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Oncologie : Article pp.200-204 du Vol.8 n°4 (2014)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Formation à l ’ annonce en oncologie par la simulation : implications psychologiques et place du psychologue

Simulation Training to Break the Diagnosis of Cancer:

Psychological Impacts and Psychologist

s Role

I. Cartier-Chatron · T. Urban · J. Hureaux

Reçu le 29 août 2014 ; accepté le 10 novembre 2014

© Lavoisier SAS 2014

RésuméL’annonce en oncologie est une étape décisive dans la prise en charge des patients à laquelle les médecins ne sont pas toujours bien préparés. Aussi, le CHU d’Angers a mis en place une formation à l’annonce de mauvaise nouvelle par la simulation. L’observation et l’analyse de certaines séances nous font questionner le risque psychologique de ces annon- ces fictives dans un cadre souvent décrit comme « sécurisé ».

La place du psycho-oncologue apparaît essentielle dans l’ac- compagnement des internes en formation, mais également auprès des acteurs de patients simulés.

Mots clésPédagogie par la simulation · Psychologie · Annonce du cancer · Patients simulés

AbstractBreaking the diagnosis of cancer is a major issue, and medical doctors are not always fully prepared. The Aca- demic Hospital of Angers built up a simulation training to learn how to break the diagnosis of cancer. The observation and the analysis of some sessions show there could be some psychological risks even if simulation training is usually considered“safe”. The role of the onco-psychologist seems essential to accompany the learners and the actors playing the simulated patients.

KeywordsSimulation training · Psychology · Breaking the diagnosis of cancer · Simulated patients

Introduction

L’annonce d’un diagnostic de cancer est une étape décisive, parfois la première, dans la relation entre le médecin et son patient, moment clé qui va sceller le mode de relation et la confiance entre ces deux protagonistes. Cependant, cette étape essentielle dans le parcours du patient implique la communication d’informations potentiellement traumati- ques. En effet, cette annonce ne concerne pas uniquement le diagnostic en lui-même. Elle implique aussi les consé- quences possibles de la maladie, modifiant radicalement la manière dont le patient va se projeter dans l’avenir, avec une menace, réelle ou supposée, de mort à venir. Les réactions face à cette annonce sont ainsi variables et dépendantes de nombreux facteurs liés à l’individu lui-même (personnalité, histoire personnelle…), à son environnement mais égale- ment à la manière dont le médecin communique les infor- mations [1]. De plus, le ressenti des patients face à la manière dont leur maladie leur a été annoncée va avoir une incidence sur leur adhésion aux traitements et leur vécu de la maladie [2–4], mais également sur la nature des relations qu’ils vont entretenir à long terme avec leur médecin [5].

Du côté médical, ces annonces sont décrites comme étant difficiles à réaliser, compte tenu de la charge émotionnelle qu’elles engendrent [6]. Face à cette charge émotionnelle, à la peur des réactions psychologiques déclenchées par la situation et à la peur de faire du mal, certains médecins peu- vent se trouver en difficulté dans la communication des informations et dans l’exploration de la détresse du patient [1,6]. Ces peurs sont souvent associées à des expériences antérieures de réactions aiguës chez des patients, pour les- quelles les médecins n’étaient pas toujours bien préparés [2,7]. D’autres facteurs sont susceptibles d’influencer néga- tivement la communication : la formation médicale, qui reste encore aujourd’hui essentiellement biologique et technique, la méconnaissance des sources de détresse des patients, les représentations et attitudes face au cancer et à la mort et les

I. Cartier-Chatron (*) · T. Urban (*) · J. Hureaux (*) L’UNAM université, F-49045 Angers cedex 1, France Centre de coordination en cancérologie, CHU dAngers, 4, rue Larrey, F-49933 Angers cedex 9, France

e-mail : inchatron@chu-angers.fr, thurban@chu-angers.fr, johureaux@chu-angers.fr

DOI 10.1007/s11839-014-0484-4

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modes d’adaptation aux facteurs de stress [7]. Certains fac- teurs prédictifs d’une difficulté à annoncer ont été notam- ment décrits en termes de peurs, mécanismes humains de réaction face à la souffrance d’autrui, mais également de la formation médicale [6,8]. Ainsi, les médecins estiment sou- vent ne pas avoir été assez formés à la communication de mauvaise nouvelle, malgré des apports théoriques très récents sur la communication et la relation médecin–malade dans leur cursus. Ils disent notamment avoir manqué de for- mation pratique ou d’entraînement à ces situations [6,9].

