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Oncologie : Article pp.200-204 du Vol.1 n°3 (2007)

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SOINS PALLIATIFS

Trajectoires de fins de vie entre domicile et hoˆpital. Quels ve´cus pour les proches, les professionnels et les patients ?

End-of-life trajectories between the home and the hospital as experienced by patients, carers, friends and family

A. Arderius

M. Butat

Re´sume´ :Deux psychologues travaillant dans des unite´s de soins palliatifs interrogent les spe´cificite´s de la question de la fin de vie a` l’hoˆpital ou au domicile tant du point de vue des patients, des proches que des professionnels.

Cet article prend appui sur leur expe´rience clinique du suivi des patients en fin de vie, de leurs proches, mais aussi de leur travail d’e´quipe aupre`s de me´decins et soignants ainsi que leurs collaborations avec les divers partenaires exte´rieurs confronte´s a` cette proble´matique.

Cette question expose toujours en effet a` l’angoisse de mort, que l’on soit patient, famille ou professionnel.

Il n’existe pas de configuration type dans ces situations de fin de vie ; chaque patient, chaque famille traverse cette e´preuve de manie`re singulie`re.

Les soignants aussi s’y confrontent avec leur personna- lite´, leur histoire, leurs ressources et leurs appre´hensions.

Il n’existe sans doute pas de mort ide´ale ; la re´alite´ de la mort implique d’accepter de se frotter parfois a` la violence, au laid, aux aspe´rite´s, aux frontie`res de l’humain et du supportable.

L’espace prive´ que constitue le domicile du patient et de sa famille n’aide pas toujours a` trouver sa juste place de tiers ; tiers qu’il est pourtant souhaitable de pouvoir demeurer pour que l’alte´rite´ de chacun soit pre´serve´e.

Mots cle´s :Mort – Se´paration – Singularite´ – Liens – Tiers

Abstract: Two psychologists working in palliative care units have studied end-of-life issues at home and in hospital, from the point of view of patients and of the families and carers involved.

This article is based on their clinical experience with dying patients and their families, and work carried out in collaboration with physicians and carers, and with the various external partners confronted with this issue.

Patients, family and workers are always confronted with the fear of death.

There is no ‘typical’ end-of-life situation; each patient, each family experiences it differently.

Carers will also handle these situations according to their own personalities, their past, their resources and their fears.

There is probably no ideal way to die; the reality of death sometimes means accepting confrontation with violence, ugliness and harsh behaviour, pushed to the very limits of what is bearable and humane.

Being in the privacy of the home of the patient and family does not always make it easy for an outsider to find his or her place; at the same time, it is generally preferable to remain an outsider if the otherness of those involved is to be respected.

Keywords:Death – Separation – Singularity – Relations – Outsider

Audrey Arderius (*)

Psychologue, Centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge Centre de soins palliatifs « La Tournelle » 149, av. Gabriel-Pe´ri, 91140 Viry-Chaˆtillon, France Te´l. : 01 69 54 34 00

E-mail : arderius@free.fr ou Audrey.Arderius@ch-sud-francilien.fr Martine Butat (*)

Psychologue, Centre me´dical de Bligny

Unite´ de soins palliatifs, 91640 Briis-sous-Forges, France Te´l. : 01 69 26 32 42

E-mail : martine.butat.mouchel@wanadoo.fr DOI 10.1007/s11839-007-0033-1

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Introduction

C’est sous l’angle de la continuite´ des soins due au patient et donc du va-et-vient entre son domicile et l’hoˆpital, de l’alternance, de la ne´cessaire comple´mentarite´ des pro- fessionnels et des e´quipes qui se relaient autour de lui que nous avons de´cide´ d’axer notre propos. Cette notion de continuite´ des soins et de la ne´cessaire attention aux proches du patient nous a semble´ transcender les murs de l’hoˆpital comme ceux du domicile.

