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Oncologie : Article pp.94-99 du Vol.8 n°2 (2014)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Temporalités et annonce d ’ une maladie grave à un patient expatrié en Chine*

Temporalities and Announcement of a Serious Disease to an Expatriate Patient in China

M. Antoine · E. Rude-Antoine

Reçu le 04 avril 2014 ; accepté le 13 mai 2014

© Springer-Verlag France 2014

RésuméL’annonce d’une maladie grave à un patient expa- trié en Chine est une fonction difficile pour le médecin chef de l’ambassade de France. Cet article expose à partir d’une expérience de terrain les difficultés rencontrées par le prati- cien lorsqu’il doit informer sur un diagnostic probable d’une maladie grave ou annoncer celle-ci après confirmation et son traitement dans ce contexte d’expatriation. L’auteur examine d’abord en cas de suspicion la décision ou non d’un retour en France pour confirmer une maladie grave. Il analyse ensuite en cas d’annonce de la maladie grave les options possibles de prise en charge du patient. Il cherche à définir ce que l’on peut entendre par maladie grave. L’auteur expose enfin les alternatives thérapeutiques en Chine pour soigner une mala- die grave et les failles du système de santé chinois.

Mots clésAnnonce · Maladie grave · Expatriation · Chine · Système de santé

AbstractThe announcement of a serious disease to an expa- triate patient in China is a difficult duty for the chief physi- cian of the French Embassy. This article reports from field experience on the difficulties that the physician faces when he must inform the patient of a possible diagnosis of a serious disease, as well as the confirmation of the disease and the treatments available in this case of expatriation. First, the author studies the case in question as to whether the

patient should return to France to receive further testing for confirmation of a serious disease. Then he analyzes the results of the case announcement and available options that would best care for the patient’s needs. He then defines the characteristics of what a serious disease entails. Finally, the author expounds therapeutic options available in China to treat a serious disease and relevant customary practices in the Chinese health care system.

KeywordsAnnouncement · Serious disease · Expatriation · China · Health care system

Le médecin chef de l’ambassade de France en Chine est régulièrement confronté à la question de l’annonce d’une maladie grave à un patient expatrié.

L’expatriation est un contexte particulier puisque l’envi- ronnement est inhabituel, les coutumes du pays étranger sont différentes, les enjeux familiaux peuvent être compliqués à gérer à cause de la distance avec la France.

La Chine est la deuxième puissance économique mon- diale avec un fort taux de croissance, mais dont les coutumes restent encore très traditionnelles. La médecine tradition- nelle chinoise est composée de plusieurs sciences, la phyto- thérapie, l’acupuncture et les massages.

C’est dans ce contexte multiculturel complexe que les patients, qui vivent souvent loin de leur famille, viennent consulter pour un problème de santé, voire pour des conseils ou des avis. L’itinéraire thérapeutique de ces personnes évo- lue en fonction de la pathologie et de ses différentes tempo- ralités liées aux contraintes environnementales et au contexte social. Cet article, étayé par une expérience de terrain, vise à décrire les enjeux de ce moment particulier de l’annonce de la maladie et à proposer une réflexion sur les différents modes de prise en charge. Pour mettre en évidence ces mul- tiples choix proposés au patient, on va définir trois tempora- lités : avant (ou préannonce), pendant et après l’annonce d’une maladie grave.

M. Antoine (*)

Médecin chef de lambassade de France en Chine, 60 Tianzelu, 100600 Pékin, Chine

e-mail : antoinemarcparis6@hotmail.com E. Rude-Antoine

Directrice de recherche au CNRS, 8, rue cannebière, escalier B boîte 8, F-75012 Paris, France

* Cet article a été présenté dans le séminaire international

« L’annonce d’une maladie grave » organisé par l’université Paris-Descartes/CNRS, le 22 novembre 2013.

