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La titrisation d'actifs en Suisse : asset-backed securitisation

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La titrisation d'actifs en Suisse : asset-backed securitisation

LAPORTE, Claude

Abstract

La titrisation est une technique financière d'une importance considérable aux Etats-Unis. Elle prend une ampleur croissante en Europe. Elle consiste en un financement des entreprises par mobilisation des actifs et de leur bilan et par recours au marché des capitaux. Elle peut prendre des formes variées et poursuivre de nombreux buts annexes, comme l'amélioration de la solvabilité , le transfert des risques associés à certains actifs ou la diminution du capital réglementaire pour les banques. A l'inverse d'autres pays (France et Luxembourg notamment), la Suisse n'a adopté aucune législation relative à la titrisation. Si les tribunaux civils n'ont pas eu l'occasion de se prononcer sur cette opération, les autorités fiscales et le Commission fédérale des banques ont développé une pratique. Cet ouvrage, qui est la première monographie de droit suisse consacrée à la titrisation, analyse cette opération à travers le prisme des différents domaines concernés : droit des sociétés, droit des obligations, droits réels, acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, droit de la faillite, normes [...]

LAPORTE, Claude. La titrisation d'actifs en Suisse : asset-backed securitisation . Genève : Schulthess, 2005, 370 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:155629

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(2)

Asset-Backed Securitisation

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A

PUBLICATIONS DU CENTRE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER

www.unige.ch/cdbf

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en Suisse

Asset-Backed Securitisation

Claude Laporte

Schulthess S 2005

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diplôme d études approfondies en gestion d entreprise de l Université de Genève (HEC). Il est également docteur en droit de l Université de Genève.

Après avoir travaillé au département Clientèle Entreprises et Commerciale de UBS SA, il a été assistant au Centre d études juridiques européennes de

['Université de Genève.

Thèse n° 750 de la Faculté de droit de l Université de Genève.

Information bibliographique de <Die Deutsche Bibliotheb

Die Deutsche Bibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche National- bibliografie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à ('adresse <http://dnb.ddb.de>.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (gra- phique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d'enregistrement sont strictement interdites sans l'autorisation expresse et écrite de l'éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève • Zurich • Baie 2005

ISBN 3 7255 4925 7 Schulthess Médias Juridiques SA, Zurich • Baie • Genève

ISBN 2 2750 2644 4 Editions Juridiques Associées/LGDJ, Paris

ISBN 2 8027 2064 3 Bruylant, Bruxelles

www.schulthess.com www.lgdj.fr www.bruylant.be

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Cet ouvrage est basé sur une thèse soutenue à l'Université de Genève en juin 2004.

Mes remerciements vont donc d'abord aux membres de juiy de thèse, les professeurs Christian Bovet, Pascal Dumontier et Henry Peter, et Me Gilles Thieffry, avocat à Genève, pour la peine qu'ils se sont donnée, ainsi qu'à mon directeur de thèse, le professeur Luc Thévenoz, qui, par ses conseils, ses critiques, ses suggestions et ses relectures au cours de ces trois années de travail, a plus qu'amplement mérité que je l'appelle mon Doktorvater.

Ma reconnaissance va aussi aux professionnels qui ont accepté de m'accorder des entretiens et de répondre à mes questions - en particulier à Messieurs Manuel Leuthold et Thomas Von Arx, qui furent mes supérieurs directs chez UBS SA, et à Madame Barbara Lambert, associée chez Ernst & Young - et au professeur Bénédict Foëx de la faculté de droit de Genève qui m'a rendu attentif aux problèmes

juridiques liés au transfert des cédules hypothécaires.

Me Alexandre Richa, titulaire du brevet d'avocat, assistant au Centre de droit bancaire et financier de l Université de Genève, et Me Evelyne Clerc, docteur en droit, m'ont soutenu et encouragé pendant tout le processus de recherche et de rédaction. Leurs conseils m ont été précieux.

Les amis et parents qui m'ont prodigué leur affection tout au long de ce travail solitaire, et ce parfois jusqu à assister à ma soutenance de thèse, me pardonneront de ne citer parmi eux que Samuel Rayer, licencié en droit, Apostolos Touloumtzoglou, DEA en finance, Slobodan Despot et lustina luga ; que les autres sachent que ce n est que par manque de place que je ne les nomme pas.

Enfin et surtout, rien n'aurait été possible sans le soutien sans faille de mes père et mère, Claude Laporte et Irène Laporte, née Anisensel ; c'est à eux que je dédie cette thèse.

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Remerciements V

§ 1 Introduction 1

Première partie

La titrisation: objet, histoire et technique

§ 2 Présentation générale de la titrisation 5

§ 3 Petit historique de la titrisation 11

§ 4 Aspects techniques et économiques de la titrisation 49

§ 5 Comparaison avec des institutions voisines : affacturage, 68 lettre de gage et défaisance

Deuxième partie

Le véhicule de titrisation

§ 6 Le véhicule de titrisation : généralités 85

§ 7 Les solutions adoptées dans les pays de common law 89

§ 8 La solution française du fonds commun de créances 101

§ 9 Quelles institutions du droit suisse peuvent être utilisées 111 comme véhicule de titrisation ?

§10 Quelques propositions pour le droit suisse 169

(8)

Troisième partie

La titrisation et le transfert des actifs, des risques et des sûretés

§ 11 Questions liées au transfert des actifs : généralités 185

§ 12 L'acquisition des actifs par le véhicule 186

§ 13 Cas de séparations du sort des actifs titrisés 210 et des risques qui leur sont liés

§14 Le sort des actifs titrisés en cas de faillite de l'initiateur : 232 solutions étasuniennes et françaises

§ 15 Titrisation et faillite en Suisse 237

Quatrième partie

L'environnement de la titrisation : normes comptables, règles prudentielles et protection de la sphère privée

§ 16 Présentation 251

§ 17 La prise en compte de la titrisation par la comptabilité 252

§18 Les règles prudentielles et le choix des actifs à titriser 298

§19 Titrisation, secret bancaire et protections des données 321

§ 20 Conclusion 335

Bibliographie 337

Table des lois et ordonnances suisses citées 353

Table des arrêts cités 355

Table des graphiques 359

Liste des abréviations 361

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§ 1 Introduction

1.1 Le contexte de la thèse

La titrisation est une technique financière apparue aux Etats-Unis dans les années 1970, et qui permet aux entreprises de se financer par le côté actif du bilan, au lieu du financement traditionnel par le côté passif. Grâce au transfert de certains de leurs actifs à un véhicule à but spécial créé à l'occasion, les entreprises cédantes parvien- nent à augmenter le poste liquidités de leur bilan aux dépens d'autres postes de l'actif. Le véhicule finance l'achat de ces actifs en émettant des titres de participa- tion ou des obligations, créant ainsi deux variantes, selon que les investisseurs soient ses propriétaires ou ses créanciers. En dehors des possibilités de financement inté- ressantes qu'offre cette technique, elle peut aussi avoir des conséquences en matière

d'allégement du bilan ou de libération de capital réglementaire pour les banques.

On notera aussi qu'elle permet de commercialiser sur les marchés financiers des catégories d'actifs qui, auparavant, n'étaient pas assez liquides.

1.2 L'objet de la thèse

D'abord considérée comme le début d'une nouvelle ère* dans le système financier étasunien2, la titrisation a ensuite été adoptée dans d'autres pays anglo-saxons avant de prendre pied en Europe continentale où elle connaît un succès grandissant.

Cependant, une quinzaine d'années après son arrivée en Europe, elle reste mécon- nue du grand publie3. Son développement en Suisse a été tardif et reste modéré en comparaison internationale.

' Cf. KENDALL(1997),p. 1.

2 Petite remarque lexicographique : d'après le dictionnaire ROBERT, l'adjectif "étatsunien"

(variante "étasunien") est apparu dans la langue française en 1955. Cf. REY / REY-DEBOVE (1997), p. 826. Dans la suite du texte, nous utiliserons le plus souvent possible ce néologisme de bon aloi, trop peu utilisé en français, mais qui a des équivalents fort employés dans la plu- part des autres langues néo-latines, et qui nous paraît beaucoup plus précis que "nord-amé- ricain" ou "américain".

3 Cf. MARTIN Hervé, "La descente aux enfers de France Télécom", in Le Canard enchaîné, 5 septembre 2001, p. 3 : article où la titrisation est présentée comme une technique d'habi- tude utilisée par "des PME qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois"... Nous montre- rons au contraire que les montants nécessaires pour pouvoir faire une émission sur le mar- ché de la titrisation sont si importants que les PME peuvent difficilement apparaître comme acteurs de ce marché. Le journaliste aura sans doute confondu titrisation et affacturage.

