dire ou non ... Mais est-ce vrai ? Ne suis-je pas je non pas avant le moment de prendre la parole, mais dans la parole que je prends?« Je- t'aime». Est-ce que je ne me laisse pas transporter dans et avec la parole que je dis, de sorte que je suis maintenant - hors de moi - dans cette parole« t'aime». Nous pouvons préciser. En disant« Je t'aime», je dis ce que je ne pourrai pas tenir en paroles, mais seulement dans ma vie, ma vie imprévisible. Cependant, est-ce que je vais jamais, dans ma vie, tenir avoir tenu ma promesse ? Je ne le sais pas et je ne peux pas le savoir. Serait-ce donc une solution que, parce que je suis incapable de le savoir, je renonce à ces paroles ? Est-ce qu'alors je serais plus proche de moi? Est-ce qu'alors je serais vraiment moi, vraiment celui que je suis? Ou est-ce qu'en l'occurrence j'aurais abandonné mon Je?

Nous avons été amenés à supposer qu'en disant «Je t'aime», je dise plus que ce que je sais. Mais est-ce vrai ? Si j'aime, est-ce que je ne sais pas très bien que j'aime et ce que cela signifie ? Notre intuition en est convaincue. Mais c'est plus compliqué que

28. «Le lien paraît indissoluble entre la faute et le soi, entre la culpabilité et l'ipséité. C'est comme un défi inverse gue résonne la proclamation résumée dans ce simple mot : "Il y a le pardon". [...)C'est pour cela gue je parlerai de cette voix comme d'une voix d'en haut. Elle est d'en haut, comme l'aveu de la faute procédait de la profondeur insondable de l'ipséité»: Paul RICŒUR, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Ëd. du Seuil, 2000, p. 604.

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Revue d'éthique et de théologie morale 1 Hors-série

cela. Il est vrai, je le sais, et je ne sais probablement rien d'autre avec une pareille certitude. Mais en même temps - ma déclaration d'amour29 dans son inévitable audace le prouve d'ailleurs -le savoir de mon amour est dépassé par ce que je ne sais pas. En d'autres termes, même dans l'amour (et justement dans l'amour), je sais moins que mon amour. Mon amour me dépasse. On devrait peut- être même dire : mon amour dépasse mon amour. Dans ce sens, je sais donc moins que l'amour que je« déclare». La déclaration, la confession de mon amour, me dépasse et dépasse mon amour. Et c'est dans ce dépassement que l'amour se reçoit. Ainsi, sans mon expression, sans mon «aveu» d'amour, je n'aurais pas répondu à l'appel de l'amour, j'aurais renoncé à lui. Car l'amour a besoin de ses paroles ! Pourquoi? Parce que- c'est étonnant, mais c'est la condition humaine - je ne peux pas, dans ma vie, aller au-delà de ma vie (je ne peux pas, même dans l'amour, prétendre à ma vie entière). Cependant, je peux, dans mon dire, aller au-delà de mon dire, je peux prétendre dans mon dire à une parole qui me dépasse. Et c'est de cet au-delà que l'amour se réjouit et que l'amour se nourrit. Je dois« avouer» mon amour parce que c'est seulement dans la parole (et pas dans la vie) que je peux dire plus que ce que je peux dire. Et, sans ce surplus, l'amour ne s'oserait et ne se trouverait pas (ou plutôt, cela ne serait pas l'amour qui s'oserait). Sans le dire (c'est-à-dire sans aller au-delà de ce que je sais et de ce que je suis), j'aurais donc renoncé à l'amour, mais j'aurais renoncé aussi dans un certain sens à moi-même: j'aurais renoncé au risque d'assumer ce que je suis et qu'en même temps je ne suis pas. J'aurais opté pour une restriction de moi pour éviter le «défi» et l'audace que, pour être moi-même, je doive me dépasser moi-même.

Troisième et dernier exemple : plus haut, nous avons effleuré la question de savoir si le nom pour le Je dans sa dimension la plus intérieure, la plus authentique -le Je là où il est le Je et rien d'autre-, si ce nom ne serait pas« l'âme» (ou a été- autrefois-

«l'âme»). Nous hésitons beaucoup à employer aujourd'hui ce mot, ce nom. Il nous semble être trop grand, trop ambitieux, trop

29. j'aurais préféré dire « aveu d'amour» pour exprimer ainsi -en analogie avec le mot alle- mand « LiebesgesUlndnis •> -la difficulté (la gravité) de dire ces mots.

L'homme à la recherche de son identité: la rencontre de l'étrangeté

chargé d'implications de toutes sortes pour lesquelles nous n'avons pas de garantie, pas de mesures et peut-être plus de sensibilité.

En effet, il faut un effort et une dépense immenses pour pouvoir dire ce mot, un effort, un investissement hors pair, pour croire à quelque chose comme l'âme. Cela s'exprime dans le fait qu'un imaginaire débordant a toujours accompagné l'« usage » de ce nom.

Le « Jugement dernier » fait partie, dans la tradition chrétienne, de cet imaginaire. Que se passe-t-il par rapport à l'âme au Jugement dernier? Son poids va être pesé. Par rapport à cet acte de peser, quelque chose d'étonnant a lieu : en lui aucune faute n'aura lieu.

Ce jugement juge toujours juste. Pourquoi? Parce que c'est Dieu qui pèse? Non; parce que c'est l'âme qui est pesée. Devant le Jugement dernier, elle apparaît dans sa vérité. Et elle, de son côté, est faite pour apparaître dans sa vérité. Cette vérité qui apparaît avec elle, cette vérité qui apparaît en elle, en tant qu'elle (en tant qu'âme) est son sens. Comme si les deux étaient faits l'un pour l'autre : l'âme pour ce jugement et ce jugement pour- justement elle. Plus haut, j'ai écrit que «l'âme» pourrait être comprise comme un concept de recherche. Un concept qui indique une direction dans laquelle nous devons et pouvons chercher. Allant dans cette direction, nous trouverions ce que le Je est (ou serait) vraiment. Car en elle - l'âme - les deux mouvements, que nous avons reconnus comme caractéristiques du Je, se réunissent : l'élargissement le plus grand et le rétrécissement le plus fort. Or ces deux mouvements ne se réunissent jamais aussi profondément et aussi authentiquement que là où l'âme se sait devant son Juge, devant un Jugement dernier. C'est ici qu'elle est la seule qui mérite d'être pesée, et la seule qui sans faute sera pesée selon son vrai poids. Selon cette compréhension, le Jugement dernier ne serait rien d'autre que le lieu où apparaît l'âme, et l'âme ne serait rien d'autre que l'instance qui reçoit ce jugement.

CONCLUSION

Cependant, le sens de nos réflexions n'était pas une théorie du Jugement dernier. Ce que nous avons cherché, cherché à penser, c'était l'identité du Je au sein d'une diversité et face à elle. Pour 49

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