DOI 10.1007/s11839-014-0463-5

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Le médecin de l’ambassade a un rôle central. Non seulement la communauté française (qui compte environ 5 000 inscrits dans le registre de l’ambassade à Pékin) lui accorde sa confiance mais vient consulter au cabinet médical de l’ambassade plutôt que dans un autre établissement de santé, c’est-à-dire dans les cliniques privées ou les hôpitaux publics, pour être rassurée, particulièrement dans ce contexte d’expatriation, et du fait de la possibilité d’un échange en langue française. Le médecin de l’ambassade est donc le référent médical, le confident, le collègue ou même l’ami puisqu’il est fréquent que le médecin connaisse personnelle- ment ses patients.

Trois principales situations se présentent dans la pratique quotidienne du médecin chef de l’ambassade de France à Pékin.

Suspicion d

une maladie grave nécessitant un retour en France : préannonce

Le médecin généraliste est souvent la première personne à suspecter une maladie grave chez un patient. Il n’a pas tou- jours tous les éléments en sa possession pour affirmer un tel diagnostic. Dans l’exemple de la découverte d’un statut VIH positif, le résultat se fait à l’aide d’une simple prise de sang.

Mais dans le diagnostic d’une tumeur maligne par exemple, d’autres examens complémentaires sont nécessaires comme un acte chirurgical et une imagerie pour confirmer le diag- nostic. C’est donc le chirurgien, le cancérologue ou un autre spécialiste qui aura ce rôle d’annonce de la maladie grave.

Dans le cas particulier du patient expatrié en Chine, le médecin de l’ambassade se retrouve souvent dans une situa- tion de « préannonce » d’une maladie grave, un moment compliqué à gérer où la relation médecin–patient est suscep- tible d’être mise à mal. Que faut-il mieux conseiller aux patients lorsque l’on sait que la prise en charge médicale et/ou chirurgicale n’est pas optimale en Chine ? Un retour en France est souvent la meilleure option. Cependant, comment faire une annonce d’une probable maladie à un patient expatrié, comment conseiller à un patient le retour en France si le diagnostic n’est pas certain ? Le patient attend du médecin une prise de décision, décision que seul le patient devra trancher au final (la prise en charge médicale en France ou en Chine ?). Dans les faits, le conseil du méde- cin de l’ambassade sera le plus souvent suivi par le patient expatrié, excepté si ce dernier a un souci financier majeur ne lui permettant pas de prendre en charge son retour en France (moyens financiers insuffisants pour l’achat d’un billet d’avion et absence d’assurance médicale, etc.). Le médecin de l’ambassade devra-t-il insister pour le retour en France si le patient a des difficultés financières pour le paiement de son billet d’avion ou bien s’il n’est plus à la sécurité sociale française ?

Quels sont les enjeux pour le médecin au moment de cette annonce de la maladie grave ?

Si le médecin ne conseille pas au patient le retour en France rapidement en vue de la confirmation du diagnos- tic de la maladie grave, cela peut être une perte de chance de guérison pour le patient. Ce dernier pourrait lui repro- cher son manque de précaution et engager sa responsabi- lité médicale ;

si le patient prend la décision de poursuivre sa prise en charge médicale en France et qu’au contraire le diagnostic est infirmé, le patient pourrait reprocher au médecin de l’avoir alarmé inutilement. Il est important de préciser que selon la loi du 4 mars 2002, relative au droit des mala- des et à la qualité du système de santé, « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé » afin de lui permettre, certes avec le professionnel de santé, de pren- dre les décisions concernant sa santé. En effet, la loi pré- cise que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisa- tions qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ».

Un cas clinique significatif permettra de mieux cerner la complexité de la préannonce dans le cadre d’expatriation. Il s’agit d’un patient examiné pour des douleurs thoraciques atypiques. L’électrocardiogramme effectué au cabinet mon- trait des anomalies. Pour écarter toutes pathologies cardia- ques aiguës, le médecin de l’ambassade a adressé le patient dans un service d’urgence d’une clinique à Pékin pour exploration de ses douleurs qui n’a montré aucune patholo- gie cardiaque. Cependant, en raison de ce premier électro- cardiogramme anormal, les urgentistes de la clinique lui ont conseillé de faire des examens complémentaires cardiologi- ques. Pour cela, le patient a préféré un retour en France, accompagné de son épouse. Le médecin de l’ambassade a bien entendu approuvé sa décision de retour sans toutefois lui signaler la possibilité d’effectuer ces examens en Chine.