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L'objet de cette thèse est d'analyser le phénomène de la titrisation dans le contexte du droit suisse. Cela même explique les particularités de cet exposé. Plutôt que de constituer un tout, les aspects juridiques de la titrisation ne peuvent être abordés qu'à travers le prisme de différents domaines du droit. En effet, on serait bien en peine de parler d'un droit suisse de la titrisation : au contraire de bon nombre d'autres pays, la Suisse n'a pas adopté une législation spécifique destinée à encadrer cette technique. Les opérations de titrisation, encore rares, qui ont été lancées par des entreprises suisses, n'ont pas donné lieu à jurisprudence, mais à des décisions des autorités administratives en matière fiscale et de surveillance bancaire. Il faut donc se fonder sur les textes légaux et la jurisprudence dans les différents domaines du droit qui sont pertinents pour une opération de titrisation, mais en sachant qu'il

faut transposer pour une application à la titrisation des règles qui n'ont pas été

conçues pour elle.

1.3 L'intérêt de la thèse

A notre avis, l étude des aspects juridiques de la titrisation en Suisse revêt un double

intérêt.

Sur le plan économique, nous pensons que la titrisation est une technique finan- cière utile dont cette thèse ne prétend d ailleurs pas énumérer toutes les applica-

tions possibles, et qui, après avoir longtemps été considérée comme une spécificité

étasunienne, devrait aussi attirer l intérêt des entreprises suisses - et pas seulement des banques.

En ce qui concerne l'aspect juridique, nous avons le sentiment que e est en fin de compte un intérêt supplémentaire pour notre thèse que la titrisation soit encore

peu développée en Suisse et qu'elle n'ait attiré l attention ni du législateur, ni des

tribunaux. Cela nous donne l'occasion de cerner certains problèmes et d'attirer l'attention sur certaines faiblesses que pourraient présenter des opérations de titri- sation dans le contexte du droit suisse. Nous aimerions que cette analyse des aspects

juridiques de la titrisation soit utile aux entreprises désireuses de titriser des actifs

et aux investisseurs qui souhaiteraient acquérir les titres émis lors d'opérations de ce type.

1.4 La délimitation du sujet

Ce travail se veut avant tout une thèse de droit suisse, et spécialement, mais pas uni- quement, de droit bancaire suisse. On ne trouvera donc de développements sur les droits étrangers, en particulier étasunien et français, que dans la mesure où ils sont

utiles à la compréhension des problèmes juridiques de la titrisation et offrent des

possibilités que nous pensons intéressantes pour d'éventuelles évolutions du droit suisse. Par ailleurs, les aspects fiscaux ne sont que mentionnés là où c'est nécessaire.

(11)

De même, nous avons limité les données d'ordre économique à ce qui est indispen- sable à la compréhension du sujet.

Enfin, une autre délimitation est contenue dans le titre même de la thèse : celle- ci se concentre sur la titrisation d'actifs bancaires, en grande partie parce que la titri- sation d'actifs détenus par d'autres entreprises que les banques est peu pratiquée en Suisse. Toutefois, la plupart des problèmes abordés ici se rencontrent aussi lorsque l'entreprise cédante n'est pas une banque.

Nous avons aussi pris le parti de centrer la thèse sur les titrisations dites clas- siques, où une entreprise cède des actifs avec les risques qui leur sont liés. Nous n'aborderons donc que très brièvement les titrisations synthétiques qui dissodent les actifs et les risques. Nous avons aussi fait le chobc de nous limiter aux opérations où l'on titrise des actifs localisés en Suisse, et nous n'abordons pas les titrisations transfrontalières, ni les questions de droit international privé.

La thèse fait en principe référence au droit en vigueur au l"' juillet 2004.

1.5 Plan de la thèse

La structure de l opération de titrisation détermine en grande partie le plan de cet ouvrage. Réduite à son plus petit dénominateur et malgré une grande variété d'applications concrètes, la titrisation consiste dans la cession d actifs d une entre- prise à un véhicule créé à cet effet. Après une première partie, descriptive et aussi économique, on trouvera donc une deuxième partie consacrée au véhicule de titri- sation et une troisième partie consacrée à la cession des actifs, avant une dernière partie qui se donne pour but de remettre la titrisation dans son contexte régle- mentaire.

La première partie est consacrée à la description de la titrisation, préalable à

toute analyse juridique. Dans le chapitre 2, nous tentons d'abord de définir avec précision ce que l on entend par titrisation et de décrire son mécanisme. Le chapitre

3 étudie le contexte juridique et économique qui a donné naissance à la titrisation

aux Etats-Unis, puis la réception de la titrisation dans d autres pays, et en particulier dans ceux de droit romano-germanique où l'environnement juridique ne semblait pas a priori favorable au développement de la titrisation. Nous examinons en

particulier les réactions opposées des ordres juridiques français et allemand par

rapport à cette évolution. Puis nous nous intéressons plus longuement au cas de la

Suisse et en particulier à la première opération de titrisation avec placement public

qui y eut lieu en 1998, l'opération TELL. Dans le chapitre 4, nous nous attardons enfin sur certains aspects particuliers de la titrisation, qu relèvent plus de l économie que du droit : avantages et inconvénients de cette technique, variété des actifs titri- sables, titres émis par le véhicule, mécanismes de garantie en faveur de l opération.

(12)

Cette première partie descriptive, historique et technique se termine avec le cha- pitre 5 consacré à la comparaison entre la titrisation et les institutions voisines que sont l'affacturage, la lettre de gage et la défaisance.

La deuxième partie de la thèse a pour objet le véhicule spécialisé (Spécial Pur- pose Vehick en anglais), qui est l instrument indispensable de la titrisation. Dans le

chapitre 6, nous expliquons quelles sont les caractéristiques générales que l'on

attend d une entité pour qu elle soit appropriée à la titrisation. Les chapitres sui-

vants montrent la concrétisation de ces caractéristiques générales dans trois ordres juridiques différents. Le chapitre 7 est consacré aux solutions adoptées dans les pays de common law, qui connaissaient depuis longtemps des institutions propres à jouer le rôle de véhicule de titrisation. Le chapitre 8 présente la solution retenue en France,

où l'on a introduit par voie législative une forme spéciale de copropriété conçue

pour être utilisée comme véhicule de titrisation. Les deux derniers chapitres de cette deuxième partie sont consacrés à la situation dans l'ordre juridique suisse. Dans le chapitre 9, nous analyserons les institutions du droit suisse sous l'angle de leur apti- tude à endosser les habits d un véhicule de titrisation. Dans le chapitre 10, nous examinerons si certaines modifications législatives ne sont pas susceptibles d'amé- liorer la situation suisse.

La troisième partie se concentre sur l'autre aspect majeur de la titrisation, qui est la cession d'actifs. Le chapitre 11 est une brève introduction aux problèmes que pose le transfert des actifs de l'entreprise au véhicule. Le chapitre 12 analyse l'acquisition des actifs en droit des Etats-Unis, en droit français et en droit suisse, et montre que le droit suisse est plus propice à la transmission des actifs qu'il ne l'est à la constitu- tion du véhicule. Le chapitre 13 montre comment il est possible de dissocier le sort des actifs et celui des risques qui leur sont liés, notamment dans le cadre de titrisa- rions synthétiques qui permettent de se prémunir contre les risques, tout en conser- vant la propriété des actifs. Pour qu'une opération de titrisation séduise les investis- seurs, encore faut-il que ceux-ci soient à l'abri d'une mainmise des créanciers de l'entreprise cédante sur les actifs titrisés : le chapitre 14 est consacré au sort des actifs

valablement cédés à un véhicule indépendant en cas de faillite du cédant.

La quatrième partie remet la titrisation dans le contexte réglementaire dans lequel évolue l'entreprise cédante. Après une brève introduction au chapitre 16, nous abordons le traitement comptable de la titrisation au chapitre 17. Le chapitre 18 est

spécifique aux titrisations d actifs bancaires, puisqu il examine à quelles conditions

la banque cédante peut obtenir une libération de capital réglementaire dans le sys- tème suisse actuel, et à la lumière du nouvel accord de Baie. Le chapitre 19 a pour commun dénominateur la protection de la sphère privée des débiteurs titrisés, sous l'angle du secret bancaire et sous celui de la protection des données.

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OBJET, HISTOIRE ET TECHNIQUE DE LA TITRISATION

§ 2 Présentation générale de la titrisation 2.1 Essai de définition

Par le mot titrisation, on désigne l'opération qui consiste à créer des titres financiers

à partir d'ensembles de créances*, c'est-à-dire à transformer des créances illiquides en titres négociables et liquides5, ou plus généralement transformer un actif illi- quide en un titre négociable6. Le procédé permet donc de transformer des créances de même nature, en principe non liquides, en des titres de qualité élevée, dont les flux financiers sont assurés par les actifs sous-jacents à ces mêmes créances. Il conduit à se financer par l'actifdu bilan, et s'apparente à un swap de créances contre

des liquidités. En pratique, une entreprise cède des actifs à une entité qui en finance

l'acquisition en empruntant auprès d'investisseurs. Ces derniers sont garantis éco- nomiquement par les actifs cédés par l'entreprise7.

