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Oncologie : Article pp.237-239 du Vol.8 n°4 (2014)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Place des professionnels du soin psychique dans les formations à la communication soignant – patient : l ’ expérience tunisienne

The Role of Mental Health Professionals in Improving Nurse

Patient Communication:

the Tunisian Experience

H. Khlif · S. Masmoudi · A. Belaid

Reçu le 15 septembre 2014 ; accepté le 20 octobre 2014

© Lavoisier SAS 2014

RésuméEn Tunisie, la psycho-oncologie est une discipline très récente et encore peu répandue. La prise en charge psy- chologique des patients atteints de cancer n’est pas encore entrée dans les habitudes des soignants qui travaillent dans le champ de l’oncologie. Il y a donc un travail d’information et de formation des soignants pour les sensibiliser à l’amélio- ration de la communication soignant–soigné, garant d’une relation thérapeutique saine. Nous rapportons l’expérience d’une équipe de psycho-oncologues tunisiens dans la forma- tion à la communication soignant–malade.

Mots clésPsycho-oncologie · Formation · Communication soignant–soigné · Tunisie

AbstractIn Tunisia, psycho-oncology is a very recent and not particularly widespread discipline. The psychological well-being of cancer patients has not yet become part of the role of care-providers who work in the field of oncology.

Therefore information and training is needed for care- providers to make them aware of improving carer–patient communication, to ensure a healthy therapeutic relationship.

We are reporting on the experience of a team of Tunisian psycho-oncologists in the training of carer–patient communication.

KeywordsPsycho-oncology · Training · Carer–patient communication · Tunisia

Introduction

En Tunisie, la collaboration entre les psychiatres–psycholo- gues et les oncologues a été timide durant ces dernières années. Des tentatives de rapprochement émanant des efforts des uns ou des autres ont été anecdotiques. Cela résultait de plusieurs causes, dont essentiellement l’éloignement géogra- phique des services d’oncologie et de l’hôpital psychiatrique, la stigmatisation encore importante de ce dernier, l’absence d’implantation de services de psychiatrie de liaison dans les hôpitaux généraux ou de départements de psycho-oncologie dans les centres anticancer. Il a fallu attendre l’année 2010 pour voir apparaître les premiers psychiatres diplômés en psycho-oncologie, avec un début de structuration de cette dis- cipline. La mise en place de cette interface entre la psycholo- gie–psychiatrie et l’oncologie devait impérativement passer par un volet d’information et ensuite de formation.

Un certain nombre de difficultés est toutefois apparu, dont un exemple qu’il nous a semblé important de relever, et qui se matérialise au sein même du Code de déontologie médi- cale tunisien. L’article 36 de ce dernier stipule qu’« un pro- nostic grave ou fatal peut être dissimulé au malade. Il ne peut lui être révélé qu’avec la plus grande circonspection, mais il peut l’être généralement à la proche famille, à moins que le malade ait préalablement interdit cette révélation ou désigné des tiers auxquels elle doit être faite ».

Il s’en dégage le constat qu’en Tunisie, la relation méde- cin–patient suit encore souvent un modèle paternaliste, ver- tical. Le médecin peut imposer à son malade la conduite diagnostique et thérapeutique qu’il juge la meilleure, parfois sans explications ou même consentement.

Forts de ce constat, nous avons mis en place une stratégie visant à améliorer la communication entre les patients et les soignants, par l’établissement :

dune formation théorique ;

dun enseignement interactif ;

H. Khlif (*)

Psychiatrie, centre Marsa Médical,

9 bis, avenue Ali-Balhaouene, La Marsa 2070, Tunis, Tunisie e-mail : hedikhlif@hotmail.fr

S. Masmoudi

Psychiatrie, le cercle des bureaux, cabinet B5-3, 5e étage, centre urbain nord 1082, Tunis, Tunisie A. Belaid

Radiothérapie, institut Salah-Azaiez, boulevard du 9-avril, Bab-Saadoun, Tunis, Tunisie

Psycho-Oncol. (2014) 8:237-239 DOI 10.1007/s11839-014-0491-1

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dune présence lors des consultations en oncologie ;

de groupes de parole pédagogiques.