En effet, connaissant l’inquiétude et le stress que peuvent provoquer tous soins médicaux effectués en Chine pour un expatrié, beaucoup d’entre eux préfèrent le retour dans leur pays d’origine. Pour ce patient à risque cardiovasculaire, le bilan en France a été strictement normal. À son retour en Chine, ce patient et son épouse ont reproché au médecin de l’ambassade de les avoir inquiétés, de leur avoir provoqué un état de stress en leur annonçant un « possible problème car- diaque » et les frais financiers importants engagés. Ce patient aurait pu en effet faire un reproche au médecin, celui d’avoir commis une erreur de manipulation en utilisant l’électrocar- diogramme qui s’était donc avéré faussement positif. En dis- cutant avec les confrères de ce cas clinique et de cette erreur de manipulation de l’électrocardiogramme, tous ont estimé qu’il était opportun pour ce patient du fait de son âge—plus de 60 ans—(électrocardiogramme normal ou pas) de faire un bilan cardiaque pour écarter tout risque d’infarctus.

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Ce qui est intéressant dans ce cas clinique, c’est la respon- sabilité que le patient a voulu faire porter au médecin. Res- ponsabilité psychologique d’une part (l’inquiétude provo- quée par l’annonce d’une possible pathologie cardiaque) et responsabilité financière d’autre part (puisqu’il reprochait l’achat des billets d’avion) alors que le patient avait décidé, seul, son retour en France sans demander s’il était possible de faire ces examens en Chine.

Il est évident que, dans la fonction du médecin, les suspi- cions d’une maladie grave sont bien heureusement le plus souvent infirmées (dans la médecine de soins primaires en tout cas). C’est pour cela qu’il faut attendre tous les éléments de confirmation d’un diagnostic avant de déclarer au patient une maladie. C’est d’ailleurs toute la discussion de l’intérêt de maintenir les tests de dépistage du cancer de la prostate ou du cancer du sein par exemple. Est-il justifié d’inquiéter un patient par un test de dépistage positif qui sera souvent infirmé par d’autres examens complémentaires plus invasifs ou bien qui aboutira à la découverte d’un cancer qui n’aurait pas eu de conséquence sur la mortalité du patient en cas d’absence de dépistage ?

Il reste au médecin la possibilité d’adresser le patient à un médecin spécialiste chinois. Si le patient expatrié est vrai- ment dans l’impossibilité financière de faire face à son retour en France, c’est souvent l’option choisie. Celle-ci a toutefois ses limites. La communication avec le médecin chinois est très difficile puisque la langue n’est pas la même. Les médecins chinois ne sont pas toujours précis dans l’explication du diagnostic, des options thérapeu- tiques. Ils n’ont pas l’obligation légale d’information du patient. Ils ont par contre une obligation de résultats. Cela a pour conséquence certaines pratiques qui diffèrent de notre système de soins français. Par exemple, la perfusion d’antibiotique est une pratique courante en Chine au lieu de donner un traitement par voie orale. La chirurgie est aussi facilement proposée. En cas d’acte chirurgical, de nombreux autres problèmes peuvent se poser : risque d’anesthésie, compétence discutable du chirurgien, mau- vaise gestion des complications postopératoires, qualité des soins infirmiers insuffisants, hygiène de l’établisse- ment médiocre, etc. De plus, les médicaments sont des produits locaux avec les risques de contrefaçon, avec de possibles erreurs de production. Adresser un patient à un spécialiste chinois pour certains examens complémen- taires est tout à fait envisageable. Toutefois, pour soigner des cancers, des maladies nécessitant des médicaments très spécialisés ou pour des opérations chirurgicales non urgentes, il est préférable de toujours recommander au patient un retour en France.