Ce faisant, un fil conducteur s’est impose´ a` nous : celui de la se´paration a` venir, de la rupture, de la perte qui se profile quand la fin d’une vie approche. Expe´rience de la se´paration, apprise pour chacun de nous de`s la petite enfance ; expe´rience elle aussi transversale au domicile comme a` l’hoˆpital, commune, partageable et singulie`re en meˆme temps, a` laquelle chacun des trois protagonistes va eˆtre confronte´ :

– celui ou celle qui arrive au terme de sa vie ;

– les proches qui voient – ou pas – se profiler l’absence de celui ou celle qu’ils aiment ;

– les professionnels qui se relaient, seuls ou en e´quipes et qui vont bientoˆt devoir composer avec la disparition de celui qu’ils soignaient, devenu quelquefois, au fil du temps, un familier...

Comment chacun fait-il face a` la perte qui se dessine ? Quelles responsabilite´s, quelles de´le´gations sociales e´chouent aux professionnels des soins palliatifs dans notre socie´te´ moderne ? A` quelles places sont-ils convie´s ? Quels savoir-faire, savoir-eˆtre attend-on d’eux ? Nous tenterons d’aborder ces questions, qui nous serviront de fil d’Ariane, depuis nos expe´riences personnelles et professionnelles respectives : celles de deux psychologues travaillant en soins palliatifs, dans le de´partement de l’Essonne.

Alors, qu’en est-il, du coˆte´ du patient, a` l’ome´ga de sa vie ?

Notre expe´rience nous montre qu’il y a autant de fac¸ons de mourir que de vivre et qu’il s’agit chaque fois d’une singulie`re rencontre lorsque nous sommes au chevet de quelqu’un qui se meurt. On peut avoir l’impression de n’y eˆtre jamais pre´pare´ ; aucune vie, aucune fin de vie ne ressemble a` une autre.

Pour certains patients, pour beaucoup meˆme, la fin de la vie est un temps douloureux ou` se coˆtoient douleurs physiques, pertes successives d’autonomie et souffrances morales qui elles aussi peuvent se de´cliner sur le mode du

« ne plus », ne plus eˆtre comme avant (perte d’identite´), ne plus avoir, ne plus aimer, ne plus eˆtre aime´. Tout ce qui de´serte et prend conge´ (l’enfance, la jeunesse, les illusions, le me´tier, l’e´loignement des enfants, de la compagne...) peut eˆtre ve´cu comme une de´chirure, une cassure contre

lesquelles il n’y a pas de recours. Seuls pre´sident douleurs et de´sespoir.

Certains de ces patients nous laissent un gouˆt amer, nous confrontent a` notre impuissance a` les aider, a` notre impuissance tout court, quand nous pouvons la recon- naıˆtre et l’admettre.

Certains autres, au contraire, nous confortent dans l’ide´e qu’une e´coute clinique n’est pas vaine, que c’est la` un acte en soi, tel ce monsieur de 80 ans, rencontre´

re´cemment qui nous fit part quelques jours avant sa mort de son de´sir he´sitant de revoir son fils aıˆne´ d’un premier mariage, contre le gre´ de sa seconde e´pouse. Le pe`re et le fils ne s’e´taient pas revus depuis pre`s de trente ans. Il de´cida lors de notre rencontre d’en parler e´galement avec une de ses filles. Ce qu’il fit. Il est mort sans avoir revu son fils, mais relativement apaise´ et cette parole confie´e a`

sa fille peut permettre de penser que l’histoire se sera poursuivie, que sa fille aura fait relais entre son demi-fre`re et leur pe`re commun.

Ils sont rares, dans notre expe´rience en tout cas, ceux qui partent sereins, ceux qui se se´parent de la vie et de ceux qu’ils aiment sans fle´chir. Meˆme les plus de´termine´s [7] !

On constate souvent une oscillation entre un de´sir de partir, de « laˆcher prise », un de´sir que la souffrance s’arreˆte et, en meˆme temps ou dans l’instant suivant, un de´sir de tenir encore...