Tout le travail de formation et d’accompagnement des soignants est fait à titre bénévole.

Formation théorique

Cette formation s’est faite au sein de l’Association tuni- sienne de lutte contre le cancer (ATLCC). Cette formation a été destinée aux professionnels en oncologie et en santé mentale, afin de les sensibiliser à différents aspects de la psycho-oncologie, ainsi que pour les former à la communi- cation et au développement de la relation soignant–malade.

Durant cette formation, plusieurs thèmes de psycho- oncologie ont été traités, dont notamment les mécanismes d’adaptation à la maladie cancéreuse, la communication soi- gnant–soigné, le travail avec la famille du patient cancéreux, les interventions psychologiques et pharmacologiques en psycho-oncologie, la fin de vie, le burn-out chez les soi- gnants, l’annonce du diagnostic de cancer, la sexualité chez le patient cancéreux…

Enseignement interactif

Cet enseignement a pris la forme de discussions de cas, sui- vie de jeux de rôles.

La richesse de cette session est venue de la diversité des participants aussi bien sur le plan de compétence que de l’expérience, entre les secteurs privé et public.

Accompagnement d’une consultation externe d’oncologie

Une formation de base seule ne permet pas aux médecins de bien communiquer et de détecter la détresse émotionnelle de leurs patients. Pour pallier cela, une consultation en binôme (oncologue–psychiatre) a donc été mise en place au sein du centre anticancer de la capitale. Des interventions ponctuel- les d’un psycho-oncologue, suivies d’une discussion autour de certaines situations ayant posé problème sur le plan psy- chologique, ont permis de renforcer le lien avec les onco- logues. Cette collaboration a un rythme hebdomadaire.

Groupe de parole pour les patients

La création d’un groupe de parole au sein de l’Association des malades de cancer (AMC) sert aussi à la formation des soignants qui y assistent (infirmiers, aide-soignant, assis- tante sociale, nutritionniste), afin de les sensibiliser à l’aspect psychologique de la prise en charge du malade atteint de cancer. Le temps de parole avec les patients est suivi de dis- cussions avec les soignants autour des difficultés de commu- nication qu’ils ont rencontrées.

Considérations culturelles de la formation à la communication en psycho-oncologie en Tunisie

Le concept de culture et sa relation avec le cancer restent peu étudiés. Cependant, la prise en compte de l’aspect culturel est reconnue comme étant un facteur important dans la prise en charge globale du cancer [1]. Nous nous sommes rendus compte au fur et à mesure de l’avancement de l’enseigne- ment, de la nécessité d’intégrer des éléments culturels à la formation de base afin d’optimiser les compétences en com- munication des soignants.

Dans ce contexte, les points importants que nous avons relevés sont les suivants.

Sexualité et cancer

Dans la culture arabo-musulmane, parler de sexualité relève du tabou. En effet, il subsiste une difficulté nette à aborder l’aspect intime. Même au sein d’un couple, il peut être diffi- cile de parler de la sexualité (mauvaise interprétation de cer- tains textes sacrés, pudeur entre les conjoints…). La majorité des patients interrogés souhaiteraient davantage d’informa- tions sur la sexualité. Il existe donc un énorme fossé entre le désir d’informations et le nombre réel d’entretiens sur le sujet.

La difficulté de parler de la sexualité est partagée entre le patient et le soignant [2] :

pour le patient : la peur de décevoir le médecin, de ne pas aborder des sujets plus importants tels que les soins en oncologie, la honte, la pudeur, la persistance de fausses croyances concernant le lien entre la sexualité et le cancer…;

pour le soignant : manque de formation pour aborder cette question, manque de disponibilité, peur d’être intrusif, manque d’intimité dans les consultations…

Les conséquences du manque de communication sur ce sujet sont importantes. En effet, ils ont un impact sur la qua- lité de vie et/ou la trajectoire de soins.

Il nous a semblé essentiel d’aborder ce thème pour encou- rager les soignants à l’aborder avec leurs patients, afin d’amé- liorer leurs compétences en matière de communication.

Nous avons observé beaucoup de résistance de la part des participants, ce qui a confirmé l’idée d’une « sexualité taboue ».