Voici un autre cas clinique d’une femme de 45 ans consul- tant pour un nodule au sein droit cliniquement suspect de cancer. Adressée pour une échographie dans un centre médi-

cal à Pékin, un cancer est fortement suspecté. Cette patiente choisit de rentrer en France où le cancer est confirmé. Après une prise en charge médicale en France, la patiente est reve- nue vivre en Chine. Dans ce cas clinique, la consultation de préannonce n’a pas posé beaucoup de questionnements concernant la bonne décision du médecin à recommander (le retour pour des soins en France ou pas ?) puisque la sus- picion de cancer était très forte avec le compte rendu d’écho- graphie écrit par le radiologue. Il paraissait évident pour la patiente, comme pour le médecin, qu’un retour en France était la meilleure option pour confirmer le diagnostic et obte- nir une prise en charge thérapeutique optimale. La consulta- tion s’est déroulée dans le bureau du médecin de l’ambas- sade fermé et au calme. L’entretien a eu lieu seul avec la patiente. Tout au long de l’entretien, il a été tenu compte de la singularité de la patiente et de son état émotionnel. Elle a pu poser toutes les questions qu’elle souhaitait. Le médecin de l’ambassade a personnellement veillé à ce que les infor- mations transmises soient bien comprises. Les difficultés d’organisation familiale en rapport avec la garde de sa fille durant son absence de Pékin n’ont pas été abordées lors de la consultation.

L

annonce d

une maladie grave ou discussion suite à la découverte d’une maladie grave : annonce

Il est fréquent que les médecins généralistes fassent le diag- nostic d’une maladie grave chez leurs patients. Le diagnostic peut se faire à l’aide d’une simple prise de sang dans un certain nombre de pathologies. Quand ils suspectent une maladie grave, nous adressons le patient chez les spécialis- tes qui prendront en charge la confirmation de la maladie, l’annonce et le traitement.

Cependant, il est fréquent que des patients viennent consulter le médecin référent de la communauté française, juste après l’annonce d’une maladie grave découverte dans un autre établissement de santé en Chine. Ils souhaitent l’avis du médecin de l’ambassade, ses conseils, lui faisant confiance et éprouvant la nécessité de pouvoir communiquer sur leur santé en langue française.

Il est important de définir ce que « maladie grave » signifie.

Dans le langage médical, cela correspond à une maladie qui va engendrer la mort à court ou à moyen terme comme un cancer de mauvais pronostic par exemple. Cependant, lorsque l’on s’adresse à un patient, ce dernier pourra associer « mala- die grave » à « maladie chronique ». Nous entendons par là que ce qui est moins grave pour le médecin ne le sera pas forcément pour le patient et inversement d’ailleurs. On cons- tate souvent dans les consultations que certains patients acceptent mieux leur fin de vie que de vivre avec un handicap, alors qu’il est plus difficile pour un médecin de diagnostiquer

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chez un patient une maladie grave avec risque de mort à court terme qu’une maladie chronique.

Une maladie grave peut donc être une maladie chronique comme les cancers. Une maladie chronique peut aussi deve- nir une maladie grave (complication vasculaire d’une hyper- tension artérielle par exemple). D’ailleurs, le médecin ren- contre des difficultés similaires tant lors de l’annonce d’une maladie grave que de celle d’une maladie chronique. En effet, lorsque la maladie grave est une maladie chronique, il faudra aussi proposer un projet éducatif à la santé en ce sens où le patient devra comprendre sa maladie et son traite- ment, et connaître les objectifs thérapeutiques, les moyens pour les remplir, les bilans et la surveillance médicale cor- respondante comme dans le cas du cancer.

Dans la pratique quotidienne du médecin de l’ambassade, l’annonce d’une maladie est compliquée, car il n’a pas tous les éléments de réponse pour proposer un projet éducatif à la santé. Il peut expliquer la maladie, orienter le patient vers un centre spécialisé, surtout discuter du choix de rentrer en France ou de rester en Chine pour les soins nécessaires.