Pour le dictionnaire ROBERT, la titrisation se définit comme la "mobilisation par

une banque des créances qu'elle détient"8. Le mot est récent, puisqu'il n'a fait son apparition en français qu'en 1987.

Le mot français "titrisation" correspond à l'un des sens du mot américain secu- ritization9 (le "sens étroit"), l'autre sens de securitization (le "sens large")10 se tra- duisant en français par "désintermédiation". La désintermédiation désigne le fait, à l'origine pour les entreprises et les institutionnels11, mais aussi de plus en plus

4 Cf. FRACHOT/ GOURIEROUX (1995), p. 5.

5 Cf. CERESOLI / GUIUAUD (1992), p. 10.

6 Cf.SERVIGNY(2001),p. 142.

7 Cf. LOMBARDINI (2002), § 16p. 112.

8 REY-DEBOVE / REY (1 997), p. 2260.

9 On écrit securitization aux Etats-Unis et securitisation en Grande-Bretagne. Le mot est apparu aux Etats-Unis en 1977. Cf. RANIERI (1997), p. 31.

10 HANS PETER BAR parle de "Securitisation im weiteren Sinne" et de "Securitisation im engeren Sinne".Cf.BAR(2000),p.26.

n En ce qui concerne les entreprises, la désintermédiation se traduit par la substitution de l'en- dettement obligataire à l'endettement bancaire, et donc le remplacement des établissements de crédit par le marché des capitaux. Sans vouloir trop s'étendre sur le phénomène de la dés- intermédiation, on se contentera de la statistique suivante (cf. BAR (2000), p.61) : en 1981, les émissions de papiers-valeurs représentaient 36% des financements internationaux, les prêts syndiqués 64% ; en 1996, les proportions étaient de 78% et 22% respectivement.

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pour les ménages12, de satisfaire leurs besoins financiers en dehors des circuits ban- caires traditionnels. Cette précision sémantique n'est pas dénuée d'importance, car nous verrons que les deux phénomènes de la désintermédiation et de la titrisation sont intimement liés. Pour éviter toute ambiguïté, nous n 'utiliserons dans la suite de cette étude, sauf exception, que les termes de la langue française. Par conséquent, nous préférerons systématiquement "titrisation" et "désintermédiation" à securitizatlon,

"titres adossés à des actifs" à Asset-Backed Securities, "véhicule de titrisation" à Spe- cial Purpose Vehicle, et ainsi de suite.

La terminologie allemande a tendance à employer le nom Verbriefung sans pour autant être aussi sûrement fixée13 que la terminologie française, espagnole ou ita- lienne (en Espagne et en Italie, les termes titulizacion, respectivement carîoîarizza- zione, sont consacrés par la loi). On rencontre aussi dans la terminologie suisse alé- manique l'anglicisme Securitisierung.

Une dernière remarque sémantique : le droit suisse consacre le mot "titrisation", mais au sens de l'incorporation de parts de fonds de placement dans des papiers- valeurs, dans l'intitulé de l'article 24 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les

fonds de placement du 19 octobre 1994 (OFP)14. Les textes allemand et italien uti-

lisent les mots Verurkundung et incorporazione. "Titrisation" devient ici l'antonyme de "dématérialisation". NOMS n'emploierons jamais le mot dans ce sens dans la suite de ce texte.

2.2 Structure de base de la titrisation

Nous constaterons par la suite que les opérations de titrisation sont d une extrême variété, de par la nature des actifs à titriser, en raison de la façon dont sont aména- gés les flux financiers provenant des actifs titrisés et redistribués aux investisseurs, et du fait des contraintes imposées par les différents ordres juridiques. Néanmoins, toute opération de titrisation peut être ramenée au schéma de base suivant.

La titrisation met en jeu quatre catégories d'acteurs, dont trois sont indispen- sables :

- L'initiateur ou cédant (originator en anglais) est l'entité détenant les actifs à titriser dans son bilan et souhaitant se refinancer en les cédant ou en vendant ses revenus futurs. Dans la plupart des cas, en Europe, il s'agira d'une banque. Mais, aux Etats-Unis, les sociétés financières des constructeurs automobiles, par exem-

En ce qui concerne l'attitude des ménages, on se reportera avec profit à l'article de CANTO Georges, "Les particuliers aussi se laissent séduire par la désintermédiation", in Banque Assurance n° 3/02, Genève 2002, pp. 28-33.

Sur les hésitations de la terminologie allemande, cf. BAR (2000), p. 36.

RS 951.311.

(15)

ple, figurent parmi les initiateurs les plus importants sur le marché de la titrisa-

tion15. Et la première titrisation en France (CAC-Titrisation le 15 décembre 1989)

concernait des créances détenues par la Compagnie des agents de change de Paris sur différentes sociétés de bourse16.

- L'émetteur est généralement une structure ad hoc (Spécial Purpose Vehicle l

SPV ; véhicule de titrisation ou société ad hoc/ SAH en français) dont les seuls actifs

sont ceux repris de l'initiateur et sur la base desquels il émet des titres négociables qui pourront être notés par les agences spécialisées et cotés en Bourse si besoin est pour les investisseurs. C'est en général la mise en place du véhicule de titrisation qui pose le plus de problèmes juridiques dans les pays de droit romano-germanique.

- Les intermédiaires comprennent les agences chargées d attribuer une notation à l'émission et les banques d affaires chargées du montage de l opération et du pla- cernent des titres (ces dernières fonctions sont parfois exercées par l'initiateur, lors- qu'il est lui-même une banque).

Pour attribuer une notation à une émission dans le cadre d une titrisation, les

agences attribuent une probabilité de défaut à chaque actif titrisé ; cette probabilité est déterminée à partir de statistiques passées de défaut d actifs de cette catégorie

(ce qui réduit la marge d erreur pour des actifs comme les créances hypothécaires, pour lesquels on dispose de séries statistiques sur une durée relativement longue).

Le passage de la probabilité de défaut pour chaque élément du portefeuille titrisé à la probabilité de défaut pour l émission dans son ensemble est ainsi expliqué par SERVIGNY : "A l'échelle du portefeuille, une distribution de la probabilité d'obtenir

un niveau global de défaut donné, est calculée à partir d'une agrégation des proba-

bilités de défaut de chaque prêt. Un taux de défaut est alors obtenu en divisant par

l'encours du portefeuille cédé. Ce taux de défaut est ajusté à la maturité du porte- feuille sous-jacent."17

- Le garant, lorsqu'il existe, est une banque ou une compagnie d'assurance qui garantit, dans certaines opérations, tout ou partie du risque de paiement aux inves- tisseurs et permet aux agences de notation financière de rehausser la note attribuée aux titres émis. Il arrive aussi que l'initiateur fournisse lui-même certaines garan- ties. Cependant, dans la plupart des titrisations, la structure de l'opération est elle- même conçue pour rehausser le crédit (crédit enhancement en anglais) et l'inter- vention d'un garant est de plus en plus rare.

Pour une description du rôle des constructeurs automobiles sur le marché de la titrisation aux Etats-Unis, cf. l'article d'un vice-président de Chrysler Financial Corporation : cf.

CANTWELL(1997), pp. 55-65.

Données techniques de cette opération in FERTE/CASSETTE (1991), p. 108.

SERVIGNY(2001), pp. 1455.

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2.3 Description simplifiée d'une opération de titrisation

On notera que la titrisation implique l'existence d'au moins deux flux financiers : à l'origine, un flux lié à l'achat d'un portefeuille de créances, les ressources prove- nant de l'émission des titres; en cours de vie, un flux destiné à la rémunération des investisseurs. En principe, un troisième flux représente le retour du surplus à l'ini- tiateur après le remboursement des investisseurs.

De manière très schématique, le déroulement d'une opération de titrisation peut être résumé de la façon suivante :

l. L'initiateur acquiert des actifs financiers (prêts, livraison de biens, facilités de paiement) et dispose ainsi d'un portefeuille de créances.

2. L'initiateur vend ce portefeuille de créances à un véhicule de titrisation18 qui se refinance par une émission de titres auprès des investisseurs (premier flux). On notera que ces titres peuvent faire l objet d'un placement privé ou public. Les créan-

ces sont retirées de l actif du bilan de l initiateur et remplacées par des liquidités.