Pourtant, de nombreuses études ont montré l’efficacité de programmes d’entraînement à la communication sur les compétences pour délivrer de mauvaises nouvelles chez de jeunes médecins [10,11]. Kissane et al. ont réalisé une revue de la littérature montrant que l’entraînement aux habiletés de communication (communication skills training) par jeux de rôles et simulation améliore le sentiment d’efficacité person- nelle des médecins et leurs compétences d’écoute, de valida- tion de la compréhension et de reformulation [12].

Formation à l

annonce

Face à ces observations et pour accompagner la mise en place du dispositif d’annonce dans les services recevant des patients atteints de cancer, le centre de coordination en cancérologie (3C) du CHU d’Angers a développé en 2011 une formation innovante à l’annonce en cancérologie par la simulation : FormAnons®[13].

Cette formation, fondée sur la pédagogie par la simula- tion, permet d’offrir un entraînement à annoncer sur un mode d’apprentissage actif, individualisé et sécurisé. En effet, les internes s’entraînent ou apprennent à annoncer sans aucun risque pour les patients, puisque ce sont des acteurs formés et préparés qui jouent ce rôle, répondant ainsi à l’enjeu éthique fort pour les soignants : « jamais la première fois sur un patient ». Cet objectif éthique est la première action proposée dans le rapport de mission 2012 de la Haute Autorité de santé en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé [14]. L’apprenant est alors dans un cadre contrôlé et sécurisé au sein duquel il peut faire des erreurs sans que cela soit dommageable pour le patient. Deux professionnels formés à la pédagogie par la simulation encadrent cette for- mation : un médecin qualifié en cancérologie et une psycho- oncologue. Les scénarios sont validés par des médecins seniors des spécialités concernées, et le jeu des acteurs est travaillé en collaboration avec les formateurs au cours d’une réunion de travail plusieurs jours avant chaque séance. Sont alors définis les réactions et les mécanismes de défense qui vont être proposés à l’apprenant. Cette formation se décline en trois temps que l’on retrouve dans les formations par la simulation : la phase d’accueil et de briefing, la mise en situation et le débriefing. La phase de briefing permet de

faire connaissance avec l’apprenant et de lui expliquer les principes de la simulation (confidentialité, respect, bienveil- lance). Puis l’apprenant prend connaissance du cas clinique et de la salle de consultation recréée. La simulation com- mence quand il va chercher les patients dans la salle d’at- tente. La séance est filmée, enregistrée et projetée en direct dans une salle voisine où les formateurs analysent ce qui se passe. Dès que la consultation se termine, le débriefing com- mence et permet de faire le point sur les ressentis, la structu- ration de l’entretien, les points forts et les difficultés rencon- trées. Les acteurs participent au débriefing et apportent leur vécu.

Depuis sa création en 2011, 29 internes de spécialités dif- férentes (oncopédiatrie, ORL, dermatologie, pneumolo- gie…) ont été formés. Onze sont venus plusieurs fois. Cer- taines séances nous ont permis de nous rendre compte qu’au- delà du cadre contrôlé de la simulation nous nous trouvons toujours dans une rencontre singulière entre les internes et les « patients ». Ainsi, nous nous sommes interrogés sur le vécu de ces situations par les internes, certains ayant été mis en difficulté et parfois en souffrance psychologique, par l’observation des mécanismes de défense qu’ils ont mis en place au cours des simulations et par les retours qu’ils nous ont faits au cours des débriefings. Ces observations cliniques nous permettent alors d’interroger la place et peut-être la nécessité de la présence d’un psychologue dans ces forma- tions et plus globalement sur l’encadrement optimal de ces formations dans un souci de sécurité psychologique.

Pour tenter d’apporter des éléments d’analyse et de réponse, nous avons utilisé les films et les débriefings de trois séances de simulation d’annonce de cancer, avec l’ac- cord des participants. Pour respecter l’anonymat des internes, ils seront cités par l’initiale du prénom dans le texte.

La simulation, un cadre sécurisé ?