Une autre similitude majeure existe entre la prise en charge du patient atteint d’une maladie chronique et l’annonce d’une maladie grave, c’est l’aspect psychologique. Informer correc- tement le patient sur sa maladie lui permettra d’être plus fort face à ce qu’il vit.

Dans le contexte d’expatriation en Chine, une maladie chronique va souvent poser les mêmes problèmes qu’une maladie grave. Le patient va-t-il rentrer en France pour se faire soigner ou rester en Chine ? Comment va-t-il s’organi- ser avec sa famille ? Comment les parents vont gérer la situa- tion si la maladie touche un de leurs enfants ?

Le plus souvent, le patient optera pour un retour en France, mais ce n’est pas toujours le cas. En cas d’absence d’assurance médicale, qui va prendre en charge les frais d’un rapatriement ? Le patient préfère parfois rester en Chine soit pour raisons financières (notamment lorsqu’il n’a pas d’assurance médicale), soit pour raisons professionnelles (une absence prolongée même pour raison médicale pourrait lui porter préjudice professionnellement), soit pour raisons liées à son état de santé parce qu’il n’est pas transpor- table par avion. Dans ces situations, le rôle du médecin de l’ambassade est indispensable. Il faudra évaluer les soins locaux fournis au patient, lui expliquer son état de santé et la prise en charge, organiser éventuellement un transfert dans un autre hôpital que celui où il est soigné si les soins sont insuffisants, mettre en place un rapatriement, c’est-à-dire trouver une solution afin de fournir des soins satisfaisants pour le patient. La tâche peut être très complexe notamment dans les pays où le système de soins local n’est pas satisfai- sant comme en Chine.

Un autre cas clinique permettra de comprendre la diffi- culté pour un patient de se soigner en Chine et l’importance pour le médecin de l’ambassade d’une information claire et

précise du patient expatrié sur la prise en charge thérapeu- tique en Chine. Il s’agit d’un jeune homme opéré pour des hémorroïdes en Chine. Malheureusement, celui-ci fait une complication postopératoire rare mais très grave, une hémor- ragie qui finira par être stoppée après plusieurs opérations.

Après avoir passé plusieurs jours dans un hôpital chinois où les soins infirmiers étaient quasi inexistants, c’est-à-dire où le patient devait lui-même effectuer les soins postopératoires (nettoyage anal), où les conditions d’hygiène étaient cata- strophiques, le patient pris contact avec le médecin de l’am- bassade pour lui demander son aide, ayant peur pour sa vie.

Il avait une infection qui n’était pas soignée par l’équipe médicale chinoise. Ce patient n’avait aucune assurance médicale et n’avait pas non plus les moyens financiers d’un rapatriement médicalisé. Le médecin de l’ambassade a donc essayé de transférer ce patient dans un autre hôpital de meilleure réputation. Mais aucun autre hôpital public ne voulait l’accepter compte tenu des risques d’engager leur responsabilité juridique. Finalement, le médecin a pu trouver une place dans une clinique privée aux honoraires exorbi- tants. Les parents ont dû transférer 20 000 euros à leur fils pour la prise en charge des frais d’hospitalisation.

De même, le médecin de l’ambassade est amené à établir les liens nécessaires au soin entre la France et la Chine. Il doit apporter une information en ce sens au patient et soute- nir les familles dans leur prise de décision relative à la prise en charge de la maladie. C’est ce que montre le cas clinique suivant. Il s’agit d’un adolescent de 18 ans atteint d’une maladie chronique très douloureuse qui nécessite une prise en charge pluridisciplinaire (kinésithérapeute, médecin généraliste, pédiatre, médecin spécialisé dans la douleur, acupuncteur). Cet adolescent a été suivi à Pékin dans un premier temps par un pédiatre, un kinésithérapeute et un acu- puncteur. La douleur a évolué et les traitements médicamen- teux sont devenus insuffisants. Ce patient avait besoin de traitement à base de morphine, difficile à obtenir localement.