3. Dans la plupart des cas, l initiateur conserve la gestion des créances titrisées et les débiteurs continuent à s'acquitter de leurs paiements d'intérêts et d amortis- sements entre ses mains.

4. Les paiements sont transférés par l'initiateur au véhicule de titrisation qui les utilise pour rembourser les investisseurs (deuxième flux).

Nous verrons par la suite que, sur cette structure de base, la pratique a déve- loppé un très grand nombre de variantes au fil des années. Cependant, ces grandes lignes restent toujours valables dans les titrisations directes : un véhicule financier spécial (SPV) émet, pour des investisseurs institutionnels ou privés, des titres garan-

tis ou adossés à un bloc défini d'actifs, en général des crédits hypothécaires ou com-

merciaux, que l'on sort du bilan de l entreprise qui est à l'origine de l'opération et qui les cède au SPV contre paiement d'une somme empruntée aux investisseurs.

On trouve aussi dans la littérature francophone l'expression "structure spécifique dédiée".

Cf.SERVIGNY(2001),p. 142.

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Figure 1

Le mécanisme de la titrisation

Initiateur Véhicule Marché

Titres adossés aux actifs

Liquidités

2.4 Principales conditions juridiques de la titrisation

La réussite de l'opération de titrisation passe par la réunion d'un certain nombre

de conditions juridiques19.

A. Il faut que le montage de l'opération permette d'isoler les actifs titrisés des autres actifs en mains de l'initiateur d'une manière réelle et non seulement théo- rique. Cette exigence a d'autant plus d'importance que l'initiateur conserve en prin- cipe la gestion au jour le jour des actifs titrisés et que le débiteur continue à s'ac- quitter en mains de son créancier d'origine. Pour atteindre cet objectif, il faut que la vente des actifs au véhicule soit considérée comme une véritable vente (true sale), c'est-à-dire qu'il y ait une véritable cession, qu'on ne puisse plus la remettre en cause et que l'initiateur n'ait aucun droit de recours sur les actifs titrisés (ni ses créanciers aucun droit de révocation20) dans le cas de sa propre faillite.

Cf. KRAVIH (1996), pp. 1-3; BAR (2001), p. 103.

En Suisse, l'artide 285 alinéa 1 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP — RS 281.1) prévoit l'action révocatoire ou actio pauliana : "La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux articles 286 à 288". Voir aussi l'article 1167 du Code civil français, et les articles 107-110 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liqui- dation judiciaire. L'action révocatoire est l'objet du paragraphe 15.1 de la présente thèse.

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B. Cela suppose qu'un soin particulier soit apporté à la constitution du véhicule de titrisation. Celui-ci doit être "protégé" vis-à-vis de l'initiateur, idéalement afin de se trouver hors de son périmètre de consolidation (ce qui est nécessaire pour que les actifs vendus au véhicule sortent réellement du bilan de l'initiateur), mais aussi hors de son périmètre de faillite (bankruptcy remoteness) en ce sens qu'il soit hors de la mainmise des créanciers de l'initiateur. Le véhicule de titrisation idéal sera donc celui qui jouit d'une réelle indépendance vis-à-vis de l'initiateur tout en exi- géant le moins de frais pour sa constitution et son fonctionnement et en offrant l'avantage de la neutralité fiscale. On verra par la suite que certains pays comme l'Allemagne se montrent particulièrement exigeants quant à l'indépendance du véhicule vis-à-vis de l'initiateur. Ce n'est pas le moindre intérêt de la titrisation que de permettre aux investisseurs de continuer à percevoir la rémunération de leurs

titres lors même que l établissement à l origine de l émission aurait fait faillite.

Par ailleurs, l initiateur cherchera dans la mesure du possible à ce que le véhi- cule de titrisation prenne la forme d une entité fiscalement neutre ou transpa- rente , ce qui est beaucoup plus facile dans certains ordres juridiques (Etats-Unis ou Grande-Bretagne) que dans d autres (Allemagne ou Suisse).

On retiendra donc que les principaux problèmes juridiques qui se posent dans

le montage d'une titrisation sont liés à la cession parfaite des créances et à l'indé- pendance du véhicule de titrisation. Mais la titrisation pose aussi d'autres problè- mes juridiques, en rapport avec le secret bancaire ou le ratio de fonds propres par rapport aux engagements de la banque cédante.

Les titres émis par le véhicule doivent être des valeurs mobilières, par exemple des papiers-valeurs21, qui peuvent faire l'objet d'un placement privé auprès d'in- vestisseurs institutionnels, mais l idéal est d'arriver à créer un marché secondaire boursier. On a pu observer cette évolution aux Etats-Unis où, après avoir fait un certain temps l'objet de placements privés, les titres adossés à des créances hypo- thécaires (Mortgage-Backed Securities)22 sont devenus le deuxième segment du mar- ché des capitaux derrière les bons du Trésor.

En Suisse, l'artide 965 du Code des Obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220) définit les papiers-valeurs comme "tous les titres auxquels un droit incorporé est incorporé d'une manière telle qu'il soit impossible de le faire valoir ou de le transférer indépendamment du titre".

Le mot mortgage, qui désigne l'hypothèque en anglais, vient du français du Moyen Age. Le droit de l'andenne France connaissait l'opposition entre le "mort-gage", c'est-à-dire les sûretés réelles en général, et le "vif-gage", c'est-à-dire les sûretés personnelles en général. Cf. BARTHET Bernard, S'enrichir en dormant, Desclée de Brouwer, Paris 1998, pp. 58-60. A l'origine, on parlait de "mort-gage", non parce que la garantie du gage était un bien inanimé, mais parce que l'emprunteur laissait au prêteur un de ses biens fonciers dont celui-ci percevait les revenus sans que ces fruits vinssent en déduction du montant de la créance. Cf. LATOUCHE Robert, Les origines de /'économie occidentale, 2nde édition, Albin Michel, Paris 1970, p. 258.

(19)

Pour désigner ces titres, on emploiera dans la suite de ce travail les noms origi- naux anglo-saxons ou, selon les circonstances, des termes français dont on ne peut prétendre qu'ils sont consacrés, mais qui ont cependant l'avantage de se rappro- cher de la réalité: titres collatéralisés (puisqu'ils reposent sur un collatéral , un actif sous-jacent), titres adossés à des actifs ou titres représentatifs de créances . De préférence, nous utiliserons le terme titre adossé qui a l avantage d être plus neutre.

§ 3 Petit historique de la titrisation

3.1 Une technique née aux Etats-Unis

L'une des idées qui sont à la base de la titrisation - substituer à la qualité d'un

emprunteur la qualité de certains de ses actifs - est certes ancienne, puisque les Etats pontificaux auraient effectué des emprunts adossés aux revenus de leurs mines d'a- lun dès le XVIe siècle23 et que les premières lettres de gage émises en Prusse en 1770 représentaient un essai de titrisation primitive. Ces prémisses n ont cependant exercé aucune influence sur la naissance de la titrisation telle que nous la connais- sons aujourd'hui, qui est bel et bien une création nord-américaine. Il est donc important de garder à l'esprit que la titrisation est née et s'est développée dans un contexte bien particulier : celui du système financier étasunien au début des années

1970. Certaines contraintes juridiques liées à la législation de l époque ont eu sur le

fonctionnement du secteur financier des conséquences négatives qui rendaient inévitable le recours à la titrisation. Il convient donc de rappeler quelles restrictions - aujourd'hui en grande partie levées - le droit des Etats-Unis imposait aux diffé- rents acteurs du système financier.

Au début du XIXe siècle, le secteur bancaire aux Etats-Unis avait été caractérisé par une anarchie et un manque de surveillance fort dommageables pour les épar- gnants et pour l'Etat fédéral. Ce n'est qu'à partir de la Guerre de Sécession (1861- 1865) que le Congrès s'est vraiment soucié de mettre en place un cadre législatif pour l'activité bancaire et financière. Ce processus se fera en plusieurs étapes sur près de quatre-vingts ans.

La loi sur la monnaie nationale (National Ciirrency Act) du 25 février 1863 et la loi sur les banques nationales (National Banking Acî) du 3 juin 1864 mettent en

place un système dualiste. En particulier, la loi de 1864 encourage l'octroi d'une charte fédérale à des banques locales en leur imposant des exigences modestes en matière de capitalisation. On permet aussi à des banques de demander l'octroi d'une

" Cf. SHOWERING (1999), § 6.1.2. p. 126.

(20)

charte fédérale dès leur création, mais en les soumettant à des exigences plus éle- vées. Jusqu'alors, il n'y avait que des banques au bénéfice d'une charte, c'est-à-dire d'une autorisation, délivrée par un des Etats fédérés. A partir de 1863, il convient donc de faire une distinction entre les National Banks et les StateBanks24. Mais cette législation maintient le principe selon lequel chaque banque, même nationale, ne

peut agir que dans l'Etat de son siège principal. Elle met en place une autorité de

surveillance des National Banks, le Comptrolkr ofthe Currency.