Il serait hasardeux et re´ducteur de n’entendre qu’une seule partie du de´sir du patient... au risque d’un mal- entendu fondamental pre´judiciable pour tous.

Ces oscillations te´moignent d’une tentative d’inte´grer ce re´el de la mort, d’une manie`re qui soit supportable pour chacun, en laissant une place a` la vie, a` l’espoir malgre´

tout.

C’est la` aussi toute la question du temps psychique, temps propre a` chacun et difficile a` saisir pour l’autre. Ce temps psychique est en effet souvent tre`s diffe´rent du temps re´el, de celui de l’avance´e de la maladie et de ses symptoˆmes et c’est un parame`tre qu’il nous faut prendre en compte dans la relation the´rapeutique.

Une patiente reste´e plusieurs semaines en unite´ de soins palliatifs, jusqu’a` son de´ce`s, illustre pour nous ces me´canismes d’oscillation. Il s’agissait d’une jeune femme de 38 ans, en phase tre`s e´volue´e d’une maladie cance´reuse.

Malgre´ un physique cachectique, cette patiente a fait preuve d’une grande de´termination tout au long de sa maladie et meˆme dans ces derniers temps de l’hospitali- sation. Elle a tente´ jusqu’au bout de conserver une place importante dans les de´cisions me´dicales et the´rapeutiques, exigeant de sa cance´rologue une chimiothe´rapie a` un stade de´ja` terminal de la maladie. Paralle`lement, elle continuait a` faire des projets de vie, de sorte qu’elle a signe´ quelques jours avant sa mort un contrat de location d’un nouvel appartement pour sa famille. Dans le meˆme temps, elle

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exprimait et meˆme criait a` qui voulait l’entendre sa re´volte contre la maladie et son refus de mourir, attestant par la`

meˆme qu’elle avait tout a` fait conscience de la gravite´ de son e´tat de sante´. Il e´tait tre`s pe´nible pour tous les professionnels qui l’entouraient, mais e´galement ses proches, de la voir se de´battre ainsi entre son de´sir de vie et sa lucidite´, son espoir et sa re´volte [3].

Nous avons pu constater aussi que des secrets qui ont alie´ne´ la vie de certains patients viennent a` se dire quelquefois dans ces derniers moments de l’existence (secret sur la filiation d’un enfant, sur l’existence d’un fils cache´...) comme pour se de´barrasser d’un poids qui a leste´

leur vie des anne´es durant... A` l’instar de cette femme hospitalise´e qui, se sentant de´cliner progressivement, interrogea la psychologue sur le bien-fonde´ de son de´sir de re´ve´ler a` sa fille aıˆne´e qu’elle n’e´tait pas la fille de son mari alors que ce dernier s’e´tait occupe´ d’elle, comme un pe`re. Situation qui fut parle´e entre les deux e´poux mais se heurta au refus du mari... Histoires de vie donc et secrets quelquefois embarrassants pour les soignants, dans cette dernie`re ligne droite, quand, de surcroıˆt, on peine a`

identifier a` quelle place le patient nous assigne : simple te´moin-destinataire ou me´diateur effectif de dernie`re heure ? Cela nous ame`ne souvent a` penser que c’est bien en amont qu’on peut « accompagner » un patient, pour qu’il puisse tirer be´ne´fice plus avant sa mort de la re´solution de ses conflits psychiques... Certains sauront mettre a` profit le temps qu’il leur reste, pour d’autres ce sera trop tard, ils s’en iront faˆche´s, contre eux-meˆmes, contre les autres, contre la vie. Certains nous laissent alors grandis de leur rencontre avec eux au terme de leur vie, tandis que d’autres nous laissent en plan, sur le bord de la route, avec le sentiment de n’avoir pas tout saisi ! C’est peu dire qu’il n’y a pas de standard, mais l’arrachement a`

la vie est souvent douloureux et comporte une douleur irre´ductible.La mort est violence et fait violence. Il y a la`

de l’« invincible » qu’il nous faut bien admettre et accepter, n’en de´plaise aux relents de toute-puissance qui sommeille en chacun de nous [9]...