Malgré le caractère fictif de ces simulations, le réalisme des situations est reconnu par tous les apprenants qui disent oublier très vite les caméras, les micros. M., interne en cin- quième semestre, nous dit : « ça fait bizarre d’annoncer ça à des gens, même si on sait que ce sont des acteurs, ils ont des réactions qui sont vraiment, euh, qui sont réelles donc y’a des moments, on sait plus trop si on est dans la simulation ou dans le vrai ». Ce réalisme permet ainsi un entraînement dans des situations réalistes en confrontant les apprenants à une rencontre singulière, impliquant des aspects émotionnels, cognitifs, influencés par les paramètres personnels des apprenants. En effet, même si le jeu des acteurs est préparé, maîtrisé, nous n’avons pas d’informations concernant les apprenants que nous ne rencontrons que le jour même de la mise en situation. On ne sait rien de leur situation person- nelle, émotionnelle à ce moment précis. Par exemple,

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F., interne en troisième semestre, apparaît très éprouvé au moment du débriefing, mécontent de lui. Il s’effondre alors sans souhaiter s’exprimer plus sur la situation. Nous appren- drons plus tard qu’il vivait une situation personnelle difficile.

Ainsi, les émotions générées par la simulation l’ont déstabi- lisé et ont peut-être fait ressurgir une souffrance psycholo- gique qu’il arrivait jusqu’alors à maîtriser. Quel est alors l’impact à plus ou moins long terme de cette simulation sur ce jeune interne déjà en souffrance au moment de la formation ?

Ce cas particulier nous permet d’illustrer l’implication du vécu personnel dans les situations d’annonce, même fictives.

Sa situation personnelle a fait écho au moment de l’annonce et l’a empêché de trouver la bonne distance, se trouvant alors dans un contre-transfert excessif, le conduisant à une identifi- cation massive et à l’impossibilité d’apporter des informations médicales nécessaires (impossibilité, par exemple, d’utiliser le mot « cancer »). Il est alors resté, tout au long de la consul- tation, sur un mode empathique et sur le versant émotionnel.

La place du psycho-oncologue dans ce type de situation est alors essentielle pour aider au moment du débriefing à verbaliser le vécu, à mettre en mots ce qui s’est passé pour eux, en tant que médecin, mais également au moment du briefing pour tenter de détecter une fragilité remettant poten- tiellement en cause la participation à la simulation. Dans ce cas particulier, les échanges autour des mécanismes de défense ont malgré tout aidé F. à prendre conscience de ce qui s’est passé au cours de cette séance de simulation et à se déculpabiliser de ce qu’il qualifiait une « mauvaise annonce ».

Mise en perspective de la difficulté d

annoncer

Les expériences que nous avons eues avec cette formation par la simulation nous ont également montré que, malgré le caractère fictif, la difficulté de dire le mot « cancer » était réelle pour ces médecins en formation. M., interne en cin- quième semestre, annonce à la patiente : « C’est une para- lysie faciale […] par rapport aux résultats, c’est un carci- nome adénoïde kystique, c’est une tumeur de la glande parotide […] c’est une masse anormale, une masse kystique […], c’est le développement d’une cellule anormale, c’est une masse tumorale […] (à peine audible), c’est un cancer, une cellule cancéreuse. » Le mot cancer arrive au bout de cette longue tirade, au cours de laquelle les attitudes non verbales de la patiente et de son fils laissent entrevoir leur incompréhension face à ce que le médecin leur dit. M. expli- quera par la suite : « L’anxiété par rapport à la maladie grave, c’est toujours la même […], on ne sait pas la réaction per- sonnelle que va avoir le patient […] c’est jamais drôle », exprimant par là cette difficulté à dire le diagnostic par peur des réactions émotionnelles du patient, un des facteurs

décrits par R. Buckman comme étant prédictifs de la diffi- culté d’annoncer une mauvaise nouvelle [8].

M. nous évoquera également, au moment du débriefing, une autre peur décrite par Buckman : la peur de ne pas savoir, de ne pas être à la hauteur. Endosser le rôle du méde- cin alors qu’on est interne n’est pas simple face aux ques- tionnements des patients. Elle nous dit : « Par moments sur la pathologie je racontais des grosses âneries, parce qu’ils m’ont posé des questions et voilà… je voulais pas faire comme si j’étais novice. » Elle nous explique ainsi que son manque de connaissances théoriques dans le domaine et son manque d’expérience ne lui ont pas permis d’être « à la hau- teur » de l’enjeu de la consultation. Elle n’est alors pas par- venue à s’impliquer sur le plan émotionnel, cherchant à offrir à tout prix des réponses médicales au patient.