Suivront la loi sur la monnaie (Currency Act) de 1900 puis la loi sur la réserve fédérale (Fédéral Réserve Act) de 1913 qui crée enfin une banque centrale aux Etats-

Unis, alors que la Banque d'Angleterre existe depuis 1694, la Banque de France depuis 1800 et la Banque nationale suisse depuis 190725. Ses gouverneurs se voient confier la surveillance des National Banks (en concurrence avec le Comptroîkr of the Currency) et de celles des State Banks qui en font la demande. Enfin, en 1927, la

loi Me FADDEN avait réaffirmé le principe de limitation de l'activité des banques et

des caisses d'épargne à un seul Etat.

La terrible crise économique26 qui suivit l'effondrement de la Bourse de Wall Street le 24 octobre 1929 démontra le peu d efficacité de cette législation. Même en

période de prospérité, les banques étaient extrêmement fragiles aux Etats-Unis, où

on avait enregistré environ 6 000 faillites bancaires entre 1920 et 1929, soit pas

moins de 600 par an en moyenne. En période de crise, les banques se retrouvèrent dans une situation catastrophique: il y eut environ 10 000 faillites bancaires entre 1930 et 1934, soit une moyenne de 2 500 par an ! Le nombre total des banques, qui

était passé de 12'427 (3'731 National Banks et 8'696 State Banks) en 1900 à 24'970 (7'530 National Banks et 17'440 State Banks) en 1929 s'effondra à 14'207 (4'897

National Banks et 9310 State Banks) en 1933. Bien sûr, ce furent surtout des peti- tes banques implantées en milieu rural qui succombèrent. Mais des pertes furent aussi causées aux épargnants et aux banques par certaines activités de spéculation effrénée sur les papiers-valeurs à Wall Street. Les banques américaines, exsangues, avaient besoin d'une intervention étatique.

La crise de 1929 amena donc la mise en place des derniers contours de la légis- lation financière étasunienne par une série de lois adoptées en 1933-1934. On s'efforça notamment de prévenir les délits d initiés et de rendre plus transparent le fonctionnement des bourses de valeurs. Mais la loi la plus importante pour les

Le Canada connaît aussi la dualité entre "banques à charte fédérale" et "banques à charte provinciale".

Les Etats-Unis avaient connu deux tentatives infructueuses de mise en place d'une banque centrale, de 1791 à 1811, puis de 1816 à 1836.

Aux Etats-Unis, le produit national brut chuta de 46% en quatre ans, et le taux de chômage grimpa de 3,2% à 24,9% ! Cf. LOVETT (2001), p. 52. Le chiffre de 12 millions de chômeurs fut dépassé en 1932. Cf. LACROIX Jean-Michel, Histoire des Etats-unis, Presses universitaires de France, Paris 1996, tableau 1 p.376.

(21)

banques fut sans doute la loi dite GLASS / STEAGALL du 16 juin 1934 qui, pour éviter

la répétition de certaines spéculations funestes pour les déposants auprès des banques27, créait une séparation totale et hermétique entre l'activité de banque commerciale (dépôts et crédits) et celle de maison de titres / banque d'investisse- ment. Il était interdit aux banques commerciales de vendre ou de distribuer des valeurs mobilières, sauf lorsqu'il s'agissait d'obligations émises par une entité gou- vernementale avec la pleine garantie de celle-ci, et il était interdit aux banques d in- vestissement de recevoir des dépôts de la clientèle. Cette séparation, exact contraire du concept allemand ou suisse de la banque universelle, eut pour effet heureux inat- tendu d'entraîner une spécialisation efficace des différentes catégories de banques.

Une autre décision importante fut la création d'un organisme fédéral de garan-

tie des dépôts jusqu'à un montant de 2'500 dollars (plus tard porté à l OO'OOO dollars), la Fédéral Deposit Insurance Corporation (FDIC), elle aussi dotée de certains pouvoirs

de surveillance en concurrence avec le ComptroUer of the Cunency et la Réserve fédérale. La FDIC repose en fait sur un système de primes d'assurances modestes payées par les banques, sans distorsion de concurrence, et ne représente pas une garantie directe de l'Etat.

Les réformes adoptées en 1933-1934 se révélèrent d'une grande efficacité,

puisque le nombre des faillites bancaires tomba à 470 pour la période 1934-1940

(une moyenne annuelle de 67, alors qu'il y en avait eu 3 600 en un an au plus fort

de la crise), puis à 242 pour la période 1941-1980 (une moyenne annuelle de 6).

Après la Deuxième Guerre mondiale, on vota encore un certain nombre de lois,

en 1956, 1960 et 1966, pour limiter le plus possible les fusions et acquisitions dans

le secteur bancaire.

On retiendra donc qu'au moment où la titrisation est apparue (1970), le secteur bancaire américain présentait trois caractéristiques majeures : l'absence de concen- tration (13'690 banques commerciales en 1970), la restriction de l'activité à un Etat (mais l activité à l'étranger était autorisée) et la stricte séparation entre les banques

spécialisées dans les affaires de crédit et les banques spécialisées dans le négoce de

titres - ce qui a son importance pour notre sujet, dans la mesure où la titrisation vise en fin de compte à transformer économiquement des crédits en titres.

L'historien français JEAN-MICHEL LACROIX explique ainsi le mécanisme de spéculation qui rendit nécessaire le vote de la loi GIASS / STEAGALL : "Le marché américain des valeurs (en 1929 - NdL) a pour principale caractéristique de ne pas connaître les opérations à terme.

Les achats et les ventes se font au comptant mais, le plus souvent, les agents de change {brokers) acceptent d'intervenir pour le compte d'un client s'il règle au comptant 10%

seulement de la valeur achetée et dépose des titres pour le montant restant. Les avances de 90% de la valeur des titres ainsi consenties au spéculateur conduisent les courtiers à emprunter eux-mêmes aux banques mais les avances aux brokers n'étant pas contrôlées, on imagine aisément les risques encourus dans cette activité spéculative." LACROIX Jean- Michel, Histoire des Etats-Unis, Presses universitaires de France, Paris 1996, pp. 365 s.

(22)

Les caisses d épargne (Savings andLoans) constituaient un autre acteur majeur du système financier américain. En 1981 encore, les caisses d'épargne avaient 663 milliards de dollars d'actifs, contre l'808 milliards pour les banques commercia- les28. L'usage aux Etats-Unis les regroupait avec les Mutual Saving Banks 6- Saving

Banks (banques coopératives) et les Crédit Unions (coopératives de crédit mutuel sur le modèle québécois des Caisses populaires Desjardins, lui-même inspiré des

Caisses Raiffeisen allemandes29, mais dont le cercle souvent limité de déposants fait parfois penser à des caisses d'épargne d'entreprise30) sous le nom de thrifts. Les 5'669 caisses d'épargne, 497 banques coopératives et 23'656 coopératives de crédit mutuel

recensées aux Etats-Unis en 1970 bénéficiaient de certains privilèges qui les favori-

saient aux dépens des banques commerciales. En particulier, une législation appe-

lée Régulation Q définissait un plafond de taux d'intérêt sur les dépôts à terme auquel n étaient pas soumis les thrifts qui pouvaient facilement attirer les déposants

en leur offrant une rémunération supérieure à celle des banques. Les dépôts auprès des caisses d épargne étaient garantis par la Fédéral Savings andLoans Insurance Cor- poration (FSLIC)31, moyennant le paiement d'une prime d'assurance modique et, qui plus est, toujours calculée en fonction du volume de dépôts, sans aucun ajus- tement par rapport au risque. Les caisses d'épargne utilisaient en général les dépôts

Cf. LovErr(2001), p. 239.

Les Crédit Unions se sont développées avec un certain retard aux Etats-Unis. Les caisses Raif- feisen existaient en Prusse depuis 1853 et les caisses Desjardins au Québec depuis 1900 (cf.

RivoiREjean, Histoire de la banque, 2e édition, PUF, Paris 1992, pp. 80-81 ; PROVENCHER Jean, Chronologie du Québec. 1534-2000, Montréal 2000, p. 192). Ce n'est qu'en 1909 que leur équivalent apparut aux Etats-Unis, l'une de ces premières caisses ayant d'ailleurs été fondée dans le Massachusetts par des immigrés canadiens francophones. Cf. LOVETT (2001), p. 286, et RIVOIRE (1992), pp. 79-81. Les Crédit Unions ont eu un moindre développement que les caisses Raiffeisen ou les caisses Desjardins, car elles tendent à ne regrouper que des personnes ayant des liens entre elles : employés de la même entreprise, membres de la même associa- tion, fidèles de la même paroisse... L'esprit mutualiste et l'/nfu/fupersonae restent dominants dans les Crédit Unions aux Etats-Unis. Pour l'exemple de la fondation d'une Crédit Union pour le diocèse roumanophone de l'Eglise orthodoxe d'Amérique, accompagné d'une réflexion sur les avantages de ce système de crédit mutuel, cf. le numéro de décembre 1999 de la revue Solia - The Herald, disponible sur Internet à l'adresse www.roea.org/0001/ho00005.htm.