Cela n’est pas sans questionner nos repre´sentations de la mort, de « la bonne mort », encore si souvent active meˆme dans nos milieux de soins palliatifs. Nos repre´sen- tations ide´ales de la mort viennent alors se heurter, non sans violence, aux mouvements de´fensifs de l’inconscient des patients, inconscient qui ignore la re´alite´ de la mort tout comme il ignore le temps qui passe [5].

Quant a` la famille, quant aux proches

Les moments qui pre´ce`dent la mort d’un eˆtre cher, d’un parent, d’un conjoint, d’un ami, d’un enfant – a fortiori – sont souvent des temps charge´s de tensions, d’angoisse et d’anxie´te´ extreˆmes... C’est une ultime se´paration qui se dessine, souvent ve´cue comme un drame, un de´chirement, une de´chirure... Ces mots, si souvent entendus des familles,

de ceux qui restent, te´moignent bien de l’extreˆme violence que la mort inflige. Mais, la` encore, chacun va vivre ce moment a` sa fac¸on, dans le bruit ou dans le silence, fera face ou pas dans la pre´sence, la qualite´ d’eˆtre et d’eˆtre a` l’autre, ou dans l’absence, dans la fuite de soi-meˆme et de l’autre, dans l’ade´quation ou l’inade´quation des gestes, des attitudes ou les deux a` la fois... La` aussi, les capacite´s a` se se´parer de ses proches, acquises plus ou moins bien de`s la petite enfance, y seront pour beaucoup dans la fac¸on pour chacun de se quitter, de prendre conge´. Notre expe´rience de ces situations extreˆmes nous a permis d’observer une multitude d’attitudes possibles chez les proches. Peut-eˆtre est-ce ici une illustration de la difficile ade´quation temporelle des uns aux autres. Pas aise´ pour la famille de devoir anticiper, un peu mais pas trop, la mort a` venir... Ne pas prendre en conside´ration cet ine´luctable de la se´paration pourrait eˆtre du de´ni et avoir aussi des effets de´le´te`res sur le patient qui percevrait alors de la dysharmonie entre ses propres perceptions et celles de son entourage ; a` l’inverse tenir quelqu’un pour de´ja` mort constitue une violence extreˆme dont sont quelquefois te´moins les soignants. On le voit, l’e´quilibre la` encore n’est pas facile a` trouver [8].

Comme dans l’histoire d’une femme qui se penchait sur le corps de son mari encore vivant, comme s’il n’e´tait plus, comme s’il n’entendait plus, en parlant a` l’infirmie`re pre`s d’elle, dans la chambre, des modalite´s de maintien du corps mort, au domicile (nous e´tions alors en plein mois d’aouˆt 2003 ; il faisait tre`s chaud et cette inquie´tude n’e´tait pas de´nue´e de le´gitimite´ !). L’indignation que suscita l’attitude de cette femme au sein de l’e´quipe fut proba- blement a` la mesure de la violence ressentie... Il y a quelquefois des attitudes, des comportements de certaines familles qui nous semblent inadapte´s, en re´sonance a` la violence de la mort qui se profile et qu’il nous faut contenir.

A` l’inverse, d’autres familles, par leurs ressources psy- chiques et leur qualite´ d’eˆtre aupre`s de leur proches, suscitent quotidiennement de l’admiration chez les soignants.

On sait aussi, graˆce a` la clinique de suivis de personnes proches d’un malade en fin de vie ou endeuille´s, que la qualite´

des relations entretenues par le passe´ avec la personne malade va avoir d’importantes re´percussions sur ce travail de se´paration, puis de deuil. Notre expe´rience nous montre en effet qu’il est souvent plus complique´ d’effectuer ce travail psychique dans un contexte de relations conflictuelles ou meˆme parfois de ruptures. Quelque chose de l’ordre de la culpabilite´ en partie inconsciente est susceptible de venir barrer toute capacite´ d’e´laboration de la perte et favorise ainsi l’enkystement de la personne dans une proble´matique de deuil non re´solue [2].