La fin de la vie

Il s’agit là d’un autre sujet tabou dans la culture arabo- musulmane.

Les croyances populaires sont empreintes de la peur de l’au-delà. Dans une société en majorité musulmane et

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fortement croyante, parler de la mort évoque les châtiments divins, par conséquent souvent associés à la douleur.

La maladie revêt volontiers une signification de châtiment divin, de décision du destin, comme faisant partie d’un des- sein, d’un tout (c’est écrit, Dieu en a voulu ainsi…).

Cet aspect a une implication importante sur la trajectoire de soins. Par exemple, certains patients ne voudront pas se soigner pour ne pas aller au-delà de la volonté divine. Il en découle des croyances que les patients partagent parfois avec les soignants, de ne pas pouvoir contrôler la maladie.

Certaines attitudes des soignants entretiennent le tabou autour de la mort, notamment l’évitement, la fausse réassu- rance…Le fait d’aborder les directives anticipées peut paraî- tre choquant aussi bien pour les patients que pour les soignants.

La pression des familles de patients atteints de cancer de ne pas aborder la question autour de la fin de vie a pour conséquence d’entraver encore plus la communication entre le soignant et le patient.

Il est donc important de comprendre, écouter les croyan- ces, ne pas les juger, et plutôt donner un sens au soin dans un langage accessible au malade.

Place de la religion dans les soins

Dans une société où la religion est omniprésente, il est important de prendre en considération cet aspect dans la communication avec le patient. Toute méconnaissance de la dimension spirituelle peut être responsable d’une insuffi- sance de prise en charge de la douleur, de l’anxiété, de la dépression [3]. Cela soulève des questionnements d’ordre pratique comme, par exemple, pour la mise en place d’une stomie digestive qui entraverait les absolutions nécessaires avant toute pratique religieuse. La question du jeûne est sou- vent posée lors de l’indication de traitements par voie intra- veineuse, notamment la chimiothérapie. Certains types de traitements à connotation religieuse (coran-thérapie…) peu- vent entrer en concurrence avec les traitements convention- nels de la maladie cancéreuse.

Il est essentiel d’améliorer la communication avec les patients qui présentent ce type de préoccupation, afin de pouvoir les accompagner dans leur processus de soins, et de ne pas perdre la neutralité bienveillante nécessaire à toute relation thérapeutique saine.

Perspectives pour la psycho-oncologie dans le contexte tunisien

Création dune société savante (la Société tunisienne de psycho-oncologie) afin de fournir un cadre pour les for- mations futures, ainsi que l’organisation de journées scientifiques ;

création dune revue scientifique dédiée à la psycho- oncologie ;

organisation de groupes de parole pour médecins ;

organisation de séminaires pratiques de communication au sein des écoles des infirmiers et des facultés de médecine ;

organisation d’une formation diplômante afin d’augmenter les compétences de prise en charge psycho-oncologique des soignants travaillant dans le champ de la cancérologie.

Conclusion

La psycho-oncologie en Tunisie est une discipline nouvelle.

Cela constitue à la fois un avantage et un inconvénient. Un avantage, car tout est à faire, et la demande de cette prise en charge ne cesse d’augmenter. Un inconvénient, car la demande dépasse de beaucoup la capacité à y répondre. Il faudra du temps pour que la psycho-oncologie devienne une discipline à part entière. Un des moyens principaux pour y arriver est la sensibilisation et la formation des acteurs travaillant dans le champ de la cancérologie à l’importance de l’aspect psycho- logique et humain des soins. L’amélioration de la communi- cation entre le soignant et son patient reste actuellement la pierre angulaire du travail en psycho-oncologie en Tunisie.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

1. Marjorie Kagawa-Singer M, Valdez Dadia A, Mimi C, et al (2010) Cancer, culture, and health disparities. Time to chart a new course?

CA Cancer J Clin 60:12–38

2. Taquet A (2005) Cancer du sein et sexualité. Rev Francoph Psycho-Oncol 4:170–4

3. Zittoun R (2005) Comment répondre aux attentes des malades atteints de cancer en matière de croyances et de spiritualité ? Rev Francoph Psycho-Oncol 4:296–8

Psycho-Oncol. (2014) 8:237-239 239

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