Cf., en Suisse, l'article 3a alinéa 4 lettre e de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les banques et les caisses d'épargne du 17 mai 1972(OB - RS 952.02). Il est à noter que, suite à la faillite des groupes André et Swissair, la Commission fédérale des banques a pris une position réso- lument hostile à l'existence des caisses d'épargne d'entreprise (cf. CFB 2001, pp. 186 s.), confirmant ainsi sa position antérieure que le Conseil fédéral n'avait pas suivie lors de la révi- sion de l'OB en 1994 (cf. CFB 1994 pp. 114s.). Cette prise de position n'a pas eu plus d'effet que la précédente, le Conseil fédéral ayant finalement décidé le 10 septembre 2003 de ne pas supprimer ces caisses, qui ne détiennent plus que pour quelque 3 milliards de francs de dépôts, dont 90% pour les cinq plus grandes caisses. Cf. communiqué de presse du Dépar- tement fédéral des finances du 10 septembre 2003.

Depuis la réorganisation du secteur des thrifts en 1989, la FSLIC a disparu. Le système de garantie des dépôts est aujourd'hui unifié autour de la FDIC à la fois pour les banques com- merciales et pour les thrifts. Cf. GAGEY (1990), p. 39.

(23)

de la clientèle pour faire des prêts hypothécaires, à la différence des banques com-

merciales qui se consacraient surtout aux prêts aux entreprises. Le secteur des thrifts se caractérisait donc par son caractère protégé et sa non-conformité aux règles du marché, qui avaient permis une générosité certaine dans l'octroi des crédits. Il en était résulté un énorme développement du marché hypothécaire primaire, l'en-

cours des crédits hypothécaires passant de 55 milliards de dollars en 1950 à 700 milliards en 1976 et l'200 milliards en janvier 198032.

Dernier acteur important, et qui allait être à l'origine de la titrisation : le sys- tème fédéral d* aide au logement. Ce système reposait principalement sur trois agen- ces33 :

- La Fédéral National Mortgage Association, plus connue sous le nom de "Fan- nie Mae", créée en 1934, privatisée en 1968 tout en restant sous l'autorité du gou- vernement fédéral, avait initialement pour fonction de réguler et soutenir le mar- ché hypothécaire en achetant des créances. Son activité actuelle reste l'animation

du marché des prêts hypothécaires et le refinancement des crédits hypothécaires,

par l'achat de créances ou de titres représentatifs.

- La Government National Mortgage Association, dite "Ginnie Mae", créée en 1968, est la seule agence à faire aujourd'hui partie de l'appareil gouvernemental, puisqu'elle dépend du ministère du Logement. Elle fournit une garantie de paie- ment du principal et des intérêts, mais ne participe ni au montage, ni au placement,

ni à l'administration des titres hypothécaires.

-La Fédéral Home LoanMortgage Corporation ouu f reddiçM.ac", créée en 1971, est une entreprise privée sous surveillance du gouvernement dont le but est de déve- lopper le marché secondaire des créances hypothécaires.

En pratique, "Freddie Mac" est actif sur le segment des objets immobiliers dont la valeur unitaire est inférieure à 322'700 dollars, et "Fannie Mae" sur le segment des objets de plus grande valeur. Ce sont de véritables puissances financières, qui contrôlaient en 2002 la moitié des hypothèques existant aux Etats-Unis34.

"Fannie Mae" et "Freddie Mac" sont des sociétés cotées à la Bourse de New York35, qui combinent ainsi le statut de société privée avec les avantages de la garan- tie de l'Etat, laquelle leur permet, entre autres, d'obtenir des taux de refinancement plus avantageux.

32 Cf.LEWis(1988),p.97.

33 Cf. GAGEY (1990), pp. 177-179.

34 Cf. Hossu Peter, "Bei ,,Fred" ist Feuer im Dach", in Cash, n° 25, Zurich, 20 juin 2003, p. 28.

35 Voira propos de "FannieMae" les recommandations d'un analyste financier in PINGUELYNICO- las, "La hausse des primes soutiendra la réassurance", L'Agefi, 3 octobre 2001, p. 40.

(24)

3.2 Naissance et développement de la titrisation aux Etats-Unis

Le système financier des Etats-Unis qui, nous venons de le voir, avait été pour l'essentiel organisé en 1933-1934, connaissait vers 1970 un certain nombre de dys- fonctionnements qui allaient encourager l'apparition, puis le développement de la

titrisation, d'abord dans le domaine des hypothèques résidentielles.

l. La législation en vigueur limitait l'activité des banques commerciales à l'Etat de leur siège social. Or il y avait une forte demande de nouveaux logements, et donc de prêts hypothécaires, sur la côte Ouest, et une abondance de capitaux sur la côte Est, notamment chez les puissantes banques new-yorkaises. Il devenait intéressant de trouver une solution pour contourner la législation et mettre en contact banques et emprunteurs potentiels.

2.Pendant 30 à 35 ans, le système d'accession à la propriété avait reposé sur les caisses d'épargne qui accordaient des prêts hypothécaires à taux fixe à 30 ans36 finan- ces par les dépôts à court terme des épargnants, dans un contexte de forte crois- sance et de taux d intérêt stables. Dès 1965, suite à une politique monétaire plus restrictive, les caisses d épargne eurent de plus en plus de mal à assurer la gestion du risque de taux entre leurs dépôts et leurs prêts. La création d'une nouvelle pos- sibilité de refinancement à travers un marché secondaire des créances hypothécaires devenait vitale.

3. En dernier lieu, le volume des hypothèques résidentielles augmentait beau- coup plus vite, en raison en particulier d'une plus grande propension des ménages à l'endettement, que la richesse nationale dans son ensemble ou que l'épargne, et le phénomène devait encore s'aggraver dans les années 1980. Il était urgent de trouver de l'argent, y compris en allant le chercher sur le marché des capitaux.

La titrisation, d'abord sous la forme de mortgage pass-throiigh securities, fut la réponse à ces trois dysfonctionnements. En 1970, Ginnie Mae procéda à la première

titrisation d'hypothèques résidentielles. La première titrisation à faire l'objet d'une

notation par une agence eut lieu en Californie en 197537. La titrisation fut d'abord lente à prendre son essor, et on ne commença vraiment à en parler dans le public

qu'à partir de 1977. Les titrisations offrirent des produits de plus en plus raffinés :

première titrisation d'hypothèques commerciales en 1983, de créances hypothé- caires à taux variable en 1984, de créances non-hypothécaires en 1985 ; première

émission de Collateralized Mortgage Obligations (cf. paragraphe 4.6) en 1983, pre-

mières émissions de tranches à taux variables et d'obligations démantelées en 1986...

Le marché connut un développement extraordinaire à partir de 1985, devenant vite le deuxième segment du marché des capitaux après les bons du Trésor. En 1994, on

36 II faut préciser ici que l'on n'a jamais connu en Suisse des prêts à taux fixe sur une aussi longue durée.

37 Cf. LuKE/BuRKE(1998),p.205.

(25)

pouvait parler d'une nouvelle ère dans le système financier américain : à cette date,

on avait déjà titrisé, par exemple, 40% des hypothèques "monofamiliales".

L'encours total de titres adossés à des actifs aux Etats-Unis atteignait 3'500 milliards

de dollars fin décembre 1998 et 5'600 milliards de dollars fin mars 2002. Les émis-

sions sont constamment supérieures à 500 milliards de dollars par an, et les Etats- Unis représentent encore environ 65% du marché mondial de la titrisation.

Il faut dire que le développement de la titrisation aux Etats-Unis a été grande-

ment aidé par des facteurs juridiques, de droit privé comme de droit administratif.

En premier lieu, le droit privé issu de la common law, avec l'existence de l'insti-

tution du trust, qui fournissait une forme juridique adéquate pour les véhicules de

titrisation, offrait à cette nouvelle technique un environnement plus propice que

des systèmes juridiques plus rigides.