Nous sommes e´galement particulie`rement attentives a`

la question de la place des enfants dans ces histoires de fins de vie. Quelle place leur donner, et comment les aider eux aussi a` effectuer dans les meilleures conditions ce travail de se´paration. Ils sont souvent encore laisse´s a` l’e´cart, dans un souci de protection, ou cre´dite´s d’une incapacite´ a`

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comprendre, voire de ressentir [4]... Pourtant, il est ne´cessaire de les aider eux aussi a` traverser cette pe´riode douloureuse qui de´stabilise l’ensemble du syste`me familial et cre´e beaucoup d’angoisses. Un accompagnement de ces enfants, adapte´ a` leur aˆge, s’ave`re souvent ne´cessaire, mais il s’agit surtout de mobiliser chez le parent en bonne sante´ ses ressources et ses compe´tences parentales et l’aider a` se repositionner vis-a`-vis de ses enfants [6].

Qu’en est-il maintenant du coˆte´ des professionnels, en ville comme en institution ?

Pour des me´decins, des infirmie`res, des kine´s, des auxiliaires de vie... qui acceptent de dispenser des soins au domicile a` des patients en fin de vie, la taˆche n’est pas simple. Cela suppose, comme pour tout autre professionnel des soins palliatifs, qu’ils aient pu ou qu’ils puissent faire un travail de remaniement psychique pour penser leur fonction au-dela` du contrat de gue´rison. Pouvoir renoncer a` l’ide´e de gue´rir constitue – cela est souvent souligne´ – un renversement des valeurs constitu- tives de l’enseignement me´dical... et soignant. Il faut alors pouvoir trouver du sens dans un travail qui se limitera au confort du patient, au soulagement de ses symptoˆmes et s’ouvrira vers un accompagnement plus global...

Prise en charge globale du patient en fin de vie, qui doit pouvoir se concevoir dans l’alternance hoˆpital-domicile, sans que celle-ci signifie rupture, mais bien continuite´ des soins pour chaque protagoniste implique´. C’est un vrai de´fi, entrave´ aujourd’hui par les exigences de dure´e de se´jour des hoˆpitaux ge´ne´raux (entre autres !).

La reconnaissance mutuelle des compe´tences et des limites de chacun et le respect des roˆles professionnels des uns et des autres dans leur champ d’exercice propre sera la`

aussi un atout pour le patient et sa famille.

Pour certains patients et proches, le maintien a` domicile n’a de sens que jusqu’a` un certain point et exclut la repre´sentation de la mort et la mort elle-meˆme, au domicile.

Pour ceux-la`, une hospitalisation dans les derniers moments prend tout son sens et ne reveˆt pas de caracte`re d’e´chec.

Pour d’autres au contraire, une hospitalisation de dernie`re minute sera ve´cue comme une de´faillance, un abandon et un e´chec. Ces situations laissent souvent en he´ritage aux soignants un gouˆt amer, de la confusion, de la difficulte´ a` penser et... beaucoup de culpabilite´. Situations qui rendent ne´cessaires parfois des dispositifs de groupes d’analyse de pratiques ou de groupes de paroles !

Ces dispositifs sont, le plus souvent, le privile`ge des institutions, mais peuvent aussi s’envisager pour les professionnels de ville. Diffe´rents recours existent ; les re´seaux proposent des espaces de re´flexion et d’e´changes, leurs psychologues, comme les autres membres de leurs e´quipes, se mettent a` disposition des professionnels de ville pour essayer de re´soudre au mieux certaines difficulte´s rencontre´es lors des prises en charge [1].

Le travail de collaboration entre les professionnels de ville et les hospitaliers nous semble e´galement pre´cieux et indispensable et s’ope`re souvent de fac¸on informelle.