Le transport non accompagné pour un retour en France n’était pas non plus envisageable à cause du handicap engen- dré par les douleurs. Les parents ont alors profité de leurs congés d’été pour rentrer en France pendant 15 jours et emmener leur fils consulter un spécialiste de la douleur.

Son retour à Pékin s’est par la suite bien passé. L’ambassade a acheminé son traitement à base de morphine pendant plu- sieurs mois. Le sevrage en morphine a nécessité une autre hospitalisation à nouveau en France qui a eu lieu l’été sui- vant. Les parents ont accompagné leur enfant sur le terri- toire français à l’occasion des congés d’été. Tous les deux travaillent pour la même compagnie française qui est très compréhensive face à leurs difficultés familiales rencontrées.

La mère a obtenu l’autorisation de travailler à distance pen- dant un mois supplémentaire, ce qui lui a permis de rester en France avec son fils nécessitant des soins prolongés à l’hôpital, le père étant rentré en Chine. Finalement, la mère

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est revenue en Chine alors que son fils était toujours hospi- talisé en France. L’adolescent a pu revenir en Chine tout seul une fois la douleur traitée correctement. On se rend compte à travers ce cas clinique qu’une maladie qui peut être traitée facilement en France est parfois très compliquée à gérer pour les familles expatriées.

Espoir d

une alternative thérapeutique en Chine pour soigner une maladie grave et les failles du système de santé chinois

Avec les médias, la Chine apparaît parfois comme le pays de l’avenir médical. Certains reportages montrent des patients se faisant soigner pour de lourdes pathologies avec des tech- niques chinoises comme l’acupuncture mélangée à la méde- cine occidentale, ou bien montrent des médecins chinois développant de nouveaux traitements pour certains cancers par exemple. La réalité est bien autre et c’est pourquoi d’ail- leurs un « business » dans le but de fournir un service de soins médicaux occidentaux s’ouvre à l’étranger pour soi- gner de plus en plus de riches Chinois dans les grandes capi- tales européennes. Les Chinois ne font pas confiance à la médecine occidentale délivrée en Chine. Contrairement aux Français qui recherchent davantage à se faire soigner par des médecines plus naturelles allant même jusqu’à consulter en Chine, les Chinois recherchent la qualité de la médecine occidentale dans les pays européens.

La médecine traditionnelle chinoise est une médecine culturelle. Les Chinois l’utilisent toujours pour faire de la médecine préventive, afin de rester en bonne santé, qui est d’ailleurs l’essence même de la médecine traditionnelle chi- noise exercée dans les campagnes. Ils l’utilisent pour soigner des maladies peu graves ou n’entraînant pas la mort. C’est une médecine peu coûteuse et accessible de ce fait à tous.

Mais elle peut être utilisée dans les maladies graves, notam- ment par manque de moyens financiers. En effet, les médi- caments de la médecine occidentale ont un prix élevé.

De nombreux Chinois n’ont pas les moyens de prendre en charge financièrement des chimiothérapies en cas de cancer par exemple et utilisent par défaut la médecine traditionnelle chinoise.

C’est dans ce contexte culturel que le médecin de l’am- bassade est régulièrement contacté par des Français, le plus souvent vivant en France ayant des maladies incurables. Ces derniers ont vu un reportage à la télévision ventant la méde- cine chinoise et expliquant les « miracles » de cette méde- cine. Ces Français sont dans l’espoir d’un nouveau traite- ment soit de la médecine traditionnelle, soit de la médecine occidentale développée dans un service de pointe chinois. Ils contactent le médecin de l’ambassade pour lui demander les adresses de ces services qui seraient plus avancés que nos services de médecine interne ou d’oncologie en France.

Ces services sont totalement méconnus de l’ambassade. Le médecin de l’ambassade est alors dans l’obligation d’annon- cer clairement les difficultés que ces patients pourraient ren- contrer s’ils optaient pour se faire soigner selon la médecine locale :

tout dabord, les patients auront un problème de langue et de communication. Il faut consulter avec un traducteur, car les médecins chinois et le personnel infirmier ne par- lent quasiment pas anglais ;

ensuite, la communication au patient sur sa maladie et sa prise en charge médicale sera insuffisante. C’est souvent le problème avec les structures de soins chinoises, les médecins n’ont pas l’habitude d’expliquer exactement au patient sa pathologie, son traitement et sa prise en charge. Le projet éducatif à la santé sera peu explicite.