En second lieu, la titrisation bénéficia d'un soutien appuyé de la part de diver-

ses autorités fédérales. Les banques commerciales n'ont pu apparaître comme acteurs sur le marché de la titrisation que grâce à l'interprétation bienveillante de la loi GLASS / STEAGALL pratiquée par le Comptrolîer of the Cim'ency. D'abord, on estima que les titres émis dans le cadre des opérations de "Ginnie Mac" étaient des obligations d'Etat dont le négoce par les banques commerciales était autorisé. Par la suite, ces banques furent autorisées à agir en tant que souscripteur et négociant

de titres représentatifs de créances hypothécaires sur la base de la théorie de la

transparence : il fallait faire abstraction de la structure de la transaction et tout sim- plement l assimiler à la cession de créances hypothécaires. Cette bienveillance tom- bait à point nommé pour des banques commerciales dont le phénomène mondial

de désintermédiation38 menaçait la rentabilité et pour qui il fallait réapparaître

d'une manière ou d une autre sur le marché des capitaux.

Mais, en définitive, c'est la loi fiscale du 30 septembre 1981 qui a assuré le

décollage de la titrisation, en permettant aux institutions d épargne de vendre la

totalité de leurs prêts afin de dégager de nouvelles liquidités et d améliorer de ce fait

leur rendement. Il faut rappeler que 1981 fut précisément lannée qui vit l'ensem-

blé des caisses affiliées à la FSLIC afficher de lourdes pertes40.

Ce phénomène se caractérise non seulement par le recours de plus en plus fréquent des entreprises à un endettement obligataire plutôt qu'à l'emprunt bancaire, comme on l'a vu, mais aussi par la stagnation de l'épargne au profit d'autres formes de placements jugées plus rentables par les particuliers. Par exemple, la part des dépôts bancaires dans la fortune financière des ménages privés aux Etats-Unis est passée de 27% à la fin des années 1970 à 18% en 1992. La valeur globale des dépôts à terme de moins de WO'OOO dollars et des comptes d'épargne a baissé de 4,4% entre 1972 et 1992 ; les autres formes de dépôts ont stagné. Cf. PAUL (1994), pp. 55-56.

Cf. CERESOLI / GUILLAUD (1 992), p. 61.

Cf. HAYEM(1989), p. 129.

(26)

Les thrifts se mirent à titriser leurs créances avec des moins-values considéra- blés (souvent à 65% du pair des créances) , ce qui avait au moins l avantage d'of- frir aux investisseurs la garantie de l overcoîlateralization (ou surdimensionne- ment). Le but était de se défaire de ses créances le plus vite possible et à n'importe quel prix, d'autant plus que les titres ainsi émis étaient surtout rachetés par d'aut- res caisses d épargne... Mais la loi fit beaucoup mieux : elle permettait de cosmé- tiser les moins-values en les amortissant sur toute la durée de vie des prêts restant à courir (e est-à-dire sur des décennies dans de nombreux cas...) et surtout elle auto- risait les institutions d épargne à recourir au carry back, c'est-à-dire au report des pertes dans le passé. Les institutions d épargne pouvaient éponger leurs pertes dues à la titrisation sur les dix exercices précédents et se faire rembourser par le fisc des impôts versés précédemment. Dès lors, elles avaient intérêt à titriser le plus de créances possibles à n importe quel prix.

Il faudrait encore mentionner le rôle positif des lois de 1986 (création des REMI- C's42) et 1996 (création des FASIT's43) qui ont assuré la neutralité fiscale des véhi-

cules de titrisation. On peut aussi citer le Secondary Mortgage Enhancement Act de

1984 qui a facilité la titrisation des prêts hypothécaires en souffrance44.

Le système financier étasunien a subi des transformations fondamentales depuis

les années 1970. La titrisation avait été la première brèche dans la loi GLASS / STEA- GALL ; la loi GRAMM / LEACH / BLILEY de 1999 a pratiquement supprimé la sépara-

tion entre banques commerciales et banques d'investissement en permettant la

création de Financial Holding Companies (FHC) pouvant regrouper sous le même

toit banque commerciale, banque d investissement et compagnie d'assurances45.

Les fusions bancaires, autrefois combattues, ont été facilitées par la loi GARN / ST.GERMAIN46 de 198247. Les privilèges des institutions d'épargne ont été abolis gra-

duellement entre 1980 et 1986, et les thrifts ont payé les mauvaises habitudes de ges-

Pour un exemple des spéculations auxquelles donnait lieu la décote des créances par rapport à leur valeur nominale, cf. LEWIS (1988), p. 1 24.

Plus qu'un type particulier de véhicule, le real estate mortgage investment conduit est un sta- tut fiscal accordé aussi bien à une société de capitaux qu'à une société de personnes ou à un trust pour peu que les conditions posées par la loi fiscale soient respectées. Ce statut entraîne la transparence fiscale du véhicule. Cf. 7.5.

Malgré quelques différences mineures, le finandal asset securitization investment trust est essentiellement un REMIC conçu pour la titrisation d'actifs non-hypothécaires. Ce statut per- met au véhicule d'échapper à l'imposition. Cf. 7.5.

Cf. BHATTACHARYA/ FABOZZI (1996), p. 4.

Cette structure rappelle curieusement celle du deuxième groupe financier helvétique, Crédit Suisse Group, qui rassemble dans une même holding la banque Crédit Suisse, la compagnie d'assuranœs Winterthur et la banque d'investissement Crédit Suisse First Boston.

Cette loi a été qualifiée par ses détracteurs d' "autorisation officielle de spéculation finan- cière généralisée". Cf. GADREY (2001), p.193.

Il y avait 14'285 banques commerciales en 1985 ; il en restait 8'548 en 1 999.

(27)

tion acquises pendant les années où ils bénéficiaient de toutes les attentions de l'Etat par une vague de faillites qui a considérablement diminué leur importance48. Les banques commerciales ont elles-mêmes subi une épuration sévère, avec l 691 failli- tes entre 1981 et 1999. Il est vrai que la nouvelle attitude des autorités de surveillance a permis à des sociétés financières non bancaires d'empiéter sur le champ d'action des banques commerciales49.

Une autre réforme fondamentale a été la loi RIEGLE / NEAL de 1994, qui a enfin autorisé l exercice de l activité bancaire hors de lEtat du siège social. On peut ainsi

dire que toutes les restrictions juridiques qui avaient entraîné la naissance de la titri- sation en 1970 ont disparu trente ans plus tard.

Il n en est que plus remarquable que la titrisation, elle, ait conservé toute l im- portance qu'elle avait acquise à la fin des années 1980. On estimait ainsi lencours au 1er semestre 2002 de titres adossés à des actifs émis aux Etats-Unis à 5'600 milliards de dollars, en comparaison avec un encours des obligations d entreprises

de 3'900 milliards de dollars ou une dette publique de 7'000 milliards de dollars50,

3.3 La réception de la titrisation dans d'autres pays de common law Il était naturel qu'après avoir triomphé aux Etats-Unis la titrisation se développât

dans les autres pays anglo-saxons51, de même langue et de même système juridique, et dont certains, comme le Royaume-Uni, avaient des législations extrêmement libérales en matière d'émission de papiers-valeurs.

La titrisation a d'abord pris pied en Australie dès 1984. On y retrouve presque

les mêmes caractéristiques qu'aux Etats-Unis : utilisation d'un trust comme véhi-

cule de titrisation ; grande variété des actifs titrisés, même si les hypothèques rési-

dentielles dominent ; attitude favorable des autorités, certaines provinces (notam- ment les Nouvelles-Galles du Sud) ayant décidé d'exempter ce type de transactions

Le nombre des Sai/f'ngs anc/loans a chuté de 4'347 en 1981 à 1'110 en 1999, et leurs actifs n'ont progressé que de 663 milliards de dollars en 1981 à 947 milliards en 1999, tandis que, dans la même période, les actifs des banques commerciales montaient de 1 '808 milliards à 4'705 milliards. Les pertes des caisses d'épargne sont estimées à 250 à 350 milliards de dot- lars pour la période 1985-1995. En revanche, les banques coopératives (448 en 1981, 462 en 1999 ; 175 milliards d'actifs en 1981, 270 en 1999) et les unions de crédit (2T119 en 1981, 10'841 en 1999 ; 75 milliards de dollars d'actifs en 1981, 407 milliards en 1999) ont mieux tiré leur épingle du jeu. Cf. LOVETT (2001), p. 240.

Cf. GADREY (2001), p. 191. En 2002, on estimait que moins du cinquième (19%) du crédit dispensé aux Etats-Unis provenait du système bancaire, le reste, soit 81%, provenant des sociétés financières non bancaires. Cf. BERTEZ Bruno, "Le danger vient des institutions non bancaires américaines", in L'Agefi, 24 juin 2002,p.37.

Cf. BENOIT-GODET Stéphane, "Les dérivés de crédit, la bombe qui menace les marchés finan- ciers ?" in ;-e Temps, 2 septembre 2002, p. 19.