La verbalisation de ces affects et le retour des acteurs au moment du débriefing lui ont permis de prendre conscience de l’importance, au-delà des connaissances, de la prise en compte des réactions et émotions des patients. Deux mois après, elle raconte « Avoir plus de recul […]. De savoir les laisser parler, de les écouter sans forcément aller dans leur sens. Juste savoir les écouter et essayer de leur montrer qu’on comprend aussi que c’est difficile pour eux. »

Faire avec ses propres défenses

Face à cette difficulté d’annoncer, les internes, tout comme dans la réalité, vont mettre en place des mécanismes pour se protéger de cette violence et de cette peur des réactions émo- tionnelles. On voit d’ailleurs très bien avec l’exemple de M.

l’utilisation d’une terminologie médicale, inaccessible à la patiente.

Dans d’autres situations, les internes ont été mis en diffi- culté par les défenses jouées par les acteurs. E., interne en cinquième semestre, va ainsi être déstabilisée et mettre en place une certaine agressivité et une fuite en avant face à une dénégation importante du patient : « C’est une localisa- tion secondaire du mélanome […] c’est revenu, mais pas dans la cuisse, dans les poumons […] vous êtes à un stade très avancé, il est probable qu’il y en ait ailleurs […] », et peu de temps après dans l’entretien : « L’espérance de vie est de un à deux ans. » Suite à cette annonce, on note une rupture dans l’échange, et E. va alors expliquer que le pronostic est de très court terme, « probablement quelques mois », qu’il peut faire le traitement qui lui est proposé, mais qu’il n’est pas obligé vu les circonstances.

Elle expliquera au débriefing avoir été déstabilisée par la réaction du patient, mais qu’elle « avait besoin que le patient entende », argumentant : « Il faut dire toute la vérité au patient. » La réaction de dénégation de ce patient la fait d’au- tant plus se concentrer sur son objectif et être hermétique aux demandes et besoins qu’il exprime. Ainsi, alors que le

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patient cherche à mettre du sens à ce qui lui arrive et demande des explications sur sa maladie, E. n’entend pas les angoisses sous-jacentes et ajoute de nouvelles explica- tions potentiellement traumatiques.

Au cours du débriefing, on comprend que cette difficulté est issue d’expériences antérieures avec des patients, qu’elle a vécues de manière traumatique. En effet, face à des décès rapides de patients, elle a eu parfois le sentiment que les annonces avaient été incomplètes et que le patient n’avait pas eu la possibilité de comprendre les enjeux de son état et de sa prise en charge. Elle ressent ainsi aujourd’hui le besoin que le patient entende toutes les informations sur son état de santé dès la première consultation. Ainsi, elle se protège en mettant en place une identification projective, en estimant que le patient a envie de tout savoir sur sa situation.

Le débriefing a permis de l’aider à faire du lien entre ce facteur expérientiel et ce qu’elle a vécu en simulation, travail qu’elle a poursuivi en revenant plusieurs fois en formation.

Vécu des « patients »

Cette dernière situation est un des cas où les acteurs peuvent se trouver eux aussi en difficulté et en souffrance sur le plan psychologique. En effet, malgré la connaissance du dossier médical et de ce qui doit leur être annoncé, ce qui est primor- dial de notre point de vue afin de les protéger émotionnelle- ment de ce qui va leur être dit, il est impossible de prévoir la manière dont les choses vont être annoncées. En effet, la rencontre entre les acteurs et l’interne est singulière, soumise à l’impact de cette mise en relation de deux espaces cognitifs et émotionnels. Ainsi, travailler avec eux en amont et leur donner les clés des réactions possibles qui se mettent en place dans la réalité les aident à s’adapter aux situations.

Leur place au débriefing et le temps qui leur est alloué pour verbaliser leur propre ressenti juste après la consultation fic- tive sont des temps nécessaires à une certaine sécurité émo- tionnelle. Des rencontres semestrielles entre acteurs et for- mateurs pour échanger sur ces situations difficiles et des échanges internes à la troupe de théâtre sont également pro- posés. Une charte d’engagement encourage les acteurs à nous prévenir de toute situation personnelle incompatible avec leur implication dans la simulation mais également à nous demander de modifier le scénario afin qu’ils ne se sen- tent pas investis personnellement dans une histoire (enfant du même âge, prénom…).

Discussion

Nos observations montrent que l’implication des internes dans ces consultations d’annonce fictives est réelle. D’autres auteurs ont récemment mis en évidence cet engagement dans

la performance par l’enregistrement de paramètres physiolo- giques au cours de mises en situation qui montre une augmen- tation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle [15].

Chaque séance de simulation reste une rencontre unique et peut mettre en difficulté les apprenants comme les acteurs.