C’est à la fois un problème de temps, les médecins chinois ont trop de consultations, et un problème de formation des médecins puisque l’enseignement sur ce point reste encore peu développé dans les facultés de médecine ;

laccueil ne sera pas de qualité, et la majorité des consul- tations se feront sans secret médical. Le patient consultera dans un box de consultation avec la présence d’une dizaine de personnes, c’est-à-dire avec tous ceux qui attendent leur tour ainsi que leurs familles. En quelques mots, on partage tout ! Les consultations sont chargées. Le temps d’attente pour consulter est long. Dans les centres où les Chinois n’ont pas l’habitude de voir des étrangers, le Français aura peut-être la chance de passer en premier, un peu comme un VIP, mais cela pourra susciter la curiosité de la foule.

Mieux vaut ne pas être pudique puisque l’examen se fera sous les yeux de ce public ! L’acheminement au sein de la consultation est par ailleurs très compliqué, il faudra payer un ticket d’entrée pour avoir le droit de consulter un méde- cin, puis payer les médicaments séparément ainsi que les examens complémentaires. C’est donc un vrai combat.

Dans un hôpital de taille moyenne en Chine, il y a environ 10 000 consultations par jour. En général, un Chinois qui consulte prévoit une journée entière ;

après la consultation avec le médecin chinois, l’étape sui- vante, peut-être la plus risquée, est l’achat de médica- ments. Il s’agit d’utiliser la pharmacopée chinoise. La Chine et l’Inde sont les plus gros producteurs de médica- ments contrefaits dans le monde. Différents scandales sanitaires apparaissent au grand jour régulièrement, sou- vent liés à la fabrication des médicaments et dans le but de limiter les dépenses de la production aux dépens de la qualité. Ces scandales touchent aussi les plus grands hôpi- taux locaux ;

enfin en cas d’hospitalisation, les hôpitaux chinois ne fournissent pas systématiquement d’aide-soignant pour laver le patient, changer régulièrement les draps et même apporter tout simplement les repas. En Chine, la famille se

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charge d’apporter la nourriture et de donner tous les soins nécessaires au patient (comme le nettoyage du patient y compris au niveau des plaies postopératoires). Une per- sonne seule ne peut pas faire face, dans ce contexte chi- nois, à sa maladie.

Depuis plusieurs années, il se développe dans les villes de Chine où vit une importante communauté étrangère des ser- vices de soins dans les grands hôpitaux publics destinés à soigner les expatriés à un coût plus élevé. Le personnel soi- gnant est sensé y parler anglais, chaque patient est examiné individuellement et l’hygiène est correcte. Ces améliorations concernent principalement les services liés à l’hôtellerie, mais ne prévalent en rien de la qualité des soins prodigués par les médecins chinois qui ne se sont malheureusement pas améliorés.

Conclusion

L’annonce d’une maladie grave par le médecin de l’ambas- sade à un patient expatrié en Chine est une tâche compli- quée, parfois risquée pour ce dernier qui engage sa respon- sabilité juridique. Elle nécessite une grande connaissance du système de santé chinois. La prise en charge des patients sera variable d’un individu à l’autre, en fonction de sa personna- lité, de ses croyances, de ses attentes, de sa situation fami- liale et de ses moyens financiers. Elle évoluera au gré de la pathologie et de ses différentes temporalités.

Pour éviter des situations médicales catastrophiques, il faut recommander à chaque Français expatrié ou voyageant en Chine d’avoir une bonne assurance médicale pour couvrir les soins hospitaliers médicaux ou chirurgicaux et une assu- rance rapatriement.

La place du médecin chef de l’ambassade reste centrale et indispensable pour aider les ressortissants français atteints d’une maladie grave.

Conflit d’intérêt L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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