En ville, travailler avec des patients en fin de vie demande en effet une disponibilite´ et une implication tre`s importantes, sur le plan mate´riel tout d’abord, mais e´galement sur les plans psychique et affectif ; le contrat de soins passe´ entre le malade et le professionnel de ville s’apparente a` un pacte de loyaute´, qui a la caracte´ristique de ne pas eˆtre me´diatise´ par un tiers, contrairement au contrat de soins passe´ dans un cadre institutionnel.

Les risques de difficulte´s et de souffrances sont donc importants pour ces professionnels et nous insistons sur la ne´cessite´ d’avoir recours aux dispositifs dont nous avons parle´ plus haut, dispositifs qui permettent justement d’amener une dimension tierce de me´diatisation.

Conclusion

Au-dela` de notre fonction soignante, c’est bien a` notre propre angoisse de mort et de peur de la souffrance que nous sommes confronte´s. Cela nous rassure de penser la possibilite´ d’une bonne mort, une mort sans souffrances et sans douleurs, a` la fois lucide et sereine. Cette exigence ide´ale devient parfois tyrannique et c’est peut-eˆtre la` que peuvent se rejoindre a` leurs extreˆmes les partisans d’un soin palliatif militant et ceux des pratiques d’euthanasie.

Professionnels dans le champ du soin palliatif, nous nous devons d’eˆtre attentifs a` cette tyrannie du beau, du lisse et du propre, qui fait e´cho aux tendances ide´ologiques de notre socie´te´ d’aujourd’hui. S’occuper de patients en fin de vie, c’est aussi, pour nous, accepter de faire avec le laid, les aspe´rite´s, le de´sordre et peut-eˆtre meˆme ce qui fait frontie`re entre l’humain et l’inhumain.

Chacun de nous, professionnel ou non, aborde ces proble´matiques de la mort, donc de la se´paration, mais aussi de l’insupportable de la perte, avec sa personnalite´

propre, c’est-a`-dire ses ressources, son histoire passe´e et ses capacite´s actuelles.

Une difficulte´ supple´mentaire, propre a` la pratique des soins palliatifs a` domicile, nous semble importante a`

souligner pour clore cet expose´ ; il s’agit de la difficulte´

inhe´rente au cadre du domicile. En effet, cet espace prive´ du patient et de ses proches n’aide pas toujours a` trouver une place de tiers, et tend au contraire a` abolir les distances et les diffe´rences pourtant ne´cessaires a` la prise en compte de l’Autre dans toute sa dimension singulie`re et essentielle.

Eˆtre attentif a` demeurer le plus possible a` cette place tierce permet de garantir le maintien de l’alte´rite´ et donc la prise en compte du patient comme d’un sujet vivant jusqu’au bout.

En paralle`le, c’est ce qui va permettre au professionnel de ne pas eˆtre happe´ par ses projections mortife`res et de demeurer soignant jusqu’au bout.

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Re´fe´rences

1. Arassus A, Butat M, Laroche L, et al. (2004) Guide a` l’usage des familles. Accompagner la fin d’une vie. E´dition du Pallium, Poissy 2. Bacque´ MF (1992) Le deuil a` vivre. E´dition Odile Jacob, Paris 3. Desveaux J, Fedida P, de Hennezel M, et al. (1996) La fin de vie, qui

en de´cide ? PUF, Forum Diderot, Paris

4. Hanus M, Sourkes MB (2002) Les enfants en deuil – Portraits de chagrin. Frison-Roche, Paris

5. Janke´le´vitch V (1977) La mort. Flammarion, « Nouvelle bibliothe`que scientifique », Paris

6. Landry-Datte´e N, Delaigue-Cosset MF (2001) Hoˆpital Silence, Parents malades : l’enfant et la ve´rite´. Calmann-Le´vy, Paris 7. Morin E (1976) L’homme et la mort. Points, Paris

8. Ollivier MP (1998) La maladie grave, une e´preuve de vie. E´ditions L’Harmattan, Paris

9. Thomas LV (1991) La mort en question. E´ditions L’Harmattan, Paris

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