En effet, le transfert de la situation d’annonce dans une situa- tion fictive n’exempte pas du contenu émotionnel et de l’im- pact psychologique d’une telle rencontre [16]. De plus, des travaux récents ont également montré qu’une charge émo- tionnelle trop importante durant une séance de simulation, comme le décès inattendu d’un mannequin de simulation lors d’une réanimation médicale, pouvait impacter négative- ment l’acquisition de connaissances médicales [17].

La place du psycho-oncologue dans ces formations ne nous semble plus discutable après trois ans d’existence. Elle permet d’aller questionner les apprenants sur leur vécu et les aider à mettre du sens sur ce qui s’est passé pour eux au cours de ces séances. Cela leur apporte aussi une meilleure compré- hension des mécanismes de défense qui se mettent en place chez eux, soignants, que nous évoquons au cours du débrie- fing mais aussi de mieux comprendre les réactions des patients. En prendre conscience les aide parfois à se « décul- pabiliser » d’une annonce qu’ils jugeraient comme mauvaise.

Cependant, il nous apparaît manquer un maillon de sécu- rité ou d’aide dans ce processus de formation, le temps du débriefing ne permettant pas toujours d’aborder des aspects plus personnels, parce que, notamment, ce n’est pas un espace dédié à cela. Un débriefing « à froid » que l’on nom- merait postdébriefing serait une proposition d’un nouvel espace à distance d’échange et de réflexion plus axé sur un versant personnel. Cette proposition existe déjà mais n’est pas systématique, et on observe que les internes ne saisissent pas cette opportunité. Cependant, il semblerait que cet espace soit une réponse à un réel besoin. En effet, sur 13 apprenants ayant rempli un questionnaire à six mois de leur dernière simulation, cinq répondent ne pas être venus en postdébriefing par manque de temps, et seulement deux esti- ment ne pas en avoir eu besoin. Cette proposition va cepen- dant dans le sens de principes proposés par certains auteurs dans la littérature. Par exemple, Gaba propose que les forma- teurs soient attentifs aux aspects éthiques et psychologiques des situations proposées, qu’ils prennent en compte systéma- tiquement la vulnérabilité des apprenants, que le débriefing permette de reprendre ces aspects psychologiques mais éga- lement qu’il y ait un suivi des participants après une simula- tion où les apprenants ont pu être mis à mal sur le plan psy- chologique [16].

La forme que doit prendre l’accompagnement psycholo- gique suite à ces annonces difficiles reste en questionnement même si la présence d’un psychologue est aujourd’hui sys- tématisée sur nos formations, apportant une certaine sécurité psychologique et un appui formatif intéressant. Malgré tout, il reste de nombreuses questions en suspens sur l’impact à

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long terme de ces formations sur le plan psychologique mais également en termes d’apprentissage pour les internes. De plus, l’impact de la répétition des annonces de cancer sur les acteurs de patients simulés est une des questions que nous commençons à étudier. En effet, certaines situations isolées ont nécessité un accompagnement et des temps dédiés pour verbaliser le vécu, mais il nous paraît intéressant de recher- cher s’il n’existerait pas, au même titre que pour des soi- gnants travaillant dans le domaine de l’oncologie, un réel risque d’épuisement pour ces acteurs.

Conclusion

Sur la base de notre pratique et des résultats d’études publiées, nous recommandons la présence d’un psychologue lors de la préparation et de la réalisation d’une séance de simulation d’annonce du cancer. Idéalement, le psychologue devrait pouvoir être joignable par un apprenant en difficulté après la séance de simulation. Cette recommandation permet de créer un « filet de sécurité psychologique » primordial pour des apprenants jeunes dont le vécu et les traumatismes anciens avec la maladie cancéreuse ne sont pas connus des formateurs. Des vulnérabilités psychologiques individuelles peuvent effectivement être ravivées lors de séances psycho- logiquement éprouvantes, mettre en danger psychologique l’apprenant et bloquer ses apprentissages.

Ce travail a été réalisé avec l’accord du comité d’éthique du CHU d’Angers enregistré sous le numéro 2012/31.

RemerciementsPr Jean-Claude Granry, Dr Jérôme Berton et Mme Francine Herbreteau du groupement d’intérêt scien- tifique (GIS) APHLUSS (Angers PLateforme Hospitalo- Universitaire de Simulation en Santé), la troupe de théâtre Tréteauscope (Thérèse Bricard, Philippe Jeannin, Nadine Pasquier, Claude Reliat, Marie Reliat) et aux internes qui sont venus en formation.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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