Cf. MYERBERG(1997),p. 140.

(28)

du droit de timbre. Le pouvoir législatif fédéral a quant à lui révisé en 1992 sa loi

sur la protection des données (PrivacyAct) pour faciliter la mise en œuvre des titri- sations . La banque centrale australienne a publié des règles prudentielles en rap- port avec la titrisation en 1992 et 199653. Il y a eu un montant d'émissions de 10

milliards de dollars des Etats-Unis en 1999.

Au Canada54, la titrisation a commencé en 1987 par un programme de titrisa- tiens hypothécaires garanties par le gouvernement fédéral. Le système canadien s'é-

loigne peu du modèle de son voisin méridional. Le Canada n a pas jugé bon de légi-

férer en la matière. En effet, la common law n exigeant aucune notification au débiteur pour la cession des créances, la titrisation ne posait guère de problèmes que pour le transfert devant notaire de certaines créances hypothécaires au Québec (qui connaît, rappelons-le, un système juridique assez différent de celui du Canada anglais). On peut cependant signaler une directive du Bureau du Surintendant des

institutions financières du Canada de juillet 1994. Il y a eu au total pour 79 milliards de dollars des Etats-Unis d émissions au Canada de 1987 à 2000, dont 18 milliards pour la seule année 1999 et 13 milliards en 2000.

Les premières titrisations au Royaume-Uni ont eu lieu en 198755, essentielle- ment dans le but de favoriser l accession à la propriété du logement et en faisant, dans un premier temps, appel à l'expertise des banques d'investissement étasu-

niennes. En 1990, on avait déjà titrisé pour l'équivalent de 10 milliards de dollars

d'hypothèques à taux variable, ce qui représentait 1% de l'encours hypothécaire total56. Mais la crise des marchés boursiers britanniques dès 1987 permit un retour en force des puissantes caisses d'épargne-construction, les building societies57, bien

décidées à ne pas subir le même sort que les thrifts américains, en même temps que se multipliaient les défauts de paiement de la part des débiteurs hypothécaires et

que les autorités interprétaient les règles de Baie dans un sens assez défavorable à la titrisation. Le volume des émissions de MBS (titres adossés à des créances hypo-

thécaires) tomba de 4 milliards de dollars en 1989 à 500 millions en 1992.

Cependant, le temps ayant démontré la qualité des mécanismes de garantie des titres collatéralisés même en période de crise, la titrisation put très vite reprendre sa pro-

gression (total des émissions depuis 1987 : 20 milliards de dollars en 1994 et 52 milliards en 1996, avant d'atteindre les 44 milliards émis pour la seule année 2000).

Cf. WHITTAKER (1998), passim.

Cf. SHOWERING (1999), p. 149.

Cf. ASHBOURNE / FlNGERHUT / GLENNIE (1998), passim.

En fait, une première opération isolée avait eu lieu en 1985. Cf. FERRAN (1992), note 3 p.2.

Cf. FERRAN(1992),p.2.

Cependant, les caisses d'épargne-construction ne restèrent pas totalement à ('écart du déve- loppement de la titrisation. En juillet 1994, leur autorité de surveillance, la Building Societies Commission (BSC) promulgua une directive sur la question, suivie en décembre de la même année par la première opération de titrisation lancée par une building society. Cf. TAYLOR (1996), p. 30.

(29)

La Grande-Bretagne est le troisième marché mondial de la titrisation, très loin der- rière les Etats-Unis, mais près du Japon. Aucune législation particulière n'a été nécessaire pour y assurer le développement de la titrisation ; tout au plus peut-on

mentionner des directives de la Banque d'Angleterre (février 1989, avril 1992,

septembre 1995)58.

En Irlande, les incertitudes qui entouraient la titrisation ont été levées dès 1992

par une directive de la Banque centrale. Les premières opérations ont eu lieu en

1995, mais la petite taille du marché freine le développement de la titrisation59.

En Nouvelle-Zélande, le montant total des émissions dans le cadre de titrisa-

tions était estimé à l milliard de dollars fin 199760. Là encore, une législation par-

ticulière n'avait pas été nécessaire.

Le développement de la titrisation a été en revanche plus lent et plus contrasté dans le reste du monde, et en particulier dans les pays de droit romano-germanique, dont la Suisse.

3.4 La réception de la titrisation dans d'autres ordres juridiques

La titrisation se heurtait, dans les pays d'Europe continentale, à des obstacles d'or- dre économique, culturel et juridique.

Les obstacles économiques étaient nombreux, à commencer par le fait que la titrisation n apparaissait pas aussi utile que dans le contexte des Etats-Unis. L Eu- rope continentale ne connaissait pas la situation en fin de compte assez particulière et ponctuelle qui avait donné naissance à la titrisation aux Etats-Unis en 1970. Les caisses d épargne européennes n ont jamais été dans une situation aussi difficile que

celle des thrifts américains. Les banques n ont jamais eu de difficultés de refinance-

ment insupportables et avaient en général plus de fonds propres que leurs consœurs nord-améncaines. Le marché hypothécaire n a jamais présenté de déséquilibres aussi grands entre la demande de prêts et les capitaux à disposition. Dès lors, la titri- sation n'apparaissait pas en Europe continentale comme une nécessité vitale, mais comme un avantage éventuel, qui plus est parfois douteux en face des coûts énor- mes de chaque opération de titrisation.

58 Cf. TAYLOR (1996), p. 30.

59 Cf.TAYLOR(1996),p.60.

w Cf. MOUAT / PATTERSON (2000), p. 1 73.

(30)

Les banques, en particulier, étaient parfois dans l'impossibilité de titriser du fait d'une gestion des crédits très différente de celle adoptée par leurs homologues des

Etats-Unis. En effet, les banques européennes ont été longtemps réticentes à appli-

quer une notation à leurs débiteurs. Plutôt que de faire payer à chaque débiteur le

risque qu'il représentait effectivement pour son créancier, on répartissait en fait les risques d'une manière homogène, faisant ainsi payer les bons débiteurs pour les douteux. Il y avait un manque général de données sur la situation financière des débiteurs (il est vrai que les banques européennes avaient parfois tendance à faire confiance à la renommée de tel ou tel emprunteur plutôt qu'à analyser sa situation

réelle), ce qui était difficilement compatible avec la titrisation.

Ajoutons aussi qu'il était difficile de constituer des portefeuilles d'actifs aussi

importants et aussi homogènes que ceux qui faisaient l'objet des titrisations étasu- niennes, et que toute société européenne qui aurait commencé à titriser ses actifs aurait pris le risque d'une détérioration de son image de marque61 : la titrisation était trop peu connue et pouvait passer pour un moyen de se débarrasser à bon compte de créances douteuses . Il y avait un risque de confusion dans l'esprit du

public entre la titrisation et la défaisance ou délestage.

Ensuite venaient des obstacles culturels et juridiques. Dans plusieurs pays, il fal- lut une réforme législative pour inciter les initiateurs potentiels à entrer sur le mar- ché de la titrisation. Nous verrons que ce fut la solution adoptée en France, en Bel- gique et en Espagne, puis en Italie et au Portugal. Faute de loi sur la titrisation, d'autres pays connurent une certaine insécurité quant à la question même de savoir

si la titrisation était licite au regard de leur ordre juridique63. Ce fut par exemple le

cas en Allemagne jusqu'en 1997 et en Suisse jusqu'en 1998.

Dans certains pays, le droit des obligations pouvait constituer un frein majeur

à la titrisation en rendant la notification aux débiteurs obligatoire dans le cadre

d'une cession de créances.

Le développement de la titrisation dans un pays donné pouvait entièrement dépendre de l'attitude plus ou moins bienveillante des autorités de surveillance.

Les normes comptables ne permettaient pas toujours la sortie des créances titri- sées du bilan de l'initiateur.

En l'absence de législation pertinente, la titrisation pouvait se heurter à des obs-

tacles fiscaux. En Suisse, le principal obstacle était Fimpôt anticipé.

"Wer Forderungen verkauft, der hat irgendwelche Problème!" Cité in BAR (2000), p. 410.

Les banques américaines elles-mêmes auraient ainsi perçu les titrisations de créances déte- nues par des banques de la République populaire de Chine... Source : entretien personnel en janvier 2001 avec M. JULIAN DWEK, MBA (MIT), ancien cadre de la banque d'investissement J.

P. Morgan à New York.

Cette insécurité juridique persistante serait une des causes de l'absence de titrisation dans les pays d'Europe centrale et orientale, exception faite de la Slovénie. Cf. BAR (2000), p. 408, note 30, et CARRIER (2000), p. 203. Il faut cependant signaler que la Lettonie a adopté le 29 septembre 1998 une loi sur la titrisation.

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